ce fdp de FdB m'a retourné le cerveau

9. Ce fdp de FdB m'a retourné le cerveau
(by Kiwi)

Mes faux membres, c'est la pointe de la technologie. Parfaitement étanches. S'ils étaient un peu plus légers je pourrais nager avec. Du coup, je n'ai aucune excuse pour échapper à la corvée vaisselle.

Fraise des Bois était parti il y a quelques temps, et j'étais en train de rincer les assiettes. Quel drôle de mec. Son délire avec les plans cul me restait dans la tête. Je ne comprends pas pourquoi il est si fier de ça, pourquoi il n'essaie pas de construire quelque chose de solide avec son Driss plutôt que de s'emmerder toute la journée, de m'appeler en pleurnichant et de poster des citations un peu niaises sur son profil. D'autant que son ami lui avait offert une boucle d'oreille qui avait l'air précieuse. Drôle de façon de mener sa vie. Il a surement peur de s'engager, FdB est un peu gamin. Il m'avait fait peur, quand après m'avoir enlevé mon T-shirt il s'était mis à me fixer. Je sais qu'un corps sans bras, ça peut impressionner. Je sais aussi que je lui plais. Grenade n'arrêtait pas de me le dire, avant je pensais qu'il se faisait des idées, qu'il était peut-être un peu jaloux (ça fait pas de mal de rêver), mais maintenant j'étais obligé de l'admettre, FdB n'essayait même pas de le cacher. Cela dit, à mesure que la soirée avançait il s'était fait de moins en moins forceur, de plus en plus naturel. J'espère que j'avais réussi à lui faire comprendre que je n'étais pas libre, parce qu'en toute honnêteté, il me plaît aussi, amicalement parlant. Il est attachant et marrant. Moins con qu'il veut le faire croire, aussi, et il vit sa vie sans prise de tête, sans se poser trop de question, sans obsession. Tout le contraire de...

J'ai senti Grenade contre mon dos. Il a passé ses bras autour de moi et m’a serré fort. J'ai continué la vaisselle comme si de rien n'était. Si par miracle il tombe amoureux de toi, je vous soutiendrais. J'avais entendu. L'effort que je déploie pour ne pas y penser est colossal, vraiment. Mais je tiens bon. J’envoie ça loin dans une partie de mon cerveau à laquelle je n'ai pas accès, je suis doué pour faire ça.  Le masque à gaz de Grenade était contre ma joue, ses mains sous mon T-shirt. Après la vaisselle, on devait parler du camion qu'on s’était procuré pour notre prochaine opération, il fallait qu’on aménage l’intérieur en un genre de nursery d’urgence. Puis on regarderait une série et on irait se coucher. Mais Grenade avait d'autres idées. Je me suis appuyé contre lui et je l'ai laissé me bercer. Ses mains ont trouvé les ports. Je suis resté immobile pendant qu'il m'enlevait mes bras. C'est rare que je les garde quand on le fait, et je dois avouer que j'aime bien ça. Je ne peux pas bouger, je suis obligé de me laisser manipuler comme si j'étais un jouet en plastoc, et je kiffe. Alors que tout le reste du temps c'est ma hantise.

- Viens dans ta chambre, m'a-t-il murmuré.

Je l'ai suivi. C'est toujours dans ma chambre, jamais dans la sienne. Un jour j'ai compris pourquoi : après l'amour, je m'installe dans ses bras, et je ne veux plus en bouger de la nuit. Alors que lui, il se barre direct. J'imagine que c'est plus facile pour lui de partir que de me virer de sa chambre. Comme quoi il est attentionné.

Quand j'ai compris ça, j'ai essayé d'être moins pot de colle, s'il n'aime plus qu’on reste ensemble après, qu'est-ce que je peux faire ? Et aujourd'hui, comme toujours, quand il m'a gentiment poussé, je me suis décalé sans m'accrocher. Quand il s'est levé pour partir, je ne l'ai pas retenu. Mais quand il a passé la porte, mon Dieu, je ne sais pas ce qui m'est passé dans le crâne, j'ai éclaté en sanglots comme une merde. Il s'est retourné, j'imagine qu'il était surpris.

- Aaah, pardon ! Je sais pas ce qui me prend hahaha*sangots* haha...

FdB m'avait dit que si je voulais que ma relation avec Grenade soit saine, il ne fallait pas que je sois amoureux de lui. Bon, c'est trop tard depuis 20 ans, mais je pouvais rattraper les dégâts en faisant en sorte de garder ça pour moi, de ne pas avoir le comportement de quelqu'un d'amoureux. Je n'avais pas spécialement envie qu'on soit plan cul, Grenade et moi, mais vu la relation pourrie qu'on avait ce serait peut-être mieux. FdB avait l'air plutôt heureux en amour. Donc, il ne fallait pas que je le prenne mal si Grenade s'était encore une fois barré en me voyant pleurer. Qui voudrait d'un plan cul qu'il faut consoler tout le temps ? Il faut que je voie le bon côté des choses : maintenant qu'il est parti je peux m'effondrer sans dignité. Ce que j'ai fait. Je me suis rallongé sur le matelas et je me suis laissé chialer, ça faisait péniblement du bien. Je savais que Grenade allait revenir, il était obligé ne serait-ce que pour me remettre un bras. Il attendrait sûrement que je me sois calmé, ce qui voulait dire que j'avais tout mon temps. Je vous soutiendrais. C'est vraiment ce qu'il veut ? Je suis quoi pour lui exactement ?

A ma grande surprise, il est réapparu. Si tôt ? Il n'avait pas vu que je n'étais pas encore calmé ? Il tenait mon bras et une tasse fumante. J'ai pas pu m'empêcher de sourire. C'est Grenade. Tous ces trucs du passé qu'il garde dans son quotidien, des miettes pour les oiseaux, la peau des agrumes sur les radiateurs, une infusion pour le réconfort. Il s'est assis près de moi, a posé la tasse sur ma table de chevet et m'a refixé mon bras. J'essayais de me calmer en 4eme vitesse c'était pas simple, purée je suis nul.

- Arrête de pleurer, Liam, je suis là.

Il m'a pris dans ses bras. Je me suis accroché à lui avec le mien qu'il venait de me remettre. Je savais qu'il ne me demanderait pas ce qui n'allait pas, parce qu'il n'avait pas envie de savoir. Ou peut-être parce qu'il le savait déjà. J'ai quand même bredouillé un minable :

- Je veux pas être ton plan cul.

Il n'a d'abord pas réagi, puis il a eu un espèce de rire :

- C'est Fraise des Bois qui t'as fourré ça dans le crâne ? Ce mec est un queutard. Il a sa vision des choses, qui n'a rien à voir avec nous. On n'est pas des vulgaires plans cul, Kiwi.

- On n'est pas en couple non plus.

Comme tu l'as si clairement affirmé devant FdB.

- Non. On n'est pas en couple non plus. C'est autre chose : on est liés.

Ce baratin. Le pire c'est que ça marche, je suis le seul débile de l'univers qui croie encore au destin, et Grenade le sait, alors peut-être qu'il me sort des trucs pareils juste parce qu'il sait que ça va me faire tout accepter. Et j'accepte. On est liés, putain.

J'ai regardé mon nom sur son torse. Il m'avait dit qu'il ne s'était pas fait tatouer par amour mais parce que j'avais marqué sa vie. Un souvenir de la personne que j'étais avant, alors que la personne que je suis aujourd'hui est là et vivante devant lui. L'un de nous deux aurait pu mourir, l’un de nous aurait pu perdre l’autre, il n'y pense jamais ? Grenade, si on est liés, est-ce que ça te rend heureux ? Ou est-ce que tu préfèrerais être libre ? C'est pour ça que tu essaies de me refiler à FdB ? Il y a ces questions que j'ai passé ces 10 dernières années à ne pas me poser, à tenir loin de moi : Qu'est-ce qui te fait rester avec moi ? Parce que je suis handicapé ? Parce que tu te sens coupable ? Redevable ? Est-ce que, espèce de dégénéré, tu penses que je t'en veux ? Ou est-ce que tu m'en veux ? Est-ce que tu t'imposes ma présence comme une sorte de punition ? Si c'est le cas, c'est nul, parce que, et ben, je suis pas une punition. Je suis un être humain malgré mon haut pourcentage de plastique.

J'aurais bien aimé lui dire tout ça, avoir des réponses, comprendre. Savoir ce qu'il voulait dire par son je vous soutiendrais. Mais j'avais trop peur de demander.

- Désolé, ai-je dit à la place. Je suis con.

Je demanderai plutôt à Champignon, il sait tout. A chaque fois que je l'ai sur le chat je fini par lui parler de mon incompréhension face à Grenade. Champignon est persuadé que Grenade m'aime, et que s'il agit froidement c'est par pudeur. C'est mignon, non ? Que ce soit vrai ou du total bullshit, ça me fait toujours du bien de l'entendre.

Je me suis sorti de l'étreinte de Grenade en m'essuyant les yeux et le nez. Je pleurais plus. Grenade a attrapé l'infusion sur la table de chevet et me l'a mise dans la main. J'ai bu une gorgée. C'est vrai que ça réconforte.

- T'as mis du miel. T'aurais pas dû idiot, ça coûte une fortune.

Il m'a remis une mèche de cheveux derrière l'oreille sans répondre. Mon cœur s'est mis à battre. L'espace d'une seconde j'y ai cru de nouveau. Est-ce qu'il serait revenu me consoler si je n'étais qu'un plan cul ? Est-ce qu'il m'aurait apporté une infusion avec du miel dedans et m'aurais tenu dans ses bras ? Je lui ai souri. J'ai eu envie de lui dire qu'il était extraordinaire. Que j'avais tellement de chance qu'on se soit rencontré. Mais c'est lui qui a repris la parole en premier. Il m'a dit :

- On ne devrait peut-être plus coucher ensemble.

Ma fausse main s'est mise à trembler. L'autre dans la cuisine devait trembler aussi, on l'a entendu taper contre le carrelage du plan de travail. J'ai essayé d'en rire :

- C'est pas ce que je voulais dire.

- Je sais.

Alors il était sérieux. Entre se mettre en couple et tout arrêter, voilà ce qu'il préférait. J'ai dit, en essayant d'être sage et adulte, de ne pas perdre la face, de ne pas m'effondrer :

- On fait comme tu veux, Grenade. Je peux pas te forcer.

Il a hoché la tête, m'a mis une main sur l'épaule. Je ne sais vraiment plus quoi penser. J'aurais dû me taire, encore. J'ai gâché le peu qu'on avait, avec mes revendications.

- Je te laisse dormir, okay ? On s'occupera du camion demain.

- D'acc, ai-je répondu comme un robot. Bonne nuit.

Il m'a encore serré brièvement contre lui, puis il est parti. J'ai essayé de me consoler en pensant qui si ça se trouve, il pleurait aussi sous son masque. Qui sait. Puis j'ai essayé de penser à autre chose, à tout sauf à ça, à tout sauf aux moments où j'avais merdé. J'ai allumé mon terminal. Champi, sois là s'il te plait.