Bonne année!

Avant même d’ouvrir les yeux, je savais que cette première journée de l’année s’annonçait bien pourrie. Quand cela commence avec une migraine puissance dix, genre foule de marteaux-piqueurs enragée, on sait que cela va être difficile d'y survivre. Vous savez, cette migraine, oui celle-là même qui vous fait payer ce petit réveillon bien arrosé entre copains ! Rhhaaa, je suis sûre que c’était le champagne, il était trop vert ! Ou peut-être était-ce le rhum…ça ne me réussit pas, le rhum. Dans tous les cas, une chose était sûre, il allait me falloir d’urgence un fourgon de Doliprane pour survivre à cette journée et à la traditionnelle tournée des bises aux grands-tantes qui piquent et aux tontons gâteux, sans quoi, je finirais en PLS sur le premier canapé croisé! Si j’avais su ! J’étais loin, mais bien loin du compte…c’était pire que ça.

Bref, en parlant de canapé, je rassemblai mes forces et me levai de celui de Jean-Phi dans lequel je m’étais lamentablement vautrée vers 5h du mat’. Première étape : retrouver mon sac et mes clés de bagnole. Je partis donc en exploration dans l’appartement encore tout endormi. J’enjambai Chloé qui n’avait pas atteint la chambre et qui s’était couchée au petit matin sur le tapis du salon puis me dirigeai à pas de loup vers l’entrée. Il me semblait l’avoir laissé par là…bingo ! Avant de partir, je me dis qu’un petit passage par la salle de bain et la recherche active de paracétamol étaient de première nécessité.  Encore dans le coltar, je me pris les pieds dans le grand tapis de l’entrée haussmannienne. Un juron au bord des lèvres se transforma en un « sparlipopette de tapis » en sortie… heuu... ??? what ???  Que se passait-il bor…bon sang de bonsoir ? Mais flûte…put..punaise ! Arghhh mais…? Où était passé mon vocabulaire fleuri ? Ma ponctuation du sud ? Restés en 2019 ? Rien à faire, mon cerveau liquide ne voulait absolument rien savoir et aucun mot inapproprié ne daignait pointer le bout de son nez. Pourtant j’en connaissais un paquet et j’aimais les sortir en toutes occasions…Il allait vraiment falloir que je dorme et finisse de décuver. 

Après un bref passage par la salle de bain j’osai jeter un coup d’œil dans le miroir. Et zut…j’avais plusieurs mèches violettes dans les cheveux. Je ne me rappelais pas à quel moment de la soirée j’avais pu faire ça. C’est encore Caro qui avait dû venir avec son kit spécial fête. Je devais sacrément être touchée pour ne pas me rappeler ma séance relooking qui me donnait l’air d’une ado en fac d’arts plastiques. Il faudrait certainement faire plusieurs shampoings avant que tout parte… 

Je terminais ma remise sur pied par une perquisition d’antalgique dans l’armoire à pharmacie et sortis de l’appart en dévalant les escaliers pour me retrouver quelques instants plus tard dans la rue. L’air vivifiant me permis de retrouver un peu mes esprits.  Je me mis à chercher ma voiture du regard. Je l’avais pourtant garée devant l’immeuble hier soir, jubilant à l’idée d’avoir trouvé the perfect place…Je m’avançai vers l’emplacement sur lequel était ma voiture et y découvris un vélo avec une petite enveloppe accrochée au guidon avec mon nom écrit dessus. Mer…mercredi, si c’était une blague des potes, elle n’était vraiment pas drôle. Ils l’avaient fout…fichu où ma caisse ? Rahhhhh et même là je  n’arrivais pas à jurer comme je le souhaitais! Je ressemblais à une ado rebelle avec le vocabulaire d’une Marie-Chantal ! Cela eut le mérite de me mettre immédiatement les nerfs en pelote ! Commençant à fulminer sérieusement, j’attrapai l’enveloppe, l’ouvris et commençai à lire le petit mot se trouvant à l’intérieur :

Pour t’aider dans tes résolutions : « agir pour la planète et se mettre au sport ».

C’était quoi ce délire ?!

— Où est passée ma voiture punaise de bon sang de bonsoir ? dis-je à voix haute pour moi-même.

— Nous te l’avons remplacée par un véhicule plus écologique et soucieux de la planète! dit une grosse voix chaleureuse dans mon dos. Je me retournai, interloquée. Qui était ce gros bonhomme moustachu tout de blanc vêtu qui ressemblait à un page ? Il était absolument ridicule et ressemblait à une énorme meringue !

— Mais vous êtes qui ? Et qu’avez-vous fait de ma voiture ? dis-je sur un ton agacé. C’est encore une mauvaise blague de Jean-Phi, c’est ça ? Il va trop loin cette fois !

— Calmez-vous, calmez-vous dit le gros Monsieur d’un air satisfait. Je suis Carlus Applicus aide et assistant de la fée Tarde. Tout d’abord, mes meilleurs vœux, chère amie ! D’ailleurs, pour cette nouvelle année, nous avons décidé de vous donner un petit coup de pouce en vous aidant dans vos bonnes résolutions ! débita-t-il d’un air ravi. A chaque parole, on aurait dit que les boutons de son gilet blanc étaient prêts à exploser.

— Mais c’est quoi cette histoire ? dis-je encore plus en colère à l’hurluberlu.

— Eh bien chaque année, avec notre sérénissime fée nous aidons quelques-uns de nos concitoyens à mettre concrètement en application leurs bonnes résolutions. Le 31, Notre Altesse tend l’oreille et d’un coup de baguette magique, exécute sur les douze coups de minuit toutes, je dis bien toutes les résolutions clairement exprimées. Cette année c’est tombé sur vous ! Et vous en aviez un paquet ! poursuivit la meringue sur son ton jovial.

Interloquée, je restai sans voix.

— Je cite: « Arrêter avec ces foutus jurons », « faire plus de sport…enfin m’y mettre plutôt », « protéger la planète », «faire des trucs de djeun’s »,  «manger plus sain », «maigrir de la partie postérieure », « être zéro déchet », « sauter en parachute » - ça c’est prévu pour tout à l’heure - …et la liste est longue. Vous étiez très inspirée hier soir !
Le vélo permet donc de répondre à plusieurs résolutions à la fois et nous avons pensé avec notre bonne Fée que ce serait une bonne idée écologique, sportive et permettant de travailler vos parties basses!

— Mais vous êtes complètement fou !

— Mais non mais non ! dit-il sans se départir de sa bonne humeur. Vous verrez ! Tous vos vœux ont été exaucés !

Et il disparut sans crier gare, en un « plop » retentissant, laissant à sa place un nuage de paillettes sur le trottoir.

Je restais là, interdite. J’avais vraiment abusé hier… Il fallait d’urgence que je me recouche…Cette journée avait affreusement mal commencé.

Mais avant ça, il me fallait une clope et un café bien serré. Je traversai la rue en courant pour me rendre au tabac/PMU du coin qui par chance était ouvert !

— Bonjour et meilleurs vœux, lançai-je rapidement en rentrant.

— ‘jour. Qu’est-ce qu’il vous faut ? me répondit la patronne de sa voix rocailleuse.

— un paquet de Lucky et un café bien serré, s’il vous plait.

— Alors pour le café c’est bon, mais je ne vais pas pouvoir vous vendre les clopes, ma p’tite dame.

— Mais pourquoi ?

— Ben vous êtes inscrite sur deux listes d’interdiction de vente. Et là moi je n'peux rien faire pour vous!

— Mais quelle liste ?

— Eh bien je vois...« résolution arrêt du tabac » et...ah oui c'est là: a choisi le mode de vie « zéro déchet ». Faut assumer maintenant. Non vraiment désolée, je ne peux pas vous vendre de cigarettes. Fallait réfléchir avant de parler, que voulez-vous que je vous dise !

Alors là j’accusais sérieusement le coup ! Un vrai cauchemar… Toutes mes résolutions ne pouvaient pas avoir été réalisées ?!

Je devais rêver. Ou halluciner… J’étais certainement encore complètement ivre. Il me fallait d’urgence un truc fort. Soigner le mal par le mal.

— Ok je dois délirer, donnez-moi un truc fort avec le café. Une téquila paf, s’il vous plait !

— Ah non ma bonne dame, pas possible.

— Vous n’en avez pas ? C’est pas grave, filez-moi un whisky !

— Ben non, c’est juste que vous êtes inscrite sur la liste d’interdiction de vente d’alcool avec comme précision « dernière bonne résolution de l’année ».

Quoi ? Mais quand avais-je pris cette « bonne » résolution ? À quel moment avais-je osé dire « plus jamais je ne boirai » ?

Et là un flash me revint à l’esprit : je revoyais cette scène honteusement occultée : moi, en train de parler à la grande déesse Cuvette et lui promettre entre deux offrandes que ma vraie bonne résolution cette année serait de ne plus toucher une goutte d’alcool !

Je m’assis complètement dépitée à une table…Argggghhhhh 2020 allait vraiment être une année très longue….