Bienvenue à Halloween - Danny Elfman (The Nightmare Before Christmas)

Par Pouiny
Notes de l’auteur : https://youtu.be/HwVX9GwW5fw

J’avais 7 ans. Pour cette soirée d’octobre, mon grand frère, ma grande sœur et moi-même étions seuls à la maison. Cela nous arrivait souvent, nos parents nous faisaient depuis assez longtemps confiance pour nous laisser à nous-mêmes quand ils partaient en dîner, pour des concerts ou des repas d’amis. Tous les trois ensemble, nous n’avions pas peur ; chacun assumait la responsabilité de surveiller les autres. Nous nous mettions alors devant la télé, choisissant un de tous les DVD et cassettes collectionnés et rangés dans la grande bibliothèque.

 

Nous étions des enfants de professeurs : nous avions l’intégrale des « C’est pas Sorcier », et cela ne nous gênait pas de nous faire des soirées entières de l’émission de Jamy, appréciant particulièrement les touches d’humour entrelaçant les informations qui éveillaient notre curiosité insatiable. Mais ce soir-là, nos montagnes des Cévennes rembrunies par l’automne subissaient les épisodes de pluies et d’orage qui les caractérisaient. Les gouttes s’écrasaient sur les tuiles rouges de notre grande maison posée sur un flanc de colline, et la lumière aveuglante des éclairs se reflétait de la fenêtre sur l’écran de notre téléviseur éteint.

 

J’étais un enfant du coin : je connaissais les tempêtes, les inondations et les coupures de courant qui pouvaient nous laisser à la lueur des bougies des heures durant. Mais à ce jeune âge, je ne pouvais pas encore me fixer de si j’étais fasciné ou si j’avais peur de ce phénomène impressionnant qui pouvait nous priver d’école le lendemain et qui faisait traverser la rivière au-dessus des ponts. Ainsi, pour une soirée où nous étions seuls et où l’orage se faisait entendre en résonnant dans les murs, c’était compréhensible ; j’avais envie de pleurer d’angoisse. Pour me consoler, ma grande sœur sortit une cassette usée et mon grand frère la plaça dans le lecteur. Ils avaient choisi mon film préféré, et pas des moindres. Très rapidement, Bienvenue à Halloween, de L’étrange Noël de Mr Jack passait au-dessus des éclairs, dans cette petite pièce où trônait la télé cathodique.

 

L’étrange Noël de Mr Jack était une œuvre que nous affectionnons tous les trois. Nous adorions Halloween, autrefois largement fêté par les parents du village qui organisaient déguisements et porte-à-porte, comme une sorte d’anti-carnaval. L’esthétique du film donc nous parlait, son animation, mais aussi et surtout sa musique, que nous réclamions sans cesse à nos grands-parents qui avaient dû en acheter le CD. Mais dans mon affection, j’étais un cran plus haut que mon frère et ma sœur. Jack Skellington, tout particulièrement, était au centre de ma passion. J’aimais le personnage, son caractère, sa façon de se mouvoir, et surtout sa voix française, interprétée par Olivier Constantin, qui me fascinait au-delà du raisonnable. J’essayais de bouger comme lui, de parler comme lui, de chanter comme lui, et surtout je disais à qui voulait l’entendre que plus tard, je me marierais avec ce squelette-citrouille. Ainsi, mon frère et ma sœur firent le bon choix en démarrant ce film. Même si tout était fait pour, rien ne m’y faisait peur, pas même les monstres affirmant se cacher dans le noir et sous le lit.

 

Les éclairs, les microcoupures et la tempête de pluie torrentielle sur les carreaux de la fenêtre faisaient désormais part intégrante du film. Tout n’était plus qu’un jeu de son et de lumière : même si tout semblait affolant, tout était maladroitement bienveillant. Parfois, le bruit de l’orage surpassait le volume des enceintes. Mais cela nous faisait rire. Regarder ce film, dans ces conditions, était une véritable expérience de courage d’enfant qui faisait battre notre cœur, entre l’excitation et l’angoisse. Nous chantions les paroles que l’on connaissait, essayant d’imiter les timbres riches et étranges que l’on entendait. « C’est ça Halloween, tout le monde a mauvaise mine! Cest normal, cest pour terroriser les fripouilles! » Même avec de l’eau coulant sur notre mur, manquant de mouiller le canapé, le film ne s’arrêta pas. Mon frère alla chercher une bassine, alors qu’apparaissait dans un tonnerre de chœur le personnage squelettique et charismatique, immense dans l’obscurité. Une pensée de fin du monde me traversa l’esprit, et en un regard avec ma sœur, nous fûmes d’accord ; L’étrange Noël de Mr Jack était le meilleur dernier film à voir avant le déluge.

 

Les musiques de ce film sont déjà exceptionnelles, l’orchestration de Danny Elfman jouant sur le détail des timbres des instruments à vent, se mélangeant avec les voix des acteurs. Mais ce visionnage en pleine tempête les cristallisa à jamais comme un réconfort en cas d’angoisse, tant et si bien que regarder ce film ou en écouter ses chansons durant les soirées et les nuits d’orage devint une institution dans ma maison, même quand une fois grands, les épisodes cévenols étaient moins terrifiants que magnifique dans leur puissance dévastatrice.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez