Annexe VI

Tapuscrit des enregistrements du Dr Gédéon Walsh

Journal du Dr Walsh. 22h57. 13 février 2020.

Les gus pour qui je travaille sont complètement marbrés. Ils m’assurent être parvenus à ressusciter quelques individus de dinosaures à partir de momies exhumées de leurs tombeaux de tourbe. Comment en douter ? Le sang ne peut pas mentir... Les échantillons qu’ils m’ont envoyés proviennent d’authentiques spécimens ! Mon interlocuteur m’a confirmé la mutation artificielle du gène qui modère la croissance. Il n’a pas caché son agacement face à ma prise d’initiative et m’a conseillé de modérer mes ardeurs... De mon côté, j’ai du mal à saisir l’intérêt de me soumettre des informations aussi cruciales au compte-gouttes alors... J’ai continué à chercher qui sont vraiment ces bestioles. D’abord, ils possèdent une bonne dose d’ADN de volatile. Pas n’importe lesquels : celui d’autruche et d’oie. J’ai vite compris pourquoi les mikrosaures partagent le patrimoine génétique des autruches. L’autruche est le seul oiseau encore en vie capable de pondre des œufs assez volumineux pour permettre la gestation d’un dinosaure, même miniature. Concernant l’ADN d’oie, Herbert ne m’aide pas à creuser la question. Un jour de folie douce, ce gros nigaud a déchiqueté quelques pages de mon unique manuel d’ornithologie. Ce serait tellement plus simple de réaliser sur Internet… Si la maison en était équipée. Vivre au vert et caché impliquait quelques concessions. 

Donc, si je résume, mes recherches doivent servir leur projet de commercialiser un tout nouveau genre d’animaux de compagnie : des dinosaures miniatures. Le gouvernement a autorisé leur mise sur le marché à la condition que mes patrons apportent des garanties. La première : aucun dinosaure ne doit pouvoir se retourner contre son maître ou montrer de l’agressivité à l’égard d’un homme. La seconde : aucun maître ne doit pouvoir utiliser son mikrosaure à des fins illégales. Mon outil de diagnostic doit les aider à sélectionner les gamins qui aspirent à posséder un spécimen. Seuls les enfants les plus équilibrés seront sélectionnés. Nous voilà dans l’aire de la méritocratie génétique dans laquelle la science coupe court à tout débat sur la nature perfectible de l’Homme... 

Concernant les bestiaux, on me demande juste d’analyser leur tempérament comme je l’ai fait pour les profils humains. Je ne vais pas avoir besoin de sélectionner biologiquement les Mikrosaures ; comme je l’ai dit, ils ont été conçus pour être dociles. Mon travail à moi consiste à faire concorder les profils des enfants et des spécimens disponibles. Mon outil devra prédire les duos Maître/mikrosaure les plus complémentaires. À quel point la complémentarité dépend de la ressemblance ? Quel est le pourcentage de différence acceptable pour qu’un duo soit proactif ? Est-ce que tous ces calculs seront suffisants pour éviter tout débordement ?

Fin de l’enregistrement.