Acte II - Changement

Les jours qui se succédaient se ressemblaient tous.

Perchée tout en haut d'un cumulus formidablement rembourré, Scintillam ronflait. Le bruit atroce de ses ronflements faisait fuir les oiseaux, si bien que dans le ciel, aucune forme plumeuse ne se découpait. Le soleil levant reflétait une lueur rougeâtre sur le dômes du bâtiment, ainsi que sur ses parois montagneuses. La brume avait beau s'épaissir, l'ombre de Scintillam demeurait très voyante et imposante parmi la densité des dentelles célestes. Un morceau de nuage s'était coincé dans la girouette de la demeure et ainsi coiffé, le clocher ressemblait à de la barba-papa.

Mais Annie n'était pas là pour admirer cette curieuse œuvre. Depuis une semaine, elle avait la formelle interdiction de s'approcher des fenêtres. Elle passait donc le clair de ses journées dans la bibliothèque, à errer entre les rayonnages poussiéreux, à nager dans des aventures épiques confortablement vissée dans un fauteuil au coin du feu.

Mais elle épluchait également des manuscrits historiques, scientifiques, et des documentaires. Plus elle lisait ce genre d'histoires, plus elle se disait que jamais elle ne laisserait quiconque faire du mal au Monde des Nuages, même sa propre respiration. Sa soif de savoir, le bruit continuel de son souffle, et son impuissance face aux rubriques apocalyptiques des journaux l'angoissait tant qu'elle engloutissait une centaine de pages par heure, sans soulager sa faim. Sa nervosité était telle qu'elle ne pouvait en mesurer les proportions. Depuis ces quelques jours, son teint ne semblait pas blême, mais d'une translucidité absolue. Elle oubliait de se nourrir, de dormir et même de se laver. Elle avait l'impression de se faire escortée par tout les soucis de l'univers. Son nez se faisait fatigué à force de déraper sur les œuvres les plus ennuyeuses qu'il soit et de ne sentir que l'odeur du papier parcheminé.

Mais ce soir-là, Annie avait enfin trouvé quelque chose qui pourrait s'avérer intéressant. Ignorant les tremblements de ses mains, elle descendit de l'escabeau accoudé à la bibliothèque et relut le titre de cet ultime océan de pages : Les Quatre Ressources, édition Papillon Noir. Le livre n'était guère épais, mais c'était trop peu pour décourager la jeune fille dont les recherches avaient étés vaines jusqu'alors.

Elle s'enfonça dans le fauteuil le plus proche et manipula le manuscrit avec soin. Sa couverture était de cuir argenté, tandis que sa reliure se tissait dans du véritable fer. Avec un léger froncement de sourcil, Annie commença sa lecture :

 

Introduction : Les quatre ressources sont connues sous les noms de la Spirale, l’Illusionnisme, la Sorcellerie et bien sûr, la Magie. Ces quatre sœurs possèdent des capacités bien différentes, et pourtant très semblables dans le sens général. La Magie englobe toutes les talents des autres ce qui fait d'elle la plus utilisée, la plus intéressante et la plus puissante des ressources.

 

La Spirale est essentiellement utilisée dans les plantations. C'est grâce à cette ressource que des arbres, feuilles, sable et eau sont présents dans le territoire Nuageux. Sans cet « engrais », la nature périt, ce qui fait d'elle un élément primordial pour la préservation du Monde des Nuages. En outre, la Spirale ne peut pas être utilisée pour « cracher son onde », en d'autres termes, se défendre. Cela fait d'elle une ressource qu'on pourrait qualifier d' « à usage unique » En revanche, son net manque de puissance la rend vraiment peu contraignante, très pratique. Encore aujourd'hui, on l'exploite dans les élevages. Même certaines races de licornes parviennent à se reproduire dans un lieu pleinement « spiralique ».

 

L'Illusionnisme est une ressource principalement utilisée dans le domaine de l'apparence. C'est ce qu'on pourrait appeler un « mécanisme à trompe-l’œil ». Ce sont dans un sens général les tailleurs, couturiers et autres artistes qui en tirent profit, quand ils n'ont pas les moyens ni le talent d'invoquer la Magie. Les élaborations et agencements des vêtements qui peuvent parfois paraître extraordinaires sont en réalité le travail de l'Illusionnisme. Des papillons s'envolent continuellement de votre broderie ? Œuvre de l'Illusionnisme. On croit que vos yeux sont bleus alors qu'ils sont à l'origine d'un banal doré ? Œuvre de l'Illusionnisme. Des étoiles tombent du ciel ? Œuvre de l'Illusionnisme.

L'Illusionnisme peut servir à « cracher son onde », mais n'est guère efficace. Cette ressource devient de plus en plus rare à notre époque.

 

Annie esquissa le semblant d'un sourire. C'était avec l'illusionnisme que les passagers de Scintillam allaient pouvoir la déguiser. La magie serait inefficace comme trompe-l’œil car à force de respirer, Annie se dépouillerait inconsciemment du sortilège. Elle plongerait ce soir même dans le bain d'illusion et rien qu'à cette pensée, elle se sentit tomber du fauteuil.

Lorsqu'elle aura revêtu les traits d'Amaya, Varid, actuellement sorti, reviendra leur annoncer si oui ou non a-t-il pu récupérer une audience avec Pollux. L'organisation des passagers de Scintillam était irréprochable, ce qui la mettait quelque peu mal-à-l'aise.

Mais ce fut le prochain paragraphe du livre qui lui mit définitivement le cœur au bord des lèvres :

 

La Sorcellerie, autrement connue sous le nom de « magie noire » est essentiellement utilisée dans les Portes de l'Est, en Tartare, en Zauberer et en Avekêmajo. Cette ressource porte pourtant mal son surnom. Tandis que la Magie peut également agir de point de vue physique, la Sorcellerie n'a des effets que psychologiques. En effet, elle est principalement exploitée à mauvais escient, pour manipuler les gens par exemple. Ce fut en grande partie les gens malsains qui l'ont consumé, mais de très grands magiciens tel qu'Orion ont toujours éprouvé une singulière fascination en son égard. D'après Orion, elle dispose donc de bénéfices persuasifs et de capacités proches de l'hypnotise. Elle peut également agir comme une drogue, et réussit à provoquer à ses victimes des torrents d'émotion des plus extraordinaires. La Sorcellerie a été prohibée par Aurore lors de l'an cinq cent.

 

La Magie, ressource la plus répandue du Monde des Nuages, est de loin plus puissante et plus efficace que ses sœurs. Mais elle reste toutefois d'une folle complexité. On ne peut aujourd'hui encore mesurer les proportions de son intensité. C'est elle qui notamment nous a permis de créer des îles flottantes, sans quoi le Monde des Nuages ne serait pas doué de vie. C'est elle qui a rendu des œuvres, architecturales par exemple, pleinement vivantes. Et comment cela ? Personne ne le sait vraiment, pas même Hippolyte, prestigieux scientifique de son temps. De nombreuses expériences sont encore menées actuellement. Nous sommes prêts à tout pour étudier en profondeur cette énigmatique Magie, et les incommensurables facilités qu'elle nous laisse depuis plus de dix milliards d'années.

 

 -  Euh... Annie ? Le bain d'illusion est prêt.

La jeune fille referma songeusement le manuscrit et fixa Xia dans le fond des prunelles. Elle se tenait dans l'encadrement de la porte, jouant avec les perles de son décolleté. Comme à son accoutumée, elle arborait un sourire enjoué, mais ces derniers temps, Annie le trouvait un peu fêlé.

L'humaine se força à reproduire cette convulsion du mieux qu'elle le pouvait. Elle avait l'impression de posséder des mâchoires courbaturées.

 -  Accorde-moi une minute, Xia.

La Wolkenaise dodelina de la tête, ce qui fit chanter ses breloques toujours plus foisonnantes.

 -  Je comprends. Cela doit être compliqué de dire adieu à son regard naturel. A ta place, je...

Annie la fit taire d'un claquement de langue. Comme les jours précédents, elle ne désirait pas faire la conversation avec qui que se soit, même avec Xia qui faisait de son mieux pour bien éduquer son indocile caquet.

 -  Si tu prenais la peine de m'écouter, parfois, tu serais un ange, soupira la jeune bavarde.

Annie se leva de son siège en grimaçant, tout en serrant le documentaire contre sa poitrine.

 -  Je ne suis pas encore disposée à papoter. Il faut que je me fasse à l'idée que...

 -  Mais cela fait une semaine que ton nez demeure baissé vers des livres plus farfelus les uns que les autres !, explosa Xia, alors que son visage commençait de se départir de son sourire. C'est à peine si tu lèves tes fesses de ton vieux fauteuil pour aller manger, dormir, et te laver ! Les cernes croissent sous tes yeux et ton regard ne cesse de se troubler ! Annie, il faut prendre les choses en main et réprimer ton amertume. Je ne te reconnais plus.

Les larmes pleins les yeux, Annie appuya son visage contre le miroir le plus proche. Xia décelait la clé de la vérité. Tout cela devait cesser, elle devait passer à l'action. Elle hissa lentement ses yeux troubles vers la glace. Son reflet lui révélait une jeune fille à l’œillade mélancolique derrière de longues traînées brunes, larmoyantes et chevelues. Sous son nez aux allures vertigineuses, un pli pensif déformait ses lèvres trop fines, et ses joues flasques retombaient vers le bas.

Annie posa une main sur la glace, tandis que la vision de cette adolescente perdue s'évaporait progressivement derrière un rideau de larmes. Pourquoi pleurait-elle ? Pourquoi ? A l'orphelinat, ses larmes étaient un spécimen rare. Mais aujourd'hui, il ne se passait pas un jour sans qu'elle reniflât stupidement, qu'elle se mouchât bruyamment, qu'elle couinât lamentablement ou qu'elle versât quelques perles d'eau.

Bien qu'elle eut enfin dégoté des informations alléchantes, la fadeur des derniers jours lui avait tracé dans l'esprit une forme de perplexité. Son arôme salé resserrait l'étau de la spirale infernale de ses pensées. Annie était piégée. Elle serra les dents, tandis que ses poings se contractaient.

 -  Tu as raison, Xia. Tu as raison. Je suis l'incarnation même de la stupidité.

 -  Oh, Annie !

Et tandis qu'elle éclatait en indiscrets sanglots, Xia la traînait dans la salle d'eau où lui parvenait déjà les effluves d'un parfum surnaturel. Le bain d'illusion l'attendait. Mais cette odeur lui donnait l'envie de restituer son maigre repas. Elle lui donnait envie d'appuyer son poing contre la vitre jusqu'à ce que celle-ci se brisât.

A travers ses larmes brûlantes, Annie vit qu'elles s'approchaient dangereusement de la bassine. Ladite bassine débardait d'une mousse aussi dorée que le miel, et aussi parfumée que de l'huile de corps. La substance glougloutait. Annie se sentit captivée par les bulles étincelantes qui se condensaient, éclataient, puis réapparaissaient dans ce bain irréel. Son regard suivit la vapeur qui, évadée de la chaleur de l'eau, montait vers le lustre larmoyant.

Dans d'autres circonstances, Annie ne se serait pas fait prier pour plonger sa main en travers de cette mousse lumineuse. Mais là, son cœur écumait des battements si chaotiques qu'ils résonnaient dans tout son corps flageolant. C'était peut-être la dernière fois qu'elle voyait ses longs cheveux d'un noir de jais, l'affût acéré de son nez de cigogne, et son teint pâlichon. Autrefois, elle aurait cru que si la possibilité de changer son apparence s'offrait à elle, elle sauterait sur l'occasion. Or, se séparer de son regard fade lui laisser un sentiment de susceptibilité dont elle ne soupçonnait même pas l'existence.

 -  Tu veux que je m'en aille ? Demanda Xia.

Annie déglutit en hochant affirmativement de la tête. Mais elle ne regarda pas la jeune Wolkenaise qui ne cessait de voleter des coups d’œil anxieux dans sa direction. Elle avait ficelé son regard sur le bain d'illusion. Ses glouglous affamés lui refilaient la nausée.

 -  Je... Je m'en vais, alors... J'appellerais maman pour t'aider... lorsque... après que... Enfin, tu as compris.

Les somptueux talons de Xia claquèrent contre le sol carrelé tandis qu'elle s'éloignait. Les froufrous de ses jupes et les cliquetis de ses breloques étaient aussi de concert, et leurs bruits délicats endiablaient l'esprit de la pauvre Annie. Une écharpe de sueur lui enserrait le cou, c'est pourquoi elle fut soulagée d'entendre la porte claquer après le passage de Xia. Ces derniers temps, elle ne supportait aucune présence à ces côtés, et les contacts physiques l’effarouchaient encore plus qu'à l'habituel.

Elle souffla dans ses mains avant d'entreprendre de retirer sa robe. De la même manière qu'elle se dévêtait, elle se dépouillait de son angoisse. Et ses yeux ne quittaient pas la bassine. La mousse dorée. Les glouglous continuels. Le parfum chimique. La vapeur.

Ses mâchoires s'entrechoquèrent tandis qu'elle passait une jambe par-dessus la porcelaine, puis une autre. Sa sueur trouvait refuge dans les crevasses frontales que dessinait son haussement de sourcils. Elle suffoquait. Elle étouffait. Elle hurlait intérieurement.

Puis, évitant le regard franche du miroir devant elle, elle se plongea toute entière dans les eaux d'or.

 

*

Ce n'était ni agréable, ni douloureux. Ni particulier, ni anodin. C'était un mélange de tout cela, quelque chose d'indescriptible. Annie se sentait vaporeuse. Comme si ses jambes partaient en fumée. Comme si elle ne pouvait plus esquisser un geste. Elle avait à la fois l'impression de mourir, de naître et de ressusciter. Une sensation si étrange...

Elle ne respirait plus. Ses poumons étaient percés. Elle ne résistait plus. Ses muscles étaient relâchés.

Elle flottait. Entre la mousse dorée, de son corps qui devenait de plus en plus léger. Les étoiles valsaient devant ses yeux. Elle étreignait la liberté, comme la captivité.

Et pendant ce temps, la vapeur montait vers le ciel. Et pendant ce temps, l'Illusionnisme la privait d'organisme. Elle n'était plus qu'une âme. Une âme qui volait parmi l'eau, qui nageait parmi les nuages.

Annie se laissa submerger.

Et Amaya émergea.

*

 

Deux bras orangés la ramenèrent vers la surface. Annie prit une grande goulée d'air frais. Mais une curieuse sensation se prolongeait dans tout son corps, et l'empêcher d'apprécier le fait de se sentir respirer. Elle avait l'impression qu'on lui avait retiré la peau pour la recouvrir d'une autre, inconnue.

 -  Je... je peux me regarder dans un miroir ? Réclama-elle d'une voix anguleusement gutturale.

Mais Xia et Solveig se contentèrent de l'emmitoufler dans une longue serviette sans piper mot, mais en se jetant des coups d’œil contrariés.

 -  L'expérience n'a pas fonctionné ? Poursuivit Annie en recrachant un jet de mousse dorée.

Elle ne savait pas quoi ressentir. Elle se sentait plus vaseuse, plus étourdie, plus maladroite et plus stupide qu'elle ne l'avait jamais été. Le goût flasque de la nervosité pesait sur sa langue, et l'arôme insoluble de l'incompréhension s'écrasait contre son palais. Un sentiment d'étouffement prenait sa gorge captive. Une abominable migraine la privait d'idées clarifiées. Et même ses pieds, pieds avec lesquels elle avait parcouru tant de paysages et de panoramas différents, lui paraissaient étrangers. Elle se sentait affreusement mal-à-l'aise à l'intérieur de son propre corps.

Le regard hagard de l'humaine ricocha de Xia, qui s'armait d'un peigne, à Solveig, qui, la pipe entre les dents, nouait autour de sa taille un tablier dentelé. Ses mouvements rapides et précis en disaient long sur son mécontentement. Mais Annie n'arrivait pas à déceler d'où cette rage venait.

Elle hésita avant de plier et de déplier ses doigts. Certes étaient-ils toujours longs, certes étaient-ils toujours pâles, certes étaient-ils toujours noueux, certes étaient-ils toujours osseux, mais ils semblaient parcourus de reflets bleutés et il s'agissait par-là d'une véritable étrangeté.

 -  Un miroir, radota-elle d'un air suppliant. Je veux un miroir...

Xia lui frictionnait la chevelure en silence. Il n'y avait que ses mèches qui s'égouttaient parterre, les bourrasques qui indignaient la vitre et les gestes précipités de Solveig qui s'affairait à vider la bassine qui rompait le calme ambiant.

Mais Annie le trouvait infernal, assourdissant.

Elle attrapa une mèche collé à son front reluisant et blêmit jusqu'au cil en se rendant compte qu'elle ne faisait pas face à un cheveu sombre et satiné, mais à une bouclette d'un bleu nuit chatoyant. La réalité la giflait sans pitié, crûment. L'Annie d'hier n'existait que psychologiquement. De l'extérieur, elle n'était plus qu'Amaya. Une jeune fille dénuée de personnalité. Quelque chose qu'elle devra remédier impérativement, comme ses mimiques, comme sa fâcheuse manière de cambrer un sourcil dès qu'une situation lui échappait. Tout cela, elle devrait les garder enfouis à l'intérieur de son esprit. Au périple de sa sécurité, et même de sa vie.

Ce fut à l'instant même où Annie songea qu'elle en exigeait trop d'elle-même qu'on décidât de résoudre le silence pesant.

 -  C'est vraiment quelque chose de mémorable... Tu es méconnaissable, Annie, dit Xia, la lèvre inférieure tremblotante.

 -  Il n'est plus question d'Annie, mais d'Amaya, répliqua sèchement Solveig, se qui fit sursauter l'humaine. Dès à présent, elle devra apprendre à se défaire de sa personnalité, à s'en créer une autre. Elle devra oublier ses tics nerveux, et être une véritable jeune fille du monde. Je lui inculquerais en personne les bonnes manières, et une nouvelle façon de se comporter. Annie devra s'abandonner à Amaya, ou gérer sa double âme. Elle devra faire preuve de bon sens, d'intelligence, et d'observations clarifiées. Je veux de l'excellence, et je ne veux pas de défaites, mais minimes. Je veux la victoire.

Sur ce et de toute sa flamboyance, Solveig tira une bouffée nuageuse de sa pipe, qui s'éleva dans les airs tel une montgolfière aux teintes pâles. Les yeux de la mère lançait des éclairs. La luminosité de ses cheveux, même hissés dans un complexe chignon, évoquait un phare au milieu de la nuit. Annie déglutit face à la crispation menaçante de son visage. Il était saisissant de constater au quel point les proportions de sa nervosité semblaient énormes. A force de se ronger les ongles, Solveig bouillonnait d'une colère aussi rouge que la crinière de son mari. Tout en faisant les cent pas dans la pièce, elle sifflait à la manière d'une cocotte-minute.

 -  Je... ne te décevrais pas, bredouilla Annie. Mais, s'il te plaît, je peux avoir un miro...

 -  La barbe de ton miroir !

Solveig se retourna vers elle dans une tempête de jupons de dentelle. Son regard se teintait d'orage.

 -  Je suis en train de programmer tout un plan pour que le Monde des Nuages ne plonge pas dans l'abîme et toi, tu ne penses qu'à regarder ton nouveau visage ! Comme si ça avait de l'importance !

Annie sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle les ravala pour demeurer de marbre. Si Solveig croyait la motiver à lui postillonner de tels propos à la figure, elle se trompait ardemment. Elle lui compliquait la tâche encore plus qu'elle ne l'était déjà. Annie fut rassurée que, dans son dos, Xia semblait partager son sentiment. Elle tintinnabulait en démêlant, les lèvres pincées, sa longue chevelure bleue et torsadée.

De son côté, l'or qui saupoudrait le crâne de Solveig semblait foudroyer tout ce qui lui bouchait le passage. Sous cette foisonnante masse capillaire, son teint orangé prenait des nuances de plus en plus rougeaudes. Sa pipe émergeait de sa bouche pulpeuse comme un juron à l'état solide et ses jupes froufroutaient rageusement au moindre de ses mouvements.

 -  Annie ! Amaya, plutôt ! Nous commencerons la leçon de maintien ce soir ! Je ne veux pas que tu gâches l'une de nos seules chances de nous tirer de ce cauchemar ! Tu dois être persuasive, et tes yeux doivent luire d'intelligence et de curiosité. Ainsi, tu attireras l'attention du directeur Pollux et il t'accepteras en cours d'année !

Emportée dans un élan de juron, Solveig courut presque vers une commode de marbre pour en sortir une broderie de velours. Elle la jeta sur les genoux nus de la pauvre Annie, dont le dos était seulement couvert d'une serviette râpeuse.

 -  Mets ça. Xia, cesse donc de lui démêler les cheveux, ils n'ont aucunement besoin de soin.

 -  Oh, maman ! Si tu pouvais te calmer, tu serais vraiment un ange ! Tu me donnes le tournis à gigoter partout, et mon ouïe s'abîme à force de t'entendre crier.

Enfilant son vêtement à gestes laborieux, Annie grimaça. Elle doutait que c'était en parlant ainsi que Xia allait tempérer la brûlante nervosité de sa mère. Peut-être même allait-elle même la ramifier.

C'est pourquoi elle fut très étonnée de constater qu'au lieu de piquer Solveig au vif, ces paroles radoucirent la flamme de son regard.

 -  Je... Tu as raison, ma fille. Excuse-moi, Annie. Et tiens, pendant que j'y suis : un miroir de poche.

Solveig sortit des plis de sa robe une minuscule glace ornée de saphir et la tendit à Annie sans la moindre exaspération. Mais Annie ne chercha pas davantage à étudier son soudain changement de comportement : un hoquet venait de s'évader bruyamment de sa bouche. Elle abandonna son laçage de corsage pour se contempler de toute son hébétude.

Sur sa peau translucide courait des milliers de reflets bleutés, même au bout de son nez au tranchant semblable à celui d'une épée. Sourcils tortueux, cils interminables, prunelle bleuâtre, bouche sans relief : son visage disposait de beaux traits ; sans que leur beauté ne s'accordât entre elles. Elle possédait de longs bras noueux, d'une taille assez petite pour un poids de plume. Elle dégageait une sensation de fragilité. Avec son teint de porcelaine, Annie avait l'impression d'être une poupée réalisée de la main d'un artiste inexpérimenté.

Elle étudiait encore ses fossettes lorsque Varid déambula dans la pièce, la redingote dégoulinante de pluie. Derrière ses mèches aussi rousses que broussailleuses, il avait un air catastrophiquement fatigué, et pourtant satisfait.

 -  J'ai réussi à obtenir une audience avec Mr Pollux, haleta-il alors que les yeux d'Annie s'écarquillaient. Elle aura lieu dans une semaine, à l’École, et elle se passera au Décrochoir d’Étoiles. (Il se tourna vers Annie, la mine indéchiffrable) Sois prête.

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Cherry
Posté le 24/01/2021
Comment ça va ?

D'abord voici les coquilles et maladresses :

Mais Annie n'était pas là pour admirer cette curieuse œuvre.
Mais elle épluchait également des manuscrits historiques,
Mais ce soir-là, Annie avait enfin trouvé quelque chose
= dès le début, tu commences les premiers paragraphes avec un "Mais". Attention aux répétitions

Le soleil levant reflétait une lueur rougeâtre sur le dômes = le dôme

Elle passait donc le clair de ses journées = Elle passait donc le plus clair de ses journées

Sa soif de savoir, le bruit continuel de son souffle, et son impuissance face aux rubriques apocalyptiques des journaux l'angoissait tant = l’angoissaient tant

Elle avait l'impression de se faire escortée par tout les soucis de l'univers. = Elle avait l'impression de se faire escorter par tous les soucis de l'univers.

Son nez se faisait fatigué = j’ai trouvé cette phrase assez maladroite

cet ultime océan de pages : Les Quatre Ressources, édition Papillon Noir. Le livre n'était guère épais = c’est peut-être maladroit mais si tu qualifies le livre d’« océan de pages » mais que plus loin tu dis qu’il est pas trop volumineux tu te contredis.

La Magie englobe toutes les talents = tous les talents

Cela fait d'elle une ressource qu'on pourrait qualifier d' « à usage unique » = d’ « usage unique » + n’oublie pas de mettre le point en fin de phrase.

Varid, actuellement sorti, reviendra leur annoncer si oui ou non a-t-il pu récupérer une audience avec Pollux. = je ne sais pas si la tournure de la phrase est correcte ou non mais j’ai des doutes

des torrents d'émotion des plus extraordinaires = des torrents d’émotionS

Mais cela fait une semaine que ton nez demeure baissé vers des livres plus farfelus les uns que les autres !, = pense à supprimer cette virgule 😉

Ladite bassine débardait = débordait

Or, se séparer de son regard fade lui laisser un sentiment de susceptibilité = lui laissait

la jeune Wolkenaise qui ne cessait de voleter des coups d’œil anxieux dans sa direction = j’ai un peu de mal avec le mot « voleter ». Il ne s’accorde pas trop avec cette phrase

J'appellerais maman pour t'aider = « J’appellerai » car pas de S au futur

Une écharpe de sueur lui enserrait le cou, c'est pourquoi elle fut soulagée d'entendre la porte claquer après le passage de Xia. = ce n’est pas spécialement ce passage mais parfois Annie exagère dans ses réactions…

Elle flottait. Entre la mousse dorée, de son corps qui devenait de plus en plus léger. = ce passage n’est pas très clair

Mais une curieuse sensation se prolongeait dans tout son corps, et l'empêcher d'apprécier le fait de se sentir respirer. = et l’empêchait

Il n'y avait que ses mèches qui s'égouttaient parterre, les bourrasques qui indignaient la vitre et les gestes précipités de Solveig qui s'affairait à vider la bassine qui rompait le calme ambiant. = qui rompaient le calme ambiant

Elle attrapa une mèche collé à son front reluisant et blêmit jusqu'au cil = jusqu’aux cils

La réalité la giflait sans pitié, crûment. = La réalité la gifla sans pitié (en fait il est préférable de choisir le passé simple plutôt que l’imparfait car le passé simple s’emploie plus pour un événement soudain et fini)

Il n'est plus question d'Annie, mais d'Amaya, répliqua sèchement Solveig, se qui fit sursauter l'humaine. = ce qui fit sursauter l’humaine

Je lui inculquerais en personne = je lui inculquerai (pas de S au futur simple avec la première personne du singulier)

qui s'éleva dans les airs tel une montgolfière = telle une montgolfière

Les yeux de la mère lançait des éclairs. = lançaient des éclairs

Il était saisissant de constater au quel point = à quel point

Sur sa peau translucide courait des milliers de reflets bleutés = couraient

C'est toujours un plaisir enivrant de te lire ! Les descriptions poétiques, les répliques cultes de Xia... bref, je suis fan.
Toutefois, les réactions de certains personnages sont exagérées. Ex : Annie et Solveig, surtout Solveig car ce que vit Annie est suffisamment dur alors lui crier dessus pour si peu m'a étonné de son personnage.

Et comment est-ce possible que personne ne se doute que les passagers de Scintillam sont ceux qui ont aidé Annie ? Ils n'ont pas eu de gros problèmes (à moins qu'ils aient réussi à s'en sortir...)

Voilà voilà, c'est tout pour moi. Je me fais de plus en plus rare car le temps me manque parfois mais je suis toujours là.

A bientôt et bonne chance pour la correction !
Pluma Atramenta
Posté le 25/01/2021
Aaaah, tant de coquilles ! Et pas mal d'incohérences, apparemment ^^ Merci d'avoir pris autant de temps pour les relever (si minutieusement, en plus) ça me sera vraiment très utile !
J'ai inventé cette histoire en ayant cinq ans, sans trop me poser de questions de "cohérence" justement, et c'est pourquoi, en la reprenant l'année dernière pour la énième fois, j'ai complètement oublié d'assouplir certains faits. Comme ces gendarmes qui ne poursuivent même pas les passagers de Scintillam, alors que leur monde est en danger... J'ai précisé il y a quelques chapitres que la maison s'enfuyait très loin, mais cela n'est sans doute pas suffisant.
Bon. On va mettre ça sur la faute du premier jet, hein ? ;) J'ai un énorme travail de réécriture devant moi et pour ne pas trop me mettre de pression (je rate tout, avec la pression) j'ai décidé d'annuler ma participation au concours Gallimard Jeunesse 2021.

En tout cas, Cherry, merci infiniment (infiiiiiiiniiiiment....) pour tous tes superbes commentaires <3
Pluma.
noirdencre
Posté le 15/12/2020
Juste pour dire qu'il y a 10 milliards d'années, la Terre n'était pas encore formée.
Son âge est en gros de 5 milliards d'années.
A moins que ces êtres viennent d'ailleurs...
Pluma Atramenta
Posté le 16/12/2020
Ah, d'accord ! Merci pour cette précision ^^
noirdencre
Posté le 16/12/2020
Quelques repères:
300.000 ans: apparition de l'homo-sapiens, homme moderne.
40.000 ans: premières traces d'art humain
10.000 ans: écriture, agriculture, civilisations
moins de 20 ans: apparition de l'homo-pluma
moins de 10 ans: naissance de l'écriture de génie
Alice_Lath
Posté le 16/10/2020
Juste quelque chose qui me turlupine : c'est tout de même un fait connu que l'humaine a été vue en compagnie des passagers de Scintillam (plusieurs personnes peuvent en témoigner). Je suis donc étonnée que Pollux leur accorde une audience et qu'ils ne soient pas arrêtés pour être interrogés sur la localisation d'Annie :/
Sinon, le passage explicatif avec le livre était très bien trouvé, et on comprend un peu mieux le pourquoi du comment. De même que le passage de la transformation haha, maintenant, j'espère que ça va bien tenir et que Pollux acceptera de la prendre dans son Ecole.
Pluma Atramenta
Posté le 16/10/2020
Ah oui, c'est vrai que ça pose un peu problème... Je me disais que quelque chose clochait ! A mon avis, je devrais réflexionner sur tout ça, trouver un sens plus fluide et plus... réaliste. :/
Merci beaucoup pour ta lecture attentive, tu n'imagines même pas combien je suis contente que tu sois revenue <3
DraikoPinpix
Posté le 07/08/2020
Salut ! Me voici de retour :D !
J'ai beaucoup aimé ce chapitre, tout est clairement expliqué et j'aime le système de magie.
La transformation d'Annie est bien décrite, on s'empreigne de ses sentiments. Solveig se montre dure dans ce chapitre. Bon, la situation est grave, mais je l'ai trouvée injuste. Heureusement que Xia prend partie pour Annie ^^
J'ai repéré quelques coquilles (fautes d'accord), mais je ne sais plus où.
Bref, à bientôt pour la suite :)
Pluma Atramenta
Posté le 07/08/2020
Trop heureuse de te retrouver <3
Encore une fois, merci, merci et merci beaucoup pour ton commentaire ! Oui, effectivement, Solveig est très dure, mais c'est voulu ^^ J'espère juste qu'elle reste attachante, même aussi dure soit-elle.
Je me pencherais sur les coquilles dans la relecture. A très vite ;*
Prudence
Posté le 11/07/2020
Super chapitre ! (encore, je sais ^^)

-Je n'ai pas tout compris ce qu'était la Spirale et l'Illusion par rapport à la Magie ; à éclaircir - mais comment, j'aurais du mal à te répondre... C'est un peu ambigu : la Spirale et l'Illusionnisme sous des sous "pouvoirs" à la Magie mais indépendantes et plus simples à utiliser ? Ou sont-ils complètement à part ? Tu parles clairement de ressources, comme si la Magie et la Spirale et l'Illusionnisme et la Sorcellerie étaient aussi importantes les unes que les autres.
-J'aime beaucoup la deuxième partie du texte -> l'échange Xia-Annie, la transformation qu'elle subit, ses émotions par rapport à ce qu'elle devra sacrifier sont très intéressantes et donnent du réalisme au personnage. <3
Solveig est un personnage très intéressant, ses sauts d'humeur sont bien cohérents avec sa personnalité (autrement dit : je l'adore)
-Il y a beaucoup de phrases délicieusement tournées (la liste est longue) et les images, je n'ai pas changé d'avis ; qui sortent des sentiers battus mais qui ne sont pas moins agréables à lire !
-J'ai une petite remarque : tu écris qu'Annie rentre dans la bassine devant le miroir (plus subtilement évidement) mais Annie ne se regarde pas dedans, le bain passé, et demande un miroir - à expliquer, je crois. J'aime beaucoup Annie qui répète qu'elle voudrait un miroir, ça donne un rythme et c'est plutôt humoristique :-D
-Cependant, je trouve que la description d'Amaya n'est pas assez claire ou pas assez poussée - justement c'est ce qui nous intrigue le plus dans la deuxième partie (et ça, bravo pour la petite tension super bien amenée !) En gros, je suis restée un peu sur ma faim.
-Les leçons de maintiens me donnent les frissons ! Ça m'intrigue vraiment, et j'ai hâte de savoir la suiiite ! (je crois que je vais bien rire)

Détails :

*regard franche -> regard franc
*Met ça -> mets ça

Bref, tu l'auras compris, je prends beaucoup de plaisir à lire les aventures d'Annie. ^^
Pluma Atramenta
Posté le 12/07/2020
Merci beaucoup, beaucoup, beaucoup pour ton commentaire ! (finalement, mes grands-parents ont installé la wifi donc je peux te répondre ;)
La Spirale
Effectivement, je n'avais pas pensé au miroir devant la bassine. Je sentais qu'une petite incohérence trottait par là, sans réussir à la décrypter…
Une description à refaire ? Je saute la clarifier !
Pluma Atramenta
Posté le 12/07/2020
La Spirale, l'Illusionnisme et la Sorcellerie sont des ressources au même titre que la magie mais moins puissantes. On ne peut pas vivre qu'avec ses ressources, mais elles sont quand même primordiales. J'espère que c'est plus clair ? :)
Prudence
Posté le 13/07/2020
Oui, merci, c’est plus clair ! :-) J’ai tout compris !


(Désolée pour les MP, sais pas ce que le fofo a...)
Pluma Atramenta
Posté le 13/07/2020
Tu penses donc que je dois donner cette explication dans le chapitre ? :) Et, au passage, est-ce que les émotions d'Annie sont bien gérées ?
(j'ai reçu tes messages, ne t'inquiètes pas ;) )
Prudence
Posté le 31/07/2020
Oui, je pense que tu gagnerais en clarté en donnant cette explication. Les émotions d’Annie sont très bien gérées, fais juste attention à bien les « justifier » et à qu’elles ne soient pas trop exagérées (je peux te donner des exemples de passages, si tu veux, où les émotions/réactions d’Annie sont un peu trop poussées, selon moi). Voilà, j’espère que ça t’aideras ! :-D
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