💍 8. Proposition et affaire frauduleuse 💍

A l’instant où elle franchira la porte de sa chambre, Joséphine savait ce qui l’attendait de l’autre côté. Devoirs. Responsabilités. Obligations. Des mots qu’elle a souvent essayé de fuir et qui aujourd’hui la rattrape dans une brutalité sans nom.

Le matin n’est pas encore levé, pas complètement, et son regard se perds alors sur ce ciel couvert, menaçant de céder à tout moment. Un peu comme elle à vrai dire.

S’emmitouflant dans sa robe de chambre, elle descendit tout doucement jusqu’au bureau dans lequel une tempête semblait être passée. Avait-elle perdue la raison à ce point pour s’être adonnée à un tel désordre avec passion ? Ramassant les papiers à même le sol, elle reprit de les trier et d’organiser chaque dossier comme il l’était car une part d’elle-même savait qu’elle n’obtiendrait pas ce qu’elle voulait. Les réponses qu’elle cherchait. Sur le bureau en lui-même, il n’y avait qu’un dossier grand ouvert mais très peu épais : le rapport de police qu’elle referma, ayant apprit la veille chaque mot et chaque ligne du bout des doigts. Ce n’était pas un accident. Comment cela pourrait-il l’être ? Elle connaissait son père, elle connaissait ses affaires. Il y avait tout simplement quelque chose de manquant pour comprendre ce qui s’était passé.

S’asseyant sur l’épais fauteuil, caressant le bois du meuble se trouvant devant elle, elle comprit qu’à cet instant toutes les responsabilités de la famille lui incombait. S’occuper de ses cadets. Veiller à leur éducation plus que jamais. Continuer les affaires familiales. Il y avait tant à faire, tant à discuter et tant à voir pour cette jeune fille de pas tout à fait vingt ans. Soudain, elle eut une pensée pour son frère, Bartolomé, certainement non informé des faits. Il devait rentré. Il était temps pour lui de revenir à la maison après plus de cinq ans d’absences. Allait-il seulement lui répondre si elle lui envoyait une lettre ? Cela n’a jamais été bien son genre à moins d’extrêmes nécessités. Que lui dirait-il s’il la voyait ainsi ? Probablement la même chose que cette voix qu’elle ne cesse d’entendre encore et encore dans sa tête depuis son réveil : «Ressaisis-toi». Aujourd’hui plus jamais, flancher lui est interdit. Faire une erreur, impossible. Sur elle reposait à présent toute l’image qu’avait réussit à construire en peu de temps la famille Conquérant.

- Mademoiselle, vous êtes déjà debout ! surprit Ninon en s’avançant dans le bureau, Ne devriez-vous pas vous reposer ?

- C’est gentil de t’inquiéter, mais je ne peux guère m’offrir ce luxe à présent et tu le sais. Il y a tant à faire Ninon. Tant et je ne sais pas par où commencer, soupire-t-elle en prenant son visage dans ses mains tremblantes, inquiète de ne pas être à la hauteur de ce qui l’attends.

- Pourquoi ne pas commencer par un bain et un bon petit-déjeuner ? Nous allons réfléchir au reste ensemble, voulez-vous ?

Toute sa vie durant, Joséphine Conquérant n’a aspiré qu’à une seule et unique chose : la liberté. Et maintenant que cette dernière promet de lui être offerte, cela lui semble être une idée tout à fait terrifiante. En tant que chef de famille, elle n’aura plus à assurer les bals, les soirées, les thés, les rendez-vous mondains et pourra se consacrer aux affaires qu’elle a toujours aidé à gérer, à sa sœur cadette qui fera sans doute merveille dans quelques années, mais aussi son frère qui, une fois qu’il aura grandit sera certainement son meilleur allié. Pour l’instant, des alliés sur lesquels s’appuyer semblent être manquants et elle ne sait que trop bien qu’à l’annonce officielle du décès de son père, certains n’hésiteront pas à vouloir revendiquer sa position car il est bien connu de tous : Une femme n’est pas faite pour les affaires car...que peut-elle bien y connaître ? Ils viendront, elle le sait.

- Ambre et Thomas dorment-ils encore ? demande-t-elle en se laissant glisser dans la baignoire tout juste remplie

- Il me semble. Monsieur Thomas a pleuré jusqu’à l’épuisement et Mademoiselle Ambre a demandé à ce que l’on ressorte du placard son ours en peluche.

- Le beige ? C’est son préféré. Père lui avait offert...

Allait-elle avoir du temps pour eux ? Pour être là ? Pour les aider à surmonter cette épreuve, être à leurs côtés contre vents et marées alors qu’une tempête se prépare à l’horizon ? Voilà une pensée qui la terrifie soudain. Celle de devoir abandonnés ces deux-là pour s’occuper des affaires. Ambre pourrait le comprendre, mais étant donné son caractère, elle ne le pardonnerait pas de se faire abandonner une seconde fois. Thomas, lui, n’a que dix ans et tout ceci est bien au-dessus de lui.

- Ne prépare pas la salle à manger. Installe chaque couvert dans la cuisine.

- Dans la cuisine vous dites ? reprit-elle surprise.

- Mangeons tous ensemble...Je pense que nous en avons besoin.

A peine sortie du bain et s’installant dans le salon, livre à la main, Joséphine fut surprise de recevoir un invité de si bon matin alors que ses cadets ne s’étaient toujours pas réveillés. Le Comte Detina. Voilà un personnage n’ayant visiblement aucune retenue pour venir ici sans invitation ou message au préalable.

- Mademoiselle Joséphine, votre beauté en cette belle matinée est éblouissante.

- Comte Detina, que faites-vous en ma demeure sans avoir été annoncé ?

- Eh bien, j’ai appris la terrible nouvelle et je suis venu vous présenter mes condoléances, dit-il en se courbant à peine tandis que ses yeux virevoltent dans toute la pièce.

- Cela est fort aimable de votre part, mais un simple mot aurait suffit.

- Comment pourrais-je me contenter d’une lettre impersonnelle, moi qui vous ai connue alors que vous n’étiez qu’une enfant.

Il est vrai. Elle se souvient de cet homme venant traîner sur les quais près des navires de commerce de son père ou lors d’après-midi venant désagréablement couper les moments de bonheur privilégiés qu’elle pouvait avoir avec sa mère. Elle se souvient de la façon dont il avait de se comporter avec elle. Ses regards sur sa personne. Ses gestes à son égard.

Soudain, leur conversation fut interrompue par le levé des cadets, descendant dans une simple tenue tandis qu’ils découvrent avec surprise l’homme étranger dans leur salon.

- Ninon, occupe-toi d’eux veux-tu ? Allez dans la cuisine, je vous rejoindrais, ordonne d’un ton ferme Joséphine sans lâcher l’homme la dévisageant à son tour du regard.

Attendant que les enfants quittent la pièce en compagnie de sa dame de compagnie, Joséphine posa son livre et se leva du canapé, le regard mécontent.

- Je ne sais pas ce que vous êtes venus faire chez moi en cette heure de la matinée, Monsieur, mais vous n’êtes pas le bienvenue. En outre, je vous prierais d’éviter de dévisager ma sœur cadette de la façon dont vous le faites.

- Que vois-je ? Votre père a peine décédé vous voilà déjà femme de la maison ? Cela a un côté plaisant si l’on mets de côté votre tempérament. Vous avez une petite réputation parmi les nobles ma chère, vous devriez vous méfier des mots que vous allez m’adresser car cela pourrait vous desservir.

- Vous n’êtes pas ici pour m’adresser vos condoléances, n’est-ce pas Comte ?

- Brillante vous êtes, Joséphine, cela en rajoute à votre charme. En effet, je suis là disons...pour affaires. Une dette que votre père me devait.

Sortant une feuille de sa veste, il la jette sans vergogne à Joséphine qui la prends et découvre avec horreur son contenu. Une promesse de dette ? Une somme monstrueuse ? Des intérêts faramineux, mais qu’était-ce cette sorcellerie ?

- Ne faites pas l’étonnée ma chère, cela risque d’abîmer votre si jolie teint. Feu le Baron avait emmagasiné une certaine somme sur son ardoise comme vous pouvez le constater.

- Vous mentez...siffle-t-elle la voix tremblante

- Malheureusement, la signature en bas de la page est authentique et je ne suis pas le genre d’homme à mentir pour obtenir ce que je veux.

- Je ne pourrais jamais...une somme pareille...

- Oh, mais j’en ai conscience et dans ma toute mansuétude j’ai décidé que si vous acceptiez de devenir mon épouse, jeune et belle Joséphine, j’effacerais cette dette car il est bien connu qu’un homme de mon rang n’accumule pas les paris idiots et les jeux d’argents contrairement à un certain vieil homme.

- Modérez vos propos !

- Vous pouvez sortir les griffes, chaton, mais cela ne vous soulagera pas. Néanmoins, je peux vous accorder un délai...d’un mois disons ? Car après tout, je ne suis pas un monstre et je sais que vous avez des funérailles à organiser, cela demande du temps. En attendant, je vous laisse car me voilà satisfait d’apprendre que je vais avoir bientôt un nouveau joyau dans ma riche et grande collection de perles rares. Belle journée, Mademoiselle.

Passant sa langue sur ses lèvres afin de les humidifier, ce dernier déposa un baise-main forcé sur la main de la jeune fille se décomposant au fur et à mesure des secondes s’écoulant.

A peine le Comte partit, Joséphine s’écroule au sol, tremblante, sous les cris affolés de Ninon venue la chercher.

Quand Joséphine revient à elle, elle mit cette dernière au courant avant de la voir à son tour pâlir.

- Qu’allez-vous faire ? Vous ne pouvez pas épouser cet homme ! C’est ridicule ! Tout le monde sait qu’il a des penchants bien étranges et qu’il traite les femmes d’une façon monstrueuse. Vous ne pouvez pas Mademoiselle !

- Toi et moi savons que s’il dit vrai, je n’aurai pas d’autres choix. Apporte-moi tous les livres de comptes de mon père qui se trouvent dans le bureau. J’ai besoin de vérifier quelque chose.

- Mademoiselle, je vous en supplie...ne vous infligez pas cette peine. Cela reviendrait à vous tuer petit à petit.

- Ninon ? Je t’ai demandé quelque chose, s’il te plaît. Je n’ai pas l’énergie de me répéter.

Sur son ordre, cette dernière s’exécute et revient avec deux autres domestiques, les bras chargés des livrets demandés. Il fallait tout revoir car il était impossible qu’elle ait fait une quelconque erreur quelque part. C’est elle qui les manipulait. Elle qui écrivait chaque entrée, chaque pièce dépensée ou reçue. Ses livres étaient les siens alors comment cela se pourrait-il ?

Il ne lui fallut pas plus de la matinée pour s’apercevoir avec effroi que chaque entrée, chaque bon, chaque reçu, avait été falsifié, et ce, depuis près d’un an et demi maintenant. Son père, lui avait éperdument menti depuis près d’un an et demi maintenant.

- Qu’as-tu fait papa ? murmure-t-elle en laissant tomber le dernier livre sur le bas côté

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Alison CXC
Posté le 02/02/2021
Certains hommes ont quand même l'énergie de débarquer chez les familles en deuil pour déverser une bonne dose de bullshit quand même ! Je me demande s'il existe un numéro d'urgence "SOS Duc" dans cette histoire ;D Ne sait-on jamais... Après, Joséphine a l'air d'être le genre de jeune femme aimant se débrouiller seule, ce qui n'est pas plus mal, mais... parfois ça ne suffit tout simplement pas ;)

En revanche, on apprend que le Comte traite les femmes d'une manière particulière et sans que tu n'en dises trop, j'ai eu des frissons rien qu'à imaginer l'horreur T_T
ManonSeguin
Posté le 02/02/2021
"SOS Duc" qu'est-ce que j'ai ris. Malheureusement, ils communiquent par lettres ;) Donc le temps qu'elle parte et qu'il la reçoive il sera probablement trop tard T.T Mais tu verras Joséphine a de la ressource !
HarleyAWarren
Posté le 27/01/2021
Eh bien, c'est ce qu'on appelle tomber de Charybde en Scylla. Cette pauvre Josephine n'est pas au bout de ses peines.
Pour le coup, je suis un peu circonspecte sur ce nouveau personnage, je le trouve très peu subtil pour un personnage qui a l'air aussi mesquin. Je l' aurais plus vu jouer le gentil, proposer à Josephine de faire semblant de la prendre sous son aile pour décourager ceux qui ne profitaient que de cette occasion pour lui sauter dessus, tout en la laissant gérer son affaire et finalement, une fois que la confiance s'est installée entre eux, la trahir et la mettre au pied du mur avec ce mariage. Là, je trouve qu'il fait un peu "trop", qu'il est caricatural et c'est dommage
ManonSeguin
Posté le 27/01/2021
Ah mais l'océan vaste et il y a plus d'un poisson qui se cache sous les rochers et dans les algues ;)
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