8. Elle

Par Eurys

Une nouvelle journée s'ouvrait sur Paris et le soleil baignait déjà la capitale de sa chaleur bienvenue. Le froid de la nuit s'était dissipé et les gazouillements des oiseaux qui sortaient picorer leur premier repas s'entendait faiblement, si l'on y prêtait l'oreille. Aucun son, aucun brouhaha ne s'entendait. Contrairement à son habitude en semaine, la quiétude et le silence s'étaient emparés de la ville. C'était le dimanche et aucun des habitants ne travaillait en ce jour chômé. Tous les quartiers étaient déserts, les devantures fermées, si l'on n'arrivait pas à croire toute l'agitation qui y régnait habituellement, voir ce calme était encore plus impressionnant, on aurait dit que toute la population avait fui les lieux alors qu'elle était soit dans leurs petits logis, soit à l'église ou dans les lieux de rassemblement pour fêter ce jour du seigneur.

À quelques rues de là, la lumière pénétrait timidement entre les pans d'un rideau fin déchiré a moult endroits. La pièce baignant dans une petite clarté, une atmosphère matinale. Sur le lit, de fins cheveux châtains dépassaient d'une couverture, s'étalant sur un oreiller de plumes. Une respiration régulière et légère se faisait entendre, preuve que l'hôte du lit était toujours prisonnière des bras de Morphée.

Elle s'était déjà réveillée une première fois, puis s'est rendormie. Elle avait décidé de chômer ce jour elle aussi ; plus de recherche intempestive, plus de pistes à suivre, elle allait enfin prendre une journée entière pour elle-même. Et cela commençait par dormir de tout son soûl, récupérant de la fatigue des journées passées. Le calme aidant, elle ne commença à s'éveiller qu'à une heure ou toute personne respectable serait déjà levée et habillée. Elle papillonna doucement des yeux, encore embrumés de sommeil et sortie une tête aux cheveux emmêlés de sous la couverture. Elle resta ainsi dans un état de semi-somnolence durant un moment, fermant les yeux puis les rouvrant, le corps toujours protégé par la chaleur de son drap. Une fois jugée assez éveillée, elle s'étira longuement en baillant, et s'assit sur le lit. Elle laissa glisser une jambe nue et la posa sur le parquet légèrement froid. Il commençait à faire de plus en plus froid, il lui faudra bientôt des habits et des draps plus épais. Elle posa la deuxième et se leva et referma les pans de son vêtement sur son corps. Elle ne portait qu'une chemise pour seul habit, elle n'avait pas de vêtement de nuit et une fois sur place elle avait trouvé inutile d'en acheter un. Elle se chaussa de petits chaussons en velours qu'elle avait pris soin de prendre et se dirigea vers la cheminée. La première chose à faire, allumer un feu, ou elle allait finir enrhumée ! Elle prit la direction de sa réserve et en sortie une demie miche de pain ainsi que du beurre et un petit pot de miel. Elle tartina plusieurs tranches et posa le tout sur une planche de bois qu'elle emmena avec elle avant de se glisser à nouveau au chaud, sous sa couverture. Oh oui, elle allait bien profiter de sa journée ! Elle mangea doucement, reposée sur son oreiller, et fini en se léchant les doigts, récupérant chaque résidu de miel. La cloche de la messe de sexte retentit, prévenant les manants de l'office à venir.

Il était presque midi. Elle ne revenait pas d'avoir dormi autant, mais, bon Dieu, quel bien cela lui avait fait ! Elle alla se laver les mains et le visage dans un seau d'eau posé sur la table de sa chambre et se décida à s'habiller. Elle resta un petit moment face à son armoire, un fin sourire aux lèvres. Elle n'avait jusque-là qu'une robe d'un bleu clair avec elle, celle qu'elle avait eu sur le dos et la seule qu'elle prit avec elle… et qui ne lui revenait plus. Elle en avait assez de la porter et l'aurait bien jeté au feu mais n'avait pas eu le choix. Et il y a quelques jours, elle avait vu dans une vitrine une jolie robe, d'une fin rose poudré en vitrine de l'atelier d'une couturière. Elle n'était ni extravagante ni pleine de froufrous, mais d'une finesse élégante. Le corsage ainsi que la robe étaient d'un rose clair, ornés de fines bordure d'argent. Le cœur du corsage lui, était d'une teinte plus foncée, bordé de cordons de bouillonnés plus clairs. Deux autres cordons de bouillonné terminaient chaque manche au niveau du coude, ornés d'un petit nœud à l'arrière. A peine aperçue elle avait décrété cette robe sienne et s'était faite violence pour ne pas débouler dans la boutique sur le champ. Elle était revenue le jour d'après, inquiète et priant qu'elle ne fût pas achetée entre temps et souri béatement en la voyant toujours là. Oh oui cette robe était faite pour elle ! Elle pénétra l'atelier et dit immédiatement à la propriétaire ce qu'elle désirait. L'essayage fut un pur moment de bonheur, depuis combien de temps ne s'était-elle pas faite plaisir ainsi ? Depuis combien de temps ne s'était-on pas occupé d'elle ? Elle savoura chaque moment, chaque ajustement, chaque mot de la discussion sur les modifications a apportés ; elle avait l'impression de revivre son ancienne vie, une vie qu'elle avait perdue.

Heureusement pour elle les ajustements n'étaient pas nombreux, après avoir décidé des centimètres à enlever à la taille et rajouter aux avants bras elle paya une avance, la moitié de la somme finale et partie avec la promesse d'avoir sa robe le soir même avant la fermeture.

Elle la récupéra comme une enfant à qui l'on remet son présent de noël, enveloppé de papier de soie et protégé d'une boite ; elle la transporta jusque chez elle et décida de la garder dans son fourreau, voulant l'ouvrir le jour où elle la porterait.

Et elle y était.

ENFIN !

Toute excitée elle ouvrit la boite doucement et éloigna précautionneusement les pans de papier de soie. Elle déplia soigneusement la robe et l'étala sur le lit. On était dimanche, elle avait décidé de sortir pour elle-même, toutes les raisons possibles étaient réunies pour enfin la porter. Sans plus attendre, elle fit glisser sa chemise et la plia dans son meuble. La chaleur de l'âtre l'empêchait de frissonner mais ce n'était pas une raison s'étendre ; elle prit un bas de coton qu'elle enfila et laça à sa taille. Puis, s'attaquant à la robe, elle délaça le dos du corsage sans ôter les rubans de satin et la passa par-dessus sa tête. Une fois ajusté il lui restait le plus dur… elle devait maintenant la fermer. Passant les mains dans son dos elle attrapa les deux extrémités du ruban qui formait le laçage et tenta de les resserrer le plus possible. Heureusement qu'elle était rodée à la pratique, pour une femme seule cette partie nécessitait tout une maitrise, maitrise qu'elle avait fort heureusement acquise avec le temps. Satisfaite, elle fit un nœud et s'observa dans le miroir.

C'était narcissique…

Et prétentieux…

Mais…

Elle s'adorait !

Cette robe lui allait à ravir, elle se sentait déjà parader tel en paon, fière et heureuse de sa nouvelle toilette. Elle se moquerait bien d'elle-même à cette simple idée, elle qui n'aurait jamais pensé avoir ce genre de pensé un beau jour.

Mais elle n'avait pas encore fini. Se dirigeant pieds-nus vers son armoire, elle sortit une paire de souliers de satin blancs à talonnettes, aux bordures d'argent. Elle se chaussa et s'assit à son bureau, emportant peigne, broches, et miroir. Calant le miroir au mur elle s'appliqua à diviser sa chevelure en deux et, commençant par la partie gauche, elle fit une tresse collée, qui longeait la tête sur le côté jusqu'à l'arrière et la continua jusqu'aux dernières mèches. Elle enroula le reste de la tresse sur sa nuque et la fit tenir à coup d'épingles. Elle répéta la même opération du côté opposé et agrémenta ses deux petits chignons d'un ruban dans les mêmes tons que sa robe.

Là, elle était prête !

Elle ressentait une certaine euphorie à prendre ainsi soin de son apparence. Ces gestes, qu'elle avait dû oublier lui apportaient une sérénité et un réconfort, un moment de pause dans un torrent infernal.

Dans une inspiration, elle se leva satisfaite et enthousiaste et après avoir rangé sa chambre elle prit une petite bourse, la cacha dans un des plis de sa robe et après avoir jeté un regard par sa porte elle sortit, aussi discrète et rapide que possible, surexcitée.

Au centre des quartiers, dans les places et les jardins, les parisiens et autres badauds s'étaient rassemblés, jouant et parlant gaiment. Elle marchait tranquillement à travers les rues, observant la ville sous un nouveau jour. Comme c'était paisible sans les vendeurs ambulants et l'agitation devant tel ou tel artisan a la mode. La ville paraissait si grande… et silencieuse.

Une église célébrait un office à quelque lieu d'elle. Elle pouvait entendre les croyants réciter des prières latines apprissent par cœur auxquels ils ne pipaient mots. Elle pénétra silencieusement le lieu saint et avança à pas feutrés à la recherche d'une place. Un banc à quelques pas d'elle, vers le milieu, semblait libre. Elle combla la distance et prit place avant de voir qu'un homme, à genoux, les mains jointent en prière sur le dossier du banc de devant était déjà sur place. Elle s'assit sur le bord et écouta l'office d'une oreille distraite, un œil se portant régulièrement sur la silhouette de l'homme qui l'intriguait. Les prières reprirent et elle chercha des yeux un quelconque livret de messe. Un mouvement sur sa gauche lui fit tourner le regarde. L'homme s'était relevé et tendait vers elle un livre qu'elle reconnue aisément comme ce qu'elle cherchait. Elle attrapa le livret, releva la tête pour le remercier mais le cœur de la jeune femme rata un battement.

Non… Pourquoi lui, pourquoi maintenant ?

A-t-il fallut qu'elle tombe sur nul autre que lui.

Aramis.

Le mousquetaire était là, priant dans la mémé église, sur le même banc. Si Dieu avait décidé de la mettre à l'épreuve c'était bien choisi. Essayant de garder contenance elle le remercia et détourna légèrement le visage et évita tout contact avec l'homme. Celui-ci ne semblait pas l'avoir remarqué mais elle n'était pas rassérénée pour autant. Elle passa le reste de l'office aussi tendue et sur ses gardes et lorsque débuta la communion, elle se leva, reçu la bénédiction et prit le chemin de la sortie sans un regard en arrière. Le cœur battant elle sortit et marcha sans savoir où, s'éloignant le plus possible. Elle vit un jardin, le rejoignit tranquillement et s'arrêta au bord d'une fontaine ou elle s'assit en exaltant.

Elle ria doucement puis plus fortement, un rire nerveux qui la déstressa et se transforma en un vrai rire en repensant à sa chance légendaire. Bonté divine, le tout puissant avait-il décidé de la rendre folle ?

L'heure se rappela vite à elle, elle avait le choix entre rentrer à son logis ou se restaurer dans une des auberges de la ville. La question ne se posait pas, profiter c'était profiter, et cela jusqu'au bout. Elle se dirigea vers le quartier de meilleures auberges de Paris ; dans cette tenue elle ne comptait pas se retrouver dans une taverne miteuse. Ces établissements faisaient partie des seuls autorisés à être ouverts le dimanche ; priver les voyageur et les marchands d'un lieu pour dormir ou se remplir la pense n'était pas imaginable, pas si l'on tenait un tant soit peu au commerce de la ville. Elle flâna devant les devantures, se fit coquette en faisait la fine bouche et opta pour « La feuille d'or », le lieu dont s'était entiché toute la haute bourgeoisie.

Enfoncée dans un siège de velours marron, elle observa la salle finement décorée. Le sol était recouvert de tapis, les murs décorés de tableaux. Les tables, carrés ou rectangulaires se paraient d'une nappe blanche, simple mais qui avait le mérite d'exister. Tout cet endroit transpirait le raffinement et le luxe auquel elle était habituée mais étrangement, aujourd'hui elle se sentait étrangère, comme dans un monde qui n'était pas, ou plutôt, qui n'était plus le sien. Ces gens qui profitaient de leurs vies, de leurs argents ou de leurs titres lui étaient indifférents ; elle en venait à être triste pour eux. Elle l'avait connue cette existence, et connue l'exacte opposée. La douceur d'une vie ou l'on ne se souciait pas du lendemain, ou toutes nos responsabilités, en tant que femmes se cantonnaient à exister et se faire belle. Oh c'était une belle vie, cela elle en était sure, mais tous les jours, toutes les semaines de chaque mois, tous les mois de l'année et cela le reste de sa vie… elle en devenait morose et atone. Triste écoulement du temps tel l'eau qui serpente dans le ruisseau, suivant son cours, inlassablement. Elle avait fui, elle n'avait plus rien, mais elle se sentait tellement plus vivante que sa dernière année !

Elle vivait, pleinement !

Aussi absurde que cette affirmation était, aussi insensé que cela lui aurait paru à ses yeux quelques mois plus tôt, elle comprenait désormais, les êtres humains ayant soifs d'aventures, vivant au jour le jour, sans savoir s'ils fouleront la terre de leurs pieds à la prochaine aurore. Ils ressentaient l'importance de chaque souffle, chaque battement de cet organe enfuis au plus profond de chaque être.

Tout à coup, la vieille auberge miteuse ne lui paraissait plus si miteuse que cela.

En rentrant chez elle, elle se ferait un dernier plaisir.

Elle se changerait et irait boire une chope de bière entre les araignées et femme de petites vertus.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
deb3083
Posté le 10/08/2020
j'ai beaucoup aimé ce chapitre où on en apprend un peu plus sur la demoiselle. Confirmation donc qu'Armand et elle ne font qu'un. et aussi le fait qu'elle appartient à un milieu aisé. question maintenant : que cherche t-elle à Paris ? Complot ? Meurtres ? fuite d'un mariage forcé ? ahhh trop de questions ! lol
Curieuse également de voir si Aramis fera le rapprochement !
Eurys
Posté le 20/08/2020
Les reponses arriverons ❤ quand a Aramis .. bah je ne peux rien dire XD.
Lyra
Posté le 10/05/2020
Coucou !
Bon tu connais déjà mes impressions mais... J'AVAIS RAISON BORDEL !!!!!
voilà ça fait du bien de le dire !! XD
Sinon j'ai beaucoup aimé ce chapitre qui se démarque bien des autres et pour cause ! Le titre très mystérieux nous donne envie de lire et petit à petit les pièces du puzzle s'assemblent ! Comme pour ton personnage ce chapitre est une pause dans l'action et les combats, une bouffée d'air frais très bien rendue ! Mais comme elle on apprécie retrouver les bières et araignées qui peuplent la vie des mousquetaires !
Il y a quand même une certaine poésie, une certaine insouciance qui rajoute des facettes à Armand et c'est génial de " le "découvrir ainsi!
En bref j'ai adoré !
A très vite !
Bisous^_^
PS: est ce que la coiffure décrite dans ce chapitre est un peu comme celle de Violet Evergarden? Ça m'interroge :-P
Eurys
Posté le 23/05/2020
Hahaha, théoriquement, la tu n'as pas la confirmation... MAIS TU AVAIS RAISON !! ♥
Haha oui j'aime bien cette fin et l'envie de se boire juste une bière dans une taverne,
Je suis contente qu'on l’apprécie ! Je ne ovulais non plus en faire la femme qui n'aimait pas les robes, et puis elle s'est imposée toute seule, avec ses gouts, cette "femme" XD
OUIIII !!! MAIS TU ES PAS CROYABLE ♥♥ C'est parfaitement la coiffure de Violette tu es la premiere a le relever XD
Lyra
Posté le 24/05/2020
MAIS OUI J'AVAIS RAISON !!! Quoi ça fait fangirl taree ? Bon ok je me calme... pour l'instant :-P
C'est une très bonne idée de ne pas en faire "la femme qui n'aimait pas les robes" comme tu dis, on sort du cliché de la "garçon manqué un peu lady oscar sur les bords" (si t'as la réf, c'est décidé je t'adore XD), ça donne plus de profondeur a ton personnage !
Hahaha j'le savais ça a tilté à la description !!!!!!!!!!!! J'adore cette coiffure c'est tellement joli !!! Excellente réf !!!!!❤️❤️❤️

Eurys
Posté le 28/05/2020
XDD ON AIME ETRE DES FAN GIRL TAREE
Oui voila , alors que je pensais qu'elle aurait ce cliché au depart mais non ( LADY OSCAR ♥! Evidement que j'ai la ref, JE T'ADORE AUSSI ♥)
mais je suis trop contente que tu l'ai remarqué je fonds T_T ♥ merciiiii !
Lyra
Posté le 31/05/2020
OUIIIII *voyelle suraiguë atteignable seulement par les craies sur tableau et fangirls sous tension*

OH MON DIEU TU A LA REF JE T'ADORE C'EST OFFICIEL!!❤️❤️❤️❤️😱(en vrai pas besoin de ça mais bon XD)
A moi de fondre maintenant !!!❤️
Lyra
Posté le 31/05/2020
Je termine ma pal spéciale "classique" (pour le donner bonne conscience)et je cours lire et commenter la suite !😁
Lyra
Posté le 31/05/2020
*me
Eurys
Posté le 12/06/2020
Maiiis t'es trop chou T^T Je t'adore aussi ♥♥
Vous lisez