7- Une chaleureuse prison

Notes de l’auteur : Bonne lecture


 

Oren vivait dans un charmant hameau, bourgade de chaumières aux toits fumants où toutes les maisons en pierre, aux beaux jardins bien entretenus, se ressemblaient. Celle d'Oren était chaleureuse, les murs étaient peints à la chaux, des fauteuils en bois tortueux trônaient près de la cheminée, sur un très grand tapis en laine bouclée de mouton.

— Je crois pas que mon père soit encore rentré du travail. Papa ? Papa ? l'appella-t-il, mais seul le silence lui répondit.

Un coucou, accroché sur un mur, fit sursauter Nour. Un petit oiseau rouge en sortit et piailla de façon mécanique et agaçante.

– Ah, c'est l'heure du goûter. Installe-toi, je vais nous préparer quelque chose, tu veux bien ?

— Oui merci, je meurs de faim. Je ne vais pas déranger ta famille ?

— Il n'y a que mon père et moi. Il est très curieux, et sera content de rencontrer une Terrayenne, fit-il avant de s'éclipser dans la cuisine.

Nour se retrouva seule dans le salon. Le silence emplit de nouveau la pièce. Ici, on n'entendait pas les voisins de l'appartement du dessus se chamailler, ni l'ascenseur. Elle jeta son dévolu sur un des fauteuils, retira son sweat avant de regarder autour d'elle, et décida finalement de le garder sur ses genoux. Quand elle se réveilla, deux visages étaient penchés au-dessus d'elle.

– Eh ben, t'avais du sommeil en retard, on dirait, commenta Oren. Ca s'est mon père, tu peux l'appeler Elias.

Encore assoupie, Nour se redressa et mit quelques secondes à réaliser où elle se trouvait.

Mince, c'était pas un rêve.

Monsieur Tannen ressemblait à son fils, l’embonpoint en moins. Il était assez grand et fort, barbe et cheveux hirsutes, la voix grave et le regard rieur.

– Je suis désolée de vous déranger, fit Nour en se redressant sur le canapé.

— Ce n'est absolument pas le cas, répondit Elias. C'est une histoire assez extraordinaire qu'Oren m'a raconté.

— C'est vrai qu'on trouve pas une terrayenne tous les jours, commenta fièrement Oren en désignant Nour avec ses mains, comme si elle était une récompense qu'il aurait gagné à la fête foraine.

— Oui Oren, tu as accompli là un exploit remarquable, se moqua le père. Nour, tu es la bienvenue parmi nous, aussi longtemps que cela sera nécessaire. Oren, tu veux bien montrer ta chambre à notre invitée pendant que je prépare le dîner.

La pièce, bien plus vaste que celle de Nour était pleine de jouets et de maquettes de bateaux, d'oiseaux. Il y avait de beaux rideaux, un tapis, un vaste bureau et des piles de livres un peu partout en plus de ceux sur les étagères sur les murs. L'atmosphère douillette invitait au repos.

— Je suis bien content d'avoir une invitée, avoua Oren. Le conseiller Hiver a raison, tu seras bien ici, et tu peux dormir dans ma chambre aussi longtemps que tu veux.

– Je peux pas rester ici pour toujours Oren. Je dois rentrer chez moi.

– Je sais bien, avoua-t-il en grimaçant. On peut demander à mon père de t'aider.

– Non, rappelle-toi ce qu'à dit le conseiller, je veux pas vous attirer des ennuis.

– Alors résumons, nous savons que le médaillon appartient à ton père, il voulait sans doute que tu l'ai pour ton anniversaire. Onze ans chez nous c'est l'âge à laquelle nous entrons au Sanctuaire, mais c'est peut-être une coïncidence. Imagine qu'il soit en Doradéa, dans ce cas-là nous le trouverons. Sinon, nous irons explorer les autres mondes. Mon père dit qu'il y a toujours plusieurs solutions à un problème.

– Très bonne analyse Oren, approuva Nour, ravigoté par tant de gentillesse. Merci.

– J'aimerais pouvoir t'aider plus, fit-il chagrin. En tout cas j'admire ton calme, je sais pas comment tu fais, à ta place je serais meurt de peur.

Mais, ELLE AVAIT PEUR, elle était terrifiée, pétrifiée, liquéfiée. Chaque nouveau pas dans ce monde était synonyme de danger imminent.

— J'aimerais au moins rassurer ma mère, avoua-t-elle.

— Elle doit te manquer. Le temps s'écoule différemment entre les mondes, et avec un peu de chance ta famille ne se rendra même pas compte que tu as disparu.

Un temps différent ? Évidemment. Elle n'en était plus à une révélation près. Mieux valait penser à autre chose.

– Dis Oren, c'est quoi cette bande noire autour des yeux de Méoré ?

– C'est le signe des damonae. Chez nous, être guérisseuse c'est une vocation. A quinze ans, Méroé a passé le rituel de passage avec succès, c'était la plus jeune depuis bien longtemps. Les damonae sont très respectées, mais tu l'a vu plus tôt, beaucoup la voit encore comme une enfant, ou une apprentie. Elle passe son temps à étudier, et moi j'ai l'impression qu'elle connaît tout sur tout, elle m'aide quelques fois pour mes leçons d'herboristerie.

– Moi aussi je la trouve impressionnante. Oh, dis-moi que tu as remarqué ce qu'elle a fait dans la remise, et ce qu'a fait cet homme dans la rue avec la charrette ? s'exclama-t-elle tout à coup, honteuse d'avoir presque oublié l'exploit.

 – Non j'ai rien remarqué.

– Tu n'as pas vu Méroé soulever les sacs sans même les toucher ?

– Oh ça, oui bien sûr. Vous ne connaissez pas la télékinésie en Terra ?

– Oui on la connaît, sauf que c'est impossible. Enfin pour nous c'est du rêve c'est tout.

– Vous savez que ça existe mais vous êtes incapable de la pratiquer, c'est très bizarre. On dit que les terrayens sont des ignorants, sans vouloir t'offenser. Heureusement pour nous Myrddin savait, il avait connaissance de la télékinésie, et des portails.

– Oui, et je n'arrive toujours pas à le croire. Dire qu'à cette époque beaucoup croyait que la terre était plate.

Nour n'en revenait pas d'avoir cette conversation, elle avait l'impression de débattre sur une scène de Thor, ou Dc Strange. Sauf que là, tout était vrai.

– Tout l'univers a connaissance du multivers, répliqua Oren comme pour se justifier.

– Tout l'univers sauf la Terre, souffla Nour. Tu as raison, nous ne savons pas grand chose, admit-elle après quelques secondes.

Il fallait se rendre à l'évidence, Nour allait beaucoup en apprendre ici.

– Alors toi aussi tu es télékinésiste ?

En guise de réponse, un autre coucou, certainement dans le couloir, sonna. Comme une cloche cette fois-ci, un driing strident.

– C'est l'heure de prendre mon bain, fais pas attention. La télékinésie est innée chez nous. Pourtant certains sont plus doués que d'autres. Peut-être que je pourrais t'apprendre.

– Ce serait chouette, répondit Nour avec enthousiasme.


 

Le coucou du souper sonna bientôt, et ils précipitèrent dans la cuisine. Oren disposa différents plats sur la table, Nour reconnu de la soupe fumante, des petits pains, du riz, des fraises, mais aussi des légumes qu'elle n'avait jamais vus auparavant ainsi que des poissons frits qui semblaient avoir des ailes. Elle mourait de faim. Au cours du repas, elle se détendit un peu et mangea de bon coeur. Oren et son père se racontèrent leur journée respective, et tous les deux furent très curieux concernant les us et coutumes de Terra. Nour parla beaucoup, et tous les trois rirent souvent de bon coeur.

— Oh, mais j'y pense, sais-tu dans quel monde tu te trouves ? demanda Elias.

— Oui, Doradéa. Et l'île c'est Epoké, répondit-elle fièrement.

— Bonne mémoire Nour, fit Oren. Notre pays se nomme An Domhan. Doradéa se divise en trois zones, An Domhan compte une dizaine de petites villes, presque toutes situées en bord de mer. Et, de l'autre côté, vivent les elfes de Lune. Ils ne viennent presque jamais chez nous, moi je n'y suis jamais allé mais j'aimerais bien. Les dragons vivent dans la dernière zone, la plupart du temps, sauf quand....

Sa phrase resta en suspens.

— Fils, n'inonde pas notre invitée d'informations, elle pourrait se noyer, dit Elias en riant. Laisses-en un peu pour demain.

Il est vrai que cela fait beaucoup d'informations à digérer, pourtant elle avait encore tellement de questions.

– Il y a beaucoup de coucous chez vous, fit-elle en voulant comprendre.

– Ah oui, s'exclama Elias en riant. Oren est tête en l'air, il pourrait se laisser distraire par un papillon et oublier qu'il est dans sa propre maison. Les coucous sont là pour le rappeler à l'ordre.

– Oui, confirma Oren. Il y en a pour le réveil, le coucher, le goûter, les repas, le bain.

Nour se rendit compte qu'Oren et elle avait un point commun : la solitude, assumée, du moins en apparence.


 

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Claire May
Posté le 22/01/2023
Hello !
J'aime beaucoup la manière dont tu as donné vie et épaisseur à la maison d'Oren. Le motif du coucou est amusant et donne de la personnalité à Oren. Elias est toujours très sympathique.
Cueillette de coquillettes :
- appella => appela
-il voulait sans doute que tu l'ai pour ton anniversaire. Onze ans chez nous c'est l'âge à laquelle nous entrons au Sanctuaire, => aies, l'âge auquel
- ravigoté par tant de gentillesse => tée
- à ta place je serais meurt de peur. => mort (tu serais pas un peu cauchoise, par hasard? ^^)
- beaucoup la voit encore comme une enfant, ou une apprentie. => la voient
- beaucoup croyait => croyaient
- Nour reconnu => nut
- Oren et elle avait un point commun => avaient
A très vite !
sifriane
Posté le 23/01/2023
Salut,

J'essaie d'ajouter des détails par ci par là pour donner plus de vie au texte. Contente de voir que ça fonctionne.

Tu me fais penser qu'Elias devrait avoir un rôle à jouer pour la fin de l'histoire.

Merci pour les coquillettes
A très bientôt :)
Vincent Meriel
Posté le 25/11/2022
Bonjour,

Pour un chapitre de transition, il est juste à la bonne taille et on y apprend assez pour ne pas s'impatienter.

Après le conseiller, c'est bien de voir un adulte sympathique avec Nour ! Je suis un peu étonné que son fils révèle le secret comme cela, je pensais que le conseiller ne voudrait pas voir l'affaire s'ébruiter (enfin bien fait pour lui :P).

Elias a l'air assez tranquille, on se demande par contre où est sa femme (ce qui est bien comme mystère) (je ne sais plus si Oren en a parlé).

J'ai dû relire plusieurs fois la partie sur la géographie du monde, mais je pense que ça s'améliorera facilement à la relecture (il n'y a rien de trop compliqué).

La magie m'intrigue, surtout la façon dont ils l'utilisent. Si Nour peut en faire ici, pourrait-elle en faire sur Terre ? Voilà une question intéressante !

La façon dont la magie influe sur le monde me rend un peu curieux d'en savoir plus sur leurs coutumes et technologies. Je les imaginais plutôt comme des sortes de Grecs antiques un peu plus modernes au début, mais il faut bien constater qu'ils sont plus évolués encore que cela (le coucou indique la maitrise des engrenages). Je suis d'ailleurs retourné voir le chapitre 7 et on ne sait pas trop quel genre d'armement possède le garde, arme à feu ou blanche ? (Ou en tout cas je l'ai raté).

Hâte de lire la suite en tout cas.

Bonne continuation !
sifriane
Posté le 27/11/2022
Salut,
Je dois bien avouer que le monde est encore en construction dans ma tête, je change souvent d'avis et c'est le foutoir.
A chacun de tes commentaires je fais une première relecture et effectue déjà quelques changements.
Merci et à bientôt :)
MichaelLambert
Posté le 14/11/2022
Bonsoir Sifriane,
Petit détail, j'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre ton premier dialogue :
"— Papa ? Papa ? cria Oren. Il n'est pas encore rentré des champs, l'informa-t-il."
-> Je me demandais qui informait Oren que son papa n'était pas rentré et je ne comprenait pas qu'il parlait à Nour !
J'aime bien la relation qui se tisse entre eux deux. Par contre, j'aurais préféré voir des petits moments du quotidien entre eux qui montreraient la différence de vie entre leurs deux monde, car je t'avoue que les descriptions et les explications théoriques du monde de Oren ne sont pas encore super claires pour moi.
J'aime beaucoup aussi la présence de Malakel et j'aurais aimé savoir où il était le soir pour dormir ou le matin pour aller au sanctuaire.
A bientôt pour la suite !
sifriane
Posté le 17/11/2022
Bonjour,
Créer un monde de toute pièce est compliqué et je suis encore en pleine réflexion, notamment pour les petites choses du quotidien justement. Je viens de faire quelques modifications et j'ai coupé le chapitre en 2 pour étoffer un peu la passage avec Méroé et Malakel.
Merci pour ton aide, à bientôt :)
MichaelLambert
Posté le 17/11/2022
Bonjour Sifriane !
Oui je comprends : créer un monde c'est une sacré aventure ! Bonne réflexion et bonne écriture à toi !
Vivement la suite !
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