7 : Le conte incomplet de l'enfant du désert

Par Yvaine
Notes de l’auteur : Ce texte se base sur les événements du deuxième conte (notamment Gaüs et le conflit entre Cornés et Ailés). Bonne lecture !

Deux beaux amants séparés par la maladie

Une enfant du désert élevée par Génie

Sa vie sera heureuse, mais toujours ignorante

Elle mourra en Occident, Génie se tuera

 

Il faisait chaud. Vraiment chaud. Le sable lui collait à la peau, et l’ombre du crépuscule menaçait de tomber sur le désert. Gaüs fit en sorte que le soleil reste un peu plus longtemps en Orient qu’en Occident, et poursuivit sa route.

Un Humain l’avait demandée, affirmant que c’était urgent. Alors Gaüs, en bon oracle, avait abandonné sa forêt pour quelques jours à l’autre bout du monde. Des années s’étaient écoulées depuis la mort d’Ivoire, et pourtant, il lui manquait toujours autant. Elle était sûre que contrairement à elle, il aurait adoré cet endroit.

Ses yeux se posèrent enfin sur une petite tente sale qui s’écroulait. En apercevant sa peau si blanche comparée à celle des habitants du désert, un homme sortit. Gaüs comprit l’urgence en voyant ses yeux rouges et le petit être endormi dans ses bras.

« Madame Gaüs, souffla l’homme. Ou peut-être devrais-je vous appeler Déesse.

– Contente-toi de m’exposer ton problème. »

Il désigna l’enfant d’un mouvement de tête.

« Ma femme et moi sommes tombés malades. Donna a trépassé, et je sais que la Faucheuse m’attend. J’aimerais que vous protégiez ma fille, je vous en prie. »

Gaüs déclara connaître un génie en quête d’un Humain à protéger. S’il faisait le vœu de toujours s’occuper de l’enfant, il serait libre et sa lampe poussiéreuse ne serait plus qu’un souvenir. L’homme accepta la proposition et retourna dans sa tente, soulagé. Le lendemain matin, il était mort. Gaüs prit le bébé dans ses bras.

Elle le regarda dans les yeux, et un sourire fleurit sur ses lèvres.

« Bonjour, Leïlah », murmura-t-elle.

Leïlah regardait le désert et sa couleur d’or. Elle aimait cet endroit de tout son cœur – à ce propos, le génie prétendait que cet organe était d’or aussi, mais elle n’y croyait pas. Perchée sur le tapis volant, elle tourna la tête vers le géant couleur océan qui l’accompagnait.

« Dis, Génie, tu veux bien me raconter une histoire ? »

Un air attendri envahit le visage du génie. Il dévoila un vieux livre aux pages jaunies et l’ouvrit à leur page préférée. Leïlah s’allongea sur le tapis, prête à s’endormir.

« Cela se passe dans le désert, à l’endroit même où nous sommes. Un jeune homme, Malek, avait l’habitude d’aider sa mère vieillissante. Chaque matin, il partait chercher de l’eau à l’oasis, et à chaque fois qu’il revenait, la vieille dame lui disait qu’un jour, il aurait une fille à la tête embrumée. »

Leïlah sourit ; ce passage était son préféré. Elle sentait les mots résonner en elle, elle entendait leur tendresse, et elle se disait qu’elle aurait bien aimé être cette fille.

« Un jour où il faisait extrêmement chaud, Malek se rendit à l’oasis. Il y trouva une jeune femme en larmes, qui lui expliqua que son père était mort peu avant et qu’elle n’avait plus rien, aucun endroit où aller. Elle s’appelait Donna, et elle vécut de longues années avec Malek et sa mère, aidant la vieille femme au quotidien. Fous amoureux, Malek et Donna finirent par se marier. Alors qu’elle attendait leur enfant, une épidémie tomba sur le désert. On raconte qu’elle était causée par la première guerre entre les Humains. Quoi qu’il en soit, la vieille dame mourut, et Donna tomba également malade. Elle mit au monde l’enfant dans une tente, loin de tout, et décéda peu après. Le cœur brisé, Malek n’avait plus que sa fille au monde, mais il commença lui aussi à s’affaiblir. »

Le génie jeta un regard tendre à Leïlah, qui s’était endormie. Elle n’entendait jamais la fin de l’histoire, et elle ne saurait sûrement jamais qu’il s’agissait de la sienne. Parfois, l’ignorance valait mieux que les souvenirs. Il continua malgré tout, en mémoire des parents de la petite fille :

« Il appela alors la déesse Gaüs, unificatrice du monde et créatrice des Humains. Elle lui promit de s’occuper de sa fille, et Malek put partir en paix.

– L’oracle libéra un génie en échange de sa protection pour l’enfant ; l’homme bleu s’éprit rapidement de la fillette et jura de rester avec elle tout le long de sa vie. Gaüs fut oubliée. »

Le génie sourit à l’oracle, qui se tenait debout au beau milieu du désert. Elle se transforma en oiseau, atterrit sur le tapis volant et reprit son apparence humaine. Depuis son premier jour dans le désert, quelques années auparavant, le soleil brillait constamment en Orient, lui permettant de garder son énergie – l’ombre était pour les Cornés, pas pour elle. Ivoire aurait apprécié ce lieu, mais il n’aurait pas pu y survivre longtemps. Gaüs sentit son cœur d’or se serrer et se mordit la lèvre. La voix grave du génie la ramena sur le tapis.

« Bonjour, madame Gaüs. »

La jeune femme força un sourire et leva les yeux au ciel.

« Je ne suis pas une dame, mon cher génie. Comment va notre Leïlah ?

– Elle est heureuse. Je lui raconte des histoires, je l’emmène à l’oasis tous les jours, je lui apprends à lire. Oh, mais ne vous inquiétez pas, madame, je ne lui enseigne pas l’Histoire. Je sais que vous ne voulez pas qu’elle sache. La guerre entre Cornés et Ailés, on le cache. Toutefois, vous m’avez dit de lui apprendre l’histoire de sa famille ; elle ne reste jamais éveillée jusqu’à la fin.

– Alors ne lui dis rien. Contente-toi de la rendre heureuse, c’est déjà bien assez. »

Le silence tomba sur le désert. Gaüs effleura la joue de Leïlah et comprit que l’organe qui battait dans sa poitrine n’était pas d’or. Même si le génie lui contait la légende des deux peuples, la petite fille n’y croirait pas. Elle était la première d’une longue lignée cachée de la vérité.

« Madame Gaüs, quelle était la prédiction pour Leïlah ? »

L’oracle esquissa un sourire triste. Elle aurait aimé mettre en garde le génie contre l’Europe, mais elle ne dit rien ; elle-même n’avait pas encore réussi à changer le destin. Alors elle garda les quatre vers pour elle, souhaita une bonne nuit au génie et s’envola vers ses nuages natals.

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Nascana
Posté le 28/06/2020
J'aime bien le personnage de Leilah. Je me demande de quoi sera fait son futur. J'aime l'idée que le génie veille sur elle.

J'ai bien aimé retrouver Gaüs aussi. Au début, j'ai cru qu'elle allait l'adopter. Finalement non, mais elle prend quand même de ses nouvelles.
Yvaine
Posté le 28/06/2020
Dans cette vision-là du monde, aux confins des temps, les Êtres forment une grande famille. Leïlah, le génie et Gaüs peuvent être assimilés à une toute petite famille rapiécée mais douce, et les Humains peuvent être également vus comme les enfants de Gaüs. Les liens sont totalement différents de ceux dont on a l'habitude dans le monde réel, et c'est important de s'en détacher pour voir les choses comme je l'entends, avec la création de Gaüs et sa belle histoire d'amour.
Et du coup, Gaüs n'"adopte" pas Leïlah, mais la petite fille est son "enfant" de toute manière, et il est bien mieux de libérer un génie pour ça. Ainsi, Leïlah a un ami sur qui compter, et le génie est libre et heureux.
Zig
Posté le 22/06/2020
Coucou !

J'avoue, ce petit bout m'a grave hypée... le thème de la relation enfant/tuteur me tient beaucoup à coeur et c'est bien celui qu'on retrouve ici. Ton petit morceau de prophétie laisse envisager une immense histoire épique qui donne envie qu'on la découvre...

Petite remarque : les trois premiers vers de ta prophétie sont mélodieux et efficaces, mais je trouve que le "tuera" détruit toute l'énergie sonore :/

J'ai hâte de voir ce que tu vas faire par la suite, et si tu vas parvenir à continuer l'histoire, ou alors la lancer dans un roman hors DLP **
Yvaine
Posté le 22/06/2020
Hello !
Merci de tout cœur, je suis si touchée ❤
Tu as raison, cette histoire pourrait devenir un roman, mais je ne suis pas certaine d'en avoir l'envie ! A vrai dire, l'histoire de base de mes DLP est celle de Gaüs et Ivoire, et les aventures de Leïlah sont comme une sous-histoire ; les personnages qui découlent de la seconde nouvelle sont moins développés, et si je dois écrire un roman sur cet univers, ce sera sur Gaüs, Ivoire, la guerre entre Ailés et Cornés et l'oracle. Le reste, c'est du plus (et ça n'était pas du tout prévu). Conclusion : je ne sais pas si l'histoire de Leïlah et du génie sera continuée dans les autres textes. Tout dépend des prochaines cartes !
Je t'avoue que j'ai écrit cette prophétie à la va-vite, parce qu'elle manquait, et elle est vraiment moche... La fin a le comble de la laideur xD Merci de l'avoir relevé !
En tout cas, merci beaucoup pour tes encouragements ❤
Flowrale
Posté le 22/06/2020
Olalala j'ai adoré !
À la fin de la nouvelle, je suis remontée pour relire les quatre vers que j'avais oublié. Cela donne une note bien triste à la fin. Quelle intelligence dans la construction de la nouvelle, bravo ! Je la trouve vraiment belle. Merci pour ce beau moment.
Yvaine
Posté le 22/06/2020
Merci, merci, merci, je ne m'attendais tellement pas à ce retour, je suis toute émue ❤
Cocochoup
Posté le 17/06/2020
coucou!
c'est très doux et joli malgré un sujet qui ne l'est beaucoup moins.
y'a un petit pouet sur la mise en forme au niveau des dialogues entre le génie et gaus. Ca ne m'a pas gêné mais je te le dis au cas où tu veuilles modifier :)
Bravo pour cette très jolie interprétation de la carte!
Yvaine
Posté le 17/06/2020
Hello !
Merci beaucoup ♥️
Yep, je te laisse remercier mon traitement de texte qui bugue ces derniers temps et qui copie mal... Pourtant, j'ai refait la mise en page, du coup je l'ai refaite une fois de plus. Merci !
_HP_
Posté le 17/06/2020
Je comprends pourquoi elle a pas répondu au génie :/
J'aime beaucoup comment tu as interprété la carte, sortant totalement de l'univers d'Aladdin qui était quand même assez présent ^-^
Toujours cette poésie, cette tendresse dans tes textes ♥ Bravo !
Yvaine
Posté le 17/06/2020
Ça valait mieux ><
J'ai repris des idées (le tapis volant, la lampe magique, le génie), mais on est d'accord, c'est loin d'être Aladdin xD Écrire sur l'Orient est intéressant, ça m'a beaucoup plu !
Merci ♥️
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