7.3 - La trahison

Par Seja

Kali se recula. Encore et encore jusqu’à buter contre le lit. Niven n’avait pas encore repris connaissance. Elle espérait que ça n’arriverait pas jusqu’à l’arrivée de ceux qui devaient le récupérer.

Elle s’en détourna, balança toutes ses affaires dans le sac. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle se serait tirée maintenant. Parce que Niven avait eu raison : on n’allait pas la poursuivre, elle pourrait continuer sa vie comme avant.

Elle s’assit, posa le flingue à côté d’elle, ralluma les lentilles. Il n’y avait pas de nouveaux messages, pas d’ordres supplémentaires. Il n’y avait plus qu’à attendre.

Attendre.

— Kali ?

Elle tressaillit et se tourna vers lui. Elle le vit tester la solidité des menottes, porter une main à l’arrière de son crâne, grimacer.

— Tu m’expliques ?

Elle serra la mâchoire, fit taire les émotions. Elle ne pouvait plus se permettre de faiblesse avec lui. Elle ne pouvait plus si elle voulait garder sa vie sauve.

— On peut s’éviter ça, Niven ? dit-elle abruptement. C’est fini.

— Et qu’est-ce qui va se passer quand tu m’auras livré ?

Dans son regard, elle voyait de la déception. Il la fixait comme jamais encore avant. Il la fixait comme on fixe une étrangère.

— Ils ne vont pas te laisser en vie, tu sais, poursuivit-il. Tu connais trop de trucs.

— T’inquiète donc pas pour moi, grinça-t-elle.

Il la regarda pendant de longues secondes, ses yeux gris étaient devenus tellement froids. Puis, il se détourna.

Elle voyait sa mâchoire crispée et elle aurait dû être contente de le voir là, à sa merci.

Elle aurait dû.

— Ils viennent quand ?

— Bientôt.

— Tu ne veux vraiment pas m’en dire plus, Kali ? Ce n’est pas comme si j’allais le répéter à qui que ce soit.

Elle ne répondit pas. Elle n’avait pas à s’expliquer.

Du coin de l’œil, elle le vit bouger, tirer sur les menottes. Elle ramassa le flingue, fit sauter la sécurité, le reposa à côté d’elle. Il suivit chacun de ses gestes.

— J’ai pas besoin de toi en vie, Niven.

— Alors pourquoi je suis toujours là à respirer ?

— Tu sais très bien pourquoi.

— Je ne pense pas que ça va changer quoi que ce soit. Des fois que tu n’aies pas saisi, ils se débarrassent de la rébellion. Ils n’ont pas besoin de nous garder en vie. Ni moi ni toi, d’ailleurs.

— Une bonne chose que je fasse pas partie de la rébellion alors.

Le silence lui répondit.

— Comment j’ai pu me tromper à ce point… murmura-t-il. Kali…

Elle lui répondit par un silence buté.

— Ce que je ne comprends pas, poursuivit-il, c’est pourquoi t’avais besoin de toute cette comédie à si long terme. T’aurais très bien pu me mettre une balle entre les deux yeux il y a des mois. Pourquoi t’as attendu jusqu’à maintenant ?

— Parce qu’avant, tu gênais pas.

— C’est vrai que maintenant, je suis une terrible menace.

Elle serra les lèvres et le fixa droit dans les yeux. Elle ne tenait pas à ce qu’il l’analyse. Elle avait juste envie qu’il se taise, que les soldats viennent le chercher.

— Tu sais, tout ça, je peux à la limite comprendre. T’es une tueuse à gages, soit. Mais tous tes beaux discours sur la survie de la rébellion, sur la force de l’idée, ça avait quel intérêt ? C’était juste pour passer le temps ? Juste pour t’amuser avec ta prochaine cible ?

— À t’entendre, on dirait que tout est tellement simple, Niven.

Elle se mordit la lèvre. Elle venait de lui donner l’impression d’une brèche et c’était mauvais.

— Ça l’est. Tu pouvais très bien filer, tu ne leur devais rien.

Elle préféra rester dans le silence.

— Et Bolthis ? demanda-t-il. C’était dans le même genre ? Passer le temps en attendant de pouvoir me livrer ?

— Tu sais rien, Niven, siffla-t-elle.

— Alors, raconte-moi.

Elle secoua la tête.

— Comme tu veux. Mais quand je suis tombé sur toi à Catinis, je t’ai vue vraiment, Kali. Sans toi, je n’aurais pas passé la nuit. Je te dois la vie. Et je sais que je ne suis pas le seul dans ce cas. Je sais que quantité de rebelles peuvent en dire de même. Alors pourquoi ? Pourquoi te soucier de les ramener d’entre les morts si c’est pour les livrer sans états d’âme après ? Avoue que ça manque de logique.

À ces paroles, elle releva vers lui un regard surpris.

— Allons, Niven. J’avais besoin de rester à l’intérieur. J’avais besoin de me rendre indispensable. C’était le point d’entrée parfait.

— Sauf que je n’y crois pas, à ça.

— Bien dommage. C’est la vérité.

— Peut-être pas toute la vérité. Peut-être que t’avais besoin de ça pour y rentrer. Mais ce n’est pas la seule raison.

— Bah voyons.

— T’as laissé partir Ankha, pas vrai ?

— Ankha ?

— Je sais que t’es allée la chercher à l’hosto. Elle te faisait confiance. Peut-être même qu’elle t’a confié ses plans. Et tu n’as envoyé personne à ses trousses. Je me trompe ?

— Ankha…

Parce que la vérité, c’était qu’elle n’avait pas eu le courage de la livrer. Et comme elle n’avait pas eu d’ordres directs la concernant, elle en avait profité pour la laisser s’échapper.

— Ankha, c’est différent.

— Différent ?

— Différent.

— Pourquoi ici et maintenant, ça ne pourrait pas être différent ? T’es peut-être bonne actrice, Kali. Mais quand t’as parlé de Bolthis, j’ai vu ce qu’il y avait au fond de tes yeux. Et c’était de l’espoir. T’y as peut-être cru juste pendant une seconde, mais t’y as cru.

La mention de Bolthis la prit par surprise. Elle regrettait d’avoir monté ce plan avec lui. Sur le coup, elle s’était dit que c’était pour gagner du temps, pour l’occuper en attendant…

Mais comme dans tout bon mensonge, il y avait une part de vérité.

À son expression, elle vit qu’il n’avait pas loupé son hésitation.

Alors, elle raffermit la prise sur son flingue.

— Je te conseille de la boucler, Niven.

 

×

 

Niven ne dit rien de plus, ne croisa pas son regard. Kali le garda à l’œil.

Et enfin, on frappa à la porte et elle ouvrit aux deux miliciens. Elle leur donna la clef des menottes, se recula dans un coin. Ce qui allait suivre ne la concernait plus.

Un des miliciens détacha Niven du radiateur, lui ordonna de se lever. C’est alors que les choses s’accélérèrent et Kali vit l’homme se prendre un coup dans le plexus et un autre dans la mâchoire. Mais cette tentative fut bien vite arrêtée par le deuxième milicien qui prit le relais.

Kali se recula encore un peu en voyant les coups pleuvoir sur Niven. Elle le vit à genoux, le visage en sang. Puis, le premier milicien se releva, fit sauter la sécurité de son flingue et le colla sur le front du prisonnier.

— Encore un truc dans le genre et j’appuie sur la gâchette, dit-il.

Kali fixait toute la scène et ressentait chaque coup, comme si c’était elle qui les recevait. Elle ressentait toute la douleur, tout le désespoir. Elle ressentait tout ce qu’elle n’aurait pas dû.

Elle baissa alors les yeux pour ne pas voir. Elle avait toujours les doigts crispés sur son propre flingue, tellement fort que ses jointures avaient blanchi.

Elle inspira, tenta de calmer la douleur dans la poitrine.

Puis, elle releva les yeux, fit sauter la sécurité de son pistolet et tira. Une fois, deux fois.

Les deux miliciens s’effondrèrent et elle se retrouva face au silence de la pièce. Niven était toujours à genoux là, en face d’elle. Il la regardait, il ne réagissait pas.

Elle ravala la panique, s’approcha de lui, prit les clefs de la main d’un cadavre, déverrouilla les menottes.

— Reste pas là, murmura-t-elle en sentant l’adrénaline pulser dans ses veines.

Il se releva, non sans mal.

— Pourquoi ? demanda-t-il enfin.

Elle ne répondit rien, elle ne pouvait pas partir dans ce genre de discussion maintenant.

— Il faut qu’on se tire d’ici, dit-elle. Avant que quelqu’un rapplique.

Il ne se le fit pas répéter, attrapa son sac et la suivit en dehors de la chambre, laissant derrière les deux cadavres.

Kali n’alla pas vers l’entrée principale de l’hôtel, elle poussa la porte de la cave. Elle avait étudié les plans du sous-sol, elle savait qu’il y avait une sortie de secours.

Enfin, ils arrivèrent à la porte et Kali la poussa sans se laisser le temps de réfléchir.

Il n’y avait personne derrière.

Tout ce qu’il y avait, c’était cette ruelle déserte qui formait un cul-de-sac. Kali se tourna vers Niven, s’attarda sur le sang de son visage, sortit un mouchoir, le lui tendit. Il hésita avant de s’en saisir.

Enfin, après s’être assurée qu’il n’attirerait pas trop le regard des patrouilles, elle lui fit signe de se remettre en route. Mais elle sentit soudain ses doigts autour de son poignet.

— Merci, Kali, dit-il dans un souffle.

Elle serra les dents, hocha la tête, libéra sa main.

Puis, elle rabattit la capuche sur sa tête et ils s’enfoncèrent dans le crépuscule.

 

×

 

Le train était quasiment désert. Il y avait juste deux autres passagers en plus d’eux dans le wagon. Mais ils étaient suffisamment loin pour ne pas surprendre leur discussion.

— Depuis combien de temps ? demanda Niven.

— Quatre ans.

— Pourquoi ?

— Parce que je m’ennuyais. Évite les questions stupides, Niven.

Elle n’arrivait pas à le regarder en face. Elle ne savait pas ce qu’elle trouverait au fond de ses yeux. Alors, elle se tourna vers l’extérieur, la nuit était en train de tomber.

— Mais pourquoi la rébellion ?

— Parce que c’était ma mission. L’infiltrer et la couler de l’intérieur.

— Je ne t’ai pas trop vu la couler.

— T’as mal regardé.

— Ou alors, tu t’es trop prise au jeu.

— Et si on arrêtait de tenter de me psychanalyser ?

Elle n’arrivait pas à calmer la douleur dans la poitrine. Elle ne savait pas ce que c’était. Peut-être la culpabilité, peut-être l’angoisse.

— Il y a eu des moments où j’y ai cru, murmura-t-elle. Aux balivernes de la rébellion.

Elle osa un rapide regard vers Niven, vit son front plissé.

— J’aurais jamais rejoint la rébellion en temps normal. Elle est mauvaise. Mais par moments, j’arrivais à oublier que j’étais juste une taupe, j’avais l’impression de vraiment aider les gens. C’est stupide.

— Ce n’est pas stupide.

— Je sais ce que tu fais, Niven. T’essaies de me trouver des circonstances atténuantes. J’en ai pas besoin. J’assume complètement ce que j’ai fait.

— Tu m’as aussi sauvé. T’aurais très bien pu les laisser m’emmener.

Elle serra les dents.

— Bien sûr que j’aurais pu.

— Alors pourquoi ?

— Parce que je suis conne. Parce que quand je les ai vus t’assommer, j’ai pas pu partir. Voilà, content ?

Le pire, c’est que c’était la vérité. Elle n’avait pas pu aller jusqu’au bout de sa mission. Elle avait été trop faible.

— Et arrête de sourire comme un crétin, grogna-t-elle. On est dans la merde jusqu’au cou.

— Je sais.

— Maintenant, on est fugitifs tous les deux et ils ont nos signalements.

Elle le vit faire un geste dans sa direction, comme pour lui saisir la main. Puis, il s’interrompit. Il venait sans doute de se rappeler de ce qu’elle lui avait fait.

Elle se détourna pour ne plus voir sa méfiance.

— Kali, on trouvera bien quelque chose.

— C’est pas aussi facile.

Il garda le silence un long moment et elle, elle n’osa pas parler. Parce que la vérité, c’était qu’ils ne savaient pas où ils allaient, ils ne savaient pas s’ils ne se feraient pas arrêter en descendant du train. Et Kali ne savait pas s’ils pourraient continuer ensemble. Elle avait trahi Niven et elle ne savait pas s’il arriverait à la pardonner.

— On trouvera quelque chose, répéta-t-il.

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Alice_Lath
Posté le 24/04/2020
Mais purée, qu'est ce qu'ils font pas comme boulettes par amour haha, c'est assez hallucinant, vraiment. Ils tombent dans tous les panneaux les deux pieds joints avec beaucoup d'entrain, ça fait plaisir à voir. Je parie mon deuxième oreiller qu'ils vont pas y arriver, ça va finir comme Ankha et Meero tout ça. Puis, bon, hein, Kali, le karma te guette, fait gaffe quand même huhu
Cocochoup
Posté le 23/04/2020
Bon ça va je retire ce que j'ai dit
C'est pas une pouffiasse. Mais je comprend pas pourquoi elle a sauvé autant de vie....
Elle a laissé ankha
C'est pas le monstre que t'essaie de nous faire croire !
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