6 - Past is present (+ playlist)

Notes de l’auteur : Je cherchais où partager quelques musiques qui ont inspiré l'histoire et les personnages, je pense que pour l'instant les notes sont un choix acceptable, alors voilà :

♫ Don’t fear the Reaper (The Spiritual Machines)
♫ Influence (Elephant Music)
♫ Bullet With Butterfly Wings (Sam Tinnesz & Tommee Profitt)
♫ Zombie (The Cranberries | Bad Wolves)
♫ Mina’s Photo (Wojciech Kilar)
♫ The Hunt builds (Wojciech Kilar)
♫ Darkside (Sam Tinnesz)
♫ Carol of the Bells (Christopher Drake)
♫ Man or a monster (Sam Tinnesz & Zayde Wolf)

Le Oakes Antiques respirait à travers différentes époques. D’anciens meubles de bois massifs décidaient de l’espace laissé aux visiteurs de la boutique, et d’épais tapis à motifs étouffaient les pas de ces derniers. Sur les étagères et les présentoirs se côtoyaient bibelots, tableaux et quelques bijoux. Des luminaires pendaient au plafond, et des lanternes reposaient parmi la multitude de reliques. Certains d’entre eux étaient allumés, projetant à travers l’espace une lumière chaude et des zones d’ombre. Une odeur de bois, de vieux papier et de tissu ancien flottait dans l’air.

Derrière le comptoir, Léonie inspira et expira avec délice. Elle appréciait la paix et la sérénité de cet endroit qu’elle gérait depuis maintenant deux ans. Chacun de ces objets avait une histoire souvent plus riche que la sienne, plus complexe que celle de n’importe quel être humain poussant la porte du Oakes Antiques. Elle se plaisait à raconter tout ce qu’elle en savait aux personnes qui pénétraient dans la boutique d’antiquaires.

Léonie n’avait qu’un seul employé ; ces six derniers mois, il s’agissait de Joshua, un étudiant en langues qui se délectait de pouvoir apprendre des notions de français auprès de la jeune femme. Il était d’ailleurs en pause déjeuner, et Léonie était seule dans la boutique. Elle leva furtivement un oeil aguerri du livre posé sur le vieux comptoir.

— Petit, vas-y doucement avec ce canapé, invectiva-t-elle à l’adresse d’un enfant d’une huitaine d’années qui grimpait sans précaution sur un sofa aux motifs floraux et aux accoudoirs dorés. Il est sûrement plus âgé que tes grands-parents et tu lui dois le respect.

L’enfant la regarda avec de gros yeux, puis descendit du canapé sans répondre avant de courir dans les jupes de sa mère, de l’autre côté de la boutique. Léonie sourit et reporta son attention sur son livre. Elle appréciait la présence des enfants en toute circonstance, même si elle appréciait encore plus que les parents fassent leur travail et gardent un oeil prudent sur leur progéniture.

Un temps calme dans la boutique la poussa à se perdre dans la contemplation de son téléphone et ses différentes notifications. N’importe qui ayant rejoint le cercle d’au moins un réseau social en recevait à longueur de journée. Léonie était très présente sur certains d’entre eux ; cela aidait aux contacts et à la promotion de sa boutique. Certains objets avaient trouvé leur place dans le Oakes Antiques grâce à cela.

Une notification provenant d’un groupe Facebook l’interpella particulièrement. Quelqu’un avait relayé un post qui débutait par un court texte :

Bonjour. Après avoir vidé l’ancienne maison de mon père, nous avons trouvé ceci dans son grenier. Certainement les effets personnels d’un de ses camarades durant la guerre. Mon père nous ayant malheureusement quittés quelques mois auparavant, j’ai l’espoir de trouver la famille de ce soldat pour lui remettre ces souvenirs. Si vous avez des informations sur ce sergent Carrel, contactez-moi par message privé. Merci.

Ces mots étaient accompagnés de plusieurs images qui rendirent les yeux de Léonie ronds comme des soucoupes. Elle y voyait bel et bien les effets personnels d’un soldat : un casque et un uniforme français muni d’un brassard des services de santé militaire de 1940, un masque à gaz, un sac en toile contenant une boite à tabac, de vieux ciseaux, des aiguilles et du fil chirurgical ainsi que quelques pièces de monnaie. Un nom presque effacé figurait sur le poitrail de l’uniforme : A. Carrel.

La dernière image était la numérisation nette d’une photographie de l’époque. Un régiment de soldats français et britanniques y figurait. Léonie scruta chaque visage de ces jeunes combattants avec une émotion mêlée de respect. Puis, elle se figea de stupeur. Ses yeux clignèrent plusieurs fois tandis qu’elle scrutait un visage familier. Un jeune soldat plus petit que ses pairs, aux traits fins et au visage lisse. Ce jeune homme ressemblait trait pour trait à Lester, et semblait avoir l’âge actuel de son ami.

Elle ignorait si la photo avait mal vieillie, mais ses cheveux paraissaient d’un blanc immaculé. Il portait à gauche ce brassard clair dénotant son appartenance au corps médical de l’armée. Le même brassard que sur les photographies jointes de l’uniforme lui-même.

Léonie prit une inspiration soudaine. Ce ne pouvait pas être une coïncidence ; son meilleur ami lui avait un jour raconté que son grand-père avait combattu durant la Seconde Guerre Mondiale ; l’initiale du prénom — Albert — correspondait, et la ressemblance était trop frappante. La raison pour laquelle Lester et son grand-père n’avaient pas le même patronyme lui échappait, mais elle était intimement persuadée d’avoir posé les yeux sur ce qu’il restait de cet homme. Il fallait absolument qu’elle récupère ces reliques ! Lester serait certainement ravi et touché de les voir revenir à lui !

Elle chercha hâtivement dans le texte un moyen de contacter la personne ayant directement pris ces clichés, un certain John O’Brien. Ses doigts pianotèrent frénétiquement sur l’écran pour rédiger un message privé.

[Bonjour monsieur ! J’ai lu votre post concernant les effets personnels du sergent Albert Carrel. Je pense connaître quelqu’un qui serait de la famille de cet homme, il lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Pouvez-vous mettre ceci de côté le temps que je lui demande confirmation ? S’il s’agit bien de son grand-père sur la photo, j’aimerais que cela revienne dans sa famille. Merci à vous !]

Léonie éteignit l’écran du téléphone et le glissa dans sa poche. En relevant la tête, elle remarqua la présence de quelques clients dans la boutique. Quittant le comptoir de son pas énergique et sautillant, elle vint les saluer et les renseigner. Sa bonne humeur flamboyait dans un rayon qui atteignait sans doute le côté opposé de la rue. Excitée par sa découverte, elle espéra que John O’Brien la recontacterait dans les plus brefs délais.

Un quart d’heure plus tard, la porte derrière le comptoir s’ouvrit et Joshua revint dans la boutique. C’était un grand et solide jeune homme, à la mine sympathique et aux longues dreadlocks attachées derrière sa tête.

— Léonie ? J’ai terminé ma pause, tu peux aller manger. Je m’occupe de la boutique le temps que tu reviennes.

Léonie laissa en suspens son rangement dans le coin des arts de la table et revint vers le comptoir, adressant un sourire chaleureux à son employé.

— Merci Joshua. Si tu as le moindre soucis, viens me trouver dans la salle de pause.

Se faire rappeler qu’elle n’avait toujours pas pris sa pause fit apparaître un creux persistant dans son estomac ; son enthousiasme de la dernière demi-heure avait oblitéré sa sensation de faim. Assise à la petite table dans la salle équipée d’un micro-ondes et d’un évier, Léonie mangea avec entrain la portion de gratin qu’elle avait emporté en partant de chez elle. Elle se demanda si Lester y avait goûté. Probablement pas. Il avait une liste interminable d’intolérances alimentaires. Tous les ingrédients du gratin de macaroni au fromage en faisaient parti, à n’en pas douter.

Léonie sentit son téléphone vibrer et laissa choir sa fourchette sur la table pour sortir l’appareil de sa poche. John O’Brien avait répondu à son message.

[Bonjour Léonie. Je suis ravi d’apprendre que vous connaissez un descendant du sergent Carrel. Me confirmez-vous qu’il ressemble au jeune homme aux cheveux blancs sur la droite de la photographie ?]

Elle s’empressa de taper une réponse et de l’envoyer :

[En effet ! Il s’agit de mon colocataire. Je lui en parlerai ce soir, je vous recontacte au plus vite pour vous confirmer qu’il s’agit bien d’un membre de sa famille. Merci encore !]

Posant son téléphone sur la table, elle termina son repas. Après une journée de travail, elle avait certes toujours hâte de rentrer chez elle, mais ce jour-là était différent. Elle aurait souhaité pouvoir accélérer le temps pour arriver à dix-sept heures trente dans la seconde.

 

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EryBlack
Posté le 27/01/2023
Salut ! Très cool ce chapitre, j'aime beaucoup ces moments dans les histoires où on en sait plus que le personnage et qu'on le voit se jeter dans la gueule du loup ou faire des erreurs terribles. Enfin, je dis "j'aime", même si à chaque fois ça me serre le cœur :')
En l'occurrence, ce chapitre qui, donc, fonctionne très bien, me met le doute sur une remarque que je voulais te faire. Je n'ai pas été super fan du passage avec Ulrich. C'est subjectif, mais il m'a fait l'effet d'un type d'antagoniste déjà croisé au fil de mes lectures/visionnages, et le côté "je vais transmettre un savoir à mes descendants qui auront tous la même obsession que moi : te détruire" qu'on perçoit dans le passage avec Manfred me laisse aussi une impression de déjà-vu. Désolée, ce n'est peut-être pas très agréable à lire comme retour :/ Mais je me dis que les histoires de vampires, il en existe de très nombreuses, et donc je t'avoue qu'en tant que lectrice je vais chercher des choses qui me donnent la sensation d'être tout à fait neuves ; c'est sans doute ce qui fait la difficulté du genre, mais aussi le sel du défi ! Je vais de toute façon poursuivre un peu ma lecture pour voir ce que ça donne sur la suite, bien sûr. En tout cas, ce passage avec Léonie fonctionne bien en grande partie parce qu'on a eu l'aperçu avec Ulrich avant... d'un autre côté, comme je n'ai pas accroché à ce passage, je me suis demandé ce que ce chapitre de Léonie aurait donné sans. Même si rien n'aurait eu l'air particulièrement menaçant, on aurait sans doute eu un sentiment de malaise diffus, genre mauvais pressentiment qui peut être bien efficace aussi. Bref, je me suis interrogée et je te livre cette réflexion, tu en fais ce que tu veux :)
Ra(p)ture
Posté le 13/02/2023
Salut Ery ! Je te remercie beaucoup pour ton intérêt envers l'histoire, ça me touche ! Jusqu'à maintenant toutes tes remarques on été utiles et justes, elles font parti de celles que je copie/colle sur un doc à part en vue de la réécriture, alors pas de soucis, je t'encourage à continuer à être honnête =P

D'une manière générale et même en tant qu'auteur, je ressens aussi Ulrich comme un personnage très perfectible par rapport aux autres, donc ta remarque ne m'étonne pas vraiment. Merci de l'avoir souligné et à bientôt j'espère !
MrOriendo
Posté le 16/12/2022
Oh Léonie, si tu savais quelle erreur tu viens de faire...
Cela dit, le piège tendu (je le suppose) par Ulrich est ingénieux. On devine que les choses vont se précipiter dans les prochains chapitres, maintenant que le descendant de Manfred est officiellement lancé sur la piste de Lester.

En tout cas, l'histoire est toujours aussi agréable et je dévore les chapitres avec plaisir :)
Altaïr
Posté le 27/11/2022
Hello Ra(p)ture,
les Histoires d'Or m'ont menée jusqu'à ton histoire. J'en ai lu les premiers chapitres avec beaucoup d'attention et attendais d'avoir le temps de commenter correctement.
J'ai préféré consacrer une bulle de temps libre à la poursuite de ma lecture. Mais ta note a attisé ma curiosité, d'où ce com : je ne connaissais pas cette reprise de "Bullet With Butterfly Wings". Tout aussi mélancolique et moins agressif que le morceau original. Un peu comme ton personnage : sa nature est ce qu'elle est, mais il tente autant que faire se peut de l'adoucir.
L'univers que tu as construis pour ce récit possède une esthétique qui m'intrigue : l'ambiance pluvieuse et brumeuse de Londres y contribue je pense. C'est étrange mais la plupart des scènes que j'ai visualise depuis le début de ma lecture sont dans des teintes de gris/rouge/noir/ et pourpre parfois. Ce doit être fortement suggéré par tes descriptions, à vérifier :p.
Bon, je poursuis ma lecture, et viendrais probablement poster d'autres com !
Ra(p)ture
Posté le 28/11/2022
Salut !
Ravi de t'avoir fait découvrir la reprise de ce morceau, c'est l'une des musiques qui berce l'écriture de l'histoire depuis le tout début. Au passage, tout le travail de Tommee Profitt est phénoménal.

Ton ressenti sur les scènes est intéressant, je suis content que l'écriture te véhicule ces images =P elles correspondent bien à l'ambiance.

A bientôt !
Hortense
Posté le 30/10/2022
suite,
Léonie semble bien être tombée dans un piège et quel que soit son interlocuteur, je pressens qu’il n’a pas que d’honnêtes intentions :
- Petit, vas-y doucement avec ce canapé, invectiva-t-elle : invectiver sonne bizarre. Gronda-t-elle ? Maugréa-t-elle ? Râla-t-elle ? Rouspétât-t-elle ? Protesta-t-elle ? etc
Je poursuis…
AliceH
Posté le 01/04/2022
Je passe beaucoup trop de temps à commenter ce à quoi des histoires me font penser mais sur ce coup, le fait que Cromwell a les cheveux blancs sur la photo me rappelle Alrich, le vampire de Au service surnaturel de sa majesté, qui doit boire du sang s'il veut que ses cheveux se colorent (un des meilleurs vampires de fiction ever). J'étais venue lire un chapitre ou deux mais je sens que je vais finir sur ma lancée !
Ra(p)ture
Posté le 13/06/2022
Je connais absolument pas ce vampire, mais je vais y jeter un oeil =P
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