43. Atkos

Par Hinata
Notes de l’auteur : Hey hey :) Petite note pour vous glisser qu'il ne reste plus que trois chapitres après celui-là (sans compter l'Epilogue, qui est très court). La fin de ce tome 1 approche enfin ^^ Un grand merci à toutes les Plumes qui sont arrivées jusqu'ici, je me sens très chanceuse que vous preniez le temps de lire cette histoire <3 Bonne lecture ^^

Mais qu’est-ce qu’elles fabriquaient ? Cela faisait une éternité qu’elles étaient descendues aux sous-sols ! À vrai dire, il n’avait aucune idée du temps que Nesli et Fenore avaient passé là-dessous, mais pour lui, qui restait ici sans rien faire, cela semblait long. Très long.

Quand il ne scrutait pas l’entrée du souterrain pour guetter ses amies, Atkos lançait des regards anxieux vers les portes entrebâillées du fort, où il craignait de voir apparaître une nouvelle escouade de bannis. Il lui semblait à chaque instant entendre des bruits de pas venant de l’extérieur. Mais rien ne se passait. Malgré tout, son cœur s’accélérait un peu plus à chaque pulsation sans qu’il puisse le contrôler.

Si quelqu’un les avait vus entrer dans l’enceinte du fortin, si des gardes survenaient ici, Atkos devrait fuir. Pas définitivement : juste le temps de d’emmener Domyrade et Beherzt en lieu sûr. Dans un trou de la falaise par exemple. Quoi qu’en ait dit Nesli, il était hors de question de partir sans elles. Armé de son arc, il pourrait protéger la sortie du tunnel. Si nécessaire, il était même prêt à utiliser son Don grâce au puits. Dans le pire des cas, son pouvoir pourrait toujours faire diversion.

Atkos vida ses poumons en espérant chasser l’anxiété qui l’empêchait de respirer correctement. Il ferait mieux de se préoccuper de ce qui était sa portée. Résigné, il délaissa l’entrée du tunnel et retourna auprès de Beherzt et Domyrade.

Le premier restait désespérément inconscient. Domyrade le surveillait du coin de l’œil tout en mâchant de quoi remplir son estomac. Elle lui proposa muettement un navet qu’Atkos refusa d’un mouvement de tête.

– Fuyez !

La voix leur était parvenue faiblement dans un écho légèrement déformé.

– Fenore ! s’exclama Domyrade en s’étranglant à moitié.

Elle sauta sur ses pieds et se dirigea droit vers l’ouverture sombre. Atkos la suivit immédiatement et arriva dans l’encadrement juste après elle. Même en scrutant les profondeurs, il ne distingua rien d’autre que les ténèbres épaisses du tunnel.

– Atkos, Domy ! se remit à hurler Fenore. Ne restez pas plantées là ! Attrapez Beherzt et partez !

Atkos lui obéit sans chercher à comprendre. Il attrapa la main de Domyrade pour l’entraîner avec lui loin de l’entrée. Ils se précipitèrent près du puits où les attendaient Beherzt et toutes leurs affaires. Atkos souleva leur ami dans ses bras pendant que Domyrade attrapait à la va-vite les deux petites haches et leurs sacs de provisions.

Ils étaient en train de revenir au milieu de la cour quand Fenore surgit brusquement des ténèbres. La voir courir dans leur direction les figea tous les deux sur place.

Toute la partie gauche de ses longs cheveux blancs était roussie jusqu’à l’épaule. Enfin, roussie, ce n’était pas vraiment le mot. Le bas des mèches était complétement carbonisé de ce côté, au point de ne plus ressembler qu’à une touffe noire, informe, flétrie et desséchée qui semblait se dissoudre un peu plus à chaque instant.

Avant que ni lui ni Domy n’ait pu prononcer le moindre mot, Fenore arriva sur eux et saisit les épaules de Domyrade pour la pousser à courir vers la porte.

− Vous êtes sourds ? On fiche le camp !

– Et Nesli ?

− Elle arrive, courez !

Fenore se chargeait d’accompagner Domy, il pouvait s’envoler avec Beherzt. En quelques battements d’ailes, Atkos atteignit le mur opposé de la cour. Ramenant ses grandes ailes contre lui, il passa entre les portes du fort.

Aussitôt, il pivota pour voir où en étaient ses amies. Nesli était enfin sortie à son tour du tunnel. Lance en main, elle était déjà en train de rattraper Fenore et Domyrade. Un roulement de tonnerre enflait peu à peu depuis le souterrain jusque dans la cour. Atkos n’arrivait pas à déterminer si tout s’effondrait ou si un groupe de gens les poursuivait. Il recula pour laisser ses amies se glisser à l’extérieur des remparts. Le grondement se fit plus fort, Beherzt se crispa légèrement dans ses bras. Alors que Nesli et Fenore commençaient ensemble à fermer les battants de la porte, leurs poursuivants firent leur apparition. Mais ?! Ce n’étaient pas des bannis, ça.

Ses amies achevèrent de refermer la porte. Atkos déposa Beherzt par terre aussi délicatement que possible, puis il alla se coller aux battants de bois pour observer la cour par les interstices qui les zébraient de partout.   

Ses yeux ne l’avaient pas trompé, c’était bien une petite troupe de mammouths qui avait déboulé dans la cour du fortin. En revanche, ils étaient bien plus petits que ce qu’il avait imaginé. Loin de mesurer jusqu’à trois fois la hauteur d’un centaure, ces bêtes ne devaient pas le dépasser de beaucoup. Ce qui, en y réfléchissant, était tout de même plutôt grand pour un animal. En revanche, bien que deux fois plus épais que n’importe quel centaure, les pachydermes avaient l’air maigres. Leur toison grise semblait épaisse, mais leurs flancs n’étaient pas aussi arrondis que ceux d’un centaure. Leur croupe, pour certains, ressemblait davantage à celle d’une vache aux os saillants, qu’à celle d’un animal de trait.

Contrairement à ce que disaient les légendes, leurs défenses d’ivoire n’étaient pas pointues, mais courtes et arrondies ; deux moignons blancs lisses et massifs, mais plutôt inoffensifs. Finalement, le plus intimidant restait sans doute l’énergie que déployaient ces animaux. Leurs pattes recouvertes de fourrure martelaient le sol en soulevant des nuages de poussière. Atkos sursauta quand l’un d’eux poussa un bruit assourdissant dans un grand mouvement de trompe. C’était un cri très étrange, à la fois rauque et aigu. Bien plus étrange encore que le hennissement des chevaux.

À force de courir dans tous les sens avec de grands mouvements de tête, ils ne tardèrent pas à se cogner les uns aux autres. S’ils étaient restés longtemps dans les souterrains, la lumière du jour devait les éblouir et les effrayer.

– Ils sont quand même beaucoup moins intimidants au grand jour, constata Fenore.

Comme lui, ses amies s’étaient collées aux battants pour observer cette scène incroyable.

− Ce sont des bébés, je crois, dit Nesli.

− Pourquoi les ont-ils laissés ici tout seuls ? s’enquit-Domyrade d’une voix presque indignée.

− Ils n’auraient sans doute pas pu suivre le rythme des mammouths adultes sur une grande distance, réfléchit Fenore.

− Mais personne ne s’occupait d’eux ?

− Je ne crois pas. Ils étaient juste entassés dans un coin derrière une grille que Nesli a fait fondre.

− Et vous n’avez pas pensé à regarder de l’autre côté avant de la faire fondre ? soupira Atkos en se détachant du battant.

− Ils ne bougeaient pas ! se défendit Nesli. Jusqu’au dernier moment, nous n’étions même pas sûres qu’ils soient encore vivants.

– Et il a fallu que vous les énerviez ?

– Ce n’était pas vraiment intentionnel, marmonna Fenore d’un ton irrité.

Les bouts carbonisés de ses cheveux avaient presque tout à fait disparu dans sa course.

− Au moins aucun de nous n’a été piétiné, fit remarquer Nesli avec optimisme.

Atkos poussa un soupir avant de coller de nouveau son œil à un interstice. Même s’ils continuaient de piétiner le sol en secouant leurs queues fillasses dans les airs, les mammouths avaient l’air de s’être un peu calmés.

– Ils ne chargent plus, constata Atkos.

Il y eut un silence qui lui laissa tout le temps d’imaginer à quel point les parents de ces bêtes-là devaient être effrayants.

− Vous pensez comme moi ? déclara finalement Fenore.

− Quoi, répliqua Domy d’un ton cassant, tu veux les délivrer pour empêcher les vieillards qui restent de partir à la conquête du monde ?

 − Non, je veux les utiliser pour rentrer chez nous.

Oh. L’idée était à la fois brillante et complètement stupide. Quoique… Atkos s’accorda un énième coup d’œil aux créatures. Le souvenir incongru d’un dompteur itinérant qui faisait danser un ours lui revint en mémoire. Ils n’avaient besoin de faire danser les mammouths, leur indiquer la direction à suivre suffirait amplement. Avec de telles montures, ils pourraient semer sans aucun mal les bannis qui se lanceraient à leur poursuite.

Il tourna la tête et trouva ses amies en train de discuter entre elles. Nesli et Domyrade semblaient réticentes à la proposition.

− Beherzt ne s’est toujours pas réveillé, argumenta Fenore. Ce serait un moyen idéal de le transporter ! Il faut essayer.

Il n’y avait pas pensé, mais ça faisait une raison de plus.

− On peut y arriver, l’appuya-t-il. 

Fenore hocha la tête d’un air déterminé. Il se rappela qu’elle était arrivée dans son clan avec un cheval. Son expérience de cavalière leur serait utile. Ce n’était pas sur elle cependant que reposerait le succès de cette opération. Atkos quitta son poste près de la porte pour aller se placer à côté de Domyrade.

− On va avoir besoin de toi pour les approcher sans danger, lui annonça-t-il sans ambages. Notre odeur risque de les effrayer et on pourrait bien finir piétinés. Mais ton Don peut éviter ça.

Domyrade ne semblait pas tout à fait dans son état normal. Les derniers jours avaient laissé son visage cerné et son regard bleu, d’ordinaire si perçant, comme voilé d’un gris fatigué. Ça ne l’empêcha pas de comprendre parfaitement ce qu’il lui disait. Elle lui fit signe de continuer.

– Tu dois créer un chemin aérien pour canaliser notre odeur et empêcher les mammouths de la sentir. Les Révélés utilisent sans arrêt cette technique pendant la chasse. Tu ne devras pas relâcher ton pouvoir une seule seconde, tu t’en crois capable ?  

Ses yeux se teintèrent d’un air de défi.

− Nesli, appela Atkos en la cherchant du regard. Tu viens avec Fenore et moi ? Dans l’idéal, il nous faudrait trois montures.

Une lueur effrayée passa dans son regard de jade. Évidemment. Ils avaient tous peur. Depuis des jours, ce sentiment ne les quittait plus. Mais il ne fallait pas y céder. Ils devaient agir. Finalement, Nesli hocha la tête.

Atkos leur expliqua rapidement le plan qu’il avait imaginé. D’abord, Nesli se faufilerait jusqu’au puits pour voler et découper en trois morceaux la longue corde qui servait à remonter l’eau. Ensuite, ils s’occuperaient chacun d’un bébé mammouth à capturer sans alarmer le reste du troupeau.

− Passez la corde dans leur bouche, et pas autour du cou, préconisa Fenore. Et n’ayez pas peur de les regarder dans les yeux pour les rassurer. Ce ne sont pas des prédateurs, donc ça devrait fonctionner.

Lorsqu’ils furent tous les trois postés près de la porte, Atkos fit un signe à Domyrade qui ferma aussitôt ses paupières pour se concentrer. Le plus discrètement possible, ils ouvrirent la porte, puis entrèrent plus prudemment encore que la première fois dans l’enceinte du fort. Avec Fenore et Nesli à ses côtés, il se sentait bizarrement capable de capturer un bébé mammouth. Non, trois bébés mammouths.

Pendant que Nesli s’en allait à pas de loups vers le puits, Atkos observa attentivement le troupeau. Près de lui, Fenore essuyait ses mains moites sur le tissu de son vêtement. Nesli les rejoignit rapidement dans un silence parfait et distribua les morceaux de cordage. Atkos désigna à ses amies les trois individus les plus calmes qu’il avait repérés. Avant de passer à l’action, il jeta un rapide regard en direction des portes.

Les paupières toujours closes, Domyrade restait concentrée à laver l’air de leurs odeurs. Ils devaient faire vite pour ne pas l’épuiser complètement. La nourriture qu’elle avait engloutie quand Fenore et Nesli étaient dans les souterrains ne suffirait pas à compenser trois jours passés sans manger. C’était déjà un miracle qu’elle parvienne à exercer son Don. Sans compter qu’aucun Révélé de son groupe de chasse n’aurait pu accomplir seul ce qu’elle était en train de faire. À eux de tirer profit de ses talents.

Après un geste muet d’encouragement, ils se mirent tous les trois en mouvement. Atkos se dirigea vers sa cible d’une démarche la plus décontractée possible. Il maintint surtout bien immobiles ses ailes qui risquaient d’effaroucher la bête. Ses flèches cliquetaient légèrement les unes contre les autres dans le carquois passé autour de sa taille. Il aurait peut-être dû le laisser avec Domyrade et Beherzt. Cela dit, l’idée de pouvoir transpercer l’œil d’une de ces bêtes en cas d’urgence le rassurait considérablement.

Ne pas arriver ni de face ni par derrière, se souvint-il. Il fallait l’aborder au niveau de l’épaule.  Tout en continuant de se rapprocher, il raffermit sa prise sur le morceau de corde qu’il tenait. Heureusement, les autres mammouths plus agités s’écartaient en le voyant. Fenore avait raison, leur réflexe était celui des proies qui prenaient la fuite. À moins d’être acculées, elles n’attaquaient pas.

Bientôt, il fut suffisamment près de sa cible pour pouvoir la toucher en tendant le bras. Il hasarda un regard vers Fenore. Son amie caressait calmement un mammouth assez maigre aux longs poils gris. Le cœur battant, Atkos l’imita. Quoique très sale, la fourrure se révéla étonnamment moelleuse. L’animal semblait aux aguets mais ne broncha pas à ce contact. Gardant sa tête soigneusement tournée vers celle du mammouth, Atkos regarda du coin de l’œil sa main se perdre dans cette masse de poils gris striés de blanc.

Jugeant que l’animal s’était plus ou moins habitué à sa présence, Atkos passa avec lenteur un bras par-dessus son épaule. Son deuxième bras se glissa prudemment sous l’énorme tête pour attraper l’extrémité de sa corde.

Il devait maintenant lui faire ouvrir la gueule pour caler le cordage derrière la rangée de ses dents. Bloquant sa respiration, il posa une main sur la trompe. C’était à la fois rugueux et pelucheux. Un léger duvet recouvrait cette peau extrêmement sèche que des plis déformaient comme autant de rides. L’animal remua la tête et l’une de ses défenses toutes rondes cogna la cuisse d’Atkos. Il serra les dents et souleva de son mieux la lourde trompe.

Le mammouth recula de quelques pas, entraînant Atkos avec lui. Une rangée de dents apparut dans la gueule entrouverte. Son bras lui semblait tout à coup atrocement maigre. Profitant d’un mouvement de tête de l’animal, il fit enfin glisser la corde jusqu’à la commissure de sa gueule. Quand le mammouth referma la bouche sans avoir l’air gêné par son nouveau mors, Atkos s’accorda mentalement un grand cri de victoire.

Le mammouth se mit soudain à avancer. Ses mains s’enroulèrent fermement autour du cordage. Un bras toujours calé par-dessus le garrot, Atkos accompagna l’animal dans cette timide tentative de fuir. Un autre mammouth suivit le mouvement. Au cas où celui-là décide de venir coller son flanc contre celui de sa capture, Atkos se décida à s’élever d’un petit coup d’aile sur le dos de l’animal. La fourrure rendait son échine presque aussi confortable que celle plus arrondie d’un centaure. Heureusement, la bête n’eut aucune réaction particulière en se retrouvant chevauchée. Plutôt confiant, Atkos profita de son perchoir pour chercher Fenore du regard.

Elle marchait déjà lentement en direction de la porte, accompagnée par le pas lourd d’un mammouth qui agitait tranquillement sa trompe. À l’inverse, Nesli n’avait pas encore passé la corde à son mammouth. Les bêtes semblaient plus agitées de son côté. Atkos se reconcentra sur sa propre monture et tira sur un côté de la corde. Avec un grognement sourd, l’animal tourna la tête puis tout le reste de son corps dans la direction désirée. Ça fonctionnait !

Il parvint à l’entrée peu après Fenore qui avait visiblement réussi à arrêter sa monture sans problème et à grimper sur son dos. Voyant qu’il était lui aussi déjà installé sur sa monture, elle demanda à Domyrade de lui apporter Beherzt.

− Eh, il est lourd, le bougre ! grogna leur amie en le soulevant sous les aisselles.

− C’est que du muscle, marmonna une voix endormie.

Beherzt entrouvrit les yeux, mais pour les refermer aussitôt comme si ce simple geste était au-dessus de ses forces. Un petit rire de soulagement les secoua tous les trois. Déjà sa tête retombait plus inerte que jamais, mais il avait assez émergé pour entendre Domyrade et pour parler. Ce n’était pas un mince exploit à ce stade.

Quand Fenore eut réussi à attraper Beherzt et à le hisser devant elle, Domyrade alla chercher le reste de leurs affaires.

Atkos aperçut enfin Nesli par la porte. Elle avait réussi à passer la corde dans la gueule du mammouth et à lui monter sur le dos. En revanche, non loin de le guider par les rênes, elle se contentait de laisser sa monture suivre le mouvement de groupe du troupeau. L’ensemble des bêtes se dirigeait droit vers la porte.

− Dépêche-toi, Domyrade, la pressa-t-il.

Elle passa rapidement autour de son cou les sacoches alourdies par les outres qu’ils avaient remplies au puits. Atkos lui tendit un bras pour l’aider à grimper derrière lui. La petite main qui s’enroula autour de son poignet lui sembla glaciale. Il la souleva aisément jusque sur la croupe du mammouth. Heureusement, leur animal n’avait pas encore remarqué l’arrivée des autres, et se contentait de tâter celui de Fenore du bout de la trompe.

Toujours perchée sur son mammouth, Nesli ne semblait pas très sereine au milieu de la petite mer de toisons grises qui s’agitait autour d’elle. Au moins aucune bête ne faisait attention à elle, et même si leur pas semblait un peu hâtif, ils étaient loin de courir. Il ne restait plus qu’à espérer que si le troupeau continuait à marcher vers la ville, ils arriveraient à empêcher leurs bêtes capturées de suivre le mouvement.

− Tu pourras relâcher ton Don quand Nesli arrive, souffla-t-il à Domyrade.

Les boucles de son amie lui chatouillèrent le dos entre ses ailes quand elle hocha la tête. Il n’avait aucun moyen de voir si elle arrivait au bout de ses forces et risquait de tomber de leur monture. Il aurait peut-être dû la laisser devant.

− Accroche-toi à moi.

Il crut qu’elle ne l’avait pas entendu mais finalement ses petits bras blancs le frôlèrent en se glissant sous ses ailes avant de se refermer autour de sa taille. Bon, c’était déjà plus rassurant comme ça. Ils étaient si prêts du but, ce serait trop idiot que quelque chose arrive maintenant.

− Venez, décida Fenore, on commence à partir. Avec un peu de chance, ils suivront.

Sur ce, elle assena un grand coup de talons dans les flancs de sa monture tout en tirant sur les rênes pour diriger l’animal vers le nord. Le mammouth s’agita un peu mais le résultat fut plus concluant qu’Atkos n’avait osé l’espérer. Il procéda de la même manière avec son propre mammouth et à peine ses sabots eurent-ils touché son côté que la bête partit à la suite de son congénère.

C’était très bien parti. Si jamais Nesli n’arrivait pas à contrôler son mammouth, elle pourrait toujours les rejoindre et monter sur l’un des leurs. Ces bêtes n’avaient pas du tout l’air incommodé par leur poids. Dans son mouvement pour se retourner et chercher son amie du regard, un détail dans le paysage l’arrêta brusquement. Un amas de silhouettes tranchait clairement sur l’espace désertique qui séparait Uh’ak de l’enceinte naturelle. Un groupe de personnes en provenance de la ville marchait droit vers le fortin, vers eux surtout. Atkos n’arrivait pas à savoir combien ils étaient. Mais si ces gens mettaient la main sur le reste du troupeau de mammouths, ils pourraient bien se lancer à leur poursuite et avoir de grandes chances de les rattraper.

− Domy, utilise notre odeur pour rabattre tous les mammouths par ici ! Vite !

Il ne reçut aucune réponse, mais en tout cas, alors qu’ils venaient de passer la porte, tous les bébés mammouths dont celui de Nesli bifurquèrent dans leur direction. Le cœur battant, Atkos joua à nouveau du sabot pour faire accélérer leur monture. Bientôt, tout le troupeau trottait énergiquement vers la brousse. Atkos jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et fut soulagé de constater que les petites silhouettes de leurs poursuivants restaient minuscules.

Il en profita pour vérifier auprès de Domyrade qu’elle tenait le coup après l’utilisation de son Don. Elle acquiesça mollement, ce qui ne le rassura pas tellement. Heureusement ses petites mains tremblantes restaient fermement nouées autour de sa taille.

Grâce aux rênes, Nesli parvint à rapprocher son mammouth des leurs.

− Beherzt va bien ? demanda-t-elle à Fenore par-dessus le grondement assourdissant du troupeau.

Fenore hocha la tête. À ce moment seulement, ils osèrent enfin s’échanger tous les trois un sourire victorieux.

− Ces cordages ne tiendront pas jusque à l’Étendue, fit remarquer Fenore. Même les mors de chevaux sont en métal, alors une corde pour des mammouths, même bébés.

À peine avait-elle fini sa tirade qu’une idée germa dans l’esprit d’Atkos. Il se tourna vers Nesli et vit qu’elle avait pensé à la même chose que lui. Elle ferma ses yeux verts et ouvrit ses deux paumes vers le ciel. Lentement, les bracelets métalliques enroulés autour de ses poignets se mirent à changer d’état.

Le front suant, Nesli leur présenta finalement dans ses mains pâles et tremblantes trois objets métalliques qui ressemblaient à des mors grossiers, mais solides.

− On n’aurait pas pu rêver mieux, apprécia Fenore l’air admiratif.

− On n’est peut-être pas obligés de les installer tout de suite, dit Atkos.

Nesli hocha la tête.

− L’important pour le moment, c’est de mettre le plus de distance possible entre nous et cette ville, déclara-t-elle. Le reste, on verra plus tard.

Le souvenir des ronces géantes lui revint brutalement, mais Atkos se força encore à ne pas y réfléchir pour le moment. De toute façon, même s’il voulait, il ne saurait sûrement pas quoi en penser. Ils n’avaient pas trop d’autre choix que celui d’attendre que Beherzt leur explique lui-même ce qu’il s’était passé.

 Les bébés mammouths couraient d’une foulée étrangement fluide pour des bêtes de cette taille. En plus de ça, leur rythme était soutenu. La distance qui les séparait encore des premières collines de la brousse fut parcourue en un rien de temps. À partir de là, le troupeau commença à se disperser. Le nuage de poussière que leurs grosses pattes soulevaient s’étiola lui aussi et l’air fut un peu plus respirable. Ils n’eurent pas trop de mal à garder leurs trois mammouths proches les uns des autres. Pour ce qui était de la direction, ce n’était pas difficile non plus : leur échappatoire se trouvait tout droit. A travers la brousse, puis les marais, les montagnes, le désert, l’étendue, et ils seraient de retour dans la Plaine.

Ils avaient vraiment réussi. Ils étaient tous les cinq sains et saufs, et ils étaient libres. Ce n’était pas encore le jour où il allait rejoindre son frère et ses parents. Ce jour lui semblait tout à coup infiniment lointain. Des larmes lui envahirent les yeux, Atkos ne savait pas exactement pourquoi. Il essuya maladroitement sa joue sur son épaule. Un sanglot étouffé retentit, mais il ne venait pas de lui. Les bras de Domyrade se serrèrent un peu plus autour de lui et elle se blottit contre son dos entre l’émergence de ses ailes. Il sentit des larmes tièdes couler sur sa peau. Puis entre deux hoquets, il entendit une espèce de rire. Elle pleurait de soulagement. Comme lui. Et comme Nesli aussi.

Un sourire irrépressible lui étira les lèvres. Ils avaient réussi. Ils étaient vivants. Tout était encore possible.

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_HP_
Posté le 06/12/2020
Hey !

"Atkos, Domy ! se remit à hurler Fenore. Ne restez pas plantées là ! Attrapez Beherzt et partez !" Ca y est, je suis paniquée ! 😨😭😂 Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dans ces tunnels... ? Hacre ?

"Mais ?! Ce n’étaient pas des bannis, ça." Quoi ?? 🤨
"Ses yeux ne l’avaient pas trompé, c’était bien une petite troupe de mammouths qui avait déboulé dans la cour du fortin." Oh mon dieu xDD Pardon de rire, mais je m'attendais vraiment à tout sauf à ça 😱😂😅
"Non, je veux les utiliser pour rentrer chez nous." Ok, je m'attendais pas à ça non plus XD Je sais que c'est quand même un chapitre sérieux, mais je crois que la tension était trop forte pour moi et que j'ai craqué en voyant que ce n'était "que" des bébés mammouths xDDDD

"C’est que du muscle, marmonna une voix endormie" 🤣🤣🤣 Honnêtement, ça fait du bien, un petit truc comme ça ^^

"Heureusement, leur animal n’avait pas encore remarqué l’arrivée des autres, et se contentait de tâter celui de Fenore du bout de la trompe." Je suis vraiment incorrigible mais... C'est trop chou 🥺🤣

"À ce moment seulement, ils osèrent enfin s’échanger tous les trois un sourire victorieux." C'est cool qu'il y ait enfin quelque chose qui tourne bien dans leur fuite 😅😆

"A travers la brousse, puis les marais, les montagnes, le désert, l’étendue, et ils seraient de retour dans la Plaine." Alors moi j'ai juste une toute, toute petite question... Comment les gens vont-ils réagir en voyant débarquer 3 bébés mammouths, à votre avis ?? 🤦‍♀️🤔😂

Atkos et Domyrade ont tellement changé leur relation que j'y verrais presque de l'amour xDDD Ca ne me dérangerait pas, tu t'en doutes bien, mais je pense qu'ils sont juste très attachés l'un à l'autre après tout ce qu'ils ont vécu, et que ce "brusque" changement me fait déjà presque imaginer une romance (presque) 😇🤣🤣
Je suis vraiment soulagée que leur évasion soit réussie, et je serais très curieuse de savoir pourquoi Fenore est maintenant chauve d'un côté de la tête 🤔😂
J'ai hââââââte de savoir comment tu vas nous conclure tout ça <3

***

"Même les mors de chevaux sont en métal, alors une corde pour des mammouths, même bébés" → J'aurais mis "..." à la fin, pour montrer que la phrase n'est pas finie mais que l'idée est compréhensible, tu vois ? ^^
Hinata
Posté le 06/12/2020
Haha, ça me fait trop rire que l'idée d'un truc dangereux te fasse penser à Hacre XD C'est bien, c'est qu'elle t'a fait de l'effet haha XD

Haha, ne t'excuse pas de rire, je reconnais que le fait que ce soit des bébés a quelque chose de burlesque XD ça amorce tranquillement la baisse de la tension ;)

Haha, les gens réagiraient sûrement comme eux : "WTF !? ... Bon, d'accord."

Oula, on se calme, laisse Atkos et Domyrade devenir amis déjà, parce qu'ils en sont même pas encore là XD (mais je te comprends)

Merciiii pour ce comm <3
(et j'approuve la suggestion de modif à la fin !)

Xendor
Posté le 17/11/2020
Coucou Hina !

Bigre, c'est une évasion drollement réussie et sans accroc. C'est presque susect. Où est celui qui était sensé veiller à l'entraînement de la soeur de Murne ? Normalement cela devrait l'alerter au moins lui qu'un troupeau de mammouths ait fait trembler le sol. Enfin, je ne sais pas.

D'ailleurs, d'ailleurs. Atkos. Ce cher Atkos. Il n'aurait pas des sentiments pour Domryade à tout hasard ? ^^ (Ma lecture me fait longuement penser à cela.)

En tous cas, c'est bien. Le groupe montre vraiment qu'il est plus soudé qu'au début. Ils n'ont plus besoin de s'expliquer pour savoir ce que veux dire l'autre. C'est vraiment cool à lire, ça montre leur progression. D'ailleurs, comme eux tous, Behertz m'a tellement fait sourire avec son : "c'est que du muscle". Bien joué pour cette petite phrase bien placée !

Un gros courage pour la toute fin, c'est la dernière ligne droite !
Hinata
Posté le 18/11/2020
Salut salut !
Yep, ça se passe plutôt bien pour eux en terme d'évasion, même s'ils ont quand même semé un certain nombre de cadavres quand on y regarde bien :')
Halmalo est en effet resté à Uh'ak pour remplacer Murn aux commandes, et en plus de la petite sœur, il doit surtout gérer toute la forteresse et toute la ville > < Et alors je ne sais pas si c'est clair, mais l'endroit où nos petits potes trouvent les bébés mammouths c'est le fortin, près de l'enclos géant, qui se situe à l'opposé de la forteresse. Y a toute la ville entre les deux. Donc non, ce cher Halmalo (qui doit quand même être au courant depuis le temps qu'un garde a été retrouvé mort et la moins-pauvre Hacre assommée) ne peut pas sentir le sol trembler XD XD

Oooh des sentiments, comme tu y vas ^^" Allons-y pas à pas haha, si déjà ils pouvaient devenir amis pour l'instant, ce serait pas mal, et pour le reste on verra peut-être plus tard ;)

Waaah merci T^T Pour de vrai je suis vraiment contente, parce que après avoir lu ma toute première version, un de mes amis m'avait glissé qu'en fait on comprenait pas trop pourquoi ils étaient amis, ils avaient pas l'air de s'apprécier ou même d'être solidaires XD Alors même s'il y a des trucs encore bien bancals, je serais ravie si ça au moins c'était réussi maintenant ! =D

Haha, merci, moi aussi j'adore cette phrase de mon petit Beherzt d'amour <3 Pour te dire : j'ai dû l'enlever du passage où elle était originellement mais j'ai quand même tout fait pour réussir à la caser ailleurs haha ^^

Merci pour ton commentaire, à bientôt ^^
Notsil
Posté le 15/11/2020
coucou !

Des bébés mammouths !!!

C'est trop mignon ^^ J'aime beaucoup, on s'attend à des poursuivants, à du danger, mais ce n'est pas celui auquel on s'attend.

Si jamais, je pense qu'il te manque un petit mot ici : "Il ferait mieux de se préoccuper de ce qui était sa portée." (à sa portée ?)

Je me demande toujours comment elle s'est cramée les cheveux ^^

J'ai quand même un petit doute sur l'utilisation d'un mors sur un mammouth. Je sais que pour les chevaux, c'est lié à l'absence de dents à un endroit de la bouche, grosso modo, mais j'ai toujours vu les éléphants "dressés" avec un espèce de piolet. Bon, d'un autre côté, ils ont masse fourrure ^^ mais je reste sceptique pour le mors, j'avoue ^^ D'un autre côté, je suis consciente qu'il faut bien un moyen de les diriger ^^
Enfin je ne sais pas, c'est peut-être que moi ? ^^

En tout cas, je leur souhaite bon courage pour prendre soin de leur petit troupeau ^^ Et j'espère que leurs poursuivants n'iront pas très vite, car s'ils ont la vitesse, ils seront moyen discrets :p (et l'accueil dans leurs pays risque d'être marrant ^^).

Curieuse de voir ça ^^
Hinata
Posté le 16/11/2020
Salut Notsil :)

Ouiii des bébés ^^
Aaah tant mieux si l'effet de surprise a fonctionné ! =D

Merci pour la coquille !
Haha pour les cheveux de Fenore ils en reparlent un peu plus tard ;)

Ta remarque est très pertinente ^^" Je n'avais même pas pensé à utiliser plutôt comme figure de référence l'éléphant au lieu du cheval. Du coup je suis allée un peu m'informer et en effet les mords ne sont pas du tout utilisés sur ces animaux : en fait pour guider un éléphant tout repose sur le dressage (qui se base lui-même sur du traumatisme, c'est assez horrible en fait, pas mal de sites parlent d'une vraie torture T^T). J'avais pensé, au lieu des rênes et du mords, à utiliser les oreilles des bébés mammouths pour les guider, mais ça me paraissait sortir un peu de nulle part, et j'avais peur que ce soit assimilable à une sorte de maltraitance... Bon du coup à priori je vais rien changer, d'autant que vu que les mammouths de ce monde sont inventés, on peut bien dire qu'ils ont la même dentition que les cheveux, nan? ^^" Je peux pas trop te dire si d'autres gens vont tiquer, on verra bien s'il y a des commentaires allant dans ton sens.. Si c'est vraiment trop aberrant je ferai des modifications je pense... En tout cas merci pour ta remarque !

Notsil
Posté le 16/11/2020
Oui dans l'idéal faudrait un système de base pour du gauche/droite et faire comprendre le stop... une tape pour démarrer sur le dos c'est jouable, une corde sur chaque défense peut-être ? Ca fait du gauche / droite quelque part... reste le stop.
Après oui, ça reste un univers inventé, y'a peut-être des textes qui parlaient de ça :p Ou voir comment ils font avec les oliphants du seigneur des anneaux ? ^^
M'enfin, vrai aussi que parfois il ne faut pas non plus se prendre la tête ^^
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