4. ( Première partie )

Notes de l’auteur : Je poste la moitié d'un chapitre, car il m'a fallu du temps pour l'écrire celui-là.

Skye prit plus de temps que je l’avais pensé. Je m’attendais à ce qu’elle revienne après un clignement des yeux, mais mon cœur eut le temps de reprendre un rythme normal et le rouge sur mes joues de disparaître. Maintenant que je connaissais la vitesse à laquelle elle se déplaçait, je compris pourquoi elle avait horreur que je sois en retard. Cela me permit quand même de m’apaiser, car j’étais euphorique, car j’avais l’impression d’avoir enfin compris pourquoi j’étais sur terre et agressive, car je m’en voulais terriblement de ne pas l’avoir découvert plus tôt.

Je plongeai dans mes souvenirs et me rappelai de tous les moments où nous aurions pu nous embrasser. Toutes les fois où nous avions dormi ensemble, où nous étions saoules, où nous nous étions retrouvés à moitié nue, où nous nous étions faits des câlins et Skye n’avait rien laissé transparaître. C’était à se demander si elle était sincère. Pourquoi avait-elle caché ses sentiments ? Et surtout, comment avait-elle pu le faire si facilement ? N’en avait-elle pas souffert ? Moi, l’aimer avait été la seule chose qui m’avait gardé en vie. Skye ne savait pas, mais à la période où elle était arrivée dans ma vie, j’envisageais de sauter du Pont Marie et de laisser mes poumons se remplir d’eau. Trois fois, elle m’avait sauvé. Skye avait éloigné mes pensées suicidaires, empêché que je devienne l’esclave sexuelle d’une vampire égyptienne et aujourd’hui, elle me permettait enfin de découvrir pourquoi je n’avais pas été heureuse toutes ses années.

L’inquiétude me fit sortir de mes pensées. Si elle prenait autant de temps, peut-être qu’Ankhti était là, qu’elles se battaient ou pire que la vampire avait gagné. Quand l’idée qu’elle soit morte me traversa l’esprit, j’eus la sensation que mon corps venait aussi de mourir alors je bondis du lit. Je faillis me casser la figure, car je ne voyais pas le sol parce que Skye l’avait aussi donné l’illusion d’être un ciel étoilé. Je m’assis sur le bord du lit et tapotai pour vérifier qu’il y avait bien un sol.

— Qu’est-ce que tu fais ? Se moqua Skye.

Je sursautai, car Skye était derrière moi, debout sur le lit.

— Comment tu fais pour marcher là-dessus ?

— Tu n’es pas censée le faire, dit-elle après être apparue devant moi.

Skye tendit sa main avec un sourire au coin et curieuse, je la pris. Elle posa sa main derrière mon dos pour me coller à elle et mon cœur s’accéléra quand elle nous fit léviter. J’eus peur alors je m’accrochai à sa nuque, mais elle me rassura avec un baiser sur la joue. Je reculai la tête et me perdis immédiatement dans ses prunelles chocolat. J’eus le souffle coupé quand elle nous fit tourner, car comme nous flottions dans les airs, j’avais l’impression d’être dans l’espace. Nous valsâmes dans les airs sans musique et alors que je riais bêtement, Skye m’admirait. Je fus tellement intimidée par la profondeur de ses iris que je cachai mon visage dans le creux de sa nuque.

— Pourquoi tu aimes autant l’espace ? Demandai-je en regardant les étoiles derrière nous.

Je ne me souvenais plus si je lui avais déjà posé la question, mais j’imaginais qu’elle allait me répondre Star Wars vu les maquettes de vaisseaux spatiaux suspendus dans sa chambre. Skye fit comme dans les films, elle m’attrapa la main pour me faire tourner sur moi-même puis me pencha en arrière.

— C’est le seul endroit où les SinAlma ne peuvent pas vivre.

Je fronçai les sourcils.

— Attends, tu voudrais y aller sans combinaison ?

Elle éclata de rire et me fit pencher en arrière encore une fois. Je trouvais dommage qu’il n’y avait pas de musique, car ça aurait été plus romantique.

— On frôle la mort en prenant l’avion alors on pense que ça serait pire de quitter l’atmosphère.

— Sérieux ? Doutai-je.

— Oui, on pense que c’est dû à la pesanteur. Notre corps ne le supporte pas. Zacharie, lui dit que Dieu nous empêche d’y aller parce qu’il ne veut pas qu’on aille infester d’autres planètes, se moqua-t-elle en secouant la tête.

Je souris en coin, car il avait peut-être raison, mais on le saura jamais. Je compris ma meilleure amie. Si j’étais aussi un être exceptionnel comme elle, je serais fascinée par quelque chose d’inaccessible. Nous continuâmes de valser jusqu’à sa chambre où elle nous déposa sur son lit. Nous restâmes de longues secondes à nous regarder et quand je la vis avancer la tête comme si elle allait m’embrasser, je la devançai. Je sautai sur ses lèvres comme si elles contenaient l’élixir de la vie. Je me sentis quand même ridicule de la désirer ainsi, car une heure plus tôt nous n’étions que des meilleures amies. Je m’en voulais de ne pas avoir eu ses sentiments avant et je sus que j’allais le regretter toute ma vie, car ses baisers avaient la saveur de ce que souhaitaient les condamnés à mort avant la chaise. Mais aurais-je eu le courage de faire le premier pas ? En tout cas, pour ma part, nous ne pouvions plus faire demi-tour.

Skye était timide ce qui m’étonna d’elle et moi, je débordais tellement d’excitation et de confiance en moi que je voulus rendre ce baiser plus passionné. Je glissai mes doigts dans ses cheveux en accélérant ma langue autour de la sienne et la pressai contre moi. Elle posa ses mains à l’arrière de mon dos, entre mes hanches et mes fesses, et je sentis l’excitation envahir toutes les veines de mon corps. Nous nous arrêtâmes pour respirer ce qui me surprit d’elle, car je pensais que les êtres surnaturels n’avaient pas besoin de le faire et quand je posai mes mains sur ses hanches, elle tressaillit. Je compris qu’elle était aussi fébrile que moi. C’était la première fois que je me retrouvais dans une situation comme celle-là et pourtant, mon corps semblait savoir quoi faire. Mes doigts se baladèrent au niveau du bas de son haut, ils hésitaient à l’enlever, car mon esprit n’arrêtait pas de me dire que c’était peut-être rapide entre nous. Nous nous regardâmes et je vis dans ses yeux qu’il se passait quelque chose. Je posai ma main sur sa joue avec un sourire, mais il disparut rapidement, car sa peau me surprit. Je reculai de peur et faillis tomber déséquilibrée par le matelas si Skye ne m’avait pas rattrapé. Effrayée, je la regardai et elle semblait dévastée.

— Qu’est-ce que…

— Pardonne-moi, murmura-t-elle, embarrassée. C’est l’adrénaline. Elle agit sur notre peau comme un système de défense.

Je fronçai les sourcils. Maintenant que je savais que les polymorphes existaient, j’avais un doute. Skye avait pris du temps à revenir et elle était différente, intimidée par moi et pas sûre d’elle. Elle disparut sous mes yeux ce qui me fit sursauter et je la retrouvais assise contre le dossier du lit, un oreiller entre ses jambes. Je fus rassurée, car c’était sa position préférée. Je vins m’asseoir en face d’elle en croisant aussi les jambes.

— Je n’arrive pas à le contrôler, s’excusa-t-elle.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Ben, je stresse et ça fait ça, dit-elle, agacée en me montrant son bras.

Confuse, je pris sa main et fus surprise, car j’avais l’impression de tenir une pierre. Elle était dure et lourde.

— Lilith a voulu protéger ses enfants alors quand notre corps est…

— Lilith ? La coupai-je.

Ce prénom me disait quelque chose, mais impossible de me souvenir d’où.

— Oui, c’est notre mère. Celle qui a créé le premier vampire et la première sorcière, sourit-elle.

Je fis une grimace, mais c’était inutile d’être étonné. Ce n’était pas la première fois que les livres et films s’étaient trompés les concernant. Elle soupira en passant une main dans ses cheveux.

— Tu es sûre que tu ne veux rien manger ? Ça va prendre du temps de te raconter et…

Skye ne termina pas sa phrase et m’attrapa par les hanches pour m’emmener dans la cuisine. Elle avait visiblement décidé pour moi. Mon estomac fut secoué, mais beaucoup moins que la dernière fois alors je me dis que j’allais peut-être m’y habituer finalement.

— T’avais un soda, non ?

Je me rappelai qu’effectivement elle m’en avait donné un quand j’étais sortie de la chambre, mais je ne savais pas où je l’avais mis. Elle m’en offrit un autre avec une assiette remplie d’une salade de concombre et tomates, et une belle cuisse de poulet.

— Je te préviens, la dernière fois que j’ai cuisiné, c’était il y a…

Elle s’arrêta pour réfléchir puis secoua la tête.

— Vaut mieux pas que tu le saches, rigola-t-elle.

J’attrapai la fourchette, mais comme je n’avais pas très faim, je jouais avec un morceau de concombre.

— Goûte au moins ! S’exclama-t-elle, mécontente.

— Non, mais je n’ai pas très faim.

Skye regarda sa montre. Si je ne me trompais pas, elle avait installé une alarme pour savoir quand je devais manger et comme j’avais refusé de le faire plus tôt, j’imaginais qu’elle n’allait pas laisser tomber cette fois.

— Bon, tu veux connaître l’histoire de Lilith ? Haussa-t-elle un sourcil.

Je vis dans son regard et sa position, les avant-bras appuyés sur l’îlot et des iris malicieux, qu’elle allait me proposer un marché.

— Euh… Oui, murmurai-je, prudente.

— Ben, tu dois manger, sourit-elle.

Je fus obligée de céder, car je n’arrivais toujours pas à me souvenir d’où j’avais entendu ce prénom. J’écarquillai des yeux après avoir gouté le poulet, car c’était succulent.

— Vraiment ? Me demanda Skye avant que je ne la complimente.

Hilare, je hochai la tête et elle vint s’asseoir à côté de moi. Quand elle attrapa ma jambe pour la poser sur les siennes, je souris, car je retrouvais ma câline et confiante Skye.

— Je sais que tu n’es pas croyante, mais tu connais au moins l’histoire d’Adam et Eve, non ?

Ma réponse fut de lever les yeux au ciel ce qui la fit sourire. Qui ne connaissait pas cette histoire ? On avait tous entendu parler du péché originel.

— Alors, avant Eve, il y avait Lilith.

— Mais oui ! M’exclamai-je en frappant dans ses mains.

Je me souvenais enfin d’où j’avais entendu parler d’elle, dans Supernatural où elle cherche à tout prix à tuer Sam Winchester.

— Elle existe vraiment ? M’étonnai-je.

— Je suis là et j’ai cent quatre-vingt-quatre ans, hein !

Elle marqua un point ce qui me fit sourire.

— Bon, tu sais que Dieu a créé le monde en six jours et qu’il s’est reposé le septième ?

— Si tu le dis, haussai-je les épaules.

— Ta mère aurait pu au moins t’apprendre ça, râla-t-elle.

— Maman ne croit en rien, ris-je.

Skye ouvrit la bouche comme si elle voulait rétorquer quelque chose, mais se ravisa.

— Bref. Le sixième jour, il crée le jardin d’Éden, un paradis barricadé sur terre et il façonne Adam et Lilith, à son image, précisa-t-elle en levant son index, et ils y vivent. Un jour, Lilith tombe sur le mur de l’enceinte et curieuse de savoir ce qu’il y a à l’extérieur, elle s’échappe du jardin. Elle découvre donc le monde, le Soleil, la Lune, les étoiles, les animaux et quand elle retourne en parler à Adam, on lui interdit l’accès du jardin.

— Elle n’avait pas le droit de sortir ?

— Oh. Tu connais les hommes, soupira-t-elle en levant les yeux. Adam n’a pas supporté que Lilith s’en aille sans rien lui dire, car elle était sa compagne, sa chose, son esclave, bla, bla, bla.

J’eus un doute, car Skye était une vraie féministe. Je n’avais aucun doute là-dessus vu le discours qu’elle avait sur certains sujets et la photo en noir et blanc d’elle avec des protestantes pour le droit de vote des femmes. Il était possible qu’elle dise la vérité ou que le jardin avait été refusé à Lilith pour une autre raison.

— Qu’a-t-elle fait ensuite ?

— Ben, les hommes se sont trouvées une autre femme et elle, elle a erré sur terre toute seule.

J’ouvris la bouche pour lui demander la suite, car elle s’amusait un peu trop avec le suspense, mais elle me montra mon assiette. Avec ma fourchette, je coupai un gros morceau de poulet que je mis entièrement dans ma bouche ainsi que trois morceaux de concombre.

— Con… ten… te ? Lui demandai-je la bouche pleine.

— Et c’est là, qu’elle a rencontré l’Astre du matin que tu connais sous le nom de Lucifer.

Je dus boire un peu de soda, car la nouvelle me fit avaler de travers. Je pensais que Lucifer, le Diable avait été inventé pour que les pécheurs puissent avoir une excuse, dire que le mal ne venait pas d’eux, mais d’une tentation.

— Non, soufflai-je, les yeux écarquillés.

— La légende dit qu’il serait tombé amoureux d’elle du ciel et qu’il se serait rebellé contre Dieu quand on lui avait refusé le jardin d’Éden, mais j’imagine que c’est pour romancer leur histoire. En tout cas, il est tombé du ciel, l’a rencontré et a aidé Lilith à se venger d’Adam et de Dieu.

— L’histoire de la pomme, soufflai-je.

— Le fruit défendu, rectifia-t-elle. Pomum signifie fruit en latin, mais au fil des années, c’est devenu une pomme.

Skye fixa mon assiette et même si j’avais perdu mon appétit, je me forçais à manger pour qu’elle continue. Elle était toute relâchée alors qu’elle me confirmait l’existence de Dieu. Je fus terrifiée. Allais-je être punie pour ne pas avoir cru en son existence ? Devais-je m’excuser ? Je fixai le plafond, car on m’avait dit qu’il était omniscient, donc il entendait notre conversation et nos pensées.

— Je continue ? Se moqua-t-elle de moi.

— Alors… Il, dis-je en pointant le plafond, existe ?

Avec une moue, elle haussa les épaules. J’avais retenu les critiques qu’elle avait eus sur la foi de Zacharie, mais elle ne pouvait plus douter de son existence. Jamais, je n’aurais imaginé que Dieu et Lilith soit liés aux êtres surnaturels. Les légendes parlaient de morts-vivants se nourrissant de sang et les fées, c’était le folklore irlandais et scandinave.

— Ben, en tout cas, il n’est pas si coléreux que raconte la Bible, marmonna-t-elle en jetant un coup d’œil au plafond. Ou il s’en fout complètement du monde.

Je compris qu’elle avait visiblement des choses à lui reprocher. Je mis un autre morceau de viande et concombre dans ma bouche pour qu’elle n’ait aucune raison de ne pas continuer son histoire. Je me mis à penser que si Dieu, le Diable, les vampires, les fées existaient alors d’autres mythes aussi comme les loups-garous, les centaures, le monstre du Loch Ness. Le monde dans lequel je vivais n’était pas si petit que ça et je ris intérieurement, car les humains se pensaient supérieurs à tout et finalement, ils n’étaient que des fourmis vu du ciel.

— Quand Adam et Eve ont été chassés du jardin, Lilith a été jalouse, car elle ne pouvait pas tomber enceinte. Lucifer et elle avaient essayés, mais sans succès alors ils ont décidé d’en créer.

— Comment ? Demandai-je, interloquée.

— En utilisant leurs pouvoirs, me répondit-elle comme si c’était une évidence. Lucifer était un ange, déchu, mais quand même et Lilith, elle avait été créée et s’était nourrie dans le jardin d’Éden. Ils ont eu un fils, mais elle le haïssait.

Mes yeux s’écarquillèrent. Je recevais tellement d’amour de maman qu’il m’était impossible d’imaginer qu’une mère n’aime pas son enfant. Comment pouvait-elle le détester ? Un enfant qu’elle n’était pas supposée avoir ?

— Déjà parce que c’était un garçon, mais aussi parce qu’il n’était pas parfait. Il devait non seulement boire du sang pour survivre, mais aussi de peau humaine.

— Pardon ? M’étranglai-je.

— Hum… Comment t’expliquer ça simplement, murmura-t-elle à elle-même. Pour créer leur enfant, ils ont utilisé pas mal de chose. Un brin d’ADN d’Adam et Eve, un morceau du cœur de Lilith, les quatre éléments, du bois, du métal, tout ce qui pourrait l’aider à vivre sur terre, malgré tout ça, il ne supportait pas le soleil. Il n’avait pas hérité des mélanocytes, les cellules qui protègent des rayonnements UV et comme elles se trouvent dans la peau humaine, il…

— Doit en manger, finis-je en soufflant.

— Et c’est ainsi qu’est né le premier vampire et toutes les histoires le concernant.

Si les gens l’avaient vu boire du sang et mangé des humains, je compris pourquoi les légendes les définissaient comme des monstres, des prédateurs sans âme. À part le fait qu’Ankhti soit complètement dérangée, mes rencontres avec des vampires s’étaient bien passées.

— Attends, Zacharie, il en mange ?

Elle prit ma main pour me rassurer.

— Il y a eu des avancées biologiques et technologiques alors ils n’ont plus besoin d’être cannibales. À moins d’être pauvre ce qui est rarement le cas quand tu es un SinAlma, rigola-t-elle.

— Et toi aussi, tu…

— Non, chérie, me coupa-t-elle avec un sourire, car ils ont eu un autre enfant. Une fille, cette fois-ci. Elle avait besoin de sang, mais ça, c’est normal puisque notre corps ne peut pas en fabriquer, mais elle supportait le soleil, donc pas besoin de manger d’humains. Et comme Lilith s’était sacrifié, elle lui avait offert ce qui lui restait de cœur, elle a hérité de ses pouvoirs et c’est ainsi qu’est née la première sorcière.

— Et comme tu es un peu comme… sa descendante, tu n’es pas cannibale ?

— Exactement, sourit-elle.

Je fus heureuse, car malgré le fait que toute cette histoire soit invraisemblable et compliquée à assimiler, mon esprit était quand même vif. Je posai ma fourchette et secouai légèrement la tête. Qui aurait pu dire que les vampires, les sorcières, les fées et les polymorphes avaient les mêmes ancêtres ? Qu’ils étaient les enfants du Diable ? De Lilith ? Et surtout qu’ils étaient là au début même de l’Humanité ? Dans les légendes, ils venaient tous de cultures différentes. C’était incroyable.

— Ils existent vraiment ? Non, dis-je en posant ma main sur la sienne, est-ce qu’ils sont encore vivants ?

J’avais du mal à croire que Skye m’avait raconté cette histoire pour me distraire. Elle y croyait et ça aurait été lui manquer de respect de ne pas le faire aussi. Et puis, comment pouvais-je douter encore ? J’avais bien vu les cent quatre-vingt-quatre ans de sa vie accrochée au mur de sa chambre et tout ce dont elle était capable de faire. Le monde me dépassait et c’était à moi de l’accepter.

— J’ai eu l’honneur de rencontrer la première sorcière…

— Sérieux ? La coupai-je, excitée. Comment elle est ?

— Parfait, expira Skye.

Je fus déçue, car je m’attendais à plus de descriptions et d’excitation de sa part, mais Skye ne semblait pas vouloir en dire plus.

— Et le premier vampire ?

— Personne ne l’a jamais vu, enfin il est possible qu’on l’ait croisé comme on ne sait pas à quoi il ressemble, haussa-t-elle les épaules, amusée. Ankhti raconte à tout le monde que c’est lui l’a transformé, mais je ne la crois pas. Pourquoi il la transformerait, elle ?

Elle secoua la tête et pour calmer ses nerfs, elle prit un morceau de poulet pour le mâcher violemment. Ankhti avait trois mille ans alors elle pouvait dire la vérité, mais Skye la détestait tellement.

— Peut-être qu’il a eu le coup de foudre.

Skye ne pouvait pas nier que l’Égyptienne était magnifique, sûrement la plus belle femme du monde. Elles avaient couché ensemble avant que ma meilleure amie ne découvre qui lui manquait une case. Il était possible que le premier vampire avait décidé que sa beauté devait être éternelle.

— Ouais, marmonna-t-elle.

Le silence permit à mon esprit d’établir une longue liste de questions et je fis tourner un morceau de concombre dans mon assiette.

— Ça va ? Me demanda-t-elle en me caressant les cheveux.

— Oui, c’est juste que j’ai au moins un million de questions à te poser.

— J’imagine, rigola-t-elle.

Quand Skye posa sa main sur l’intérieur de ma cuisse, mon cœur bondit dans ma poitrine. Elle avait fait ce geste des milliers de fois et pourtant, cette fois-ci, mon corps avait réagi avec un élan d’excitation. J’étais fascinée de voir à quel point les choses pouvaient changer en si peu de temps et réalisai que ses sentiments étaient là depuis le début, mais qu’il y avait besoin d’un déclencheur. C’était grâce à Ankhti que nous avions franchi le pas, mais je savais que si je le disais à Skye, elle s’enragerait.

Il y avait effectivement un million de questions qui me tourmentaient. Elles se portaient principalement sur le premier vampire et la première sorcière, sur ce qu’ils avaient fait ensuite, sur la vie qu’ils avaient vécue, sur ce qu’était devenue Lilith, mais ce qui m’intéressait réellement, était Skye et moi.

— Comment ça se fait qu’on s’est rencontré ?

— Le miracle de l’amour, répondit-elle en me regardant dans les yeux.

Son baiser fut si rapide que je ne sentis presque pas ses lèvres sur les miennes et je dus lutter de toutes mes forces pour ne pas à nouveau lui sauter dessus. J’étais devenue comme une bête et je devais avouer que cela m’effrayait. Était-ce normal que je la désirais ainsi ? La seule personne qui pouvait m’expliquer ce qu’il se passait à l’intérieur de moi était celle-là même qui me rendait folle. Il était hors de question que j’en parle à ma mère, car elle essayait toujours de me pousser vers des garçons alors je redoutais un peu de lui dire qu’entre Skye et moi, c’était plus que de l’amitié.

— Sois sérieuse, ris-je. Pourquoi tu étais dans mon lycée ?

— Tu te rappelles de Tony ?

Je dus plonger dans le fin fond de ma mémoire pour avoir une idée de qui elle parlait. Tony était un garçon avec qui Skye parlait et je ne comprenais pas pourquoi, car il était prétentieux, sexiste et insupportable. D’ailleurs, il avait disparu du jour au lendemain.

— Oui, murmurai-je en laissant traîner ma voix.

— Il était ma cible. Son arrière-grand-père avait trouvé un rubis gros comme mon poing, dit-elle en le serrant, mais il s’était évanoui dans la nature avant que je ne puisse le lui voler. Nous avons retrouvé la trace du rubis parce que cet imbécile avait essayé de le vendre sur le marché noir. On est des SinAlma et des voleurs professionnels, mais il avait un système nécessité qu’il soit vivant et que ça soit vraiment lui devant le scanner alors je devais tout faire pour qu’il me montre ce qu’il a dans son coffre. Je n’étais supposée ne rester qu’au lycée pendant trois ou quatre mois jusqu’à que les flics ne se doutent plus de rien, mais je t’ai vue.

Ses doigts se baladèrent dans mes cheveux ce qui me fit sourire timidement. Son pouce caressa tendrement ma joue droite et avança sa tête pour poser son front sur le mien.

— La plus belle fille du monde, murmura-t-elle en m’embrasser tendrement.

Mon visage rougit et j’eus l’impression que mon cœur venait d’être cajolé. Avant, je répondais à ses compliments en levant les yeux au ciel, car je pensais qu’elle le disait en tant que meilleure amie, mais maintenant que je connaissais ses sentiments envers moi, elle le pensait vraiment et cela me troublait. Mes yeux se noyaient dans ses iris chocolat et pendant que je l’embrassais timidement, mes doigts flânaient sur sa nuque, mais je fus déçue, car sa peau était à nouveau dure.

— Excuse-moi, murmura-t-elle en fermant les yeux.

— Mais pourquoi tu as peur ?

— Pourquoi ? Répéta-t-elle, hilare. Oh, Ava. J’ai peut-être cent-quatre-vingt-quatre ans et pas mal d’expérience, mais quand je suis avec toi, j’oublie tout et j’ai peur d’être nulle.

— Et moi, alors ? Rétorquai-je, les yeux écarquillés.

Mon premier baiser datait d’à peu près quarante-huit heures et elle, elle avait non seulement eu de l’expérience avec des hommes, mais aussi avec des femmes. Je réalisai que c’était moi qui devais avoir peur. Je n’étais pas à la hauteur de Skye.

— Oh ! S’exclama-t-elle.

Elle disparut et apparut avec un pot de glace qu’elle me présentait comme s’il s’agissait du Saint Graal.

— Je l’ai spécialement fait faire pour toi à Florence.

L’idée que ça soit des chaussures me traversa l’esprit vu que ça venait de Florence, mais ça se voyait que c’était un pot de glace.

— De la glace à la banane, italienne et artisanale.

Je ne perdis pas de temps. Je soulevai le bouchon du pot et glissai mon index sur la glace pour la gouter. Je laissai échapper un soupir de joie ce qui lui fit plaisir.

— Mon Dieu, murmurai-je en fermant les yeux.

— C’est une toute petite entreprise. Je l’ai découvert, il y a cinquante ans quand on volait le Vatican.

— Pardon ? Demandai-je en fronçant les sourcils. Quand tu volais quoi ?

— On va attendre un peu avant de développer là-dessus. Il va te falloir un peu de temps pour encaisser l’histoire du premier vampire et la première sorcière, non ?

— Franchement, ça va, dis-je, étonnée moi-même. Ça m’a fait un choc, ouais, mais seulement sur le moment.

— Hum… Je ne sais pas, douta-t-elle de moi. Zacharie t’expliquera demain.

Elle fit léviter une cuillère jusqu’à l’intérieur de ma paume droite. J’oubliais ce dont nous étions en train de parler et dégustai la glace jusqu’à que je réalise que je vais m’endormir.

— Merde ! Je vais dormir, dis-je en posant la cuillère.

Je vis dans son regard que c’était son but.

— Pourquoi tu veux me faire dormir ?

— Parce que j’aimerais le faire, murmura-t-elle, gênée. Je suis debout depuis plusieurs heures et je me suis battue.

— Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ? La réprimandai-je.

J’attrapai le pot de glace dans ses mains et le plaçai devant moi pour la dévorer à la cuillère. Si Skye avait besoin de dormir, je pouvais manger sans aucun remord.

— Alors, tu dors vraiment ? Je pensais que c’était une blague, que c’était sa façon à Zacharie de nous laisser tranquilles.

— Non, rit-elle. Nous sommes obligés de dormir sinon on devient barjot. Notre corps peut gérer, mais pas notre esprit. On est envahi de souvenirs, de pensées et on se met à errer comme des fous partout.

— Vraiment, murmurai-je avant de mettre une cuillère de glace dans ma bouche.

— Oui, j’en ai fait les frais, les premières années.

Skye se leva du tabouret et je fis une moue parce que les effets des glucides ne semblaient pas encore faire d’effets, donc je pouvais encore manger de glace. Elle dut m’arracher le pot des mains qu’elle mit dans le congélateur à vitesse humaine et me souleva comme un bébé. Je passai mes jambes autour de sa taille et posai ma tête sur son épaule. Nous marchâmes jusqu’à ma chambre et je réagis en me redressant.

— Tu ne dors pas avec moi ?

— Oui, mais ta chambre sera mieux que la mienne.

Heureuse, je hochai la tête et nous entrâmes dans ma chambre. Elle me posa sur le lit et éteignit les lumières le temps que je cligne des yeux. Skye s’allongea à côté de moi et j’hésitai à me coller à elle. Avant, je le faisais en tant que meilleure amie, mais maintenant les choses avaient changé, je ne savais pas si elle voulait que je la serre dans mes bras. Elle se rapprocha de moi pour me caresser les cheveux puis m’embrassa tendrement.

— Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Me plaignis-je.

— J’avais tellement peur de te perdre, murmura-t-elle en dessinant mon sourcil droit. Je voyais que parfois tu me reluquais, mais tu semblais le faire sans t’en rendre compte alors je n’ai pas voulu te pousser, tu vois.

— Je faisais vraiment ça ?

— Oui, mais t’inquiètes, je le faisais aussi, rigola-t-elle.

Je ris avec elle et sentis la fatigue me gagnait.

— Tu aurais dû faire le premier pas… On a perdu du temps, Skye.

— Non, le destin a voulu que ça soit comme ça, Ava.

Je sentis à peine quand elle me pinça la joue, car je commençai déjà à m’endormir.

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Enaelyork
Posté le 06/12/2020
Chapitre très instructif ! J'ai vraiment adoré ! On voit qu'il y a un masse de travail de documentation derrière, notamment pour le personnage de Lilith (dont j'aime beaucoup le mythe !). Chapeau.
J'aime bien l'idée qu'ils ne puissent pas se rendre dans l'espace et que, par conséquent, cela fascine Skyes ! J'ai un point commun avec elle sur ça, je suis passionnée d'astronomie ;)
La relation entre Ava et Skyes évolue doucement, c'est cool que tu installes une intimité entre elles, on sent que l'amitié basculer en relation amoureuse de façon assez touchante !

Quelques petites corrections (?) j'en suis pas sure
car je ne voyais pas le sol parce que Skye l’avait aussi donné l’illusion d’être un ciel étoilé. -> Lui avait aussi donné (?)

Ankhti raconte à tout le monde que c’est lui l’a transformé -> qui
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