4. ( Deuxième partie )

À mon réveil, je me sentis étrange et cela m’inquiéta. Je pesais à peine soixante kilos ce qui n’était déjà pas beaucoup, mais j’avais l’impression de flotter. L’idée que ça soit Skye qui me jouait un tour me traversa l’esprit. Je me retournai dans le lit et fus déçue de voir la place libre. J’étais habituée à ne pas me réveiller à côté d’elle, car elle était une lève-tôt ce que je comprenais maintenant si elle ne dormait que quelques heures, mais j’avais espéré qu’elle soit là après la nuit que nous avions eue. Je regardai dans la chambre et m’étirai bruyamment en voyant que j’étais seule. Je voulus m’asseoir, mais j’étais trop euphorique. À chaque fois que je fermai les yeux, je revivais le moment où Skye avait dit que j’étais son dernier amour, où nous avions dansé au milieu des étoiles et chacun de nos baisers. Je roulai de droite à gauche sur le matelas en souriant comme une idiote. J’étais heureuse pour la première fois de ma vie et c’était pour cela que je me sentais bizarre.

Je m’assis en collant mes genoux contre ma poitrine et regardai dans le vide. J’étais amusée par le fait que je devais être terrifiée et non, béate. Je ris en pensant que c’était à cause du coup de foudre d’une vampire de trois mille ans que j’étais heureuse. Sans Ankthi, je n’aurais pas découvert les secrets de Skye et je me dis que si je venais à la croiser à nouveau, j’allais devoir la remercier. Je ris de plus belle en imaginant la réaction de Skye si je lui disais ça. Mon portable sonna. Je n’eus pas besoin de regarder mon écran pour savoir qu’il s’agissait ma mère, car il n’y avait que deux personnes qui connaissaient ce numéro et vu la vitesse de déplacement de Skye, elle n’aurait pas perdu son temps à m’appeler. Je bondis du lit pour le récupérer sur le fauteuil et décrochai sans perdre de temps.

— Allo ?

— C’est à cette heure-ci que tu te réveilles ? Me gronda-t-elle.

J’éloignai le téléphone de mon oreille et écarquillai des yeux en voyant qu’il était plus de seize heures.

— Maman, j’étais en boîte de nuit hier soir, soupirai-je.

— Oui, mais tu n’es pas une grand-mère ! Tu aurais dû être debout depuis un moment déjà !

Je levai les yeux au ciel et allai vers la salle de bains.

— J’ai mangé de la glace en rentrant, expliquai-je en m’asseyant sur les toilettes.

— Ava, je ne t’ai pas laissé aller à Londres pour que tu dormes ! Ça, tu peux le faire facilement à Paris, hein !

— Mais qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi tu m’agresses comme ça ?

Il eut quelques secondes de silence où j’en profitai pour me soulager.

— Tu me manques, se plaignit-elle.

J’éclatai de rire. Ce n’était pas étonnant qu’au lieu d’être triste de mon absence, elle soit en colère. Maman était comme ça.

— Toi aussi, maman. Tu aurais dû venir.

Elle respira mal ce qui me fit comprendre qu’elle l’aurait souhaité, mais sa maladie la contrôlait.

— Alors, c’était comment ta soirée ?

— Ben…

Je réalisai que je n’étais restée que quelques minutes dans la discothèque avant que Ankhti me kidnappe et qu’ils se battent à l’extérieur alors j’allais devoir mentir à ma mère ce que je n’aimais pas vraiment.

— C’était super. Il y avait énormément de monde, on a dansé sur la musique des années quatre-vingt-dix, on a bu des verres…

— Est-ce que tu t’es fait draguer ? Me coupa-t-elle.

Le ton de sa voix me fit comprendre que c’était tout ce qui l’intéressait et je levai les yeux au ciel. Je tirai la chasse d’eau et allai me laver les mains en mettant le haut-parleur. Je m’étais fait draguer, mais par une fille et cela me permettrait de tâter le terrain au sujet de Skye. Maman n’arrêtait pas de me dire qu’elle n’était pas intelligente, car elle n’était jamais allée à l’école, mais elle était sûrement la femme la plus maligne que je connaisse. Je savais qu’à la seconde où nous rentrerions, elle détecterait que notre amitié avait évolué et elle n’allait pas hésiter pour en discuter.

— Oui, par une fille.

— Elle était jolie ? Vous avez bu un verre ? Dansé ensemble ?

— Non, Skye l’a rembarré.

— Je ne suis pas étonnée, rigola maman.

Mon cœur bondit dans ma poitrine ce qui était inutile parce que ça ne m’étonnait pas que ma mère avait découvert avant moi que les sentiments de Skye étaient plus que de l’amitié. Pourquoi ne m’avait-elle rien dit ? C’était son genre d’insinuer ou de me pousser à faire des choses alors peut-être qu’elle le soupçonnait seulement.

— Et Zacharie, alors ?

— Il est toujours aussi beau, poli et… Ah oui ! C’est un voleur, dis-je pour lui faire comprendre qu’elle allait devoir me lâcher avec lui.

— Et alors ? Tu crois que ton père est blanc comme neige ? Rigola-t-elle.

Je me figeai, car ma mère ne mentionnait jamais mon père et cette remarque me fit comprendre que j’avais peut-être raison. Mon père faisait partie de la mafia d’où l’argent et sa mort prétendue accidentelle.

— Tu veux dire quoi par là ?

J’entendis sa respiration se coupait ce qui me fit comprendre qu’elle venait de réaliser qu’elle en avait trop dit. C’était rare et j’allais devoir en profiter.

— Ben, il était un peu louche, bégaya-t-elle. Bon, écoute, mon jeu télé va commencer. On s’appelle plus tard ?

J’avais perdu la bataille sans avoir eu le temps de sortir mon arme. Ma déception ne fut pas longue, car j’étais habituée à ce qu’elle dévie la conversation ou y mette un terme. À part elle, il n’y avait personne qui pouvait m’aider à en savoir plus sur mon père. Ma mère disait toujours que nous n’avions aucune famille et Cosma était un nom de famille très répandu en Russie. C’était comme chercher une aiguille dans un océan d’aiguilles. J’avais essayé de chercher si on parlait de sa mort dans les archives des journaux de Paris, mais je n’avais eu aucun résultat. Une idée brillante me traversa l’esprit, peut-être que Skye et Zacharie pourraient m’aider. J’imaginais qu’ils ne volaient pas sans faire des recherches alors ils pourraient facilement trouver des informations sur mon père. Je jetai mon téléphone sur le lit et marchai jusqu’à la porte, mais je fis demi-tour, car je ne m’étais pas brossée les dents.

— Cuisine ! Hurla Skye dès que je sortis de la chambre.

Mon cœur s’emballa, plus que d’habitude. Toutes les fibres de mon corps m’ordonnaient de courir vers elle et de l’embrasser passionnément. J’avais un problème. Ma raison n’avait aucun contrôle sur mon corps. Était-ce normal ? J’avais l’impression d’être un chien en rut qui se frotterait à tout, même à un coussin. Dès que je vis Zacharie dans la cuisine, mon excitation disparut aussi rapidement qu’un grain de poussière dans une tornade. J’eus peur qu’il réagisse mal à notre rapprochement même s’il savait ce que sa meilleure amie ressentait pour moi. Skye s’arrêta de bouger quand nos regards se croisèrent et le temps que je prenne une inspiration pour réfléchir à ce que je devais faire, elle apparut devant moi. Gênées, nous nous sourîmes et elle hésita encore. J’étais déstabilisée, car j’étais persuadée que la Skye que je connaissais depuis un an débordait de confiance, elle en avait pour deux personnes alors je me demandai si elle avait souhaité cette évolution dans notre relation. Un tourbillon de question me donna le tournis. J’avais aimé nos baisers, mais il était possible que ça soit le contraire pour elle. Peut-être qu’elle n’avait pas eu les papillons dans le ventre ou une autre sensation comme elle s’était imaginée.

— Ça va, chérie ? Murmura-t-elle en caressant ma joue avec son pouce.

Je hochai la tête en souriant timidement quand elle passa son bras derrière mon dos et me colla à elle.

— Sûre ? Insista-t-elle en plongeant ses iris dans les miens.

— Oui, pourquoi ? M’étonnai-je.

Skye plissa les yeux pour vérifier si je disais la vérité puis posa sa bouche sur la mienne. Je fus terriblement soulagée. Ce n’était pas un rêve et visiblement elle ressentait la même chose que moi. Je manquai de perdre l’équilibre, car je ne m’attendais pas à ce que ce tendre baiser soit aussi intense. Il n’y avait que nos lèvres qui se saluaient et pourtant, cela avait suffi pour m’enflammer. Elle recula la tête avec un sourire sincère puis posa ses mains sur mes épaules pour m’emmener vers le tabouret vide. Je m’assis et mes yeux se fixèrent sur ses fesses en forme de cœur jusqu’à qu’elle nous fit face de l’autre côté de l’îlot. Sa tenue m’intrigua, car elle était en pyjama. Habituellement, à mon réveil, elle était habillée, coiffée et son parfum enivrait tout l’immeuble. Là, elle avait fait une rapide queue de cheval et gardé son tee-shirt oversize et un mini-short en coton.

— Bonjour Ava, me dit Zacharie.

Je sortis de mes pensées et me tournai vers lui. M’avait-il vu la reluquer ?

— Bonjour, souris-je, gênée.

Nous nous regardâmes en silence. Zacharie était vêtu de bleu de la tête aux pieds ce qui m’évitait de lui demander sa couleur préférée.

— Tu as bien dormi ? Demandai-je pour briser le silence.

J’avais encore du mal à croire qu’ils puissent dormir. Cette information avait enlevé le charme de tous les livres sur les vampires que j’avais lus.

— Oui, on m’a mordu plusieurs fois, mais ça va, dit-il.

— Désolée, mais tu sais que Ron a horreur d’être seul, s’excusa Skye.

— Et tu voulais qu’il reste avec nous ?

Sa réponse fut de lever les yeux au ciel.

— Tu veux manger quoi, ma chérie ? Demanda-t-elle en posant une poêle sur le plan de travail.

— Euh… Juste un café, grimaçai-je en sentant que mon estomac n’accepterait que ça pour l’instant.

— Nous avons aussi du thé, me fit savoir Zacharie.

Il s’était déplacé du tabouret jusqu’au placard en un clin d’œil, mais cela ne me surprenait plus. Il ouvrit le placard et je vis qu’effectivement il y avait le choix, ils possédaient une trentaine de thés.

— Laisse tomber, j’ai déjà essayé, lui lança Skye. Ava ne boit que du café.

— Oui, lui dis-je, désolée.

— D’après elle, si c’est pour boire un liquide clair autant que ça soit de l’eau.

Je fusillai Skye du regard. Avait-elle besoin de tout lui dire ?

— Je comprends, murmura Zacharie.

Skye apparut à côté de moi. Elle posa mon café sur l’îlot entre mes mains et me fit un rapide baiser sur les lèvres avant de repartir. Je vis qu’elle feuilletait des livres de cuisine tout en buvant un thé.

— Donc, vous pouvez boire des liquides ? Autre que le sang ? Précisai-je.

— Oui, me répondit Zacharie avant Skye. Notre cerveau en a besoin pour fonctionner surtout pour la mémoire et ça permet de transporter le sang et les protéines vers les muscles et le cœur.

Je hochai la tête et bus une gorgée de café. Je devais avouer que quelque part c’était plus logique qu’un régime entièrement composé de sang.

— Mais, vous… vous allez… aux toilettes ? Demandai-je, embarrassée.

— Non, on évacue par la transpiration, rigola Skye.

— La chance, murmurai-je.

J’avais lu dans un magazine qu’on passait près de trois ans de sa vie aux toilettes ce que j’aurais voulu éviter.

— Donc, tu prenais vraiment des douches, dis-je à moi-même.

— Oui, rit-elle.

Je réalisai que si Skye ne m’avait pas dit qu’elle était une fée, je ne l’aurai pas découvert de moi-même. Elle dormait, prenait des douches et mangeait, donc elle passait facilement pour une humaine.

— Tu le prends plutôt bien, me dit Zacharie.

— Pardon ? Fronçai-je les sourcils.

— L’autre monde. Les vampires, les fées…

— Ah, le coupai-je. Oui, c’est vrai.

Je m’arrêtai pour éclater de rire ce qui les surprit.

— Je… Je ne sais pas pourquoi, mais c’était comme si tout cela était normal, dis-je en haussant les épaules. Bon, j’avoue que j’ai encore un peu de mal avec Dieu et le Diable, mais vous existez, non ? Et puis, qu’importe ce qu’est Skye, je l’aime.

J’eus à peine le temps de tourner la tête vers elle pour lui faire un sourire que sa bouche était déjà sur la mienne. Skye fut si passionnée que le tabouret chercha à se réfugier au sol, mais elle me retint par la taille. Je compris à sa langue qui dominait la mienne qu’elle s’était retenue tout à l’heure, peut-être qu’elle pensait comme moi, qu’hier soir nous étions dans l’euphorie et que cela allait être différent le lendemain.

— Moi aussi, je t’aime, Ava. Qu’importe ce que tu es, murmura-t-elle avant de m’embrasser à nouveau.

Elle glissa sa main dans mes cheveux et une vague de chaleur caressa mon corps. Zacharie s’éclaircit la gorge au moment où Skye me souleva pour que mes jambes s’accrochent à ses hanches. Il nous rappela qu’il était présent.

— Pardon, s’excusa-t-elle avant de me déposer au sol.

Je m’appuyai sur l’îlot, car mes jambes tremblaient à cause de l’excitation et j’attendis que l’air qui entrait dans mes poumons n’était plus brûlant avant de boire une gorgée de café. Skye posa le livre de cuisine devant mes yeux.

— Si tu ne veux pas être malade, je te conseille de choisir parmi les pages cornées, rit-elle.

— Je n’ai pas vraiment faim, murmurai-je en me touchant l’estomac.

Cela m’arrivait souvent quand je mangeais des glucides. J’imaginais que mon corps avait peur que j’en consomme encore alors il m’empêchait de manger. Skye regarda sa montre avec une grimace.

— Tu dois manger, chérie.

— Et si Ava faisait un peu d’exercice ? Proposa Zacharie.

Skye fronça les sourcils ce qui ne me rassura pas, car en dehors de ce cocon que m’offrait cet appartement et leurs présences, une menace pesait au-dessus de ma tête. Une vampire de trois mille ans qui me voulait à tout prix.

— Je vais lui montrer l’antre, elle aura peut-être faim après, lui dit-il en haussant les épaules.

Skye relâcha les épaules et je compris qu’il allait me montrer leur caverne d’Ali Baba. Excitée, je finis ma tasse à café d’une traite et frappai des mains pour lui faire comprendre que j’étais d’accord. Hier soir, elle avait refusé de me parler de ce qu’ils volaient, car selon elle, c’était trop d’informations, mais si mon esprit avait accepté cette histoire de Dieu, elle pouvait tout entendre.

— D’accord, sourit-il en voyant mon excitation.

Skye me fit sursauter en apparaissant devant moi pour m’embrasser tendrement puis elle posa sa main sur l’épaule de Zacharie qui s’apprêtait à sortir de la cuisine.

— Je vais faire une petite vérification d’abord. Il ne faudrait pas qu’Ava croise l’un de mes bébés.

Elle disparut et effrayée, j’attrapai violemment le bras de Zacharie.

— Attends, quand elle dit bébé, ça veut bien dire ce que je pense, hein ?

Je n’eus pas besoin qu’il confirme que Skye parlait de serpents, j’en étais certaine alors je fis volteface. J’allai me servir une autre tasse de café pendant qu’il riait.

— Ne t’inquiète pas, ils sont enfermés dans des cubes comme dans un zoo.

Je me tournai vers lui avec une expression sur le visage qu’il lui fit comprendre que je n’avais aucune confiance.

— Vraiment ? Ben, qu’est-ce qu’elle vérifie alors ?

— Parce qu’elle t’aime, Ava, sourit-il. Les serpents ne peuvent pas s’échapper, mais comme ils sont extrêmement venimeux, elle vérifie quand même, car nous n’avons pas d’anti-venin.

Skye réapparut avec un sourire, nous faisant comprendre qu’aucun animal rampant et extrêmement dangereux ne se baladaient dans l’antre.

— Vous pouvez y aller, dit-elle avant de foncer vers moi.

Elle passa sa main autour de ma taille et me pencha en arrière pour m’embrasser comme dans les films. Je fus à nouveau étourdie, dans le bon sens du terme. Allais-je être ainsi à chacun de ses baisers ? Cette sensation allait-elle rester pour toujours ? Je l’espérais.

— Il y a un petit problème, indiqua Zacharie, moqueur.

— Quoi ? S’étonna Skye. Tu as faim finalement ?

— Je crois qu’il est trop tôt dans votre relation pour qu’elle rencontre tes bébés.

— Oh, chérie, dit-elle en prenant mon visage entre ses paumes. Est-ce que je t’ai déjà mis dans une situation de danger ?

J’ouvris la bouche pour lui faire une liste, mais elle plaqua sa bouche sur la mienne pour m’empêcher de parler. Elle connaissait visiblement la réponse à sa propre question.

— Tu ne crains rien, me promit-elle.

Elle me prit par les épaules pour me pousser vers Zacharie qui n’avait pas bougé d’un millimètre puis me claqua les fesses pour me donner du courage. Avant ce geste était anodin, mais maintenant il me mettait dans mes états, il rajoutait une dose d’excitation à ma jauge qui était sur le point de déborder. Zacharie m’invita à passer devant lui sûrement pour être sûr que j’en avais envie et à contre-cœur, je sortis de la cuisine. Je fis quelques pas dans le couloir avant de m’arrêter, car je n’avais aucune idée d’où était leur antre. Je m’apprêtai à me retourner vers Zacharie, mais il apparut devant moi pour que je le suive. Nous nous arrêtâmes dans le salon, entre le canapé et la télévision.

— Je vais devoir me rapprocher de toi, dit-il, embarrassé. Puis-je poser mes mains sur tes épaules ?

Je fus si surprise qu’il me demande la permission que je le fixai un long moment et il prit ça pour un non, car il recula d’un pas en me montrant ses paumes. Je ne connaissais pas Zacharie à part son âge et son métier, mais il était différent de Skye et c’était pour cela qu’ils étaient des amis depuis si longtemps. Elle n’aurait pas hésité à me toucher. D’ailleurs, elle m’avait pris la main à notre première rencontre alors que je ne savais même pas son nom de famille. J’avais été aveugle quand même.

— Si, si, tu le peux, lui souris-je.

Il se mit derrière moi en posant délicatement ses mains sur mes épaules et mon cœur sursauta quand le sol se mit à trembler sous mes pieds. Je me crus dans un film. Un cercle se découpa dans le marbre et nous descendîmes lentement. J’étais terrifiée, car nous étions dans le noir complet. J’avais l’impression qu’on s’engouffrait dans le néant ou l’enfer puisque visiblement il existait. Un bruit métallique me fit comprendre que nous étions arrivés et cela se confirma quand Zacharie enleva ses mains de mes épaules. Je n’eus pas le temps de paniquer, car des spots bleus éclairèrent la pièce et je compris pourquoi il m’avait dit que c’était comme visiter un zoo. Nous étions entourés de végétations préservées dans des cubes en verre. Rassurée, je soupirai puis m’approchai de la vitrine la plus proche, mais Zacharie tendit sa main pour m’arrêter.

— Quoi ? Bégayai-je, la voix tremblante.

Il regarda autour de lui comme s’il s’attendait à quelque chose puis fronça les sourcils quand rien ne se passa. Terrorisée à l’idée qu’il y en ait un serpent au sol, je me mis à sautiller jusqu’à lui.

— Non, ce n’est pas ça, éclata-t-il de rire.

— Quoi alors ? Lui hurlai-je dessus.

Je voulus m’excuser, mais j’avais eu la trouille de ma vie. Pourquoi avait-il fait ça ? Je posai ma main sur mon cœur pour le calmer.

— Les alarmes auraient dû s’enclencher, m’expliqua-t-il, intrigué. Peut-être que Skye a désactivé celle des humains, mais pour les SinAlma, c’est impossible.

Il me fixa longuement les yeux écarquillés puis soupira comme s’il venait d’avoir la réponse à une question qui le tourmentait depuis un moment.

— Quoi ?

Gêné, il passa une main dans ses cheveux et l’expression sur son visage me fit savoir qu’il cherchait quoi me dire.

— Nous avons un problème de sécurité.

— Parce que je n’ai pas fait sonner l’alarme ? Ben, je suis humaine alors c’est normal que celle des SinAlma…

— Oui, oui, me coupa-t-il. Bien sûr.

Je ne sus pas pourquoi, mais ses yeux me disaient le contraire. Il coupa court à la conversation en s’avançant vers le cube et son regard balaya l’intérieur.

— Je te présente…

Il fléchit les genoux et posa son doigt sur le verre. Je me mis à sa hauteur et vis un magnifique serpent bleu turquoise. Il se terrait sous un rocher, mais nous fixait, prêt à attaquer comme s’il n’y avait rien entre nous.

— Zaphira, notre mascotte.

Je me rappelai de ce que m’avait dit Skye la veille, leur groupe s’appelait le Zaphir, car ils volaient des pierres précieuses plus particulièrement des saphirs.

— Je ne savais pas qu’il existait des serpents bleus.

— C’est une espèce rare. Une vipère qui vit sur l’île de Komodo. Skye me l’a offert pour mes trois cents ans.

Zacharie se redressa et regarda les autres cubes.

— Ce sont tous des cadeaux d’anniversaire.

— Mon Dieu. Tu crois qu’elle va aussi m’en offrir un ? Heureusement que j’habite avec maman.

— Skye sait être convaincante, dit-il en haussant les épaules.

— Oui, t’as raison. Il va falloir que je lui dise que c’est mort. Pourquoi elle aime autant les serpents ? D’où lui vient cette passion ?

— Parce que cela lui permet d’être humaine.

— Comment ça ? Fronçai-je les sourcils.

Il me tourna le dos et marcha vers la vitrine d’en face où le serpent nous attendait. Il était enroulé sur une branche d’arbre, mais sa tête était à quelques centimètres de la vitre. Sa fine langue ressortait et j’étais sûre et certaine qu’il me fixait, car il m’avait choisi comme nouvelle proie. Le serpent ouvrit sa gueule et je fus étonnée de voir que l’intérieur était noir.

— Le mamba noir par exemple…

Son nom fit reculer d’un pas. Il était connu comme étant le serpent le plus venimeux et dangereux au monde. Skye était folle. Ils étaient fous d’avoir ce serpent chez eux.

— Son venin provoque des fourmillements aux extrémités au corps, la vue devient trouble, on perd le contrôle de ses muscles, on a des nausées, des problèmes respirations et on est paralysé. En tant que SinAlma, Skye ressent tout ça, mais sans mourir. Pendant quelques heures, elle redevient humaine.

— Je vois, murmurai-je.

— Et avec eux, nous devons être lents. Si nous gardons notre vitesse normale, ils nous attaqueraient alors les SinAlma s’entraînent avec eux pour pouvoir vivre avec les humains.

Je compris et acceptai son admiration pour ses bêtes, mais j’allais lui devoir lui faire comprendre que c’était une passion qu’elle devait vivre seule. Zacharie recula et marcha vers les autres vitrines qui s’éclairaient au fur et à mesure. Je le suivis en regardant les serpents dans les cubes. Ils étaient tous uniques par leurs couleurs ce qui me donnait une idée de la puissance de leurs venins. La pensée que je pourrais mourir en quelques minutes à cause de l’un d’entre eux me fit frissonner. Nous arrivâmes dans une autre pièce dont les murs étaient des étagères remplis d’objets conservés derrière du verre, mais le bleu du marbre me fit sourire.

— Si Skye a un problème avec les serpents, toi, c’est le bleu, non ?

Zacharie éclata de rire et se tourna vers moi pour m’expliquer pourquoi il aimait tellement cette couleur, mais un objet attira mon attention.

— Oh mon Dieu, c’est bien ce que je pense ? Lui demandai-je, émerveillée.

— Oui, c’est un œuf de Fabergé.

Je me rapprochai de la vitrine et admirai l’œuf en saphir tenu par le bec d’un oiseau en or.

— Tu l’as volé parce qu’il est en saphir ?

— Skye t’a parlé de ce qu’on fait ?

— Non, juste que vous volez des pierres précieuses, des saphirs et qu’on vous appelle le Zaphir.

— Crois-moi, je n’ai jamais voulu de ce nom, mais tu connais Skye, dit-il en levant les yeux au ciel. J’en avais un autre, mais je l’ai offert à la Marquise à son couronnement.

— De quel pays ? Demandai-je, curieuse.

— Non, rit-il. Je l’ai offert à notre Reine, Gabrielle de Souville, celle qui gère… Skye ne t’a rien dit ?

— Si, si, m’exclamai-je en me souvenant brièvement de notre conversation. Vous avez des royaumes et un Roi Suprême, Eden qui est le troisième fils du Diable.

— Exactement, sourit-il. Elle se fait appeler Marquise, car elle a détesté toutes les Reines au pouvoir. Elle a été couronnée après la Seconde Guerre Mondiale et je lui ai offert cet œuf pour qu’elle nous laisse faire notre travail.

— Elle vit à Londres ?

— Non, à Paris. C’est là-bas qu’est Mazmorra, la ville pour les SinAlma.

— Sérieux ? M’affolai-je. Où ?

— Désolé, mais je ne peux pas te le dire.

J’ouvris la bouche pour insister, mais il me tourna le dos. Zacharie avait visiblement trouvé la technique pour couper court à une conversation et je me demandai si ce n’était pas grâce à Skye. Je soupirai de rage. Pourquoi ne voulait-il pas me dire où était cette ville ? Jamais, je n’aurais osé m’y aventurer. Au contraire, si je savais où elle était, je n’irai plus jamais là-bas. Perdue dans mes pensées, je cherchai où elle pouvait bien être dans Paris, Zacharie m’empêcha d’approcher une voiture posée au milieu de la pièce en posant sa main sur mon ventre.

— Ne la touche pas, me supplia-t-il.

J’éclatai de rire, car visiblement SinAlma ou Alma, les hommes ont la même passion pour les voitures.

— C’est ton bébé à toi ?

— Un peu, sourit-il, mais disons que s’il y a une trace de ton ADN sur cette voiture et que la Marquise la trouve, tu passeras un mauvais quart d’heure.

Je fronçai les sourcils.

— Skye l’a volé à la Marquise pour mon anniversaire…

— Vous avez volé votre Reine ? Le coupai-je. Vous êtes fou ou quoi ?

— Non, c’est juste qu’elle et moi partageons la même passion, les voitures. Il ne restait plus qu’un seul modèle de cette Jaguar alors Skye me l’a offert.

Je secouai la tête en soupirant. Dans quoi m’étais-je embarquée ?

— Donc, si jamais tu croises la Marquise, tu n’as jamais vu cette voiture, d’accord ?

— Comment veux-tu que je la rencontre ?

— On ne sait jamais, insista-t-il en me regardant droit dans les yeux.

— Ok, je te le promets, souris-je, étonnée.

Nous dépassâmes la voiture en faisant attention à ne pas la toucher et arrivâmes devant deux immenses portes bleus recouverts d’un z géant fait par des diamants.

— Le bleu est vraiment une obsession, me moquai-je de lui.

— C’était la couleur préférée de ma fille, murmura-t-il.

— Pardon ? Demandai-je, choquée.

— Faith, ma fille était attirée par tout ce qui était bleu. Ça avait tendance à agacer ma femme.

— Tu… Tu…

Je fronçai les sourcils, car si je me souvenais bien, il m’avait dit qu’Ankthi l’avait transformé à dix-huit ans. C’était jeune pour être marié et avoir un enfant, mais je me rappelai de la remarque de Skye, avant tout était différent. Si les pères couchaient avec leurs filles avant leurs mariages, il était normal d’être père à cet age-là.

— J’ai épousé Olympia quand j’avais seize ans et nous avons eu Faith très peu de temps après.

— Et…

Je ne posai pas ma question, car deux fins possibles me vinrent en tête. La plus heureuse était qu’elles avaient vécu sans lui après sa transformation et la plus tragique était qu’il avait bu leurs sangs sous une pulsion incontrôlable.

— J’ai malheureusement rencontré Ankhti. Elle m’a transformé et les a tués pour être sûre que je reste avec elle.

— Quoi ? Soufflai-je, à la fois en colère et profondément triste.

Cette information me fit comprendre que j’étais véritablement en danger. Comment une femme avait pu faire ça ? Comment avait-elle pu tuer un enfant pour un homme ? Je le pris dans mes bras, car aucune phrase n’aurait pu lui montrer à quel point j’étais désolée pour lui. Cela l’avait gêné, car il était raide comme un piquet alors je m’éloignai de lui en m’excusant.

— Tu ne l’as pas tué ? Torturé ? Eventré ? Écartelé ? Ou je ne sais pas quoi ?

— J’ai l’impression d’entendre Skye, éclata-t-il de rire.

Si quelqu’un venait à me tuer, ma mère lui ferait des horreurs inimaginables.

— Tu ne tueras point, cita-t-il.

Je me souvenais que Skye m’avait dit qu’il était chrétien. Était-ce pour cela qu’il ne l’avait pas tué ?

— Mais, on ne dit pas aussi que tu ne voleras pas ?

— Tu ne déroberas point, me rectifia-t-il.

Il sourit au coin, me faisant comprendre que ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait cette remarque.

— C’est un peu compliqué, dit-il, embarrassé. Après ma transformation, il m’était impossible de me suicider même si j’avais déjà une place en enfer, car j’avais perdu mon âme alors j’ai essayé de trouver un juste milieu. En volant les pierres précieuses, Skye et moi empêchons des meurtres.

Je fronçai les sourcils. Que me racontait-il ? Quelle était la relation entre des pierres précieuses et des meurtres ? Il posa sa main au milieu du z sur la porte et me regarda.

— Prépare-toi. Ça va faire mal aux yeux, me prévint-il.

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Enaelyork
Posté le 06/12/2020
Encore un chapitre tres intéressant. Je suis contente d'en apprendre plus sur Zacharie.
Cette histoire d'alarme m'intrigue. J'ai l'impression que cette visite va mal se terminer.
Je m'interroge aussi sur le père d'Ava. Quelque chose me dit qu'il n'est pas innocent dans tout ça. J'me trompe peut être mais le "peu importe ce que tu es" dans la déclaration de Skyes à Ava a peut être un double sens.
Hâte de lire la suite.
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