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-       Vous n’en avez sûrement pas conscience, mais depuis quelques années, le ressentiment que l’extérieur nourri envers l’enceinte explose.

Je reste interdit. De tous les sujets tabous pour une personne de l’enceinte bien éduquée, l’extérieur est probablement en haut de la liste. Je décide de garder une expression neutre.

-       Je ne vous suis pas. Tout le monde sait que l’extérieur supporte la Diva.

-       Sûrement qu’ils l’aiment, dit-elle, mais un peuple qui a faim est capable de beaucoup de choses. De plus, je ne pense pas que la vraie cible soit la Diva, mais les Lords.

Je la fixe un instant, toujours aussi choqué par ses propos.

-       Ils nous l’auraient dit. On aurait remarqué.

-       Vous le pensez vraiment ?

Bien sûr que non. Si le gouvernement décidait de nous le cacher, il y arriverait sans problèmes. Quatre années à l’Observatoire des Lumières m’ont amplement suffi à comprendre que nous sommes loin de connaître toute la vérité sur notre monde. Mais est-ce si problématique ? Le système fonctionne. Il a des failles, comme tout régime, mais il fonctionne. J’ai toujours voulu savoir. L’autre côté m’a obsédé pendant des années, mais j’ai fini par comprendre.

-       Je pense que nous savons trop peu pour avancer des choses pareilles.

Elle sourit

-       On voit bien que vous sortez de l’Observatoire, dit-elle. Jamais prendre de risques pour garder tout le monde dans sa poche.

C’est à mon tour de sourire.

-       Tout comme vous si je ne me trompe.

Elle me regarde, mi surprise et mi satisfaite.

-       Vous êtes doué, dit-elle d'un ton approbateur. Comment l’avez-vous su si je puis me le permettre ?

-       Vous êtes très discrète, sans doute êtes-vous vous même une professionnelle. Depuis que nous avons pris place il n’est pas une seconde où vous avez cessé d’analyser mon langage corporel. Exactement de la façon dont on nous l’enseigne là-bas.

-       J’avoue que vous me surprenez. Vous êtes l’un des premiers à réussir à suivre mon regard.

-       C’est l’un des rares enseignements pour lesquels je pense pouvoir dire que j’ai été doué, dis-je en tentant de dissimuler ma fierté.

-       Cela ne fait aucun doute, me répond-elle sans se défaire de son sourire.

Elle remet soigneusement ses cheveux en place.

-       Revenons à notre sujet : l’extérieur. Je sais que vous mourrez d’envie de savoir ce qu’il s’y passe, or il serait également intéressant pour moi que vous connaissiez la vérité.

-       En quoi ? dis-je toujours méfiant.

-       Je ne peux vous en dire plus avant que nous soyons tombés d’accord.

Je la regarde éberlué et retiens difficilement un rire nerveux.

-       Vous attendez donc de moi que je consente aveuglément ?

-       Plus ou moins oui, répond-elle toujours aussi calme.

-       Sauf votre respect, je ne suis pas un sot. Il serait de la pure folie d’accepter dans de telles conditions.

-       Je le sais, dit-elle l'air à présent plutôt agacé, mais vous avez plus ou moins gâché notre première tentative de communication ce matin.

Elle parle du papier. Il n’y a pas d'autres possibilités à mes yeux, et cela peut donc vouloir dire deux choses : soit ceci est une mise à l’épreuve des Lords pour tester ma fidélité, soit -bien que ce soit plutôt improbable - elle est réellement en contact avec l’autre côté.

-       Je n’ai aucune idée de ce dont vous me parlez Madame, mais je ne suis de toute façon pas intéressé par votre offre. Je peux cependant vous conseiller de parler de tout ceci aux gardes civils qui seront sûrement reconnaissant de votre participation à la sécurité de notre cité.

-       Vous n’êtes pas irréfléchi, c’est déjà ça, dit-elle. Nous ne pouvons pas nous permettre de travailler avec quelqu’un qui parle plus vite qu’il ne pense. Je ne vous oblige à rien, mais je souhaiterais vous inviter à prendre le thé.

Elle me tend une petite carte écrite en lettres dorées.

Maison Renner :

18 rue de l’Amiral Debussy

 

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