35- Le jeu

    Mon crâne m'élance, une migraine s'insinue en moi. J'ai l'impression d'être poignardé par des milliers de couteaux et mon coeur fait des pirouettes à me rendre malade. Je vois flou. Bref, je ne suis vraiment pas bien. Je me force à respirer, je m'appuie contre un mur ârce que sinon je vais tomber et alerter les gardes. Oui, les gardes. Le moment est venu, les trois derniers jours sont passés trop vite à mon goût et, même si je me sens prêt, même si notre plan tourne et retourne dans ma tête, une vague d'angoisse ne cesse de remuer en moi. C'est maintenant que tout se joue. Je commence à me dire que j'aurais mieux fait d'attendre que l'impératrice me donne ce dont j'avais besoin pour sauver Erwan. Mais aurait-elle accepté de sacrifier un bout du coeur de ce monde pour sauver un insignifiant humain ? Je ne pense pas. J'adresse un regard tendu à Erwan, puis à tout les autres. A la dernière minute, nous avons changé notre plan. Jhon éprouvait un profond désir d'aventure, Hyju ? Je ne sais pas. Elle a manifesté l'envie de m'accompagner. Mais en même temps, je suis content qu'elle soit là. Quand à grand-ma, elle connaît un peu la magie. Au besoin, elle pourra lançer des sorts pour nous protéger. Mais je pense surtout qu'elle n'avait pas envie d'être seule. Après une dernière concertation du regard, Je mets le plan en action.

    Je lançe la bouteille de gaz anesthésiant le plus fort que je peux. Mais elle ne se brise pas. Mince. Manque de chance. Heureusement que nous avions prévu un plan B. Jhon s'empare d'un sac de pierre en soupirant et le lançe loin. Le sac retombe dans un bruit d'écroulement. Un des gardes, un Duhéëra aux allures de caïman, lève la tête et court voir ce qu'il s'est passé. Nous sortons de notre cachette Et nous approchons discrètement de l'autre garde. Hyju l'assome avec une brique - je ne m'attarderais pas à me demander où est-ce qu'elle a trouvé ça- et nous ouvrons la porte pour entrer dans une petite salle très sombre. Immédiatement, grand-ma ferme la porte et nous fait nous plaquer contre le mur, derrière une sorte d'armoire. Quelques secondes plus tard le garde-caïman ouvre la porte à son tour et jette un oeil dans la pièce. Son regard s'attarde sur l'armoire. Il s'approche, je retiens mon souffle. Un pas. Deux pas. Trois pas. Il se trouve devant l'armoire et l'ouvre en grand. Le battant manque de m'assomer mais il s'arrête juste avant. Je ne vois pas ce que le garde fait mais une minute plus tard, il referme l'armoire et... Y insère une clef qu'il tourne trois fois avant de murmurer quelque chose et de repartir. Je prends une grande inspiration de soulagement et je m'autorise à examiner les lieux.

    Nous nous trouvons donc dans une minuscule piève, de la taille d'une chambre d'enfant (humain). Il n'y a que deux meubles : Un placard, et un promontoire sur lequel se tient un coffret de bois. Autour du promontoir, des rayons. Des centaines de rayons dans tous les sens, comme dans les films d'espionnage. Mais là, il y a tellements de rayons qu'ils forment un mur rougeoyant, parsemé de petits trous. On ne peut pas passer au travers. Grand-ma incante une formule et la porte du placard s'ouvre, laissant apparaître un panneau de bois serti de manettes et de boutons.

- Vous connaissiez le mot-de-passe pour ouvrir le placard ? je m'étonne.

- Non. Mais j'ai l'oreille aguérie. J'ai entendu ce qu'a dit ce garde quand il a fermé la porte, j'ai donc dit une phrase qui voulait dire l'inverse de sa formule et la porte s'est ouverte. Par contre, il va falloir réfléchir. Parmis tous ces boutons et manettes, un seul permet de désactiver le système de sécurité.

Mme. Amkin a malheureusement en raison. Il va falloir trouver le bon bouton. Et ça ne va pas être chose aisée. Mû par une soudaine impatience, Jhon intervient :

- Que se passe-t-il si on traverse les rayons rouges ?

- Je préfère ne pas le savoir. Les Duhéëra ont un instinct plus sauvage que le nôtre, ce n'est oas une simple alarme qui se déclenchera, mais certainement un système capable de nous neutraliser, si ce n'est de nous tuer.

Jhon, qui s'apprêtait à toucher les rayons, retire précipitament sa main. Les engrenages de mon esprit se mettent en route.

    Ce panneau nous montre une centaine de boutons bleus, verts, rouges ou noirs ainsi qu'une autre centaine de manettes grises ou blanches. Avant même que je n'ai pû esquisser un geste, Hyju me prends le bras.

- Aucun de ces boutons n'est le bon.

- Hein ? je m'exclame, accompagné de mes deux frères.

Elle nous montre les quatre rangées de dalles de pierre qui précèdent les rayons rouges en disant :

- Vous voyez cette partie de la pièce ? On peut remarquer que certaines dalles sont légèrement plus foncées. De plus, on peut aperçevoir des fentes dans le mur, sûrement destinées à lançer des flèchettes empoisonnées. Je suppose que c'est là que nous devons nous rendre et marcher sur les bonnes dalles, comme dans ce film dont tu m'as parlé avec un aventurier qui cherche un trésor.

J'observe à mon tour le sol, puis les murs. Je n'ai pas réussi à discerner les dalles différentes mais j'ai pu constater, moi aussi, qu'il y avait des fentes dans le mur. Hyju s'écarte du groupe et pose son pied sur une première dalle. Il ne se passe rien. Soulagé , je m'apprâte à la rejoindre quand une voix grésillante s'élève :

- 5 joueurs dans la salle. Joueurs, prenez place sur les dalles, la partie va commencer.

Quatre autres dalles que celle du Hyju s'illuminent d'un jaune doux. Chacun de nous en choisit une et se place dessus. La voix reprend :

- Joueurs, vous avez décidé de participer au jeu. Quand a partie aura commencé, vous ne pourrez pas retourner en arrière. Voulez-vous aba,donner ?

- Non ? je réponds sans conviction.

- Bien. Commençons alors. Les règles son simples. Vous devez relever quatre défis. Quatre défis qui mettront en jeu votre agilité et votre intuition. Quatre défis qui vous rapprocheront de la mort...