3 - L'Académie Avancée des Sciences Humaines et Elémentales

Par Elodie

Funambules, jongleurs et cracheurs de feu jalonnaient les rangs serrés qui reliaient la station d’aéroplane aux escaliers menant à l’Académie. Des exclamations d’admiration, des cris de joie et des chants d’enfants surexcités ponctuaient le spectacle. Une fanfare assourdissante complétait le tableau alors qu’à tout moment, une main sortait de la file indienne pour en serrer une autre dans un joyeux « Elle est noble et on en cause : vive la Noble Cause ! ».

À tous les anniversaires, c’était la même histoire. Et cela depuis 450 ans. La Grande Réforme avait été si salvatrice que, chaque année depuis son établissement, tous les habitants la célébraient. Du citadin au campagnard, de l’érudit au manuel, du prédisposé à l’aphénome, du sédentaire ou nomade, tous étaient invités à glorifier la Noble Cause instaurée par la Grande Réforme.

En fonction des révisions qu’elle avait opérées, les différents lieux publics concernés étaient pris d’assaut pour des conférences, parades et expositions en mémoire de l’Avant et en l’honneur de l’Après Grande Réforme. Le Musée des Transports, à titre d’exemple, relatait l’inéluctable naufrage d’une société qui épuisait les ressources naturelles de sa planète : d’immenses clichés de marées noires et de plaines déforestées recouvraient les murs du musée. D’anciens moyens de transport étaient exposés. On dénonçait la menace qu’ils représentaient alors que, face à eux, on mettait en lumière les moyens de locomotion actuels. L’abîme que les séparait était un éloge à peine dissimulé à la Noble Cause.

L’Académie avancée des sciences humaines et élémentales, quant à elle, remémorait les dernières guerres et maladies. Des centaines d’affiches expliquaient en quoi ces dernières étaient les conséquences d’un épuisement des ressources humaines. D’autres vantaient la survie de la société depuis l’éclosion des phénomènes. Tous les couloirs des différents bâtiments du complexe étaient garnis de ces témoignages aux allures de propagandes. Et des milliers de visiteurs venaient s’en gargariser.

Au milieu de cette horde enthousiaste, Lily attendait patiemment son tour pour avoir accès au locomoteur. Pour occuper le temps, elle parcourut le prospectus sur lequel figuraient les conférences dispensées à l’Académie à l’occasion de cette commémoration. Sous le titre réjouissant Venez fêter la Noble Cause, se trouvait toute une liste d’intitulés. Ils lui semblaient bien plus prédicants que festifs :

8h00       Les phénomènes : de la pathologie à la prédisposition, en passant par l’atteinte – par le donateur Pi (Amphimax, salle 1)

10h00     Et si la Grande Réforme n’avait jamais eu lieu ? un monde pollué, malade et perpétuellement en guerre – par Gontran (Génopode, salle 4)

12h00     Pause déjeuner

14h00     La tolérance, une forme de puissance pour la survie collective – par Clarabelle (Cubotron, salle 6)

16h00     La Noble Cause : un retour à la nature… humaine – par Salem (Anthropole, salle 0)

18h00     Les 450 ans de l’amitié entre la singularité et la conformité – par l’ensemble des conférenciers (Extranef, salle 3)

20h00     Festin de partage (Buvette de La Banane)

22h00     Feu d’artifice (Parc du Biophore)

En se levant ce matin-là, Lily n’avait pas regardé la date. Mais, plus elle y pensait, plus elle était convaincue que son hôte avait fixé leur séance en connaissance de cause. Il devait bien s’amuser de la savoir faire la file au milieu de toutes ces voix enjouées et de la cacophonie euphorique ambiante.

Les pensées de Lily allaient effectivement bon train. Pourtant, elles ne suivaient pas l’atmosphère environnante. Alors que l’excentricité d’Auguste l’avait mise de bonne humeur, ce bain de foule lui plombait de plus en plus le moral au fur et à mesure qu’elle s’approchait du locomoteur. Déjà, elle avait appris à ne plus se faire assaillir par les mille et une voix de son entourage. Et puis depuis quelque temps, Lily présageait que ces festivités grandioses organisées par les Très Hautes Autorités étaient seulement de la poudre aux yeux pour dissimuler une réalité embarrassante. Et pourquoi, sinon ? Car, malgré sa philosophie actuelle si rassurante, le monde ne souffrait pas moins pour autant… Son travail en était un cruel témoin.

- Bonne fête, chuchota une voix à son oreille.

Lily, perdue dans ses pensées et volontairement hermétique à son environnement, sursauta sous le coup de cette incursion. Elle se retourna dans un mouvement si brusque qu’il la déséquilibra. Manquant tout juste de s’étaler de tout son long, elle s’agrippa à ce qu’elle avait sous la main, le manteau de l’individu qui la précédait en l’occurrence.

- Hooo ! On se calme, ma puce, protesta le gros monsieur, dévoilant un sourire jovial sous des moustaches extravagantes.

- Ma puce !?!

C’était le surnom que lui donnait sa mère quand elle était enfant. Pour la deuxième fois de la journée, de douloureux souvenirs remontaient à la surface bien malgré elle. Et puis, cette manière de s’adresser à elle était très dénigrante. Lily se sentait infantilisée. Et elle détestait ça. Intérieurement, elle fulminait. Ouvrant la bouche pour assener une réponse cinglante, elle n’en eut pas l’occasion.

- J’ai dit : ON SE CALME ! tempêta le moustachu qui la foudroyait maintenant du regard.

Son sourire avait disparu. En quelques secondes, le visage empli de bonhomie qui l’avait interpellée était devenu menaçant. « Impulsif, colérique, perdant brusquement son sang-froid et incapable de mesurer l’impact de ses gestes : un flambeur ! » constata méthodiquement Lily. Elle devait trouver un moyen de couper court au différend. Mais avant qu’elle puisse amorcer la moindre parole, une sensation intense de brûlure la submergea. Le flambeur lui avait empoigné l’avant-bras. Lily ouvrit la bouche de surprise. C’était atrocement douloureux ! Une légère odeur de roussi commençait à se faire sentir. Lily n’arrivait pas à se libérer de l’étau incandescent sur sa peau. Elle était totalement impuissante. Elle voulut appeler à l’aide. Mais, comme dans toutes les situations de stress dans lesquelles elle se trouvait, aucun son ne sortit de sa bouche. Et personne n’avait l’air de remarquer ce qui se tramait, malgré la foule qui les enveloppait. Chacun était bien trop absorbé par le spectacle qui animait l’attente. Lily laissa échapper un gémissement de douleur. Un petit bout de femme grisonnante surgit alors de derrière le gros moustachu. Elle se mit à geindre à voix basse en lui tirant fébrilement la manche :

- Arrête Charles, s’il te plaît, arrête ! Tu vas à nouveau être sanctionné ! Charles, mon chéri, pitié…

Le flambeur ne cilla pas. Car il ne l’entendait pas. Il était uniquement sous l’emprise d’une rage aveugle. Lily le savait. Il ne s’apaiserait pas. Ni ne lui lâcherait le bras.

Elle lui rappelait sa petite sœur. Cette sotte, toujours sur son chemin ! Il était pourtant le plus grand des deux, mais tout le monde n’avait d’yeux que pour cette godiche. « Une vraie merveille, notre petite puce ! » avait claironné sa mère le jour où elle était née. Il ne lui avait jamais pardonné. Les brûlures qui lui striaient le corps en étaient la démonstration. Visiblement, elles n’avaient pas suffi…

Lily sentait qu’elle allait s’évanouir sous la violence de son vis-à-vis en pleine reviviscence de son passé quand, aussi subitement qu’elle avait commencé, la douleur cessa. Rassemblant ses esprits, Lily découvrit son poignet libéré. Le flambeur l’avait lâchée.

Clignant des yeux, encore désorientée, elle vit alors le visage rougeaud de son agresseur se décomposer, comme si tout son être manquait d’air. Déconfite, Lily s’excusa dans un gazouillement inaudible et se rapprocha de lui pour l’aider. Il haletait toujours, mais elle constata qu’il reprenait petit à petit son souffle et qu’il retrouvait des couleurs. Elle se détendit. Même vulnérable, elle ne supportait pas de sentir la souffrance d’autrui et encore moins si elle s’en sentait responsable.

Lily ne comprenait pourtant pas comment les choses s’étaient enchaînées. Elle allait s’évanouir. Comment était-elle parvenue à lui faire lâcher prise ? Peut-être que la sensation de brûlure sur son bras l’avait fait réagir instinctivement… Lily grimaça. Elle détestait quand la situation échappait à sa maîtrise. Mais elle n’avait pas remarqué cet effet de vision réduite à un tunnel, inévitable lorsqu’elle perdait son sang-froid. « Bizarre », médita-t-elle en regardant le flambeur quitter hâtivement la file. Il marmonnait des propos sans queue ni tête, mais vraisemblablement peu affectueux à son encontre. Sa petite souris de femme trottinait laborieusement derrière lui, le dos voûté et les mains autour de son visage.

En proie à de grosses remises en question, Lily avait complètement oublié le point de départ de cet accrochage quand la voix qui en était la réelle responsable reprit d’un ton badin :

- Eh bien, tu te fais des amis ?

Cette fois, Lily se retourna sans causer de grabuges. Elle avait reconnu l’inflexion flegmatique de son chef.

Lucien était un homme grand et mince. Ce jour-là, il avait fait l’effort de se vêtir d’un veston sombre et fraîchement repassé sur son habituel sweat délavé. Il ne s’était toutefois pas séparé de sa paire de jean’s troués par endroits et dont les fils balayaient le sol. Le veston ne domptait d’ailleurs pas son allure générale hirsute et désinvolte. Ni jeune ni vieux, de légères rides habillaient ses yeux rêveurs. Au-dessus d’un menton effacé, sa bouche portait un perpétuel rictus narquois.

Son regard poursuivait le flambeur avec un froncement de sourcils sévère.

- Lucien, dit-elle avec un soupir de soulagement. Oh ! Misère, je ne sais pas ce qui s’est passé…

Lily tentait de noyer son inquiétude à l’idée que son chef eût assisté à l’altercation – sa mère avait été catégorique : personne ne devait savoir – mais elle s’interrompit lorsqu’il saisit son bras meurtri.

Lucien l’examina soigneusement. Puis il souffla délicatement sur les traces rougies. Des cloques commençaient déjà à se former. Progressivement, elles disparurent pour laisser place à la coutumière pâleur de la peau de Lily. La douleur s’était elle-aussi envolée.

Apaisée, Lily jeta un coup d’œil dubitatif en direction de Lucien. Et si l’asphyxie passagère du flambeur ne venait pas d’elle ? Se massant machinalement le poignet, elle chassa cette idée saugrenue de son esprit. Il était formellement interdit d’user des phénomènes pour nuire à autrui. Contrairement au flambeur, Lucien n’était pas caractériel et se pliait donc naturellement au règlement, de la même manière que l’écrasante majorité de la population. Il n’aurait pas fait exception pour elle.

- Merci, dit-elle, reconnaissante. Comme je te disais, je ne sais pas ce qui lui a pris…

- Bah ! Il a dû avaler de travers, conclut-il en riant.

Lily leva les yeux au ciel. Comment faisait-il pour avoir l’air toujours si détaché ?! Lucien était le chef d’une institution considérable et renommée, mais il gardait toujours une attitude frivole. Ce manque de sérieux constant ajoutait une touche de convivialité bienvenue dans le monde solennel dans lequel ils évoluaient. Il avait également le bénéfice de détourner l’attention de ses interlocuteurs. Lily savait que Lucien jouait volontiers le rôle du candide, dissimulant une vivacité d’esprit hors-pair. Sa tête dans les nuages, son regard constamment distrait et ses longues boucles châtain en forme de point d’interrogation servaient parfaitement cette cause. Quand elle travaillait, Lily s’en agaçait régulièrement. À cet instant, cela lui rendait bien service. Elle ne voulait surtout pas revenir sur l’épisode qui venait de se dérouler sous ses yeux.

Comme Lucien ne poursuivait pas, elle chercha un sujet de conversation plus orienté sur son chef, moins sur sa mésaventure.

- Mais, dis-moi, tu as eu le temps de venir à la commémoration, cette année ?

Le regard dans le vague, il répondit distraitement :

- Non non. J’ai une réunion… Peu importe ! Ça me fait plaisir de te voir, tu n’es plus très présente aux tables rondes depuis quelque temps… Tu vas comment ? L’équipe ouest se porte bien ?

- Oui, tout va bien… Bon ! On manque toujours de temps, tu connais ça. L’équipe est un peu sous tension, mais on trouve des stratégies, ça va. J’ai pris un peu plus de patients ces derniers mois pour soulager les collègues. Du coup, ça devient difficile de me déplacer à chaque fois pour les tables rondes…

Pendant qu’elle s’épanchait dans une description détaillée et argumentée des raisons qui l’avaient empêchée de se présenter aux dernières réunions d’équipe, Lily se demandait pourquoi Lucien évoquait le plaisir de la voir alors qu’il semblait visiblement peu intéressé. Bien sûr, son compte rendu n’était pas très captivant, mais rien ne l’empêchait, lui, d’intervenir pour deviser sur un thème plus exaltant. Elle, pour sa part, n’arrivait pas à s’abstenir de se répandre en justifications. C’était plus fort qu’elle ! Dans les situations embarrassantes, soit elle se retrouvait mutique soit logorrhéique. Avec le flambeur de tout-à-l’heure, elle n’arrivait pas à sortir la moindre parole, alors que cela lui aurait été bien utile. Et maintenant qu’elle aurait mieux fait de se taire, elle ne trouvait plus le bouton pour stopper ce flot ininterrompu de propos insipides. Alors Lily discourait. De son côté, Lucien semblait absorbé par une analyse pointue de la coiffe juchée sur le crâne de la femme qui les précédait.

Ce type d’interactions complètement absurdes s’était peu à peu installé depuis que Lily dirigeait l’antenne ouest. Quand elle occupait encore son petit bureau dans le siège de la consultation où elle travaillait aux côtés de Lucien, tout était tellement plus simple entre eux. Les échanges étaient fluides. La relation naturellement agréable. Les conversations incessantes et passionnées. Puis, elle avait obtenu un poste plus élevé et éloigné, sur recommandation de Lucien lui-même en l’occurrence. Depuis, son chef se disait invariablement heureux de la voir puis… rien. Silence embarrassant, regard fuyant, conversation absente hormis quelques questions pour la forme. Si au moins il avait le bon sens de s’en aller, mais non : il restait, sincèrement heureux d’être à ses côtés, mais pas vraiment là pour autant. Alors qu’elle avait vécu de nombreuses années de franche complicité avec lui, Lily ressentait depuis ces dernières années écoulées une déconcertante distance de la part de son chef lors des rares moments où ils se retrouvaient seuls. Impuissante dès qu’elle se sentait ignorante, elle s’était résolue, avec le temps, à bavarder seule.

Au moment où ils atteignirent les escaliers, Lily avait terminé son exposé. Lucien fit alors un signe à une connaissance plus en arrière dans la file. Avec un clin d’œil à Lily et un sourire en coin, il partit le rejoindre à grandes enjambées. En un instant, Lily n’aperçut plus que sa tignasse emblématique dépasser de la foule. Elle n’avait même pas eu le temps de lui souhaiter une bonne journée ! Désabusée, elle franchit la plateforme et emprunta l’escalier qui l’emmena tout doucement le long des différents bâtiments de l’Académie.

Le bureau où elle se rendait se situait au deuxième étage du Geopolis. C’était à l’extrême opposé de l’entrée de l’enceinte de l’Académie. Accoudée à la rambarde, elle regarda défiler les différents édifices du site. Ils étaient tous parés de banderoles et fanions multicolores à l’effigie de la Noble Cause.

De nouveaux souvenirs émergèrent dans l’esprit de Lily. Plus apaisants que les derniers. Ils venaient puis repartaient, suivant le rythme régulier du locomoteur. La cadence était calme et reposante. Lily se fit la réflexion que l’injecteur engagé pour cet escalier devait avoir une meilleure gestion de ses émotions que le moustachu de la file d’attente. Son travail était irréprochable. Cette qualité était rarement attribuée à un flambeur. Contrairement à d’autres comme la témérité, la passion ou le courage.

Lily bâilla en passant devant l’Amphimax. Sous les décorations de circonstance, les murs en béton brut étaient austères et froids. Ses rares fenêtres étaient recouvertes par un grillage carcéral et des fientes de pigeon bavaient sur ses surfaces lisses. Ce triste revêtement reflétait fidèlement le manque de créativité des cours qu’il abritait : statistiques, introduction à la formation académique et à l’approche élémentale, travaux pratiques en méthodologie, introduction à l’épistémologie des phénomènes, séminaires de lecture sur l’histoire des sciences humaines, recherche longitudinale sur l’évolution du marché du travail réservé aux individus prédisposés… De loin pas ses meilleurs souvenirs.

Après ce premier cycle de formation plutôt rébarbatif, Lily avait enfin eu accès aux cours dispensés au sein de l’Anthropole : histoire de la psychopathologie de l’Avant Grande Réforme, initiation au dépistage précoce des phénomènes, étude du développement de l’enfant aphénome face à l’enfant prédisposé, psychologie des émotions et de la santé, travaux pratiques sur le phénomène dans tous ses états, séminaire d’éthique et projet de recherche sur les enjeux de la diversité… À l’image de la richesse de son enseignement, ce cycle de formation avancée avait lieu dans un bâtiment majestueux.

Vestige de la lointaine époque moyenâgeuse, il était accessible par le biais d’un pont-levis. Ses douves étaient peuplées d’une flore et d’une faune riches. Des concerts de croassements et de gazouillis agrémentaient les soirées d’été. De l’autre côté de l’eau, les fondations de l’édifice reposaient sur de solides pierres soutenues par d’épais madriers qui encadraient d’immenses baies vitrées. À chacun des quatre coins de l’ancienne fortification se dressaient les tourelles d’origine. Plus moderne, un donjon entièrement réalisé en vitrage sans tain émergeait au cœur du bâtiment. Les beaux jours, sa surface reflétait les rayons du soleil. Ces derniers faisaient briller le donjon tel un diamant dans son écrin rocheux.

Alors que l’Anthropole pointait derrière La Banane – surnom donné à la bibliothèque de l’Académie en raison de sa forme caractéristique – Lily se redressa sur sa marche. Elle contempla le spectacle qui apparaissait petit à petit sous ses yeux. À la différence des précédents bâtiments, aucune bannière ou oriflamme n’habillait l’Anthropole. Pourtant, ses ornements auraient pu faire pâlir de jalousie tous les autres édifices de l’Académie s’ils étaient animés d’émotions.

Comme l’Académie avancée des sciences humaines et élémentales était le lieu d’étude des phénomènes, chaque année, de nombreux étudiants prédisposés intégraient cette faculté, à la recherche de réponses concernant leur propre fonctionnement. Certains d’entre eux repartaient déçus. D’autres y trouvaient leur vocation. Lily avait noté cette tendance à l’époque où elle s’y formait. Visiblement, les traditions étaient perpétuées. En effet, un numéro de phénomènes, orchestré par des dizaines d’étudiants prédisposés postés sur les tourelles de l’Anthropole, faisait office d’apparat et émerveillait le public.

- Regarde, maman : un arc-en-ciel en forme d’étoile ! s’exclama la petite fille postée sur la marche précédant celle de Lily en tirant sur un pan de la robe de sa mère.

Mais la femme à la coiffure ensorcelante était trop occupée à scruter le ciel dans une tout autre direction pour répondre à sa fille.

- Oh ! Mais… Et là, qu’est-ce que c’est ? Attention, une tornade ! s’écria-t-elle en recouvrant son enfant d’un geste protecteur.

- Mais non ! Ce n’est qu’un tourbillon de confettis, répondit posément un homme tiré à quatre épingles pendant qu’applaudissait un groupe d’enfants tous plus blonds les uns que les autres.

- Et là, ne serait-ce pas un combat de lions ? interrogea une jeune femme en pointant du doigt des branchages animés qui reproduisaient certaines scènes de la savane.

- La rivière est en feu ! s’extasia une voix un peu plus loin.

- Magnifique !!

- C’est incroyable…

- Toi aussi, tu sais faire ça, dis, papa ?

Le numéro était spectaculaire. Il rappela à Lily ses années grisantes entre les murs de l’Anthropole avant qu’elle entame son dernier cycle de formation au sein de l’Extranef.

L’Extranef était la plus humble bâtisse de l’Académie. Elle se cachait discrètement derrière la tourelle nord de l’Anthropole. Elle était à peine visible depuis le locomoteur, si bien que personne n’avait pris la peine de la décorer pour l’occasion. Pourtant, Lily savait qu’elle abritait un savoir-faire précieux, mêlant théorie et pratique. C’était là qu’elle avait réellement appris son métier de thérapeute.

Rêveuse, Lily ne vit pas les minutes passer. Juste à temps, avant que le locomoteur ne tressaillît pour amorcer un virage à 180 degrés, elle se ranima dans un sursaut. Elle descendit d’un bond de sa marche et se rendit directement vers la porte du Géopolis afin de retrouver son mentor : Séraphin.

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So26
Posté le 06/03/2022
Quelle belle maîtrise de la langue et quel vocabulaire! J'adore le monde que tu as créé avec ces moyens de locomotions tous plus originaux les uns que les autres et surtout ce monde où les pathologies se transforment en dons! La distinction entre les aphénomes (c'est bien ça?) et les prédisposés me rappellent la distinction entre sorciers et moldus! Dans ton univers ça parait d'ailleurs plus intéressant d'avoir une pathologie que de ne pas en avoir, on est bien loin du monde dans lequel on vit et ça fait du bien! Je poursuis...
Elodie
Posté le 06/03/2022
Merci pour ton chouette commentaire! Ce monde me plairait bien en effet :-)
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