3 - La découverte

Notes de l’auteur : ~ Premier Jet ~

Merci de lire SiHenne <3

Un mois a passé, les symptômes sont toujours présents et un peu plus violents. Une radiographie est programmée cette semaine et mon médecin a prolongé mon arrêt maladie. Ce dernier point donne matière aux amis et à la famille de Henne pour me critiquer en long et en large. Ma « belle-mère » m'a dit de but en blanc : « J'espère que tu ne vas pas rester longtemps comme ça, à laisser mon fils tout payer ! » Évidemment, Henne n'était pas dans les parages. Puis, lors d'un repas improvisé à la maison, je me suis retirée pour aller m'allonger dans notre chambre. Ça m'a valu un certain nombre de petites piques déguisées en plaisanteries comme : « Eh bien, Sihane ! J'adore ta façon de recevoir », ou encore « Tu ne m'en voudras pas si la prochaine fois, je te reçois au saut du lit »... Mon irritation grandissante, j'ai de plus en plus de mal à me taire et mon époux n'apprécie pas quand je riposte. J'ai parfois l'impression qu'il est du même avis qu'eux et que c'est la raison pour laquelle, il reste passif dans ces moments.

Un fossé se crée entre nous, je suis souvent d'une humeur massacrante et Henne prend ses distances. Il n'est pas souvent à la maison ces derniers temps et quand il est là, je sens son regard réprobateur sur moi. Alors, je me réfugie sur mon téléphone où j'ai trouvé deux forums sympathiques. L'un, pour parler de mon mariage que je vois dépérir à vitesse grand V et l'autre, pour mes douleurs physiques. Je trouve un certain réconfort auprès de ces inconnus qui ne me jugent pas, me soutiennent et me conseillent.

Aujourd'hui, je suis de sortie avec Julia. Ça fait déjà deux semaines que je repousse notre déjeuner, je ne peux pas là faire plus attendre, même si elle comprendrait.
Elle passe me chercher à midi et demi pour aller au restaurant. Dans la voiture, nous parlons principalement de mon état de santé, elle s'inquiète et je tente tant bien que mal de la rassurer en lui disant que c'est juste une période de bas, mais que ça va aller.

À table dans notre restaurant favori, celui qui a vu grand nombre de nos fous rires, le serveur vient prendre nos commandes. Je choisis un filet mignon sur son lit de pommes de terre. Julia me raconte ses péripéties au travail, pendant un instant j'oublie mes maux et ris de bon cœur avec elle. Je passe un très bon moment avec mon amie et le savoure. Après le dessert, nous prenons un petit café et la conversation dérive sur ma relation avec Henne. J'avoue que notre couple n'est pas dans ses meilleurs jours et que j'en suis la responsable.

— Ne dis pas ça, Sihane. Tu n'es pas responsable et il serait temps que Henne se bouge un peu, déclare-t-elle en me serrant la main.

— Si je n'étais pas aussi désagréable, il serait plus souvent à la maison, argumenté-je.

Julia grimace. Mes sourcils se froncent. Le visage de mon amie ne me dit rien qui vaille. Elle reprend la parole et m'informe que Lydia sème le doute dans l'esprit de mon mari.

— Il y a trois jours chez Josh, j'ai entendu cette peste dire à Henne qu'il devrait se méfier. Que si tu déclinais toutes ses invitations et si tu passais autant de temps sur ton téléphone, c'était sûrement au profit d'un autre homme. Tu penses bien que je suis montée au créneau...

Je suis choquée par cette révélation. La voix de mon amie s'efface, mon cœur se serre, les larmes me montent aux yeux. Mon mari, cet homme que je chéris le plus au monde, se fait embobiner par cette garce de Lydia. La déception m'envahit, comment peut-il croire une chose pareille? Comment peut-il douter de moi ? Un haut-le-cœur violent me prend, faisant taire Julia.

— Sihane, ça va ? demande-t-elle en alerte.

Une douleur vive me vrille les reins, c'est insupportable. Ma vue se trouble et noircit, un vertige s'empare de moi, puis c'est le trou noir.

Des secousses me ramènent à moi. J'ouvre lentement les yeux, aveuglée par la lumière au-dessus de moi, je les plisse et observe l'endroit où je me trouve. Une ambulance. Une jeune femme se penche vers mon corps, elle doit avoir mon âge, ses longs cheveux noirs tombent en cascade sur l'avant de son corps et une mèche effleure mon visage. Elle la repousse et sourit confuse. Elle ouvre la bouche et me demande :

— Comment allez-vous, Madame ?

— J'ai mal partout, réponds-je la bouche pâteuse.

Elle sourit à nouveau.

— C'est normal, vous avez chuté de votre chaise en vous évanouissant, m'annonce-t-elle de sa voix douce et rassurante.

Le rappel de l'événement me ramène immédiatement à Julia.

— Mon amie ? Où est-elle ?

— Elle nous suit en voiture, elle ne pouvait pas monter avec nous.

Je hoche la tête et l'ambulancière reprend :

— Ça vous arrive souvent, ces malaises ?

— Pas aussi violent, mais ces derniers temps, je suis sujette à quelques vertiges.

Elle acquiesce et le note sur sa fiche. Nous arrivons à l'hôpital, les brancardiers m'aident à descendre du véhicule et j'atterris dans un fauteuil roulant. Je suis ensuite emmenée dans la salle d'attente des urgences. L'ambulancière dépose ma fiche à l'accueil et revient un instant plus tard pour m'avertir que je vais être prise en charge par un médecin d'ici quelques minutes. J'acquiesce et la remercie, puis elle s'en va.

Julia arrive en courant et paniquée. Ses yeux sont remplis de larmes, elle me serre dans ses bras. Je frotte son dos, puis elle se recule et m'observe avant de prendre la parole.

— Comment tu te sens ? Je m'en veux tellement de t'avoir parlé de ça, excuse moi, Sihane.

Je secoue la tête négativement.

— Je vais bien, Julia. Et ne t'excuse pas, tu n'y es pour rien, réponds-je en souriant pour la rassurer.

— D'accord, je vais appeler Henne pour le prévenir.

— Non ! m'écrié-je instantanément.

Julia me regarde surprise et je reprends calmement :

— Je ne veux pas qu'il vienne ici, pas alors qu'il doute de nous... Julia s'il te plaît ne le prévient pas. Je lui en parlerai moi-même.

Elle acquiesce et s'assied sur le siège le plus proche du fauteuil. Un quart d'heure vient de passer, Julia et moi sommes silencieuses, mais sa main n'a pas quitté la mienne depuis qu'elle s'est assise. Mine de rien, son soutien me fait du bien et je suis contente qu'elle soit avec moi.

Le médecin arrive dans la salle d'attente et me prend en charge. Julia nous suit sans demander l'autorisation au médecin et me fait sourire lorsqu'elle prend le fauteuil des mains du docteur. Nous passons dans un box où il m'ausculte et me pose des questions. Je lui dis tout ce qui m'arrive depuis ma déchirure musculaire, tous mes symptômes et la radio que je dois faire dans la semaine. Il m'annonce que nous allons la faire maintenant, Julia et moi montons en radiologie où je passe rapidement. J'attends mes résultats et nous redescendons voir le docteur qui s'occupe de moi. D'après lui, rien n'indique une déchirure, il me fait une ordonnance et me demande de faire un bilan sanguin à jeun demain matin. Il m'informe également qu'il passe le relais à un confrère le docteur Richard qui me recevra le surlendemain. Je le remercie et quitte l'hôpital avec Julia qui me ramène à la maison et propose de rester jusqu'à ce que Henne rentre. Je décline son offre, je suis exténuée et j'aimerais me reposer. Elle le comprend, mais m'informe :

— Après-demain, je t'emmène à ton rendez-vous !

Le ton qu'elle emploie m'indique que je ne peux refuser. Je souris et réponds :

— Très bien, si ça te plaît d'être mon taxi, pourquoi pas.

Aujourd'hui, Julia doit passer me prendre pour aller à mon rendez-vous avec mon nouveau médecin. Après son départ l'autre jour, je suis allée prendre un bain pour me détendre de cette journée forte en émotions. Après quoi, j'ai mangé rapidement avant de me plonger dans mon lit. Je n'ai pas entendu mon mari rentrer et quand je me suis réveillée, il était déjà parti comme ce matin, d'ailleurs.

Les heures passent rapidement, je profite des instants où les antidouleurs font effet pour ranger la maison et accomplir quelques tâches diverses.

Aux alentours de treize heures, je mange sur le pouce et file me préparer. L'hôpital n'est pas loin et Julia passe me chercher un quart d'heure avant mon rendez-vous. En arrivant dans l'enceinte du CHU, j'enregistre mon admission et nous nous rendons dans la salle d'attente du docteur Richard.

— Tu as parlé à Henne ? s'enquit mon amie.

— Non, nous nous sommes à peine croisés.

Elle acquiesce et j'ajoute :

— Ma foi, ce soir, j'aurai plus d'informations à lui donner.

— Vu comme ça, répond-elle en souriant.

Le docteur m'appelle, Julia m'accompagne sans demander un quelconque accord. Je ne dis rien, au contraire, sa présence me rassure et me fait du bien. Nous nous asseyons face à l'homme d'une bonne cinquantaine d'années. Le sommet de son crâne est dégarni tandis que les côtés sont parsemés de cheveux couleur poivre et sel. Avec ses lunettes rondes et sa bouche pincée, il me fait penser aux illustrations de tortues que l'on trouve parfois dans les livres pour enfant.

Après avoir relu mon dossier, il croise ses mains sur le plateau de son bureau, plonge son regard dans le mien et commence :

— Madame Bennett, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Vos résultats sanguins m'inquiètent. Aussi j'aimerais vous faire passer une échographie.

Je fronce les sourcils en apprenant cette nouvelle et le médecin poursuit :

— Avant ça, j'ai quelques questions à vous poser.

— Je vous écoute, réponds-je peu sûre de moi.

— Avez-vous vu du changement dans vos urines comme une couleur inhabituelle ?

— Non.

— Avez-vous remarqué votre teint jaunir ?

— Non plus

— Vos yeux ?

Je secoue la tête négativement. Pour quelqu'un qui n'y va pas par quatre chemins, il met le temps à me dire ce qu'il soupçonne. Il note mes réponses, je n'ose pas poser de questions et j'appréhende ce qu'il va me dire. Julia serre ma main et ne me laisse pas tomber. Je lui en suis infiniment reconnaissante. Quelques minutes s'écoulent, l'homme relève enfin la tête et me tend une prescription pour l'échographie.

— Allez la faire tout de suite et revenez, ici.

— Très bien, merci docteur.

Il se lève et nous dirige vers la porte.

Julia et moi nous rendons une nouvelle fois en radiologie. Je vais donner mon ordonnance à l'accueil du service et rejoins mon amie qui s'est installée dans la salle d'attente.

— Je l'ai trouvé bien évasif, ce médecin, s'exprime Julia.

— Moi aussi, annoncé-je, ça m'inquiète, un peu.

— Ne commence pas à te faire des films, ordonne-t-elle en souriant.

— Tu as raison, tant que je n'ai pas les résultats, je n'ai pas à paniquer.

J'attrape un magazine et commence à le lire tandis que Julia pianote comme une folle furieuse sur son iPad. Une poignée de minutes s'écoulent avant que je sois appelée, j'appréhende ce que révèlera l'échographie, d'autant que je ne sais pas ce qui est recherché.

J'entre dans la pièce, salue le médecin échographiste qui me demande de me dévêtir. J'enlève donc mon pull et mon t-shirt avant de m'allonger sur la couchette. L'examen commence, un gel froid est déposé sur mon abdomen et je constate qu'un endroit spécifique est passé au peigne fin. Après une vingtaine de minutes, je peux m'essuyer et me revêtir. Le médecin m'enjoint à le suivre le temps qu'il tape son rapport et me le remet afin que je le présente à son confrère.

Dix minutes plus tard, Julia et moi déambulons à nouveau dans les escaliers de l'hôpital pour rejoindre le bureau du docteur Richard. Nous patientons dans la salle d'attente avant que le médecin nous fasse entrer.

Je lui tends les résultats de l'examen qu'il observe attentivement, son visage est impassible, je n'arrive pas à savoir si ce que j'ai est grave, ou non.

— Madame Bennett, aux vues de vos résultats sanguins et ceux de l'échographie, je vais vous faire passer un scanner. En sortant, prenez un rendez-vous avec ma secrétaire pour l'examen.

— Docteur, j'ai quelque chose de grave ?

— Je ne vais pas vous mentir, je soupçonne une tumeur. Je souhaite vous faire passer ce scanner pour en savoir plus et être certain de mon diagnostic.

— Une tumeur ? Mais comment ? Pourquoi ? demandé-je sous le choc.

Je ne réalise pas et ne comprends pas vraiment les propos du médecin. J'ai toujours été en bonne santé et voilà que l'on m'annonce que...

— J'ai un cancer ? demandé-je d'une voix blanche.

— J'attends les résultats du scan pour vous en dire plus, Madame Bennett.

J'acquiesce en silence, les mots de l'homme qui se tient devant moi sont lointains et je suis incapable de revenir à la conversation.

Une main sur mon épaule me fait sursauter.

— Tu viens ? demande Julia de sa douce voix.

Je me lève comme une automate et serre la main du médecin. Je suis tellement abasourdie que j'en oublie mon rendez-vous. Julia m'interpelle et constate que je ne suis pas en état de dire, ou faire quoi que ce soit. Elle prend les commandes et si je comprends les choses correctement, elle cale le rendez-vous sur son planning avant de remercier la secrétaire et de me rejoindre. Elle passe son bras sous le mien et m'aide à avancer.

— Ça va aller, Sihane. Il n'est pas encore sûr que ce soit ça. Tant que ce n'est pas prouvé A+ B, tu n'as pas de cancer. J'ai pris rendez-vous mercrediprochain, je viendrais avec toi si tu veux, ou alors Henne pourrait prendre unjour de congé.

La mention de mon mari me sort de ma torpeur.

— Il ne doit pas savoir ! m'exclamé-je d'un ton sans appel.

— Quoi ? s'étonne-t-elle. Mais pourquoi ?

— Je ne veux pas qu'il revienne vers moi parce que je suis malade.

— Sihane, Henne t'aime plus que tout...

— Oui, c'est pour ça qu'il laisse les paroles de Lydia s'insinuer entre nous, claqué-je sèchement. Il est hors de question qu'il le sache. Promets-moi ?

Elle me regarde, sidérée.

— Bien que je ne sois pas d'accord avec ta décision, je ne dirais rien.

— Merci pour tout, Julia, murmuré-je.

— Ne me remercie pas, Sihane. Tu es mon amie, c'est normal que je sois là pour toi.

Je hoche la tête et resserre mon emprise sur son bras. Le soutien de mon amie m'est vital, j'ai la chance qu'elle soit présente dans n'importe quelle situation.

Julia me dépose, je la quitte sans avoir écouté un mot et j'entre chez moi. Le silence qui habite la maison laisse les doutes et la peur m'assaillir. Si le docteur demande un scanner, c'est pour avoir confirmation de la tumeur, j'en suis certaine, j'ai un cancer. Les larmes brouillent ma vue, mon monde s'écroule. Mon Dieu ! Je ne suis âgée que de trente-quatre ans, ma vie débute à peine, et j'ai un cancer.

 

 

 

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Naou
Posté le 05/09/2020
Leur éloignement me fait de la peine.

Et son évanouissement 😱 J'ai peur qu'elle aient un cancer, même si je suppose que ce sera le cas 😭

Toujours très agréable à lire et fluide 😍
enahis.hayl
Posté le 06/09/2020
Merci 😃
Son mec m’a agacée dans ce chapitre😅🙈
Naou
Posté le 06/09/2020
Mdr
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