3.1 Euralille

Mercredi

7 h 21

 

— Pour un matin de semaine, il n’y a pas beaucoup de monde dans la station, tu ne trouves pas ? fait remarquer Séraphin.

Sophie hausse les épaules.

— On part un peu plus tôt aujourd’hui, c’est sûrement ça… Il y a toujours de la vie ici, et en l’espace de cinq minutes ça peut se remplir comme ça peut se vider.

Dans le microcosme lillois, Séraphin a déjà eu l’occasion d’observer ce phénomène étrange. En certains endroits, en effet, il suffit parfois de décaler son horaire habituel de quelques minutes pour que ce soit le jour et la nuit. Le quartier d’Euralille peut être désert à 6 h 55, mais bondé à 7 h 10. Les bus, les voitures, les taxis, l’Eurostar, le métro… Quand la place des Buisses se réveille, les transports brassent des milliers de personnes à la seconde. Travailleurs, étudiants, gens de passages… qui ont tous déserté les lieux ce matin. Et les quelques courageux présents sur le quai ont l’air de terminer leur nuit derrière leurs paupières engourdies. Il y en a même un qui bave.

— Dans un sens, tant mieux ! se réjouit Sophie. Je n’aime pas être collée et bousculée dès le matin. Si ça pouvait être comme ça toute la semaine…

Séraphin pense également que ce serait une bonne chose. Il surveille l’heure sur son téléphone, sans toutefois y prêter une grande attention. Le métro ne va pas tarder à arriver.

— Au fait ! Demain c’est l’Ascension et vendredi on n’a pas cours… Donc ce soir, je remonte à Gravelines pour voir mes parents, annonce Sophie.

— Combien de temps ? Deux jours ? Quatre jours ?

— Je ne sais pas. Je verrai sur place si je rentre samedi soir ou si je repars le dimanche.

— Encore un long week-end…

— Oui ! Mais je risque de ne pas beaucoup m’amuser. Ma mère m’a envoyé un message ce matin pour me dire que mon père était malade. C’est bizarre… 

— Rien de grave, j’espère !

— Je te dirai. Apparemment, c’est juste de la fièvre, des courbatures… Une sorte d’état grippal, en somme. Il est rentré comme ça de la centrale.

— Oh, ben si c’est juste de la fièvre… 

— Mouais, c’est ce que je me dis aussi. Mais je trouve ça bizarre que ma mère m’envoie un texto exprès pour en parler.

— Il n’y a rien d’étrange pourtant. C’était juste pour t’en informer, non ?

— Justement. Ça ne lui ressemble pas de s’inquiéter pour si peu. Enfin ! Je sais que parfois elle est chiante, mais là… Pour tout te dire, je ne la reconnais pas.

Le sifflement aigu des freins grinçant sur les rails annonce l’arrivée du métro. Les portes s’ouvrent et la rame est presque vide. Les deux étudiants s’en réjouissent ; c’est tellement confortable un métro sans relous pour nous emmerder !

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Richard Darko
Posté le 14/09/2023
Je viens de lire les trois derniers chapitres d'un coup. Très drôles, "les petits mouchoirs" m'a bien fait rire... Cinq mouchoirs ?! Vraiment ? 🤣
Les situations où les personnages sont drôles malgré eux s'enchaînent et on commence à vraiment s'attacher à ces étudiants un peu à côté de la plaque. Quand ça va se mettre à saigner, cela promet d'être intéressant. Bon courage pour la suite!
Rosario_gnd
Posté le 19/09/2023
J'avoue "cinq", c'était vraiment pour forcer le trait XD
Ton commentaire fait plaisir à lire. C'est pile ce que je voulais travailler : des personnages attachants parce qu'ils sont humains avec leurs qualités, leurs défauts... Leurs gros défauts ^^'
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