💍 27. Petits complots 💍

Si ce n'était pour le besoin pressant du Duc, Maximilien ne serait probablement pas sortit en le laissant seul pour vadrouiller dans les rues marchandes de la capitale. Inquiet, chaque nouveau pas qui le conduisait tout doucement vers sa destination lui fit se demander si tout ceci était une bonne idée. Travaillait-il ? Avait-il lu le dernier rapport qu'ils avaient reçu concernant le rendements des terres ? Comptait-il au moins répondre aux nombreuses lettres et invitations qu'il avait reçu dernièrement ? N'allait-il tout simplement pas profiter de l'absence de son conseiller pour vaquer à d'autres types d'occupations car après tout ne dit-on pas «Quand le chat n'est pas là, les souris dansent» ?

Puis réalisant où le menait ses pensées, le jeune homme marqua un arrêt et constata avec stupeur qu'il agissait comme une mère inquiète pour son enfant laissé seul à la maison. Mais le Duc n'était-il pas un enfant justement ? Son comportement, ses excès d'émotions, ses demandes sans aucun sens, ses caprices pour sortir...et enfin son déni complet pour sa situation actuelle.

- Que Dieu me vienne en aide pour supporter encore une année de plus cet enfant, soupire alors Maximilien.

Une année. C'était là le délai qu'ils s'étaient tous deux fixé afin de rendre au jeune Duc ce qui lui appartenait de juste droit et dont il était encore si difficile de reprendre, ou plutôt d'arracher, des mains de sa tante. La Duchesse Sacha de Varsox n'a visiblement aucune envie de laisser son neveu revenir chez lui et pour cause, cette dernière a la main sur l'argent, le pouvoir, l'autorité et la notoriété de la famille de Varsox. Faisant croire à qui voulait bien l'entendre que son neveu, dû à son absence, n'avait aucune notion de la gestion des affaires familiales, cette dernière maintenait pour le moment Jonah à une bonne distance. Mais cela ne saurait tarder avec que ce dernier se montre dès plus compétent.

Arrivant finalement à destination, Maximilien s'arrêta devant l'enseigne de la boutique avant de soupirer. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas été commis d'une course aussi idiote que celle-là : Acheter pour le Duc le livre pouvant l'aider à comprendre les femmes. Existait-il seulement un tel ouvrage ? En outre, il savait pertinemment que le jeune homme avait fait exprès de l'envoyer à la librairie afin de se débarrasser de lui car jamais le Duc ne lisait. La lecture ne fait définitivement pas partie de ses passe-temps favoris si ce n'est les documents d'affaires et autres. A quand remontait la dernière fois qu'il avait de lui-même ouvert un livre pour se détendre ? Maximilien n'en avait pas le souvenir.

Entrant dans la boutique, plusieurs jeunes demoiselles se retournèrent sur son passage alors qu'il se rendit directement dans le rayon «Romance». Il y avait là des étagères et des étagères de livres, d'histoires d'amour entre jeunes gens pouvant satisfaire n'importe quelle cliente. Certains titres se ressemblaient. D'autres avaient tendance à attirer l'oeil et la curiosité. Soudain, ses yeux s'arrêtèrent sur un ouvrage bien particulier «Les cinq secrets d'Hélène». S'apprêtant à attraper le livre se tenant à sa portée,sa main rencontre brusquement une autre qui vient se cogner à la sienne. Visiblement il n'était pas le seul intéressé.

- Pardon, excusez-moi, siffla une faible voix

- Non, je vous en prie. Après vous, insista-t-il

Soudain, leurs yeux se tournèrent l'un vers l'autre et en l'espace d'un instant, dans une synchronisation presque parfaite, laissèrent échapper un petit cri de surprise.

- Vous !

La délicatesse du moment passé s'envola pour ne laisser entrer qu'une légère animosité entre eux car en effet, Maximilien, le plus proche conseiller du Duc de Varsox venait de rencontrer au détour d'une allée de librairie Ninon, la plus proche conseillère de la Baronne Conquérant. Et évidemment, chacun remit le malheur de son maître sur le dos de l'autre.

- Comment osez-vous dire que ma Maîtresse est en porte à faux ? s'insurgea la jeune dame de compagnie en gonflant ses joues, A ce que je sache si Son Excellence ne s'était pas mêlé à cette histoire...

- De toute évidence, mon Maître a agit dans le plus grand intérêt de tous et la seule reconnaissance qu'il a eu n'a même pas été un «merci» mais une porte fermée ? Votre «Maîtresse» manque clairement de maturité.

- Et votre Maître manque de retenue. Il n'est guère bon d'agir sous le coup de l'impulsivité.

- Certes, je le conçois, mais votre Maîtresse est tout bonnement...

- Ma Maîtresse ne mérite pas d'être traitée ainsi par un homme n'ayant aucune intention vis à vis d'elle, le coupa Ninon, Savez-vous, Monsieur, que les rumeurs courent ? Que peu de gens veulent son bonheur et que le comportement, bien que sympathique de votre Maître fait d'elle la cible de maintes et maintes calomnies ? A ce rythme, jamais Madame ne se mariera dû fait que votre Maître ait souillé sa réputation.

- Je vous demande pardon ?

- Vous croyez que parce que je suis de petite naissance, je suis une idiote ? Les jeux de charme, les cadeaux, les promenades ensemble ? Tout ceci accumulé faisant croire que Son Excellence a quelques intentions.

Laissant sortir un soupir de soulagement, le jeune homme se serait presque attendu à apprendre que le Duc avait passé la nuit avec la jeune Baronne. Mais il n'en était guère le cas et fort heureusement pour lui.

- Alors ? Qu'avez-vous à dire pour sa défense ? Hmm ?

Les poings roulés sur les hanches, les joues gonflées et les sourcils froncés, la jeune domestique présente devant lui, lui rappela étrangement ce cochon d'inde qu'il avait eu autrefois. Elle le jugeait probablement dans sa tête et pouvait très bien le maudire également car après tout, n'était-il pas destiné à être du côté du Duc ? Néanmoins, elle avait raison. Il avait joué avec le feu. Il savait que c'était dans sa nature d'aimer les femmes. Qu'il n'y a jamais eu de mal à se faire plaisir, à danser, rigoler et passer un bon moment avec l'une d'entre elles, mais avec Joséphine, cela dépassait le cadre même du jeu auquel le Duc jouait depuis des années maintenant. Il le savait. Il le voyait. La façon dont il avait de s'adresser à elle, de parler d'elle, de se comporter quand il était en sa présence. Jamais encore il ne l'avait vu ainsi. Jamais encore, la perte possible d'un lien avec une personne ne l'avait affecté au point de vouloir être seul. S'était-il éprit d'elle sans même s'en rendre compte ?

- Que puis-je donc faire pour racheter mon comportement à vos yeux dans ce cas ? s'inclina Maximilien en s'excusant.

- Déjà, offrez-moi ce livre, fit Ninon en le pointant du doigt.

- Très bien.

«Voilà qui n'est pas cher payé» pensa-t-il en tentant de réprimer un sourire satisfait.

- Ensuite, aidez-moi à les réconcilier. J'ai été envoyée au marché sous prétexte de courses interminables alors que nous avons tout le nécessaire à la maison. Ma Maîtresse ne fait cela que quand elle désire être seule et avoir du temps pour elle, chose qui ne lui est guère permis dans cette maison.

- Agissent-ils de la même façon ? s'étonna Maximilien en se rendant compte qu'il avait lui-même été mit à la porte pour les mêmes raisons.

- Qu'est-ce que vous dites ?

- Rien. Eh bien, dites-vous que si nous réussissons, cela vaudra à nos deux consciences de pouvoir mieux dormir le soir, non ?

Car effectivement, il n'y avait rien de plus pesant qu'un gouvernant aux abois. Ils représentaient l'âme des deux maisons, les flammes de ces dernières et si elles venaient à s'éteindre alors cela serait pour sûr une catastrophe.

- Revoyons nous en fin de semaine pour discuter de cela, proposa alors le jeune conseiller soudainement plein d'entrain face à cette idée

- Hélas, je crains que cela ne soit trop tard.

- Comment ça ?

- Madame, prends la mer en fin de semaine. Elle a dit que partir lui ferait du bien, annonça Ninon bien tristement

- Ah mais non, non, non ! protesta Maximilien, Si elle part, je vais vivre un enfer pendant je ne sais combien de temps encore. Cela n'est guère possible ! Retenez-la, je ne sais pas, faites quelque chose.

- Croyez-moi, nous avons été nombreux à essayer, mais son obstination ne connaît pas de limite.

- Très bien alors...alors donnons-nous rendez-vous ce soir ! Sur le pont près des quais, lança-t-il rapidement, Vous amenez votre Maîtresse, j'amène mon Maître et nous les laissons.

- Seuls ? Sur le pont ? reprit Ninon

- Seuls, sur le pont.

- C'est d'accord.

Se serrant la main et afin de conclure convenablement ce début de matinée qui s'annonçait désastreux, Maximilien prends ledit livre sous la main avant de l'offrir à Ninon en guise de souvenir pour cet instant. Lui qui était partie pour obtenir des réponses, le voilà embarqué à son tour grâce à l'ingéniosité d'une certaine dame de compagnie ayant réussi à faire de lui ce qu'elle voulait.

A présent, fallait-il encore convaincre les deux protagonistes de cette histoire de bien vouloir sortir de chez eux.

 

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