26. La Gardienne

Par tiyphe

Jeanne

Jeanne s’assit sur un banc près de la Porte d’Argent. La Gardienne l’imita et attendit patiemment que la Créatrice prenne la parole. Cette dernière se tripotait les mains, ne sachant pas qu’en faire. Naïra posa ses petits doigts sur ceux de la dirigeante, tourmentée. Celle-ci leva la tête et croisa le regard foncé de sa confidente. D’habitude si joyeux, il était empli d’inquiétude. La grande femme soupira.

— Je me sens tellement perdue sans Louise, souffla-t-elle.

Sa plus jeune amie acquiesça et ne put s’empêcher de sourire, malgré la situation.

— Je le sais bien. Tu me le dis chaque jour depuis qu’elle est partie, lui rappela-t-elle. Tu radotes, ma vieille.

Jeanne se dérida à son tour. Il ne suffisait que d’une phrase prononcée par cette merveilleuse femme pour stimuler de nouveau son moral. Naïra devait être une magicienne ou une sorcière. Tout en elle apportait le bonheur. Sa voix était mielleuse et son sourire suffisait à répandre de la joie autour d’elle.

Fille d’un couple de Maghrébins musulmans pratiquants, elle était devenue une femme moderne et ouverte par ses propres moyens. Elle n’avait pas eu la chance de survivre à la colonisation du Maghreb, en 1830, mais sa bonne humeur, incroyablement communicative, restait ancrée à tout moment sur son visage.

Elle n’était pas la première Gardienne de la porte, il y avait eu deux hommes avant elle, choisis par Louise. Et, un jour, alors que la femme à la peau dorée avait fini de construire sa petite cabane au bord du lac, Jeanne était venue la trouver. Elle lui avait proposé ce poste, lui expliquant les responsabilités et les sacrifices que cela engendrait. Naïra avait tout de suite accepté, renonçant à sa maisonnette près de l’eau.

La Créatrice avait su que cette jeune femme serait à la hauteur. Et, depuis près de 150 ans, elle le lui prouvait tous les jours. Elle était une oreille attentive et de bons conseils. Mais, par-dessus tout, elle accueillait merveilleusement bien les Occupants ; les rassurant d’un sourire, d’une parole apaisante et joyeuse, faisant passer la mort pour un nouveau départ.

Naïra allait retirer sa main, mais Jeanne la retint. Elle plongea ses yeux dans ceux de sa confidente, sondant son esprit.

— À quoi penses-tu ? demanda-t-elle.

Les lèvres de la Maghrébine s’étirèrent. Elle secoua la tête, les joues rouges.

— À rien, répondit-elle, mystérieuse.

Jeanne la soupçonna de garder ses rêveries pour elle. La Créatrice ne fit pas de remarque et revint sur ce qui l’avait amenée à la gare.

— Nous allons rassembler la population dans moins d’une semaine, annonça-t-elle.

Elle attendit une réaction, mais Naïra semblait vouloir plus de détails avant d’intervenir.

— D’après les Grands Occupants et Honoré, les habitants sont inquiets, continua-t-elle. Et puis il y a cette histoire avec Louise. Je ne leur ai rien dit encore, ils ne savent pas pourquoi elle n’est plus là, tout comme Jacques. Je me suis chargée de choses insignifiantes plutôt que de répondre aux attentes des citoyens.

Jeanne baissa la tête.

— Il m’aura fallu 472 ans pour me rendre compte que c’est bel et bien Louise qui dirige l’Entre-Deux, soupira-t-elle. Et que sans elle, je n’arrive à rien.

Pendant tout ce temps, la Gardienne avait écouté la Créatrice tout en lui caressant l’intérieur du poignet. Cela avait le don de détendre la femme qui décontracta ses muscles du dos.

— Jeanne, prononça Naïra avec bienveillance. Toi aussi tu peux diriger ce monde, à ta façon. Louise est née pour ça, mais toi tu es arrivée pour la seconder et la suppléer s’il le faut. Crois-moi, elle doit se sentir seule également en ce moment même. Alors si tu penses qu’à ta place, elle s’en sortirait mieux que toi, réfléchis un instant. Que ferait-elle si elle se trouvait en effet dans ta situation et toi dans la sienne ?

Jeanne fronça les sourcils. Que ferait Mademoiselle Louise ?

— Elle aurait fait une réunion d’urgence avec les personnes les plus importantes de ce monde, raisonna la femme. Elle leur aurait ordonné, de sa petite voix, de rassurer le peuple en lui expliquant vaguement ce qui se passe. Sans entrer dans les détails, pour ne pas l’effrayer plus. Elle aurait pris les choses en main tout en déléguant aux personnes en qui elle a confiance.

Elle leva les yeux vers son amie.

— Pourquoi souris-tu ? s’étonna Jeanne.

Naïra émit un joli rire cristallin, déconcertant de plus en plus la Créatrice, dont la température corporelle augmentait progressivement.

— Jeanne, tu n’as pas besoin de Louise, s’amusa la Gardienne. Tout cela, tu l’as déjà fait ou tu t’apprêtes à le faire. Tu as pris juste plus de temps et tu t’es fait aider, mais le principal est que le résultat sera le même. Ce n’est pas nécessaire de dessiner magiquement des loutres ou des licornes.

La Créatrice se mit alors à s’esclaffer bruyamment. Naïra la suivit dans sa bonne humeur. Elles se ressaisirent plusieurs minutes après, essuyant des larmes nichées dans le coin de l’œil.

— Tu dis vraiment n’importe quoi, se moqua Jeanne.

— Oui, mais ça te fait rire, répondit la femme à la chevelure bouclée. Et je te préfère un million de fois plus avec un sourire sur ce joli visage.

Dans un élan de spontanéité, la Créatrice déposa ses lèvres sur celles pulpeuses de son interlocutrice. Naïra parut d’abord surprise. Jeanne se sentit tout à coup gênée par son geste et commença à reculer. Mais la femme à la peau de miel se rapprocha et lui rendit son baiser avec douceur. Elle glissa une main sur la joue de la dirigeante et caressa chaque forme de son visage rond, comme si elle s’en imprégnait.

Jeanne allait prononcer un mot, mais son amie effleura d’un doigt ses lèvres avant de les recouvrir de nouveau des siennes. Elles restèrent un moment comme cela, s’embrassant avec tendresse, jusqu’à ce que le son caractéristique de la cloche retentisse.

Naïra se leva alors du banc, les pommettes un peu rosées. Malgré ce qui venait de se produire, son travail passait avant tout. Jeanne l’observa sortir la clé en argent d’une poche de sa jupe longue. Elle la regarda comme si elle la voyait vraiment pour la première fois. Sa chevelure noire formait de parfaites boucles qui rebondissaient sur ses épaules et dans son dos lorsqu’elle se déplaçait. Les formes de son visage, de ses lèvres, de ses yeux, lui semblaient si parfaites. Son timbre de voix ressemblait au son du cristal pur.

La Gardienne approcha l’objet de métal recourbé près de la porte où une serrure apparut. Le battant s’ouvrit de lui-même, déplaçant doucement la brume blanche qui parsemait le sol de la gare. Un garçon ayant plus de la vingtaine s’avança. Ses yeux verts étaient écarquillés, mais il semblait excité.

— Je le savais ! s’exclama-t-il. Je le savais qu’il y avait une vie après la mort.

Naïra sourit de toutes ses dents.

— Eh bien jeune homme, tu m’as l’air bien heureux d’être là, s’enquit-elle.

Il la regarda et, avec une allure de grand séducteur, lui prit la main pour y déposer un baiser.

— Mon nom est Tyméo, annonça-t-il. Ravi de faire votre connaissance, ma dame.

Jeanne secoua la tête. Il ressemblait à Lucas. Cette pensée lui rappela ses occupations et ses devoirs. Le ventre encore parcouru de fourmillements, elle mit son affection de côté et se leva. Désormais plus détendue, elle pouvait réintégrer le conseil afin d’organiser le rassemblement qui aurait lieu prochainement. Son cœur la poussait à rester auprès de son amie, mais la raison était plus forte. Elle reviendrait pour lui parler de ses sentiments qui étaient dorénavant aussi clairs qu’une cascade de diamants.

— Je retourne au château, lança-t-elle à la Gardienne. Veux-tu que je l’accompagne au dortoir, au passage ? demanda-t-elle.

— Pars sauver le monde, Jeanne, chantonna Naïra. Je m’en occupe.

Le cœur de la Créatrice sembla sauter un battement. C’est alors avec un sourire béat que la grande femme se dirigea vers son chauffeur qui l’attendait à la sortie de la gare.

***

Naïra

Naïra contempla un instant Jeanne sortir de la gare. Elle n’avait jamais osé lui avouer ce qu’elle ressentait et c’était finalement sa grande amie qui s’était lancée, partageant apparemment son affection. Rien ne pouvait plus combler la jolie Gardienne qui se tourna alors vers le nouvel Occupant. Le jeune homme observait l’environnement autour de lui, admiratif et curieux.

— Bonjour, Tyméo, l’accueillit-elle, un sourire extatique sur les lèvres. Bienvenue dans l’Entre-Deux.

— L’Entre-Deux ? s’étonna l’intéressé.

— Oui, c’est un monde où se retrouvent les morts, expliqua la femme à la peau de miel. Peut-être as-tu de la famille ici.

— Quand mon frère apprendra ça. Et pourquoi appelle-t-on ce lieu l’Entre-Deux et non le Paradis ? demanda-t-il.

Naïra s’enjoua de cette question qui était la plus posée. Elle proposa au jeune brun de s’asseoir, pendant qu’elle refermait la Porte d’Argent. Elle s’installa à côté de lui et lui fit le discours habituel.

— Lorsqu’un être humain décède sur Terre, il est soumis au test de la Barrière de la Mort, éclaira la femme.

Tyméo faisait de grands yeux, mais Naïra ne se laissa pas distraire et continua :

— Nous ne sommes pas conscients de ce test, mais il permet de décider du lieu où nous nous rendrons pour l’éternité. Si nous avons une majorité de bonnes actions, nous allons au Paradis. Si nous avons un plus grand nombre de mauvais faits, nous finissons en Enfer.

— Attendez, l’interrompit le jeune homme.

— Oui ? s’enquit la Gardienne, amusée par l’intérêt du garçon.

— Qui décide de tout cela ? interrogea-t-il.

Naïra fut surprise de la question. Les nouveaux Occupants étaient rarement aussi curieux. Elle épousseta sa longue jupe couleur prune avant de plonger son regard profond dans les yeux pétillants du jeune homme.

— Le Bien et le Mal, eux-mêmes, répondit-elle.

— Qui sont-ils ? sollicita Tyméo.

— Ce sont les Êtres Supérieurs qui dirigent respectivement le Paradis et l’Enfer, expliqua Naïra.

— Mais, excusez-moi de vous interrompre de nouveau, ma dame, coupa le jeune homme. Comment cela se fait-il que vous les appeliez Bien et Mal et non pas Dieu et Satan, alors que vous utilisez les termes religieux du Paradis et de l’Enfer ?

Décidément, ce garçon s’intéressait aux questions que Naïra s’était un jour posées.

— Malheureusement, je ne peux pas répondre à cette question, fit-elle, quelque peu gênée. Cette information ne fait pas partie de mon savoir. Il faudrait se renseigner auprès du Bien et du Mal.

— Comment puis-je les joindre ? demanda Tyméo, très sérieusement.

La Gardienne étouffa un rire.

— Qu’y a-t-il ? s’étonna le jeune homme.

— Eh bien, on ne peut pas contacter les Êtres Supérieurs, pouffa la femme. Ils ne viennent ici que lorsqu’ils ont besoin de quelque chose ou pour voir comment les Créatrices s’en sortent. Il me semble qu’ils ont visité l’Entre-Deux seulement trois fois en 472 ans.

— 472 ans ? fut surpris le nouvel Occupant.

— Oui, nous avons fêté la fondation de ce monde depuis 472 ans, il y a quelques jours, raconta Naïra.

— Wow, ça en fait du temps écoulé, réagit-il. Pour revenir sur les religions, comment ça se passe ici ? J’étais athée dans ma vie, mais je connais beaucoup de personnes qui se sont déchirées à cause de conflits théologiques. Finalement, qui a raison ?

La Gardienne se figea un instant. Ses yeux bruns dans le vide, elle essayait de trouver une réponse qui ait du sens pour elle comme pour son interlocuteur.

— Je… je ne suis pas certaine qu’une religion soit dans le juste, ni qu’elles soient toutes dans le faux, bredouilla-t-elle, un peu mal à l’aise.

Après une nouvelle pause, elle ajouta plus sûre d’elle :

— De ma propre expérience, j’étais musulmane de mon vivant. Je croyais en Allah, je pense qu’une part de moi y croit encore. La foi ne disparaît pas d’un claquement de doigts, ni même après deux cents ans. Seulement, ma vision des choses a évolué. Sur Terre, personne n’a conscience de ce qui se trouve après la mort, mais l’idée de Paradis et d’Enfer existe inévitablement. Il doit bien y avoir une divinité ou plusieurs qui ont permis aux êtres humains d’en avoir la connaissance ou même un pressentiment. Je ne sais pas si ça t’aide, ce n’est que ma réflexion personnelle.

Tyméo était très attentif et concentré sur les paroles de la Gardienne.

— C’est très intéressant, avoua-t-il. Finalement, peut-être que l’Entre-Deux n’est pas connu puisqu’il est assez récent, compte tenu de la fondation des religions qui remonte à un millénaire ou plus. C’est donc ici qu’on se retrouve si on n’a été ni vraiment bon ni vraiment mauvais lors de notre vie, n’est-ce pas ?

— C’est exact, reprit la jeune femme à la chevelure de jais. L’Entre-Deux est un monde particulièrement simple. Il n’est pas dirigé par un Être Supérieur ou une divinité, comme on veut, mais par deux êtres humains qui ont eu une vie auparavant comme vous et moi. Nous les appelons les Créatrices. Parce qu’elles possèdent le pouvoir de la Création.

Avant d’être arrêtée de nouveau par une question qui était sur le point de passer les grandes lèvres du jeune homme, Naïra enchaîna :

— Cela veut dire qu’elles peuvent matérialiser ce qu’elles imaginent. Elles sont donc à la charge de la construction des bâtiments, des lieux publics, de tout ce qu’on leur demande, dans la limite du raisonnable évidemment, ajouta-t-elle avec un clin d’œil.

— C’est génial, s’exclama Tyméo. Comment devient-on Créatrice ?

— C’est Créateur pour un homme, gloussa la Maghrébine. Et on ne le devient pas. Seuls les Êtres Supérieurs ont le pouvoir d’offrir ce don.

Le jeune brun, apparemment déçu, croisa les bras. Il amusait beaucoup la Maghrébine. Il releva les yeux vers elle et demanda :

— Et vous, qui êtes-vous ?

— Je suis Naïra, la Gardienne, se présenta-t-elle. Mon rôle est d’accueillir les nouveaux Occupants, comme vous, et de les guider.

— Occupant ?

— C’est le nom qui a été donné aux habitants de l’Entre-Deux, l’éclaircit-elle. Nous avons par ailleurs onze Grands Occupants, ce sont les conseillers des Créatrices qui les aident dans leurs tâches. Chacun peut être suppléé par des représentants géographiques depuis que la population a progressivement augmenté.

Tyméo était de nouveau suspendu aux lèvres de la femme qui proposa :

— Suis-moi.

Ils se levèrent du banc et se dirigèrent vers la grande ouverture. Elle lui indiqua du doigt l’arche au-dessus de leur tête ainsi que l’intérieur du bâtiment derrière eux.

— Nous sommes, ici, au Nord de l’Entre-Deux, dans la gare, exposa-t-elle. Je reçois les nouveaux Occupants à la Porte d’Argent derrière nous. Plus loin, vers l’Ouest, tu peux apercevoir le château des Créatrices. C’est à cet endroit que se trouvent tous les événements, les rassemblements et là où tu iras faire ta demande d’habitation. C’est Honoré qui t’expliquera tout cela. Il se situe à l’Est, par ici, au dortoir. Le chemin est indiqué. Tu vas passer plusieurs semaines, voire plusieurs années dans ce grand bâtiment. Au-delà, tu peux voir les montagnes blanches. Au Sud il y a aussi les plaines vides et de ce côté, la mer gelée, finit-elle en indiquant une étendue brillante sur leur droite.

— Et qu’est-ce qu’il y a derrière ces massifs ou l’océan ? s’intéressa Tyméo.

— Nous n’en savons rien, s’excusa Naïra. Certains Occupants ont essayé en vain de traverser ces limites qui semblent avoir été placées là par les Êtres Supérieurs. Ce serait étonnant que d’autres mondes existent ou que l’on puisse accéder au Paradis juste en franchissant un désert.

Cette dernière réflexion était plus pour elle-même. La Gardienne, comme beaucoup de personnes de l’Entre-Deux, avait voulu aller au-delà des frontières, mais n’y était jamais parvenue.

— Peut-être auras-tu plus de chance que moi, sourit mélancoliquement la jeune femme dont une boucle brune était un instant tombé devant son visage.

Elle la replaça derrière son oreille, puis lui montra la direction à prendre et les conseils habituels permettant de retrouver ses proches s’ils résidaient dans ce monde. Avant de le laisser partir, elle l’interpella :

— Je dois vous recenser, expliqua-t-elle. Pour cela, je dois vous demander votre nom complet et la façon dont vous êtes morts, si vous vous en souvenez.

— Je m’appelle Tyméo Matthew Dylan Powell, répondit-il. Et j’ai été poignardé.

Le jeune homme ne semblait plus aussi joyeux qu’à son arrivée. Naïra nota les informations que lui communiqua le nouvel arrivant dans un immense ouvrage qu’elle remettrait à un des Grands Occupants. Chaque jour, peu avant minuit, un conseiller se présentait pour récupérer le registre et donner à la Gardienne un nouveau cahier vierge pour la journée suivante. Cette dernière ferma son livre et changea de sujet.

— Vous êtes Américain ? questionna-t-elle, intéressée.

Tyméo étira sa longue bouche.

— En effet, ma dame. Je suis New-Yorkais. Et vous ? s’enquit-il.

— Je viens du Maghreb, sourit-elle.

— Vous parlez vraiment bien l’anglais, la complimenta-t-il.

La Gardienne rit.

— Je m’exprime en arabe, précisa-t-elle.

Il parut surpris.

— Nous nous comprenons peu importe la langue que nous parlons, expliqua-t-elle. C’est un avantage de l’Entre-Deux, cela unifie beaucoup les personnes.

— Impressionnant, articula-t-il.

Naïra observa le jeune homme, excité, se diriger vers le dortoir. La cloche sonna de nouveau et la Gardienne reprit son travail quotidien, le cœur léger. Lorsque l’obscurité enroba le monde de l’Entre-Deux, elle était toujours à son poste. La gare était doucement éclairée par de petites lucioles mécaniques que lui avait imaginées Jeanne. Elles voletaient tranquillement illuminant les murs, les arches, ainsi que son cœur. Elle se remémora leurs baisers et ses joues s’enflammèrent. La ravissante Créatrice au chignon parfait habitait ses pensées, l’inondant d’euphorie et d’ivresse.

Au loin, la femme à la peau de miel et à la chevelure ébène pouvait entrapercevoir les créatures de l’obscurité glisser sur le lac ou entre les maisons. Mais les insectes luisants la protégeaient de ces monstres imaginaires qui l’avaient seulement surprise la première fois et qui ne pouvaient atteindre sa bulle de bonheur. Elle ne fermerait pas l’œil jusqu’au lever de la lumière, n’ayant pas besoin de dormir, mais surtout, car elle devait surveiller la Porte d’Argent et l’ouvrir à ceux qui se présenteraient, même de nuit.

 ***

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