💍 25. Devoirs, attentes et pardon💍

Il semblerait que contre toutes attentes, la vie du Duc de Varsox ne cesse de tourner et de s'entremêler à celle de la Baronne Conquérant. Etait-ce pour le contrarié ? Nullement. Le jeune homme prenait un plaisir coupable à la retrouver, la croiser, l'accompagner et à lui parler. Là encore, c'était pour lui un phénomène tout à fait nouveau, cela va de soit, et bien qu'il eut du mal à expliquer ce plaisant sentiment qu'il ressentait à chaque fois que son regard se posait sur sa silhouette, cela, au final, lui importait peu. Il y avait quelque chose d'intrigant, mais également de divertissant dans le fait de graviter autour de l'univers de Joséphine. Comme si à chaque instant, une collision pouvait avoir lieu ou alors une drôle de rencontre venue pimenter le voyage tout comme le fut celle de son frère Bartolomé. Hélas, certains voyages connaissent quelques éléments perturbateurs venus rendre l'aventure tout de suite moins plaisante. Tout comme l'est sa prompt visite chez les Conquérant tandis que se retrouvait devant lui, les domestiques alignées au garde à vous, cachées derrière la silhouette droite comme un piquet d'un jeune Lieutenant fâché.

- Je connais ma sœur, déclare Bartolomé, si elle ne s'est pas donné la peine de punir l'une de nos domestiques c'est qu'elle a estimé que ces dernières n'étaient pas en faute.

- Êtes-vous confortable à l'idée que votre sœur aînée, la cheffe de votre famille, puisse passer une minute supplémentaire dans cet endroit tout à fait sordide ? Je doute que Son Altesse l'ai installée dans une de ses meilleures cellules. Il n'est pas cher payé pour une domestique de recevoir la punition qui lui est dû si cette dernière a fauté. Certes, je conviens que les domestiques de la famille royale ont également une part de responsabilité, malheureusement, il faut un bouc émissaire et votre sœur ne doit pas avoir ce rôle-là. Elle a une image et un statut à préserver, bien que ces derniers ne soient à présent ternis par cette erreur, exprime le Duc en tenant tête à ce qui était présentement l'aîné de la fratrie.

- Malheureusement, Votre Excellence, dans notre famille, l'image est quelque chose qui vient au second plan. Si vous connaissiez ma sœur comme vous le prétendez, cela serait d'une évidence même pour vous.

- Donc allez vous l'abandonner là-bas ?

- Et vous, Votre Excellence ? Que comptez-vous faire réellement pour l'aider ?

- Livrez-moi celle qui a donné le premier coup et je vous promets de faire sortir votre sœur avant la tombée de la nuit.

Bartolomé connaissait Joséphine et savait que si cette dernière avait agit de la sorte, c'était dans le seul et unique but de protéger ce petit groupe de filles. Néanmoins, il ne pouvait que s'accorder à l'avis du Duc de Varsox venu jusqu'ici avec l'espoir de l'aider.

- Qu'arrivera-t-il à celle ayant fauté ? demande alors le jeune homme en posant un regard sur les domestiques ne cachant en rien leur peur.

- Elle sera punie. En conséquence, affirme le Duc

- Fouettée publiquement ?

- Pour en faire un exemple et un rappel.

- Et si un tel spectacle de l'horreur n'a pas lieu ?

- Alors la réputation de votre sœur et de votre famille aura le droit à sa propre descente aux enfers. Personne ne voudra faire affaire avec quelqu'un ayant attaqué d'une manière ou d'une autre la famille royale. Et personne ne voudra avoir dans son cercle d'amis ou de connaissances un membre d'une telle famille. Cela sera l'infamie pour votre famille.

- Ferriez-vous allusion à ma plus jeune sœur ?

- J'ai cru comprendre que la jeune Ambre appréciait particulièrement les cercles sociaux et elle en était en retour très appréciée également. Je ne me fais guère de souci pour Joséphine. Les bribes de sa personnalité que j'ai pu apercevoir ou croiser me laisse à penser que c'est une personne capable de surmonter vents et marées. Mais votre cadette ?

Cela mal à Jonah que de se servir du cas de la plus jeune fille de la fratrie comme d'un moyen de pression, mais les choix se font rares en cette période de l'année et peu de gens sont enclins à prendre les bonnes décisions ou tout du moins les plus rationnelles. A voir à présent si le jeune Lieutenant allait se montrer à la hauteur de sa réputation. Les bruits de couloirs dans la grande administration ne cessaient de louer ses mérites. Etait-ce à tort ou à raison ?

- Très bien.

Tendant sa main à l'une des domestiques afin de la sortir du rang, le jeune homme présente au Duc, résolu, une femme d'une trentaine d'années au regard ni apeuré, ni inquiet. Au contraire, cette dernière semblait avoir accepté sa situation, mais n'y avait-il pas meilleur honneur que d'aider une maison comme celle-ci où chacun et chacune y est traité tel un véritable membre de la famille et non comme un serviteur ? En outre, dès le départ elles auraient dû empêcher la jeune maîtresse de maison de s'en aller. Bien qu'elle le faisait pour les protéger, il était à peu près certain que la scène de ce matin aurait de terribles conséquences.

Sur le chemin les ramenant au Palais, le Duc, piqué par la curiosité, ne put s'empêcher de poser des questions sur la jeune maîtresse de maison. Démarche qu'eut le mérite de faire sourire la domestique.

- Il n'y a pas plus grand honneur et plaisir que d'être au service d'une telle jeune femme et de sa famille, hélas je crains que cette dernière ne soit la cause de sa perte, soupire la domestique en baissant les yeux

- Que voulez-vous dire ?

- Mademoiselle est...une jeune fille singulière. Depuis sa plus tendre enfance elle a assumé le rôle d'héritière, mais aussi de soutien envers l'ensemble de la famille : Elle s'est occupée d'une bonne partie de l'éducation dès deux plus jeunes, à longuement aidé feu Monsieur le Baron dans son entreprise, a toujours veillé à avoir des nouvelles de Monsieur Bartolomé afin d'assurer à tout le monde qu'il aille bien. Elle s'est plié aux exigences, aux attentes et aux caprices de la société sans broncher, sans s'apitoyer sur son sort, ni même sans rien demander en retour si ce n'est le bonheur de l'ensemble de la maisonnée. Elle nous a couramment donné des avances pour nous aider ou nous soutenir quand nous en avions besoin. Elle a parfois occupé nos propres postes quand nous étions malades ou qu'un membre de notre famille l'était afin que l'on puisse rester auprès d'eux. Et de ce fait, Mademoiselle ne s'est jamais vraiment occupée d'elle-même. Jamais elle n'a demandé à se rendre dans un endroit particulier, jamais elle n'a ramené d'amis à la maison, ni même présenté de jeunes gens à Monsieur. Encore aujourd'hui, elle nous protège en se sacrifiant. Comment voulez-vous ne pas être honoré d'être au service d'une personne aussi incroyable qu'elle ?

- Puis-je vous poser une question ?

- Mais je vous en prie, lui répond-t-elle tout sourire

- Que s'est-il réellement passé ce matin ?

- Oh, vous savez...Il en faut si peu pour alimenter un feu dormant. Cela fait plusieurs fois que les domestiques du Palais nargue les très jeunes de la maison sur un sujet qui leur tient trop à cœur. Aujourd'hui a seulement été la goutte de trop, je dirais.

- Et de quel sujet est-il question si je puis me permettre ?

- De vous, Votre Excellence. Il est souvent question de vous.

Son sourire gêné n'enlève en rien à l'embarras ressenti par le Duc. Embarras et incompréhension. Pourquoi se battraient-elles pour lui ou à son propos ?

- Je vous arrête, le coupe la domestique dans un sourire amusé devinant ses pensées, il est plutôt question de la nature de votre relation avec notre jeune maîtresse. Je suis hélas une bien petite personne pour oser aborder ce sujet avec vous, mais...les gens parlent, Votre Excellence. Certains voient dans votre comportement une indécision, d'autres un jeu de charme et d'autres encore savent déjà avec qui vous vous marierez certainement. Cela vous échappe peut-être, mais un homme de votre importance et de votre statut intéresse bon nombre de gens.

- J'ignorais que j'étais devenu un tel animal de foire, lâche Jonah en regardant rapidement par la fenêtre voyant le Palais se rapprocher progressivement.

- Un homme de votre intelligence n'est pas sans savoir ce genre de chose, non.

- Vous savez, je commence à comprendre pourquoi Joséphine vous apprécie autant.

- Croyez-moi, Votre Excellence, vous n'en avez pas idée. Beaucoup de choses semblent encore vous échapper.

La voiture du Duc s'arrête devant l'entrée du Palais tandis que deux gardes se postent devant les portes, prêts à les ouvrir certainement par ordre de la Princesse. Et maintenant ? Que va-t-il se passer pour elle ? Existe-t-il seulement un moyen d'éviter une telle punition ?

- N'avez-vous pas peur ? demande le jeune homme en l'arrêtant alors que la domestique était prête à descendre d'elle-même.

- Vous savez, dans notre monde, il y a des choses bien plus effrayantes que cela. Si vous voyez Mademoiselle, dites-lui que nous sommes désolées et qu'elle n'a pas à s'inquiéter pour nous.

Franchissant la porte, ses bras sont immédiatement saisis par les gardes tandis que le Duc les arrête.

- Cette femme n'est pas une criminelle. Traitez-la avec plus de respect, grogne-t-il

- Nous avons des ordres. Nous les suivons.

- Ne vous en faites pas, ça va aller.

- Attendez ! Je ne sais même pas votre nom !

- Caroline, Votre Excellence et ce fut un plaisir de vous avoir parler.

La regardant s'éloigner petit à petit avec son escorte, le jeune homme ne put s'empêcher de ressentir une pointe de tristesse ainsi qu'un soupçon de colère. N'y avait-il dont rien qui ne puisse faire ? Rien de plus ?

«Caroline». Voilà un beau prénom pour une femme d'une grande douceur.

Alors assis dans un long couloir du bâtiment de l'administration pénitentiaire, repensant à cette femme et à son échange, appréhendant la réaction de Joséphine,voilà qu'une silhouette bien trop familière à son goût approche, ne cachant en rien son sourire satisfait. Elle avait eu ce qu'elle voulait, non ? Alors qu'est-ce que la Princesse venait faire dans un tel endroit si ce n'est pour voir le visage de la défaite ? Venait-elle se vanter ? Parader sous son nez pour lui faire comprendre qu'il fallait jouer selon ses règles et ses désirs ? Ainsi était-ce de cette façon là qu'elle voulait que ça se passe entre eux ?

- Vous paressez contrarié, lui dit-elle tandis que ce dernier ne prit même pas la peine de quitter son siège

- Disons simplement que je passe une très longue journée. Que faites-vous ici, Votre Altesse ? Ce n'est guère un endroit où on s'attend à croiser le bijou du Royaume ?

- Un certain document de libération prématurée avait besoin de mon approbation.

- Vous et moi savons que vous auriez pu envoyer quelqu'un, soupire Jonah en la voyant sourire

- Mais j'aurais alors manqué toute la scène.

- De quoi parlez-vous ?

Quelques secondes plus tard, accompagnée d'un garde du Palais, Joséphine fit son apparition de l'autre côté du couloir. Cette dernière marqua un arrêt quand ses yeux croisèrent ceux du Duc n'ayant pas attendu pour se redresser. A cet instant, la Princesse se pencha vers lui et lui dit tout bas :

- Cette scène-là.

Il ne fallut pas plus d'une petite minute à Joséphine pour comprendre ce qu'il s'était passé. Quelqu'un venait de troquer sa liberté contre le fait de faire porter la faute à l'une de ses domestiques. Furieuse et dans un pas vif, elle se précipita vers le jeune Duc et se planta devant lui.

- Qu'avez-vous fait ? le pressa-t-elle

- Rien qui n'aurait être dû fait du départ, lance la Princesse en s'interposant entre eux, Ainsi la véritable coupable de l'affront sera punie et votre réputation, Baronne, est préservée ! Je souhaite juste qu'à l'avenir, nous évitions tous de perdre un temps si précieux. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai un châtiment à ordonner. Duc ? Me suivez-vous ? Après tout, vous avez bien dit que cela devait être fait de votre main, non ?

Les yeux écarquillés par la surprise de l'annonce, Joséphine resta plantée au milieu du couloir tandis que Jonah eut grande peine à trouver les mots pour s'expliquer car que pourrait-il bien lui dire de plus ? Que pourrait-il lui dire qui aurait justifié sa démarche et qui l'aurait excusée ? Rien. Cela ne lui plaisait peut-être pas, mais c'est ainsi que les choses devaient être. Joséphine n'avait pas à payer pour un crime qu'elle n'avait pas commit. Elle n'avait pas à être tenue responsable d'une telle chose. Elle n'avait pas à être enfermée. Oh, comme il aurait aimé que les événements se déroulent d'une autre façon, mais hélas certaines choses doivent se faire dans la douleur. Il ne s'en excuserait pas. Il l'a fait en son âme et conscience, pour elle. Il l'a fait pour l'aider et la sortir de cet endroit tout à fait sordide. Il l'a fait et si c'était à refaire, il ne changerait rien.

Tout comme il n'y a rien qui puisse enlever le poids qu'il ressentait sur ses épaules. Cette force venue l'écraser subitement alors qu'il s'apprêtait à commettre au nom de son amitié, la pire des atrocités.

Et cela, Joséphine ne le pardonnera pas.

 

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