💍24. Tendre le bâton pour se faire battre💍

Qui n'eut pas entendu de ce qu'il s'était passé plus tôt dans la matinée sur la place du marché ? La querelle entre les domestiques de la famille royale et celles de la famille Conquérant avait, encore une fois et sans trop de difficultés, réussit à délier une nouvelle fois les langues des petites gens n'ayant que ce genre de chose à raconter. Certes, le spectacle fut tout à fait délicieux : Un groupe de jeunes demoiselles se battant bec et ongle, chacune défendant sa «Madame», mais cela n'aurait bien évidemment pas commencé si le principal sujet de la dispute n'avait pas été Jonah de Varsox. Rajoutez à cela la vision de la toute jeune Baronne à peine vêtue, sortant tout juste du lit et vous faites plus d'un heureux. Il y a là dans cet événement de quoi faire parler les gens pour les deux prochains printemps.

Se préparant à se rendre au Palais, il ne put s'empêcher d'arrêter de boutonner sa chemise, posant un regard sur son reflet dans le miroir. D'apparence, le jeune homme avait tout pour être heureux et peut-être donnait-il l'impression de l'être et il n'y a rien qu'un costume bien taillé ne puisse cacher. Néanmoins, en se regardant, quelque chose le gênait. Sans arriver à mettre le doigt dessus, il s'agirait d'un doute, d'une appréhension ou d'un pressentiment. Il y avait présentement quelque chose qui l'empêchait de continuer et cela ne fut que confirmer à l'instant où Maximilien débarqua dans sa chambre, le regard contrarié. Oh comme il connaissait ses yeux là. Bien que Maximilien a une nature rigide, parfois autoritaire, certaines choses arrivaient quand même à le surprendre, l'amuser ou tout simplement à le bouleverser. Mais alors que s'était-il passé pour qu'il puisse arriver sans frapper, le souffle court et presque décoiffé. Avait-il couru jusqu'ici ?

- Monsieur !

- Qu'est-ce qui a bien pu te mettre dans un tel état ? Le ciel nous est-il tombé sur la tête et je ne suis pas au courant ?

- La Baronne Conquérant a été mise aux arrêts.

- Pardon ?

Pendant un bref moment, son visage passa de l'incompréhension, au doute, puis à la contrariété. Pourquoi Joséphine avait-elle été arrêtée ? Sous quel motif ? Non pas qu'il ne serait point étonnant de savoir qu'elle se serait attiré des ennuis au vue de sa personnalité, mais il y a définitivement autre chose derrière cette histoire.

- Que ne me dis-tu pas Maximilien ? s'empresse le Duc en s'approchant d'un pas ferme vers son conseiller.

- Elle est à la prison royale.

Voilà. Seuls les hauts criminels ou les personnes ayant commis un tort à l'encontre de la famille royale se retrouve là-bas. Il ne lui fallut alors que quelques secondes à peine pour faire le lien entre la présence de la jeune femme en ces lieux répugnants et les raisons de son emprisonnement certainement dû à un manque total d'arbitraire de la part d'une personne à laquelle il n'avait pas le cœur à penser.

- Il y aurait eu une altercation tôt dans la matinée entre les domestique de Son Altesse Royale et ceux de Madame la Baronne. Selon les témoins, Madame serait arrivé sur place en robe de chambre afin d'arrêter le conflit, mais le mal avait été fait, hélas.

- Je vois, soupire le Duc en se passant une main sur le visage, Prépare la voiture, j'arrive.

Se hâtant, Jonah ne perds pas une seconde de son temps avant de se rendre au Palais. Depuis son retour, il avait fait de son mieux pour éviter ce lieux. Eviter tous contacts avec la Princesse avait également été sa plus grande réussite jusqu'à tout récemment. Cette dernière n'étant clairement pas ce que les rumeurs se prêtaient à dire. Il le savait. Il en avait été témoin.

Descendant de la voiture, il attendit à peine qu'un garde vienne le trouver pour demander à faire son chemin jusqu'à la prison. Ce qui lui fut évidemment refuser. Sans autorisation nul ne pouvait se rendre en ces lieux. Bien sûr qu'il devrait passer par «elle» en premier. Depuis le bal donné à la Galerie, la Princesse s'était entichée d'une étrange curiosité pour celle faisant les potins mondains. Et la voilà, oeuvrant pour satisfaire cette même curiosité. Retenant au plus profond de lui-même un juron, il suivit le garde l'escortant alors jusqu'aux jardins tandis qu'il y retrouva non sans surprises la Princesse accompagnée de plusieurs jeunes demoiselles discutant et riant autour d'une table, de tasses de thés et de biscuits de pâtissier.

- Son Excellence, le Duc de Varsox !

Annoncé haut et fort, voilà que chacune se retourne sur lui, lui adressant des regards en disant long sur leurs intentions. S'il n'était pas venu pour une bonne raison, il se serait immédiatement empressé de repartir. Malheureusement, la Princesse jouait à un jeu auquel il ne pouvait se soustraire s'il voulait sortir Joséphine de sa geôle.

- Vous voilà, Votre Excellence. J'ai bien failli croire que vous ne seriez guère disponible étant donné le temps considérable que vous mettiez à venir, souligne la Princesse en lui tendant le dos de sa main.

- Je prie pour que Son Altesse pardonne mon retard. J'ai eu...à faire, dit-il en embrassant cette dernière

- Il est vrai que vous êtes un homme occupé. Néanmoins, vous voilà apparaissant juste à temps pour la deuxième tasse de thé. Nous feriez-vous l'honneur de vous joindre à nous ?

Il ne pouvait refuser. S'il le faisait, cela risquait de la contrarier et de ne pas la mettre dans de bonnes dispositions pour écouter sa plaidoirie. Le jeune homme se plia aux exigences et eut l'impression de jouer à une table entouré de petites filles.

- Les rumeurs disent donc vrai. Vous êtes plutôt bel homme, lance une demoiselle cachant son rire derrière un éventail qu'elle agitait

- Je vous remercie, répond-t-il en lui souriant poliment.

- Quand je pense que certains rumeurs se prêtent à vous accoquiner avec cette...Baronne. Ne peut-on pas lui retirer son titre après l'offense qu'elle vient de commettre ?

- Hélas, soupire la Princesse, son titre n'est guère dû à sa lignée. Son père en a fait l'acquisition dans un instant où le Royaume était aux abois.

- D'ailleurs ce dernier n'est-il pas mort ? J'ai cru comprendre que c'était une sombre histoire. On l'aurait retrouvé dans une rivière près d'un quartier peu fréquentable !

- Cela n'est guère étonnant. Voyez comme agit la fille. Le manque d'éducation est flagrant.

Voilà tout ce dont Jonah détestait au plus haut point chez la noblesse. Cette capacité à médire, rabaisser et insulter une personne dont ils ne savaient rien. Rien de ce grotesque cirque ne lui avait manqué pendant toutes ces années. Rien dans ces comportements honteux et révoltants ne pouvaient ne méritait son attention. Pourtant, ces jeunes femmes parlaient d'une jeune fille remarquablement forte et courageuse qu'il connaissait bien. Elles ne savaient probablement rien des difficultés qu'éprouvaient Joséphine. Elles ne connaissaient probablement pas ce regard triste qu'elle abordait quand elle parlait du futur ou de ses projets. Elles n'avaient pas en mémoire les souvenirs de ses rires comme lui l'a présentement en tête. Même maintenant, même absente, le seul fait de penser à elle l'éloigne de cette ridicule folie.

- Mesdemoiselles, je crois que nos conversations ennuient Son Excellence. Et si nous discutions d'autre chose ? propose Sophia en le fixant du regard tandis que ce dernier fit de même.

- Oh, mais je ne voudrais surtout pas perturber le magnifique après-midi que vous semblez passer. Ne faites pas attention à moi, souligna Jonah.

- Comme vous êtes compréhensif ! Il est si vrai que vous vous accorderiez parfaitement bien tous les deux.

- Voyons ! Ne dites pas de bêtises, relance Sophia en faisant semblant de rougir, Je suis certaine qu'un homme aussi accompli que Son Excellence a probablement déjà le cœur conquis.

- Figurez-vous que non, Votre Altesse. Malheureusement, je dédie ce dernier au travail. Servir le Royaume et par conséquent la famille royale est un devoir qui m'a été attribué et que je prends particulièrement au sérieux. Par conséquent, je ne m'autorise aucune distraction.

- Aucune ? revient Sophia en souriant

- Aucune...Si ce n'est de longues promenades dans de somptueux jardins, rappelle le Duc.

Devant de tels propos, la Princesse savait que le Duc lui rappelait ainsi leur discussion lors du bal. Son penchant pour les «fleurs» bien que ces dernières soient toutes aussi exotiques que l'environnement dans lequel elles semblent pousser.

- Aimez-vous jardiner Votre Excellence ? demande une des demoiselles par curiosité

- Non, la coupe la Princesse en posant sa tasse, Son Excellence a seulement un goût prononcé pour certaines fleurs.

- Oh ma famille possède une pépinière et je suis certaine que si...

- Non ! siffle Sophia, Il n'est intéressé que par un type de fleurs en particulier. N'est-ce pas, Duc ? articule la tête couronnée

- Je vois que Son Altesse a de bons souvenirs et cela me rassure car pendant un bref instant, j'ai cru que vous aviez oublié que je n'appréciais pas les gens arrachant les pétales de ces fleurs.

- Des pétales ? relève une autre invitée cherchant à comprendre la conversation qui était en train de se dérouler.

Sophia ne put s'empêcher de sourire amusée. Ainsi avait-il décidé de lui tenir tête et de lui faire part d'un avertissement devant ses invitées ? Voilà donc à quoi ressemblait son visage contrarié. Ses sourcils froncés. Son regard noir.

- J'assure à Son Excellence que je ne pratique aucune forme de maltraitance...et particulièrement pas sur certaines plantes. Bien au contraire. Certaines sont disons...si fragiles qu'on devrait les garder enfermées sous une cloche afin de pouvoir en conserver leur beauté.

Sentant la menace dans ces mots, Jonah sentit monter en lui un excès de colère causant un surplus de force dans sa poigne. Cassant la anse de sa tasse, cette dernière chuta au sol avant de se briser.

- Oh non. Cela faisait partie de l'un de mes services préféré. Quel dommage.

- Votre Altesse, puis-je m'entretenir avec vous en privé ?

- Ne gâchons pas cet agréable moment, voulez-vous ? Nous aurons tout le temps de discuter après.

- C'est-à-dire que c'est une affaire plutôt importante et urgente, presse le Duc prêt à quitter la tablée.

- Si vous étiez si pressé, pourquoi ne pas avoir commencé par cela ? Je pourrais presque croire que vous ne souhaitez pas être là et cela m'attriste profondément.

- Et croyez bien que cela m'attriste d'autant plus, mais vous êtes en si bonne compagnie que je peine à croire que ma présence apporte quoique ce soit. Vous devriez vous réjouir d'être si bien entourée, Princesse, grinça Jonah.

Se défiant tous deux du regard pendant de longues minutes, personne n'osa les interrompre, et ce, jusqu'aux premières gouttes de pluie tombantes. Mettant ainsi un terme au goûter dans le jardin du Palais, chacune des demoiselles venues pour cette après-midi repartie alors que Jonah suivit Sophia jusque dans un salon. Le même salon dans lequel Joséphine avait été reçue quelques heures plutôt maintenant.

- Mon après-midi est ruinée tout comme l'est mon humeur. J'espère que vous êtes satisfait de vous ? crache la Princesse en regardant la pluie s'abattre plus violemment à l'extérieur

- Je suis certain que vous n'êtes pas à une après-midi près dans le cadre de votre vaste opération de conquête des cœurs.

- Vous avez une façon bien crue de me parler, Duc. Vous aurais-je offensé d'une quelconque manière que ce soit ?

- Pouvons-nous cesser de jouer cinq minutes ? Retenez-vous contre son gré une personne n'ayant commis aucun crime contre vous ?

- Donc vous êtes bel et bien venu discuter de cette affaire. Aimez-vous à ce point me contrariée ? Je commence à regretter de m'être fait une joie de vous recevoir aujourd'hui.

- Votre Altesse...insiste le jeune homme.

- Quand bien même cela serait le cas, il ne me semble pas que vous ayez une quelconque autorité pour agir ici. De plus, s'en prendre à un personnel du Palais est effectivement un crime. Ces gens travaillent pour la famille royale. Ils la représentent tous les jours. Que doit-on penser si l'un d'eux est mit à mal ?

- Mais est-ce la Baronne qui a porté le coup ?

- Essayez-vous de la défendre ? S'en est presque touchant de votre part car vous êtes un homme qui s'attache peu de réputation.

- Cela n'a rien à voir avec mes sentiments personnels que je vous prierais de ne pas mêler à cette affaire. Je doute grandement que cela soit bien vue d'effectuer un emprisonnement sans au moins un jugement.

- Malheureusement, lance Sophia en secouant la tête de gauche à droite, Je doute que laisser cette affaire ainsi soit possible.

- Dans ce cas faisons un marché. Vous et moi.

Piquée de curiosité, elle le regarde tout sourire, prête à entendre ce qu'il avait à proposer. Elle le savait, il n'avait aucune carte en main alors que pourrait-il bien jouer ?

- Je vous ramènerais la domestique qui a fauté contre la libération de Joséphine Conquérant, affirme le Duc décidé

- Oh ? Seriez-vous prêt à mener vous-même l'enquête ? Je pensais que vous étiez un homme occupé ? Ou alors, trouvez-vous du temps à accorder spécialement à cette jeune femme ? J'en serais presque jalouse.

- Avons-nous un marché ?

- Si coupable il y a, vous savez que cette personne sera châtiée, n'est-ce pas ?

- Vous l'avez dit vous-même, non ? C'est un crime que de s'en prendre, même indirectement, à un membre de la famille royale. Châtiment, il y aura et s'il faut rassurer Son Altesse, je m'assurerais d'être la main qui l'administre.

- Parfait.

Se serrant la main afin de conclure cet accord, le Duc de Varsox était loin d'imaginer que ce geste finirait par lui coûter la seule chose pour laquelle il se serait battu : L'amitié de Joséphine. Car si elle-même s'était rendue jusqu'ici, prête à supporter vingt-quatre heures d'emprisonnement, c'était bel et bien pour éviter une sévère injustice.

Injustice que le jeune Duc allait causé de sa propre main.

 

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CelCis
Posté le 09/01/2023
Ahh, la tension continue! Il ose, face à la princesse...
Je reste accrochée :D

J'ai une petite question: "emprisonnement certainement dû à un manque total d'arbitraire de la part d'une personne "= je suppose que tu voulais dire dû à l'arbitraire?

Bon, maintenant il va falloir que j'attende pour le prochain ;)
ManonSeguin
Posté le 10/01/2023
Ahaha oui mon dieu par contre tu verras, j'écris véritablement comme un pied, il doit y avoir 10.000 coquilles sur le texte et j'en suis navrée T.T
CelCis
Posté le 10/01/2023
Je peux lui demander, hein, mais je pense que mon pied n'écrit pas aussi bien que toi :D
ManonSeguin
Posté le 10/01/2023
Tu sais à force, tu vas me faire rougir et je vais prendre le melon :') Donc on va arrêter là pour les compliments sinon je serais plus quoi faire !
CelCis
Posté le 10/01/2023
c'est bon je sors :D :D :D
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