💍22. Les promesses non tenues sont les meilleures💍

Pendant une bonne partie de la nuit, Joséphine réfléchis. Elle savait pertinemment que Bartolomé ou Ninon avaient raison. Elle savait que ce qu'elle s'apprêtait à faire était un danger sans nom, mais l'éventail de choix et de possibilités ne semblait guère s'étendre à l'infini pour elle. Que pouvait-elle bien faire pour régler les problèmes de comptes ? Devait-elle une nouvelle fois revoir toute la trésorerie alors que cela faisait au moins dix fois qu'elle s'y plongeait en essayant de comprendre comment son père en était-il arrivé au point de devoir de l'argent à un homme peu scrupuleux tel que le Comte Detina ? Certes sa famille était dans le milieu financier, mais n'y avait-il pas une personne plus disposée à l'aider ? Autre que ce requin sans scrupules ?

Incapable de fermer l'oeil, elle descendit au bureau de son père, marche après marche de l'escalier craquant et finit par se laisser tomber dans le fauteuil de son père. A cet instant, elle aurait besoin de lui. Elle aurait besoin que quelqu'un lui dise quoi faire car elle ne voit guère la lumière au bout de ce tunnel de mensonges. Ses yeux se perdent à nouveau sur la liste des objets de valeurs que la famille possède, sur celle également des employés dont elle pourrait disposer. Peut-être pouvait-elle au moins leur écrire des lettres de recommandation afin que tout à chacun puisse retrouver son chemin et se faire embaucher par une famille bien plus disposée que la sienne ? Bartolomé et elle sont désormais assez grands pour savoir faire un nombre conséquent de choses, mais l'éducation de Thomas est en cours et Ambre a également beaucoup à apprendre sur l'étiquette. Des cours en soit qu'elle pourrait parfaitement leur dispenser. Mais en aurait-elle le temps ? Il en va de même pour l'entretien et la tenue de la maison : Ninon ne peut pas tout accomplir par elle-même, cela l'épuiserait.

Lui revient alors les discussions passées à propos d'un possible mariage. De toutes les pensées intrusives présentes à cet instant dans son esprit, il fallait que ce soit celle-là qui en ressorte. Le mariage.

Laissant échapper un soupire de contrarié, Joséphine s'imagine au bras d'un homme, devant l'autel, promettant de l'aimer et de le chérir jusqu'à la fin des temps. Une promesse dans ce genre-là, elle n'en a faite qu'une fois et cela lui a bien trop coûté pour recommencer. Elle finirait par se faire abandonner. Elle, sa famille toute entière, repartirait alors à la case départ. Non, il lui fallait un mariage de convenance. Un où certains termes peuvent être discutés, négociés et convenus avec une personne se trouvant sur la même longueur d'ondes qu'elle. Quelque chose d'une assez courte durée, peut-être deux ou trois ans maximum. Deux ou trois ans, c'est tout ce qu'elle demande.

Du temps, voilà ce qui lui manquait cruellement aujourd'hui. Tant semblait déjà peser sur ses frêles épaules et elle ne savait plus par quel bout y prendre ? Renflouer les caisses de l'entreprise ? Sauver la réputation de la famille par tous les moyens ? Élucider le meurtre de son père qu'elle avait dû grandement laisser de côté depuis quelques jours.

Tant à faire et si peu de temps.

- En principe la nuit porte conseil, mais je ne suis pas certain que ce soit ton cas, souffle Bartolomé en ayant passé une tête à travers la porte légèrement ouverte, Que fais-tu ?

- Je réfléchis, lui répond son aînée en le regardant approcher

- Dois-je m'en inquiéter ?

- Non. Je repense seulement à ce que tu m'as dit tout à l'heure. A propos du mariage.

Confus, Bartolomé s'assied en face de Joséphine tandis que cette dernière ne put s'empêcher d'aborder ce long mais triste sourire. Elle semblait dépitée, mais résolue. Déterminée, mais amère. Elle semblait avoir le visage de quelqu'un ayant comprit que sa fin se trouve devant elle et déjà toute écrite. Comme si son sort lui était inéluctable.

- Qu'est-ce que j'y connais moi à la vie ? Je ne suis qu'un petit garçon avec une grosse épée. Tu n'es certainement pas obligée de m'écouter. Fais ce que tu veux, vis ta vie comme tu le veux, comme tu l'entends, lance Bartolomé en comprenant toute la tristesse de sa sœur

- Mais tu as raison. J'ai vingt ans et je ne suis pas promise. Je pourrais l'être. Je pourrais être une de ces jeunes nobles se laissant aborder par un jeune homme à la fortune prometteuse. J'aurai ainsi un avenir radieux sans me soucier de rien au niveau de mes besoins. De nos besoins.

- Arrête de vivre pour notre bonheur, Joséphine. Crois-tu que cela nous rends heureux de savoir que tu te sacrifies pour nous ? Que tu vis à travers nous ?

- Pourtant, n'est-ce pas là mon rôle et ma responsabilité ? Si je ne suis plus là, qui s'occupera de vous ? Je sais que je n'ai aucun souci à me faire pour toi Bart, mais pour Ambre et Thomas...c'est différent, soupire-t-elle, Ils sont jeunes et...

- Mets Thomas à l'Académie, la coupe-t-il.

Se retournant vers son cadet, les sourcils légèrement froncés devant l'incompréhension de ses propos. Venait-elle d'entendre ce qu'elle pensait avoir entendu ?

- Ce n'est que provisoire, pendant quelques années, renchérit Bartolomé afin d'aller jusqu'au bout de sa pensée, Cela ferait une sortie d'argent en moins. Inscrit-le et je payerais pour sa scolarité.

- Es-tu seulement sérieux ? Veux-tu que je place mon petit frère dans l'armée ?

- Notre...petit frère, et ce n'est pas si terrible. Regarde ! Je m'en sors bien, non ?

- C'est différent ! grogne Joséphine.

- En quoi ? Qu'espérait Père en m'envoyant là-bas selon toi ? J'ai reçu une bonne, même une excellente éducation, j'y ai acquis des principes et des valeurs qui me suivront toute ma vie et je suis honoré de faire partie de l'armée pouvant défendre notre beau royaume. Envoie Thomas à l'Académie et place Ambre sous la tutelle d'une de ces vieilles nobles qui ont tellement de place chez elles qu'elles font de leurs demeures des pensionnats.

- C'est ridicule. Je ne vais pas me débarrasser de ma famille sous prétexte qu'elle est un gouffre financier ! s'énerve la jeune femme en quittant brusquement le fauteuil

- Pourtant c'est le cas. Les tuteurs d'excellence de Thomas coûtent une fortune. Les caprices de Ambre aussi. A cet instant, nous ne pouvons nous permettre de gaspiller ne serait-ce qu'une pièce. Cela te fais peut-être mal au cœur, mais à présent, très chère sœur, tu ne vas plus prendre de décisions faciles. La facilité ne mène nul part, crois-moi, j'ai essayé.

Il a raison et elle le sait. Malheureusement, Joséphine n'est pas prête à voir cette maison qui autrefois était remplis de rires et de joie, devenir soudainement bien silencieuse et terne. Que restera-t-il quand ils seront tous partis ?

Que lui restera-t-il à elle pour se consoler de ces interminables journées dans lesquelles on ne fait que se battre avec soi-même ?

- Je leur en parlerais demain, lâche-t-elle à contre cœur

- C'est une décision provisoire, Joséphine, lui assure Bartolomé en essayant de lui sourire bien qu'il comprends mieux que quiconque les ressentis de sa sœur aînée.

- Je sais...

Ne lui serait-il pas alors plus simple d'accepter la proposition du Comte ? Si cela peut leur permettre de vivre heureux et libres ? Si cela pouvait leur permettre de rire une nouvelle fois ? Cela en vaut largement le sacrifice.

- J'ai une course demain dans la matinée a effectuée, lance Joséphine pour détourner la conversation.

- Veux-tu que je t'accompagne ?

- Non, ça ira. Je fais simplement un aller-retour.

- Et où est-ce que tu vas ?

- Je te l'ai dis : Faire une course.

Bartolomé n'était pas stupide au point d'ignorer la démarche de sa sœur et il connaissait bien trop ce regard pour savoir qu'elle n'avait pas quelque chose derrière la tête. Il lui restait simplement à déterminer ce qu'elle comptait faire et l'empêcher avant que le pire ne se produise. Car il n'y a pas pire décision que celle que l'on prends sous le coup de l'émotion.

- Joséphine ? intervient-il alors avant de quitter la pièce

- Oui ?

- Promets-moi...Promets-moi seulement de faire attention.

- Depuis quand ne suis-je plus la prudente de nous deux ? plaisante-t-elle

Il le savait, il pouvait le deviner même jusque dans la fausseté de son sourire. Joséphine avait une idée en tête et si elle ne lui en parlait pas, c'est évidemment que cette dernière ne lui plairait pas. A croire qu'elle oublie d'où il vient et quelle est son occupation principale. Néanmoins, a-t-il suffisamment de poids pour se faire entendre auprès d'elle ? Cela est moins sûr. Peu de gens peuvent influencer Joséphine Conquérant dont elle a toujours ignorée les opinions, mais il y avait peut-être une personne qui saurait contrarier ses plans. Une personne capable de lui faire entendre raison. Encore faudrait-il que cette dernière soit disposée à le faire ?

 

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