21. Profondeurs

Par Gab B
Notes de l’auteur : Bonjour à tous et bienvenue dans la dernière partie du chapitre 5 !

Précédemment : Bann et Mevanor sont partis en expédition et ont atteint le gouffre.

Bonne lecture à tous et merci à ceux qui laisseront un commentaire :)

Chapitre 5 : L’expédition

 

Profondeurs

 

L’esprit embrumé et déboussolé de se réveiller dans un endroit inconnu, Mevanor balaya des yeux le gros rocher qui leur servait de bivouac, leur modeste campement composé d’un feu et deux paillasses pour dormir. La surface rocailleuse, polie par les eaux, sur laquelle ils se trouvaient, émergeait juste assez du Fleuve pour leur permettre de s’asseoir au sec. Tandis que Bann alimentait une flamme vacillante sur un foyer humide, le cadet sortait lentement du sommeil. Quand il se sentit plus alerte, il se leva pour se rapprocher de son frère, qui pointait du doigt l’entrée du gouffre, à peine illuminée par le soleil matinal.

— Tu te rends compte, Mev ? On va enfin découvrir ce qui se cache dans les profondeurs de la terre !

Étourdi par le vacarme ambiant, Mevanor déduisit plus qu’il n’entendit les paroles de son aîné. Il laissa traîner son regard en face de lui et hocha la tête de bas en haut. Leur îlot se situait une centaine de pas en amont des chutes. Une succession de rochers dépassant de la surface constituaient un passage possible entre l’endroit où ils avaient dormi et un imposant bloc de pierre qui surplombait la cascade. De là, ils pourraient observer le trou béant qu’ils étaient venus explorer et dans lequel toute l’eau du Fleuve se jetait.

Pendant qu’il contemplait ce spectacle fascinant et excitant, son frère avait remballé leur campement sommaire et trié leur équipement. À partir d’ici, ils devaient abandonner leur embarcation et donc laisser derrière eux la majorité de leur charge. Cordages enroulés sur l’épaule, ils emportèrent dans leurs besaces bandages, herbes médicinales, torches, vêtements de rechange et un peu de ravitaillement, rangèrent le reste dans le bateau, puis se mirent en route.

Alors qu’ils sautaient prudemment de rocher en rocher, le pied de Bann glissa sur de la mousse et il poussa un cri de surprise. Derrière lui, Mevanor se précipita pour le retenir, mais perdit à son tour l’équilibre et se sentit tomber. Son dos heurta violemment le Fleuve puis le froid et la panique se saisirent de lui. Battant des bras et des jambes, il parvint à sortir la tête hors de l’eau pour apercevoir son frère. Celui-ci s’était stabilisé en s’accroupissant sur le rocher. Mevanor essaya de nager pour lutter contre le courant qui l’emportait vers la cascade, seulement quelques dizaines de pas en aval. Empêtré dans son attirail, entraîné par les flots, il finit par se cogner contre un roc qui dépassait. Le choc le fit grimacer de douleur, mais le jeune homme en profita pour s’agripper à la pierre de toutes ses forces. Une fois stable, il scruta les alentours à la recherche d’une échappatoire. Le froid engourdissait ses yeux et maintenir cette position l’épuisait. Il ne pourrait pas tenir longtemps. Enfin, il localisa Bann qui lui faisait de grands signes en hurlant des instructions que Mevanor ne pouvait pas entendre. Il finit par comprendre que son frère lui désignait un tronc d’arbre flottant un peu plus loin, coincé entre des rochers, qui ne semblait pas chahuté par les flots. Rien ne garantissait que le bois trempé et fragile résisterait au poids du jeune homme, néanmoins il s’agissait de son unique option. En équilibre instable sur une pierre glissante, Bann ne réussirait jamais à lui lancer une corde sans tomber à l’eau à son tour.

Mevanor inspira profondément et lâcha sa prise, se laissant à nouveau emporter par le courant. S’il ratait la branche, il serait englouti par les chutes. Il ne la quitta pas des yeux et, arrivé à hauteur de l’arbre, parvint à la saisir de justesse. Il lui sembla entendre des craquements, signe que le tronc ne tiendrait pas le choc, mais peut-être son imagination lui jouait-elle simplement des tours, entre son cœur qui battait à tout rompre contre ses tempes et le bruit fracassant de la cascade. Il se cramponna fermement au bois, tandis que Bann se dirigeait vers lui aussi vite que le chemin précaire qu’il empruntait le lui permettait. Finalement, Mevanor sentit les mains chaudes de son frère sur ses poignets et avec son aide il parvint à se hisser hors de l’eau. Ils s’assirent tous deux sur les rochers qui entouraient l’arbre, reprirent leur souffle, puis le cadet commença à se débarrasser de ses vêtements trempés pour se réchauffer. Il avait bien failli y passer ! Encore tremblant de froid, d’émotion et d’avoir trop forcé sur ses muscles, il étendit ses habits et le contenu de sa besace au soleil, pendant que Bann lui tendait un morceau de pain et de quoi se changer.

Ils finirent par atteindre le bloc de pierre qu’ils s’étaient fixé comme objectif, après avoir redoublé de prudence à chaque pas. Accolé à la falaise sur la rive droite du Fleuve, il dominait la cascade et le vide, leur offrant un excellent point de vue. Longuement, ils observèrent l’entrée du gouffre et contemplèrent, affligés, l’évidence qui se trouvait sous leurs yeux : l’eau plongeait à pic dans les entrailles de la Terre. Même les cordages les plus solides ne pourraient rien contre les forces de la nature qui se déchaînaient là.

Le bruit et l’exaltation étourdissaient Mevanor. Ce qu’ils avaient accompli jusque-là, tout le trajet qui les avait conduit ici, aucun habitant de la Cité encore en vie ne pouvait en témoigner. Le fantastique déferlement liquide qui s’étendait devant eux le fascinait et il regrettait d’avoir laissé son matériel de dessin dans le bateau. 

— Aide-moi ! s’écria son frère, coupant court à sa rêverie.

Il se tourna vers Bann, qui le regardait d’un air interrogateur, une corde nouée autour de sa taille, l’extrémité attachée à un rocher qui dépassait de la falaise. Il avait allumé une torche qu’il tendait à Mevanor.

— Bann, tu es fou, hurla ce dernier pour se faire entendre malgré le fracas des flots, on ne peut pas aller plus loin ! Rentrons !

— Je veux juste voir s’il y a des galeries ! J’ai besoin de toi pour la lumière !

Le front plissé et soucieux, Mevanor acquiesça et exécuta sa demande. Il s’empara de la torche et l’accrocha à un cordage pour éclairer son frère au fur et à mesure que celui-ci descendait contre la paroi rocheuse, à quelques pas seulement de la chute d’eau. À la force de ses bras, Bann se rendit aussi loin que la longueur de son attache le lui permettait, la flamme se balançant près de lui. Du haut de la cascade, Mevanor ne distinguait qu’un point lumineux. Il le vit scruter tout autour de lui, et, au bout d’un moment qui lui sembla interminable, Bann donna deux petites impulsions à la corde, pour lui indiquer qu’il voulait remonter.

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