💍20. Rentrer à la maison💍

Il y avait quelque part chez le Duc de Varsox, cette impossibilité de faire disparaître de son visage ce sourire amusé qui était venu trouver refuge au coin de ses lèvres. Plus il y repensait et plus il ne put s’empêcher de trouver un semblant d’amusement dans la situation qu’il venait de rencontrer. A croire qu’il y avait quelque chose chez la famille Conquérant qui les rendaient tous particulièrement divertissants.

- Vous semblez d’une humeur particulièrement enjouée. Est-ce la visite du Lieutenant qui vous mets dans un tel état ? interroge Maximilien pris dans l’organisation de divers documents

- Je dois bien avouer que je suis rarement surpris, mais cette famille, Maximilien, a une sorte de don. La sœur comme le frère sont deux personnages tout à fait...atypiques.

- Allez-vous considérer sa demande ?

Un silence intervient alors entre les deux jeunes hommes tandis que le secrétaire s’affaire à la tâche sous le regard de son maître.

- Maximilien, soupire Jonah en le voyant venir

- Excusez ma curiosité, mais pour quelqu’un qui se dit non intéressé vous avez le sourire niais d’un homme combler.

- Vas-tu également me reprocher le fait de sourire maintenant ? lui demande-t-il alors avec un demi sourire qu’il tente de réprimer

- Non loin de moi l’envie de vous gâcher votre joie et vos moments de bonheur, mais je vous prierais de ne même pas considérer cette grotesque proposition.

- Décidément, si je ne te connaissais pas, je pourrais croire que tu as une certaine impression de cette famille.

- Tout à fait entre nous et en mettant de côté l’aspect purement «sentimental» de l’affaire : Une jeune femme non mariée ou promise, devenant cheffe d’une famille à la situation financière désastreuse et ayant une réputation ma foi...peu glorieuse. C’est actuellement tout ce que nous devrions fuir si nous voulons réussir dans notre entreprise.

- Elle n’est pas si mauvaise que ça, Max. Joséphine est une jeune femme forte et indépendante, à l’esprit brillant et teintée d’une personnalité plaisante.

- Cela est pour moi, toutes les caractéristiques de la femme sachant vous attirer dans ses filets. Monsieur, vous êtes et permettez-moi de le dire : un bon parti. Jeune, élégant, titré, à la fortune certaine.

- Je trouve ta vision des êtres humains tout à fait...

- Surprenante ?

- Déprimante. Tu ramènes absolument tout à la richesse ou la réputation, mais ce n’est pas ce qui détermine qui l’on est réellement. Par exemple, je pourrais effectivement être un parti de choix, mais imaginons que ma personnalité, mon moi profond, soit un être tout à fait méprisable ? Cela ne ferait-il pas de moi la pire des crapules ?

- Non, cela ne vous différencierez même pas de la norme la société. Tout le monde sait parfaitement que chaque bon Monsieur a un défaut ou deux.

- Je ne te parle pas de défauts, mais vraiment de comportement. Voudrais-tu travailler pour un homme profitant de toi et refusant de te payer ? Un avare !

- Bien sûr que non, je pars du principe que tout travail mérite salaire.

- Eh bien c’est exactement où je veux en venir. Je t’apprécie beaucoup Max et sans toi, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui, mais parfois je trouve ta vision de notre monde bien étroite et c’est malheureux à constater.

S’écartant de son bureau, Jonah s’apprête à quitter la pièce avant de marquer un arrêt à hauteur de la porte.

- Et pour répondre à ta question sur le fait d’envisager ou non la proposition du Lieutenant, je te réponds : Cela ne m’a même pas effleuré l’esprit. Je suis un gentilhomme Max, pas un idiot.

- Dans ce cas, peut-être devriez-vous répondre à la lettre qui est arrivée pour vous en fin de matinée ? Je l’ai posée sur le bureau dans votre chambre.

- La lettre ?

Se séparant de son plus proche conseiller, le jeune Duc ne put s’empêcher de repenser à la conversation qu’il venait d’avoir avec ce dernier. Aux mots qu’il avait employés. Sa vie n’a été qu’une succession de complications et voilà que venait de se rajouter à l’équation une jeune fille prénommée Joséphine. Il se souvient encore du soir chez la Comtesse. Le soir où, se rendant sur la terrasse, s’éloignant du bruit et de l’hypocrisie, il l’a vue. Seule. Sa robe ne semblait pas être neuve, ses cheveux laissaient en suspend quelques mèches ici et là comme si elle avait été coiffée en toute hâte ou maladroitement, son visage semblait contrarié mais au-delà ça il émanait une étrange tristesse. Comme si sa seule présence en cette soirée suffisait à la blesser jusqu’au profond d’elle-même. Et puis, il y a eu ces mots qu’elle prononça à l’égard d’une personne qu’elle ne connaissait même pas. Comment pouvait-elle dire cela alors que juste devant elle se tenait le réceptacle de sa colère du moment ? Oui, tout cela rassemblé l’avait naturellement curieux à son sujet. Il n’y avait chez elle aucun sous-entendu, aucune intention dissimulée tout ce qu’elle disait et faisait été d’une étrange sincérité. Elle était franche. Brute peut-être aussi, mais amusante. Elle était et, jusqu’à présent demeurait, une bulle d’oxygène. Un moyen pour lui de se raccrocher à sa chaotique vie et d’y respirer à nouveau.

Néanmoins, Joséphine n’a pas vue la chance lui sourire et se retrouve aujourd’hui plongée dans un tourbillon duquel il vaut mieux se tenir écarté.

Elle était une amie de bonne compagnie, mais il y a une limite qui ne lui permettrait pas de franchir. L’amitié était la seule bouée qu’il s’autorisait à lui lancer.

Non mais pas qu’elle n’était pas plaisante ni probablement aimante sur long terme, mais il n’était pas revenu jusqu’ici après avoir traversé tant de choses pour se laisser distraire par une femme d’à peine un mètre soixante.

Dans sa chambre et sur le bureau indiqué, il trouva alors la lettre au sceau bien distinct, reconnaissable entre mille. Celui de la famille royal. Cela ne pouvait être alors qu’une lettre de Sophia et l’envie de la jeter sans même prendre le temps d’en découvrir le contenu le tenta, mais hélas, la curiosité l’emporta.

Il se découvrit invité le lendemain à venir prendre le thé. Visiblement, la Princesse ayant trouvé sa compagnie fort charmante en redemande. Peut-être que si cette dernière avait été d’un rang plus inférieur, il aurait refuser l’invitation. Non, sûrement même, mais malheureusement pour lui, on ne se refuse pas à la famille royale.

Jonah passa alors le reste de sa soirée, assise près de la baie vitrée, un cadre en main. Cela était devenu une habitude pour lui de ne plus trouver le sommeil ou de voir se dernier le fuir comme la peste. Ce cadre était tout ce qui lui restait des souvenirs heureux jadis partagés avec son père. Une photo prise alors d’un après-midi d’automne dans les jardins du Duché peu de temps avant que le Duc ne tombe malade.

Pour certains, l’homme était vieux et sa santé déplorable, mais pour Jonah c’était là l’oeuvre d’une main malveillante et il savait pertinemment à qui cette dernière appartenait : A celle qui occupe aujourd’hui le territoire censé lui appartenir de plein droit. Sa tante.

Quand son frère fut tombé malade, cette dernière fit courir la rumeur que quelqu’un cherchait à empoisonner le plus jeune héritier, Jonah lui-même. Par sécurité, mais surtout pour l’éloigner, elle décida de l’envoyer dans une pension dans un pays voisin. A chacune de ses tentatives pour revenir auprès de son père, ces dernières fut toutes avortées d’une manière ou d’une autre ne laissant alors au jeune garçon aucune opportunité pour dire adieu à l’homme qui l’avait tant aimé. Aujourd’hui et sous prétexte que Jonah a été absent depuis bien trop longtemps pour connaître les affaires du Duché, sa tante le maintient à bonne distance, l’empêchant de réclamer pleinement son dû, mais ceci ne saurait tarder maintenant que ce dernier est lancé.

- Un jour, père, je vous promets que je reviendrais chez nous.

A ce moment-là, le jeune Duc dépourvu de son Duché, n’avait alors aucune idée que le sort de ce dernier dépendrait de la bonne volonté d’une jeune Baronne capable de le faire plier au moindre de ses souhaits.

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