2.Peon

Par Codan

Un amas de corps dont il ne percevait pas les contours semblait chahuter sans jamais dépasser la frontière entre le public et l'arène de terre battue au milieu de laquelle il se mouvait. Les cris de cette foule déchaînée firent sourire Peon. Son adversaire, un jeune homme d'au moins une tête de plus que lui, fronça des sourcils et se concentra. Le garçon évita de justesse le fouet de feu que le grand gaillard avait lancé dans sa direction, et qui atterrit dans la neige en crépitant. Il n'était pas le moins du monde déconcentré par le public qui retenait son souffle, mais surtout excité par l'adrénaline qui courait dans ses veines. Il reconnut son prénom, soufflé dans les premiers rangs. « Peon ! » Il se retint de jeter un regard vers Olek, son ami de toujours, qui bien sûr l'encourageait comme à chaque fois. Il fallait qu'il tienne. Et qu'il soit victorieux.

Piotr avait le même âge que lui et pourtant avait une musculature beaucoup plus développée. Il était le type d'individus que Waal affectionnait pour ses propres incarnations : grand, costaud et sans délicatesse, soit l'inverse complet de Peon Krasny. Peon, lui, était plutôt mince, aux muscles effilés, et doté d'une intelligence vive et vicieuse qui était la clé de ses victoires dans ce concours de lutte. Il voulait à tout avoir l’honneur de porter les couleurs de Waal lors du Grand Choix. Il était un Krasny. En tant que membre de cette vieille famille de Protecteurs, il se devait de défendre l'honneur des siens et d'être choisi. Le reste, Peon s'en fichait. Il voulait gagner, affronter les meilleurs des autres nations et les écraser. Sacrifier son corps à une âme immortelle lui était égal. Au moins, quelque part dans les livres d'histoire, son nom serait sanctifié.

Les yeux fixés dans ceux de Piotr, il l’incita à tourner en rond sur l'arène, conscient du moindre de ses mouvements. Les flocons de neige tombaient autour d'eux, et Peon remarqua qu'ils fondaient avant même de toucher la peau de son adversaire. Peon tiqua. Il leva à temps un bouclier de flammes pour se mettre à l'abri de l'attaque, vive et brutale, de Piotr. Il résista difficilement à cette force bestiale et avança, protégé par son pouvoir. Quand les deux combattants furent trop proches, Piotr cessa son jet de flammes et attaqua d'un crochet du droit. Peon n'esquiva pas. Une flamme bleue vint lécher le poing de Piotr avant que celui-ci n'atteigne le visage du garçon. Le géant hurla de douleur, et Peon contrattaqua d'une balayette rapide, le faisant s'écrouler. Il aurait pu le menacer de ses flammes bleues et le combat aurait cessé. Mais il avait décidé de jouer, comme un chat, et recula d'un preste bond, un sourire éclatant sur les lèvres.

Je te choisis.

Peon s'interrompit brusquement et porta les mains à son crâne. Tous les vivats cessèrent d'un seul coup et la foule s’immobilisa. C'était ainsi que le Dieu Waal, maître du feu et de l'hiver, choisissait ses porte-étendards et tous le savaient. Peon perçut sa présence s'imposer à son être, se sentit peu à peu dépossédé de son corps tandis que Waal se manifestait dans sa forme la plus primaire. L'adrénaline laissa place à une peur bestiale, que Waal ne chercha pas du tout à rassurer. Alors Peon se força à se détendre, du moins s'en convainquit car son corps ne lui obéissait plus. Son être fut envahi de pensées qui n'était pas les siennes et qui semblaient tellement plus grandes, plus colossales, écrasant tout sur leur passage. Son corps se redressa sans qu'il ne le commande, et sa voix, teintée d'une nuance qui ne lui appartenait pas, s'adressa à la foule entière.

— Je choisis Peon Krasny en tant que cinquantième et dernier Orgoï à représenter mon peuple lors du Grand Choix.

Les hourras se firent nombreux, et même Piotr, qui s'était relevé, applaudit comme le beau joueur qu'il était. Waal brandit le poing de Peon.

— Vous savez que ce Grand Choix est l'occasion pour nous de briller, mes enfants ! Cette fois, ce seront les Orgoïs qui montreront leur puissance !

Ce fut l’acclamation. Les puissants rugissements firent presque trembler le sol.

Peon fut porté par les siens dans une exaltation quasi mystique, alors que Waal le quittait. Pendant que ses yeux se perdait dans le ciel blanc de neige et que, sous lui, la foule humaine et chaude le transportait, une flamme s'allumait à l'intérieur de lui, brillante, brûlante et dévastatrice. La peur fut totalement oubliée, remplacée par cette joie furieuse du guerrier insatiable qui part à la conquête de nouvelles victoires.

 

Peon rejoignit la périphérie de la ville, où les habitations traditionnelles de Logowa, des cabanes logées sur les premières branches des arbres les plus vigoureux, résistaient encore à la pression du vent glacé. Le chemin pour rentrer chez lui fut plus long que d’habitude : Peon était sans cesse arrêté et félicité par ses pairs. Loin d’être agacé, le jeune homme se rengorgeait à chaque fois, dévoré par cette fierté qui n'en pouvait plus de grossir. Enfin, il avait été choisi. Reconnu. Il pouvait prouver sa valeur. 

Il s’approcha de l’échelle menant à la cabane où il habitait avec son grand-père, celui qui l’avait élevé, et grimpa avec l’agilité de l’habitude. Ses bottes frappèrent le bois de la plateforme, répandant ainsi la neige qui y était accrochée, et le garçon poussa la porte qui grinça. À l’intérieur, Madder Krasny, grand et sec, enlevait son manteau en peau de loup géant pour l’accrocher à l’entrée. Peon eut un regard pour l’arbalète de son grand-père, posée sur la table rustique. Il avait toujours eu une certaine révérence pour l’arme favorite de son aïeul, l’arme des chasseurs. L’arme des Krasny.

— Salut, deda, lâcha-t-il.

Madder posa sur son petit-fils un regard tranchant. Ses yeux avaient une intensité que les années ne ternissaient pas, et renforçait le charisme du chef de famille. Encore musclé, ses longs cheveux noirs parsemées de mèches grises étaient rassemblés en de multiples tresses lui tombant dans le dos. La ride du lion creusait son visage mate et buriné que le mécontentement et la rigueur avaient toujour peints. 

— J’ai entendu que tu avais été choisi.

Lorsqu’il n’y avait aucune violence à mater, Madder Krasny ne s’intéressait que peu aux événements de Logowa. Il préférait battre la forêt, se perdre en montagnes souvent pendant des semaines et revenir avec quelques proies qu’il distribuait aux familles.

— Oui. Je suis le cinquantième sélectionné. J’ai battu Piotr.

— Loyalement ?

Peon sentit sa colère adolescente reprendre le dessus, et parvint tant bien que mal à la maintenir là, chaude, dans sa gorge. Tous savaient qu’il se servait de son intelligence pour ruser dès son plus jeune âge. Quelque chose que son grand-père, d’une franchise brutale et presque primaire, méprisait ouvertement.

— Bien sûr. Si tu avais été là, tu aurais pu le constater.

La gifle partit toute seule et atterrit sur la joue du garçon comme un coup de tonnerre. Peon serra les dents. Il ne pleurerait pas.

— Je ne t’ai pas donné mon nom pour que tu me manques de respect.

Il mordit l’intérieur de ses joues pour ne pas répliquer et sentit le sang envahir sa bouche. Son grand père s’installa derrière la table et commença à dépecer le lapin des neiges qu’il avait attrapé. Peon eut envie d’hurler.

— Tâche de ne pas faire honte à notre clan, comme tu le fais toujours. Prends exemple sur tes cousins.

Peon détesta le regard que Madder posa sur lui. Des pieds à la tête, avec cette moue aigrie. Puis déjà, comme si son petit-fils avait disparu, son attention se reporta sur sa besogne. Peon parvint tant bien que mal à ne pas faire claquer ni ses talons sur le sol ni la porte de sa chambre où il s’enferma. Il attrapa une tunique propre qu’il enfila, laissant ses hardes trempées de boue et en partie calcinées sur le sol. Il savait qu’il allait prendre une nouvelle volée parce qu’il n’avait pas nettoyé son linge. Mais il avait la sale envie d’enquiquiner son aïeul autant que possible avant de partir.

Rapidement, il redescendit de la cabane, ne saluant même pas Madder, pour aller rejoindre Olek. De rage, il cracha le sang qu’il avait dans la bouche. La neige se teinta de pourpre.

 

Lorsqu’il arriva au centre de la ville, la préparation de la fête n’était pas encore tout à fait terminée. Un grand feu crépitait au milieu de la place autour duquel une ribambelle d’enfants jouait, tandis que leurs grands frères et grandes sœurs montaient les tables et ajoutaient les décorations sous le regard des anciens rassemblés près des flammes. Près d’une des plus belles maisons, ornée de sculptures de bois et de gravures en langue ancienne, Peon repéra la tignasse mal tressée de son ami, perché sur un escabeau. Il sourit en le rejoignant et tendit le bras pour lui tirer les cheveux.

— Salut !

Olek sursauta, puis lui répondit d’un coup de poing sur le haut du crâne.

— T’as pas d’autre moyen de t’annoncer ?

— Quand tu sauras tresser correctement tes cheveux, on en reparlera.

Olek lança une oeillade critique à la crinière courte de Peon et leva les yeux au ciel. 

— Tiens, passe-moi ça.

Peon attrapa la lampe à huile encadrée de verre à Olek. Contrairement à beaucoup d’Orgoïs, qui portaient les cheveux longs, ses boucles lui tombaient librement sur la nuque. Il n’avait pas avoué que son grand-père les lui avait tranchés net quelques mois plus tôt alors qu’ils prenaient feu, victimes d’une maladresse de la maîtrise de Peon. Depuis, Madder ne lui avait plus accordé un regard sans qu’il ne soit chargé de mépris. Un Krasny qui ne sait pas utiliser le feu n’est pas digne de ce nom.

— Tu sais que les gagnants sont exemptés de la corvée de la décoration ?

— Je sais bien, mais je m’ennuie.

Olek lui adressa un sourire malicieux. D’une pichenette, il enflamma une lampe à huile qu’il accrocha sur le pignon en bois de la maison communale. Peon s’était toujours demandé pourquoi les Orgoïs, maîtres du feu, continuaient à vivre au milieu de ce matériau si facilement inflammable. Quand il avait interrogé son grand-père à ce sujet, celui-ci lui avait répondu qu’il s’agissait d’équilibrer sa force.

— Sans moi, tu es tout perdu, avoue, plaisanta son ami.

Peon lui passa une autre lampe à huile.

— C’est toi qui vas être perdu quand je serai à la capitale !

Olek se figea une seconde, avant d’afficher un nouveau sourire, comme si de rien n’était. Il l’avait dissuadé de participer au Grand Choix, mais Peon ne l’avait pas écouté. Alors, comme le bon ami qu’il était, il l’avait tout de même encouragé.

— Je reçois des lettres de Chilam de temps en temps, il paraît qu’elle est grande et qu’il y a de quoi s’amuser. Tu vas t’y plaire ! Je suis jaloux.

— Alors viens avec moi, dit nonchalamment Peon.

Olek ne lui répondit pas tout de suite, et le temps parut un peu trop long au goût de Peon.

— Tu sais que je ne peux pas. Mon grand frère est déjà engagé dans l’armée de l’empereur pour ramener de l’argent, mon père est malade et ma mère n’a que moi pour tenir l’élevage et faire les courses.

Les Fenrir étaient des mushers et des pisteurs qui mettaient leurs talents au service des voyageurs de tous horizons. Souvent, Peon avait accompagné son meilleur ami dans les montagnes simplement pour ne pas être séparé trop longtemps de lui.

— Tu as des tonnes de cousins et de cousines qui pourraient venir vous aider.

— Ce n’est pas le rôle d’un fils que d’abandonner ses parents.

Peon serra les dents. Lui n’avait que Madder et son exécrable rigueur pour tous parents. Sa mère était morte en couche et l’identité de son père était l’un des secrets qu’elle avait emportés avec elle. Il passa la lampe à huile sans un mot. Olek l’accrocha, puis soupira. Il descendit de son escabeau, posa une main chaude sur l’épaule de son ami et chercha son regard. Peon céda et plongea dans ses yeux bruns, tirant vers le vert.

— Je ne peux pas choisir entre toi et mes engagements envers ma famille, tu le sais bien.

— Et tes engagements envers moi ?

Peon détesta la faiblesse qu’il entendit dans sa propre voix.

— Je ne veux pas qu’on se dispute pour ton dernier jour ici, soupira Olek.

La main d’Olek se pressa doucement sur son épaule et Peon se ramollit. Il mordilla sa lèvre inférieure et fronça les sourcils. Olek comprit : il l’entoura de ses bras et l’y serra, fort. Peon posa sa tête sur l’épaule de son ami et ferma les paupières. Sous l’odeur de sa cape fourrée en peau de loup humidifiée par la neige, il reconnut celle d’Olek, rassurante. Il se retint de presser le nez contre son cou.

— Je suis fier de toi, lui souffla le jeune Fenrir. Mais si tu peux, essaie de ne pas m’oublier, d’accord ?

Peon resserra son étreinte.

— Jamais, lui promit-il.

Ce moment de quiétude fut interrompu par une boule de neige qui frappa sa nuque et glissa sous ses vêtements. Il se figea, glacé. Le rire d’Olek éclata contre son oreille. Peon se retourna d’un seul coup, pour faire face au visage souriant de Vidal Ioreik. Grand, les cheveux lui frôlant les reins et les muscles de ses bras saillants à l’air libre, il avait également été sélectionné par Waal.

— Merci de l’avoir tenu, Olek !

— Quoi ? Tu étais contre moi ?

Olek, encore rieur, se défendit plus mal que bien face aux assauts vengeurs de Peon. Vidal les rejoignit en quelques enjambées.

— Fallait bien que je te félicite à ma manière, Krasny ! D’ailleurs, bien joué le coup du bouclier. Et du feu bleu. Bref, beau combat ! Je suis étonné de ta part !

Le rire d’Olek se fana, tandis que Peon lâcha :

— Tu ne t’attendais pas à ce que je gagne ?

— Personne ne s’attendait à ce que tu gagnes, jeune loup ! Tu as toujours mal maîtrisé ton feu, et tes techniques de combat sont à la limite de l’acceptable. Waal n’est pas connu pour aimer la ruse !

Peon haussa les épaules, un sourire en coin sur les lèvres.

— Eh bien, il m’a choisi. Peut-être qu’il s’est rendu compte que ses grosses brutes épaisses manquaient de finesse face aux Thaelins.

Vidal croisa ses gros bras. La neige fondit au contact de sa peau, maintenue brûlante par sa maîtrise du feu parfaitement équilibrée.

— Si tu m’amusais pas autant, il y a longtemps que je t’aurais collé une beigne, Krasny. Mais évite de provoquer les autres. Y’a des pas commodes parmi les cinquante sélectionnés. Dont l’une de tes cousines, ton demi-frère et je ne sais plus quel autre Krasny en lice. Et puis plein d’autres qui ont un balai là où je pense et qui croient défendre l’honneur de leur famille… Le baratin habituel, quoi.

Vidal Ioreik participait uniquement parce que ça l’amusait. Au milieu d’individus tous plus sérieux les uns que les autres, il détonnait. C’était pour ça que Peon l’aimait bien.

— Qui te dit que je ne participe pas pour ça aussi ?

Le rire de Vidal retentit.

— Vu tes relations avec ton grand-père, ça m’étonnerait ! D’ailleurs, il a dit quoi ? Il sait que tu es sélectionné ?

Peon serra les dents sans répondre, et laissa un silence gêné s’installer.

— Dîtes les gars, intervint Olek, vous êtes peut-être exemptés de la préparation de la fête, mais pas moi, alors laissez-moi bosser !

Il les repoussa plus loin mais, avant de le laisser, Peon lui demanda :

— Tu viendras ce soir, hein ?

Olek sourit et hocha la tête. Peon lui sourit en retour tandis que Vidal lui tirait le bras.

— Viens, on va profiter de nos montagnes avant de partir.

 

Peon et Vidal marchaient au cœur de la forêt de conifères, leur arc à la main. Le silence de l’hiver éternel pesait sur la neige, qui crissait sous chacun de leur pas. La lenteur de leur démarche était celle de chasseurs aguerris, leur regard acéré analysait ce décor qu’ils connaissaient par cœur à la recherche d’une proie à abattre. Peon perçut un mouvement du coin de son œil droit. Il banda son arc en quelques secondes, visa et tira. Une flèche alla se loger dans l’abdomen d’un jeune lièvre.

— Toujours aussi rapide, Krasny, commenta Vidal.

Peon ne releva pas, et trottina pour aller ramasser son butin. L’air qu’il exhalait formait un nuage de vapeur blanchâtre. Il logea l’animal dans le sac qu’il portait en bandoulière et rejoignit son ami, dont le regard s’était perdu dans les hauteurs des sapins. Il l’imita. Là-haut, entre la cime des arbres et un gros nuage blanc, se découpait un carré de ciel bleu vif et froid. La respiration de Peon s’apaisa.

— Ça va me manquer, dit simplement Vidal. Pas toi ?

Peon acquiesça.

— Nous sommes promis à un autre destin, de toute façon.

— Peut-être. Mais en tout cas, si je ne reviens pas vivant de là-bas, promets-moi de faire revenir mon corps ici, Krasny.

Le jeune homme sentit un poids désagréable venir encombrer ses épaules, alors qu’un autre s’enfonçait dans son estomac.

— Qui te dit que je ne vais pas mourir avant toi ?

Vidal baissa les yeux vers lui. Le repli rieur au coin de ses paupières et le sourire en coin qu’il arborait avaient presque une teinte triste.

— T’as la rage en toi, mon ami. Ça brûle à l’intérieur. Tu ne fais ça pour personne d’autre que toi-même, c’est ça ta force. Tu te fiches de défendre ta famille. Tu te fous complètement de ton honneur d’Orgoï. Tu fais ça pour prouver à tous que tu existes et que tu as de la valeur. Les gars comme toi, c’est comme une mauvaise herbe, la neige peut tomber dessus mais au printemps, elle se redresse fièrement en affrontant quiconque de venir l’arracher. Alors si toi, tu crèves, je peux déjà déclarer forfait.

Peon détourna le regard pour le poser nulle part.

— Plein de gens sont revenus du Grand Choix sans mourir Vidal.

— J’ai le sens du drame, si je sors de scène, ce sera magistral, dit son ami en étendant les bras.

Peon secoua la tête en riant.

— T’as une petite sœur qui t’attend, idiot. Et puis, y’a bien quelqu’un qui va garder son lit pour toi.

— Comme Olek pour toi ?

Le jeune Krasny fronça les sourcils.

— Olek et moi n’avons pas ce genre de relation.

— À d’autres ! Tu vas me dire qu’il t’a embrassé juste pour te filer son énergie avant ton combat avec Piotr ?

— En quoi ça te regarde ? cracha Peon.

Vidal haussa les épaules. Sa voix se fit plus sérieuse :

— Il sait que tu n’as pas non plus l’intention de revenir vivant ?

Le soupir que poussa Peon se refroidit dans l’air glacé de l’hiver.

— Ouais.

Son ami posa sa grosse main chaude sur son épaule et la tapota.

— Perds pas trop ton temps aux célébrations de ce soir et fais comme moi, alors.

 

Des rires fusaient. Celui de Peon se déclenchait pour tout et rien, encouragé par la forte dose de vin chaud aux épices qu’il avait consommée ce soir. Assis avec les quarante-neuf autres sélectionnés, les Fils et Filles de Waal comme ils s’appelleraient maintenant, il regardait tout autour de lui. Il aimait ces gens, mais il avait envie de les quitter. Il aimait cette ville, les vastes forêts, les montagnes gigantesques, il aimait cette vie qu’il avait vécu depuis maintenant seize ans, tout en ayant l’impression qu’on l’appelait ailleurs. Qu’il n’y avait pas vraiment sa place. Qu’il n’était qu’un spectateur de ce tableau dans lequel un peintre avait oublié de l’insérer.

C’était la joie. C’était la fête. Et Peon, dans l’expectative, regardait les siens rayonner de bonheur partagé. Les querelles de clan s’étaient tues, le temps d’une soirée. Le vin et le grand feu réchauffaient les cœurs, les lanternes accrochées sur les plus proches maisons et sur les nombreux poteaux de bois illuminaient les visages, les bons mets gonflaient les ventres.

Peon était attablé depuis maintenant deux bonnes heures et lançait de fréquentes œillades à la table où Olek s’était installé, quelques mètres plus loin, avec les autres jeunes de son quartier. Quelques fois, Olek lui en rendait et ils restaient quelques secondes à se regarder, avant que l’un d’eux ne se décide à briser le contact.

Alors que Peon cherchait de nouveau les yeux de son ami, Vidal lui donna une bourrade entre les omoplates.

— Je ne sais pas toi, mais moi, je vais aller profiter du temps qu’il me reste !

Vidal se leva du banc, pour aller se diriger d’un pas assuré vers la table que mirait Peon, qui le vit tendre une main vers Fyra, et l’autre vers leur ami Kalev. Le trio quitta l’assemblée, sous les regards gênés et les rires, mais Vidal ne semblait pas s’en soucier. Ce soir, comme tous les Fils et Filles de Waal, il pouvait se passer des conventions sociales pudiques que leur peuple cultivait depuis des générations. Enhardi par son exemple, Peon décolla enfin de son coin de banc Il dévora les quelques mètres le séparant de la table d’Olek et, quand il s’y présenta, les regards qu’il avait attiré l’empêchèrent de faire demi-tour. Sur le visage de son ami fleurit un beau sourire qui fit s’envoler l’appréhension de Peon. Olek se leva à son tour, et passa un bras autour de ses épaules alors qu’ils s’éloignaient.

 

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Edouard PArle
Posté le 11/11/2022
Coucou !
J'ai vu qu'il y avait pas mal de pdvs et je trouve ça super, j'aime beaucoup ce procédé ! Comme on pourra toujours se raccrocher au Choix, ça ne devrait pas être trop difficile de s'y retrouver.
Peon est un personnage intéressant (son prénom à de jolies sonorités) avec de multiples facettes. Quand il est avec Olek, en train de se battre ou avec le grand père il change du tout au tout et ce premier chapitre permet déjà d'avoir un aperçu de la personnalité complexe de ce personnage.
Mes remarques :
"voulait à tout avoir l’honneur" -> à tout prix
"Dîtes les gars, intervint Olek, vous" -> dites ?
Un plaisir,
A bientôt !
Tac
Posté le 11/11/2022
Yo !
Aaaah depuis le temps que cette histoire était dans ma PAL ! Je me souviens de m'etre dit 'je vais attendre qu'il y ait plus de chapitres" et ensuite y avait 30 chapitres supplémentaires le temps que je cligne des yeux :'D
Bref, je suis bien content d'y tremper les pieds. J'avais bien eu raison de me garder cette histoire sous le coude ! Je ne me souvenais plus du tout de l'histoire ni pourquoi je l'avais mise de côté, mais ça m'a l'air prometteur. Je suis curieux de voir comment tu vas réinventer le trope du tournoi.
J'aime bien le petit côté Avatar (le dernier maître de l'air, hein, pas l'autre), une part de moi est curieux de voir à quel point tu as su réinventer cette magie "élémentaire" et une autre part de moi a un peu envie de trouver quelque chose de proche par nostalgie de cet univers-là. Bref : jaime beaucoup ! Je suis curieux de découvrir les autres personnages, également. 4 points de vue, ça promet de belles choses chouettes, je trouve, en particulier dans l'agencement que tu nous as concocté !
Plein de bisous !
Isapass
Posté le 23/11/2020
J'avais lu ton premier chapitre il y a longtemps et ça m'avait beaucoup plu. Et là, du coup, je me demande ce qui a bien pu m'empêcher de continuer ! Une PàL trop pleine et quelques BL sans doute ! Heureusement les HO sont là et je répare cette grave erreur ;)
J'aime vraiment beaucoup ta plume : elle est riche, tonique et se met au service de l'intrigue (ce qui est un gage de qualité, à mon sens !).
J'aime bien le début sur le combat mais j'ai aussi bien aimé que ce ne soit pas trop long. Et je ne m'attendais pas à l'irruption du dieu en personne pour désigner le gagnant (soyons honnête, je m'attendais à une boucherie, ou plutôt à une grillade, mais c'est parce que je viens de lire 12 tomes de GoT). Ensuite, il y a moins d'action mais les trois scènes suivantes révèlent les failles de Péon et ses attentes tout en présentant le contexte. C'est habile, bien dosé et ça se lit tout seul.
J'aime bien le personnage de Vidal qui a l'air droit dans ses bottes. On a l'impression qu'il pourra être le "pilier" de Péon pendant le voyage à la capitale.
Comme tu le vois, je n'ai pas vraiment de remarques : c'est maîtrisé, c'est prenant et ça donne envie de continuer.
Ce que je vais faire de ce pas ;)
Codan
Posté le 28/11/2020
Bonjour Isapass !
Merci les HO pour t'avoir faite revenir ici alors :D
Merci beaucoup pour ton retour, il y a des choses que tu détectes bien, comme le futur rôle de Vidal auprès de Peon. Ta remarque sur ma plume me fait vraiment chaud au cœur, merci infiniment <3
Bonne lecture pour la suite :D
Elenna
Posté le 26/10/2020
J'ai adoré la façon dont tu as démarré le chapitre en nous plongeant immédiatement dans le feu de l'action. On comprend rapidement que ça a un lien avec le fameux Grand Choix et c'est super ! Le changement de narrateur n'est pas trop perturbant et ajoute une nouvelle voix au texte. je file lire la suite !
Codan
Posté le 27/10/2020
Ah super, merci pour tous ces points positifs que tu relèves :D Je vais garder ça comme ça !
Notsil
Posté le 09/06/2020
Ah, on prend le temps de plonger dans la rude vie du peuple de Peon ! Ils ont de sacrés caractères, tous ! Le papy plus que grincheux, le feu, les amis, les conseils... on en apprend beaucoup sans effort c'est top top !
J'ai relevé un petit souci éventuel sur ces 2 morceaux de phrases proches l'un de l'autre :
"et commença à dépecer le lapin des neiges qu’il avait attrapé. Peon eut envie d’hurler."

"son attention se reporta sur le lapin des neiges qu’il sortit de son sac."
-> si le papi commence à dépecer le lapin, je comprends que le lapin est sur la table et que pendant qu'ils papotent, papi commence à décaper la peau.
Du coup le sortir du sac ensuite, je me suis dit que c'était pas logique ^^ (ou c'est un 2ème lapin ? ^^).
Voilà ^^
Codan
Posté le 10/06/2020
Les Orgoïs ont vraiment des sales caractères oui xD Madder est le pire.
Aaaaaah punaise merci ! J'ai tendance à laisser passer plein de bêtises en relisant parce que mon œil est habitué, mais là... argh. En plus je me souviens que j'ai eu du mal sur ce passage pour ne pas faire de tell, et montrer des choses.... Bref xD Merci pour ton œil vigilant !
Jane_Version97
Posté le 20/03/2020
Un deuxième commentaire pour ce soir ;) Comme dans le premier chapitre, j'ai été frappée et agréablement surprise par la fluidité de ta plume. Tout s'enchaîne de façon souple et les ellipses tombent toujours au bon moment. Du côté de l'histoire, c'est les relations entre les personnages qui 'mont marqué, j'ai bien l'impression que ça deviendra pour moi l'un de tes points forts :)

Quelques remarques :
- "Piotr avait le même âge que lui et pourtant avait une musculature beaucoup plus développée" => cette phrase n'est pas fluide à la lecture
- "Il voulait à tout avoir l’honneur de porter les couleurs de Waal lors du Grand Choix." => il manque un mot
- "la rigueur avaient toujourS" & "peint" (sans S)
- comment madder peut dépecer le lapin s'il est toujours dans le sac ? ^^'
- "près des flammes. Près d'une des plus belles" => doublon de près
- il avait son arc avec lui en partant ?
- "cette vie qu'il avait vécuE"

C'est tout pour moi, je reviendrai pour la suite ;)
Codan
Posté le 26/03/2020
Rebonjour du coup toi :D

Merci pour ma plume <3 et pour les relations, je suis aussi super contente, parce que c'est quelque chose que j'adore travailler !

Merci pour tes retours sur mes fautes... Cela me sera grandement utile à la V2 (encore une fois, je t'assure que je l'ai relu plusieurs fois, qu'on m'a déjà fait remonter des fautes, etc etc >< aaaarg c'est pas possible !! )

A plus tard pour la suite alors !
Xendor
Posté le 19/03/2020
Salut !

Après plusieurs semaines d'écart, j'ai eu un peu de mal à me replonger dans la lecture de ce chapitre. Mais en fin de compte, en lisant j'ai pu me remémorer le reste dans les grandes lignes. Et je voudrais dire chapeau ! J'ai bien aimé Peon, et sa différence avec le reste de sa tribue. J'ai hâte de voir ce que ça va donner.

Là où je suis quand même surpris c'est la facilité avec laquelle il s'abandonne au contrôle d'une divinité supérieure. Cela donne à réfléchir. Toutefois j'ai été surpris que Vidal tienne ce discours. Venant d'une "brute", dans le sens où il est monté comme ses compatriotes, c'est étonnant de voir qu'il a conscience des choses. Mais c'est d'autant plus intéressant. J'espère que sa mort ne sera pas trop mélodramatique non plus ^^

J'aime bien cette idée de contrôle du feu. J'espère qu'on en saura plus ;)
Codan
Posté le 26/03/2020
Bonjour Xendor !

En effet, l'écart entre la lecture n'aide pas, surtout que mon univers est quand même complexe... je suis désolée, j'essaie de garder un rythme régulier pour poster maintenant (une fois toutes les deux semaines)

Ravie que Peon te plaise ! C'est en effet assez intéressant de le voir différent du reste de sa tribu sans avoir pour l'instant toutes les clefs pour comprendre ! Vidal est venu sur le moment, mais j'aime les personnages comme lui, on s'attend à ce qu'il soit typique et en fait non pas tant que ça. Il réussit à se détacher un peu de sa communauté.
S'il s'abandonne autant, c'est parce que c'est culturel : il ont un lien assez fort avec leur divinité, c'est un échange. La divinité protège la communauté et en échange, ils s'abandonnent à elle, ils se sacrifient.
Le contrôle du feu est essentiel d'ailleurs, puisque c'est Waal qui leur a donné ! Je reviendrais dessus de toute manière !

Merci de ton retour :D
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