2- Le voisin

Notes de l’auteur : Chapitre du jour, bonjour !
Je vois que ça prend bien sur Plume d'argent, plutôt que sur Wattpad. Je vais donc poursuivre la diffusion ici.
Il faut savoir que le texte est entièrement écrit, et que je recherche des avis pour savoir, si oui ou non, je me lancerai avec ce texte dans l'auto-éditions. Oui, c'est un teste.
Je vous remercie, pour ceux qui viennent lire, d'avoir fait un crocher ici.
C'est un projet assez flou pour le moment, mais qui verra le jour cette année. Je mets tout en œuvre pour cela.

Merci et plein de bisous !

 

— Qu’est-ce que je suis venu chercher, déjà ?

Demi-tour, je refais le même chemin, comme mamie m’avait appris des années plus tôt. Je regarde le plan de travail de la douche, avise mes habits sur la chaise, tends mes bras, pivote sur moi-même, repart dans la chambre.

— Ah ! Les chaussettes pour demain.

Je me dirige vers le tiroir et choisis les jaunes.

— La couleur du soleil et des cheveux de maman.

… Quand elle était plus jeune.

Je vérifie, pour la dixième fois que j’ai tout pour demain, et me détends.

 

La nuit n’est pas trop fraîche. J’ai encore envie d’en profiter. Le noir me va mieux que la clarté du jour. Sur mon balcon, éclairé par la lampe de bureau, personne ne me regarde. Je suis seul face à ce jardin que j’ai connu, il y a très longtemps. Le mimosa a grandi, comme moi. Je ne peux plus comparer notre taille. Il est trop grand.

 

Assis sur la chaise, je reprends ma lecture. Je pourrais lire ce livre les yeux fermés. Il est vrai que j’en oublie parfois des aspects, mais jamais très longtemps.

Ça me revient en mémoire à mesure que je tourne les pages. Les mots qui se suivent m’y poussent. Ils murmurent : Prouve-le Gauthier ! Prouve que tu en es capable.

La mémoire.  Parfois, elle me laisse hésitant, paniqué. Je n’aime pas quand j’oublie ou quand je ne sais plus faire une tâche du quotidien. Ça me trouble, ça m’énerve et j’ai envie de tout casser. Je me sens stupide et perdu, en prise avec les angoisses qui jalonnent ma vie.

Quand je lis tout revient en ordre, comme par magie. Le calme. Il faut que je règle mon souffle aussi. Les livres m’apportent plus tellement plus. Je crois qu’ils m’aiment bien. Moi, aussi, je les apprécie.

Aujourd’hui à trente-trois ans, avec tous les efforts que j’ai faits, tous ceux de papa et de maman, ai-je encore à prouver quoi que ce soit, à moi ou à quiconque ? Certes, je ne suis pas comme tout le monde. Mais qui l’est, au fond ? Je ne corresponds, juste, pas à la norme. En attendant, je peux faire tout ce que mes pairs font. C’est parfois plus laborieux dû à mon anxiété. Il faut que je cesse de me sous-estimer, aussi. J’ai eu une excellente éducation, j’ai fait des études, j’ai trouvé un emploi, j’ai des amis que je pourrais qualifier de « différents » de moi, mais tendres et ouverts. Je n’ai plus de problèmes pour communiquer avec autrui depuis la cinquième au collège. Ma diction est bonne, bien que je n’aime pas trop parler. Il y a une certaine lenteur au fond de ma voix qui me déplait, un zozotement qui ne me quitte pas. J’ai toujours la sensation d’avoir une mini patate chaude dans la bouche, aussi.

Pour tout dire, mon visage me gêne suffisamment pour ne pas en rajouter. Ce visage de lapin atrophié. Ce visage d’extraterrestre. Je ressemble à Abraham dans Hellboy. Enfin, si je me fie à toutes les personnes qui m’ont insulté dans la cour de récré.

Qu’avait dit mon père avant que je prenne mon appartement, déjà ? « Quand on sait réfléchir, donner son avis, on peut tout conquérir. Tout le monde a appris un jour, tu apprendras toi aussi. Le seul qui te met des barrières, c’est toi, fils. ». J’étais si lent, terrorisé par le regard des autres au point de craindre chaque changement. J’avais une peur panique de grandir.

 

Je pose mes yeux sur les lignes de mon texte, ne résiste pas à l’envie de me défier en fermant les yeux et en devinant la phrase suivante. Voyons si ma mémoire est bonne.

— « Pour viser la perfection un être humain devrait toujours garder un esprit calme et serein »*.

La perfection ? Quelle est-elle ?

Finalement, je pose le livre. Celui que mon père m’a offert lors de mon entrée en sixième. Il m’avait lancé un défi, chose que j’aimais presque plus que les câlins, les friandises et les promenades à cheval. Si je le lisais en moins d’un mois et que j’en comprenais quelques ficelles alors je pouvais choisir la destination des vacances d’été. La Polynésie. J’en rêvais depuis que j’avais vu un reportage à la télévision. Très bon choix, belles couleurs vives. La mer, le ciel, les filles à la peau caramel. C’était un bel été accompagné de mon père et de ma mère, puis de cette végétation ruisselante de beauté. Un été où j’avais flirté avec les promenades vertes et où j’avais regardé les filles se promener en maillot de bain. Les paréos dansaient et le parfum de la mer m’emportait plus loin encore.

Ah ! Les filles ? Une terrible histoire entre nous.

Les filles que j’apprécie ne tolèrent que mon amitié. C’est comme si une fée maudite s’était penchée sur mon berceau et m’avait lancé un sort pour s’amuser. « Jamais tu ne seras aimé, toujours tu paraîtras laid. À tes yeux… et à ceux des autres. ».  Est-ce qu’une personne comme moi restera seul pour toujours ? N’aurais-je pas le droit de goûter à la vie de couple ? Au fond, j’aimerais effacer celui que je suis pour en devenir un autre. Redessiner mes courbes, mon faciès. Juste revoir l’entièreté de mon visage. Mais ça, c’était déjà fait. Les opérations réparatrices s’étaient enchaînées, rectifiant mes yeux tombants, les commissures de mes lèvres fendues, ajoutant des paupières, retravaillant la forme de mon nez, l’épaisseur de mes joues.

 

Même avec tout ça, je ne suis pas parvenu à m’aimer, à me donner une chance de vivre en pleine lumière, plutôt que tapis dans l’ombre. Ce qui me fait lever le menton, ce sont les taches de rousseur qui dissimulent au mieux ma singularité et les fines cicatrices qui parcourent encore mon visage.

Sur le balcon, je reporte mon regard sur une tache noire d'une branche haute du mimosa. Je visse mes lunettes à mes yeux. Un oiseau. Un merle… À cette heure-ci ? Sont-ils nocturnes ? J’ai un doute.

 

J’attrape mon assiette, visualise mes mains aussi décharnées que les branches d’un arbre en hiver, agrippe la fourchette et termine mon morceau de tarte. Citron meringué, ma préférée. Terminée, je me lève et m’avance jusqu’à la rambarde en fer forgé. Je me penche légèrement et hèle le volatile.

— Salut l’oiseau, ça te dirait que l’on papote, toi et moi ?

J’ai envie de parler à une autre personne qu’à ma mère. Me laisser aller. Dire ce que je garde en moi, ce que je ne peux partager avec les autres. Si je discute avec ce merle, je suis certain qu’il gardera le moindre de mes secrets.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le volatile déploie ses ailes et se poste sur le muret en pierre, sur le côté, à quelques enjambées de ma position. M’a-t-il compris ? Pourquoi ne le pourrait-il pas ?

— Devenons amis ! lui suggéré-je, aussitôt. 

Il saute sur lui-même, comme un accord. Je reprends ma place sur la chaise. Quel sujet aborder ? Celui de la nature endormie ? Ou celui qui fait de mon cœur une orange pressée lorsque je me regarde dans la glace ? Peut-être, ma dernière lecture ?

J’ai mille histoires à lui raconter. Est-ce qu’un soir suffira ? Reviendra-t-il, demain et les autres soirs ?

Je ne sais pas pourquoi, mais cet oiseau a toute ma sympathie. J’ai remarqué, depuis petit, que les oiseaux aimaient bien jouer avec moi. Les chiens, eux aussi. À une époque mon grand-oncle, Pierre, disait que les animaux étaient attirés par les êtres au cœur noble et aimant.

— Tu en fais partie, mon garçon, clamait-il à chaque fois que Luxferre, le chat de mamie se tenait en boule contre moi.

Personne ne pouvait l’approcher à part moi. Même chose pour le poney, dans le centre équestre à côté de leur mas. Chocapique, il s’appelait. Le gérant du centre, nous avait expliqué son histoire et les mauvais traitements. Le cheval était très craintif, mais pas avec moi. Ça étonnait tout le monde.

Ma grande cousine pensait que j’avais des pouvoirs magiques, comme un vrai sorcier. J’y ai cru longtemps, puis j’ai compris que Luxferre et Chocapique avaient senti que je ne leur ferai jamais de mal.

_____

* extrait de l’œuvre de Mary Shelley 

 

 

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Cora Elzéar
Posté le 05/04/2022
Salut Lysias,

L’entrée en scène de ce nouveau protagoniste est maitrisée et réussi. On sent ses difficultés, nous avons les grandes lignes des raisons de son mal être. Pour moi, c’est bien dosé. Je ne suis pas du genre à aimer les révélations d’un coup, petit à petit, c’est plus agréable. Bien entendu cet avis n’engage que moi.
Je m’en vais découvrir le premier échange entre ces deux personnages !
NM Lysias
Posté le 06/04/2022
Il est vrai que j'ai posé les grandes lignes directements. Je ne sais pas faire de suspense. C'est Horrible. XD
En tout cas, merci d'être revenu. C'est appréciable.
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