J’ai tout le loisir de me triturer les méninges, je n’habite pas la porte à côté. Nous sommes quelques cauchemars à vivre dans un domaine à l’extérieur de la grande ville, isolé de tout, même des villages environnants. Je marche à pas tranquilles. Contrairement aux humains, je ne risque rien dehors à cette heure et, malgré ma petitesse, mon pouvoir de persuasion me suffit pour éloigner les importuns.
Je repense à ce qui s’est passé avec le jeune homme, à ses sentiments… Je suis si rassasiée que je pourrais tenir plusieurs semaines sans manger. Enfin… si je ne devais pas partager cette énergie avec les autres. Je ne savais pas la chose possible. Alors, j’en conclus que le véritable amour est si rare que je n’ai pu le rencontrer qu’une fois en plus de 122 ans d’existence. Et toutes mes précédentes proies, ce n’était que de la poudre aux yeux ? Ou pensaient-ils réellement aimer ? Comment peut-on se tromper dans ses propres sentiments ?
Les émotions humaines sont si complexes, mais sont aussi un pouvoir que beaucoup de créatures éthérées envient. Avec elles, nous pourrions accomplir de grandes choses. C’est aussi pour cela que nous ne les comprenons pas toujours. Après tout, il est normal qu’un équilibre demeure entre les espèces, sinon le chaos avalerait le monde en une bouchée.
Je continue ma marche, perdue dans mes réflexions, une main posée dans le creux de mon coude et l’autre sous mon menton. Une habitude lorsque je réfléchis. Techniquement, je pourrais me déplacer sur des kilomètres en un claquement de doigts, mais j’aime profiter quelques instants de la vue sur les rues désertes, la lune, la lumière des réverbères, la quiétude des bois lorsque je quitte Présire.
Mais, je ne compte pas marcher des heures et préfère me dévêtir de mon corps charnel, à l’abri de probables regards curieux, derrière les remparts des arbres. Autant restée prudente, la vie à Présire ne s’arrête jamais réellement. Ça grouille toujours quelque part. J’exhale mon éther telle une brume veloutée aux teintes des mûres fraîches. Elle tourbillonne autour de moi, dissipe mon simulacre de corps. Je ne suis plus qu’un nuage éthéré, invisible aux yeux de tous. À partir de là, il est facile pour moi de rejoindre ma demeure. Notre autel agit comme un aimant et m’attire à lui, je n’ai qu’à me laisser emporter. Je vole à une vitesse fulgurante, traverse tous les obstacles, les murs des maisons, le mobilier et parfois même les gens. Ce qui leur cause, à mon grand regret, de terribles cauchemars. C’est aussi pour cela que l’on nous nomme ainsi.
En quelques minutes à peine, je me retrouve devant notre miroir sacral, aussi immense que les portes du manoir. C’est une antiquité, un artefact si ancien que Lilith elle-même ne pourrait le dater. Je reprends forme humaine, de la même manière que dans les bois, sauf que mon éther fait le chemin inverse pour finir sa course entre mes lèvres.
J'ai trouvé ce passage très intéressant, un peu comme un dézoom ( je ne sais pas comment l'écrire haha ) et une critique sur les humains que j'ai trouvé très intéressante. On sent bien que le personnage est perdu dans ses pensées, dans ce qu'il vient de dire et les termes, mots, sont très bien employés.
Cependant, je n'ai pas compris une phrase ( si tu pouvais me l'expliquer ) :
"Nous sommes quelques cauchemars à vivre dans un domaine à l’extérieur de la grande ville, isolé de tout, même des villages environnants."
J'ai grandement apprécié ce chapitre, hâte de voir la suite !