19.Frères d'armes

Par Eurys
Notes de l’auteur : Roulement de tambour* Certains s'en sont peu être doutés, d'autres ne l'avaient pas vue venir, une révélation arrive dans ce chapitre ! Si vous avez des suppositions c'est le moment de vous lâchez avant d'arriver a la fin

Bonne lecture !

Ses cheveux fendaient l'air à toute allure. Les mains fermement serrées sur les brides, Armand laissa le vent lui fouetter le visage, heureux de la perspective de leur nouvelle route. Contrairement à ce qu'il aurait cru, ce n'était pas de l'angoisse qui l'étreignait, juste une impression de liberté infinie. Un voyage de presque quatre jours d'allers et autant de retours n'était pas ce qu'on qualifierait de vacances, mais pour celui qui s'était senti prisonnier des murs de Paris, ce voyage, jusqu'à ses terres, était une fenêtre qu'on ouvrait. L'angoisse reviendrait bien assez vite de toute façon, il savait que son calme ne durerait pas, alors il valait mieux en profiter.

Cela faisait plusieurs heures qu'ils étaient sur les routes. Un arrêt sommaire pour manger et ils étaient repartis, lancés au galop à travers la France.

—Il y'en a un parmi nous que ce voyage semble enchanter, déclara Athos en lançant un regard rieur à Armand.

—Vous n'imaginez même pas ! Après tout ce temps à Paris, je finissais par voir cette ville comme une prison. Cela fait du bien de s'en éloigner !

—Si je ne me trompe pas, vous avez dit venir d'Artois ?

Armand considéra la question une fraction de seconde et décida d'opter pour la vérité.

—Oui, c'est ma chère région. Je suis également heureux d'y retourner.

La voix d'Armand sonna plus doucement, comme s'il parlait d'un vieux souvenir heureux.

Quelques heures plus tard l'astre rougeoyant était au déclin et c'est le corps rompu et le vendre vide qu'ils firent halte à une auberge pour y passer la nuit.

Passant les chevaux au garçon qui se présenta, ils pénétrèrent la bâtisse, tous couverts de capes et chapeaux. Sans se faire prier, Athos les dirigea vers la première table libre où ils prirent tous place dans un concert de soupirs. Armand ne put s'empêcher de grimacer de douleur, s'attirant un rire bas de Porthos.

—Les fesses ? Demanda-t-il.

—Je ne sens plus mon postérieur, se plaignit le jeune homme.

—Bienvenu parmi nous !

Armand ne put s'empêcher de rire, faussement accablé du peu de compassion de son compagnon.

Le diner passa sans renfort de rire et de discussions, les quatre hommes étaient tous bien trop fatigués et ne pensaient qu'à regagner leur chambre une fois le repas englouti. Même Athos ne fit pas honneur au vin. Armand ne sut si c'était à cause de la fatigue ou de leur mission.

—Bon, qui va avec qui ? interrogea Athos en revenant du comptoir, deux clés à la main.

—De quoi ?

Armand ne comprit pas le sens de sa question.

—Pour les chambres. C'est deux par deux.

Armand ne réagit pas. Il ouvrit la bouche, sans doute pour formuler une quelconque question mais la referma aussitôt.

Il n'avait aucunement prévu cette possibilité. Et il était dans de beaux draps.

—Allez, je m'en vais avec Armand cette fois. Entre hommes de goûts on devrait bien s'entendre, proclama Aramis. — Cela vous va ?

Le jeune homme resta hébété une seconde. Son regard passage vite de Porthos, complètement neutre, au visage d'Aramis qui attendait manifestement une réponse.

—Cela me va.

S'il devait partager la chambre d'un des deux hommes, il préférait choisir celui pour lequel son cœur ne fondait pas. Mal à l'aise, Armand évita contentieusement de regarder le métis, fuyant toute confrontation. Lui avait sans doute espéré le contraire.

Athos haussa un sourcil. Son regard passa de lui à Porthos et il finit par tendre une clé à Aramis.

—Bien, je vais chercher mes affaires et aller me coucher, déclara Armand. —Bonne nuit à vous.

Il se dirigea vers l'écurie récupérer sa sacoche toujours accrochée à sa monture. Il venait de la détacher quand la porte de la grange s'ouvrît dans un long grincement.

La besace plein les mains il vit Porthos se diriger vers lui, lui faire lâcher son paquet et l'acculer doucement contre le mur de bois. Les lèvres brunes se posèrent sur les siennes, possessives, revendiquant sa bouche. Armand se laissa faire, heureux pour une fois de laisser son compagnon mener la danse. La grande main du mousquetaire se fit baladeuse. Elle se glissa sur sa hanche, continua son chemin et atterrit sur une fesse ronde qu'elle prit soit de flatter. Armand gémit sous la caresse inattendue et rejeta la tête en arrière, laissant à son ami tout le loisir de parsemer la gorge offerte de tendres baisers. Mais aussi vite que le désir de Porthos s'était imposé à lui qu'il commença à refluer. La main qui palpait sa fesse reprit sa place contre le mur et après un dernier baiser Porthos plongea ses yeux dans le regard vert de celui qu'il venait d'embrasser.

Dans la grange ne restait plus que deux personnes au regard brillant, le corps tendue d'une passion entretenue et inassouvie.

—Tu préfères partager ta chambre avec Aramis, lâcha Porthos du bout des lèvres.

Armand baissa le regard, prit au piège entre le corps du géant et le mur. C'était donc pour cela.

—Je crois que c'est mieux ainsi.

—Que veux-tu exactement ?

La voix de Porthos était vide d'irritation ou de colère. Elle était douce et empreinte d'une véritable attention. Ce n'était pas une critique mais une demande. Le cœur d'Armand se serra à la gentillesse évidente et naturelle du métis. Peu importe la réalité de ses sentiments il avait l'impression de se jouer de lui, et au final, c'était bien ce qu'il faisait.

—Juste... du temps. Je crois qu'on en a besoin, toi comme moi, je me trompe ?

Un silence gêné lui répondit, puis après quelques instants il sentit Porthos hocher la tête, acquiesçant à ce qu'il venait de dire.

Armand se sentait mal d'utiliser cette excuse. C'était forcer Porthos à réfléchir au fait qu'il était un homme. Il se dégoûta de jouer de son mensonge, mais il ne pouvait plus reculer après l'avoir dit, il s'enlisait dans ses mensonges jour après jour.

—La seule chose qui me rassure un peu dans tout cela, lança Porthos, c'est que le décolleté de la serveuse m'a donné envie d'y plonger la main.

—Hey !

L'exclamation sortie seule, sans qu'Armand n'ait pu la retenir.

—Cela te dérangerait, que je pense à cela ? Demanda Porthos sérieux.

Armand se tut. Il ne savait ce qu'il devait répondre, entre une vérité et un mensonge édulcoré. Mais si cette mission lui permettait réellement d'en finir avec sa vengeance, il pourrait peut-être enfin se livrer entièrement au métis.

—Tu es libre de faire et penser à ce que tu veux. Mais oui, je serais jaloux.

Pothos ancra son regard au sien sans sourciller. C'est qu'il était beau, le regard perçant et la mine sérieuse.

—Et si je te disais que je préfèrerais passer mes mains sous ta chemise ?

Armand avala de travers sa bouffée d'air tant la phrase le prit au dépourvu.

—Je dirais que j'ai bien fait d'aller avec Aramis !

Porthos sourit et s'écarta, ramassant le sac à terre pour le tendre à Armand.

—Bonne nuit, murmura le mulâtre.

—Bonne nuit.

Armand repassa par la salle, peu après suivi de Porthos et prit la clé des mains de son compagnon de chambrée pour disparaître en haut de l'escalier après un dernier salut.

La porte refermée, Armand ne sut quoi faire. Aramis pouvait débarquer d'une minute à l'autre, et le moindre faux pas lui serait fatal.

Dans le noir, seule la chandelle procurait un peu de lumière, halo orangé qui projetait sur les murs des lignes déformés.

C'est résigné qu'il se contenta d'ablutions sommaires, se frottant les bras, le cou et le visage d'un chiffon imbibé d'alcool. Ce décrassage lui procura au moins un semblant de propreté, assez pour lui permettre de se coucher sans avoir l'impression d'être tout collant.

Sa seule gêne était de garder ce fichu bandage autour de sa poitrine. Il n'avait dormi qu'une seule fois avec, le soir où il avait été beaucoup trop saoul pour se rappeler qu'embrasser Porthos était une mauvaise idée. C'est fatigué et le torse toujours bandé qu'il s'assit dans le lit, le dos reposant contre le mur de bois. Un bâillement lui échappa en même temps que la porte s'ouvrait sur Aramis.

Armand se figea aussitôt, incertain de la conduite à suivre.

Comment se comportaient deux hommes entre eux ? Peut-être comme lui-même avec ses amies ? Sûrement ?

Il décida tout de même d'être le plus discret possible, scellant ses lèvres. De toute façon, il n'était pas connu pour être un grand bavard. Aramis referma la porte et après lui avoir jeté un coup d'œil s'adossa dessus en soufflant. Il passa une main dans sa chevelure, mécaniquement, puis finit par relever les yeux pour les planter dans ceux verts de son colocataire.

—Ecoutez Armand, à mes yeux vous êtes mon compagnon d'arme et mon ami et je vous estime pour cela. Je ne souhaite pas vous confronter ou demander des réponses à des choses qui ne me concernent pas. Dites-vous juste que je resterais muet, quoi que je vois.

Un frisson glacé parcourra le jeune homme de la tête aux pieds. Son cœur qui s'était arrêté durant la tirade s'était remis à battre frénétiquement, résonant comme tambour à ses oreilles. Il força sa respiration à se calmer et tenta vainement de ne laisser aucune trace de son trouble paraitre.

—Je ne suis pas sûr de vous comprendre, Aramis.

Armand jura en entendant sa propre voix qui vacillait. Sang dieu était-il si transparent ?

Aramis se gratta le nez et se rapprocha de l'autre côté du lit.

—Disons que j'ai remarqué votre... manque de virilité.

Là, c'en était fini.

Armand ferma douloureusement les yeux, tentant encore par tous les moyens de refouler son désarroi.

—Je vous l'ai dit, je serais muet, répéta Aramis.

Le jeune homme lança un regard troublé au mousquetaire, entre ahurissement et reconnaissance. Ce n'était pas une bonne chose qu'Aramis sache mais au moins il n'allait pas le découvrir et c'était le mieux qu'il pouvait espérer dans une pareille situation.

—Comment l'avez-vous su ? Demanda finalement Armand après un moment de silence. Il n'y avait plus rien à nier, et sûrement pas prendre Aramis pour un simplet.

—Des détails, beaucoup de détails. De la dentelle qui s'échappait de votre malle lors du déménagement à la jeune femme croisée dans l'église.

Armand sentit ses joues s'échauffer en se rappelant le moment cité. Un dimanche où il avait décidé de sortir, et surtout une robe d'un rose poudré pour laquelle il avait craqué. L'homme l'avait reconnu, ou en tout cas avait eu un doute. Il ne savait pas pourquoi mais la simple idée qu'Aramis l'ait vu ainsi paré le mettait mal à l'aise.

—Vous m'avez reconnu.

—Pas immédiatement. Mais le lendemain à la caserne ce fut clair.

—Pourquoi ne rien avoir dit ?

Le mousquetaire s'assis sur le lit en soupirant.

—Car nous avons tous des secrets. Vous ou moi. Tant que vous faisiez votre travail et que le capitaine savait, je n'avais rien à redire. C'est également pour cela que j'ai préféré vous confier à Constance, lorsque vous avez été blessé, au lieu de me charger des premiers soins comme à mon habitude. Elle le savait, n'est-ce pas ?

—Oui.

Armand ne sut que répondre d'autre, étonné de la perspicacité du mousquetaire.

—Donc, voilà. C'est pour cela que j'ai proposé de partager votre chambre. Prenez vos aises, la porte est verrouillée et le restera si vous le désirez. Et en ce qui me concerne, bien que je sois un homme j'ai également un code d'honneur !

—Merci, répondit le jeune homme après un court silence, ému de l'attention d'Aramis.

Le mousquetaire se leva, défaisant uniquement sa veste et ses bottes. Il procéda au même nettoyage, dos au lit. Armand de son côté hésita un moment sur la conduite à tenir. Il pouvait suivre les conseils d'Aramis, ou tenter de tenir encore et toujours son rôle. Il décida finalement de se mettre à l'aise et, glissant ses mains sous sa chemise, défit le nœud des bandes, libérant sa poitrine pour la nuit. Il rangea ses bandages à son côté et prit la brosse à cheveux qu'il avait emporté de Paris.

Bien qu'Aramis l'ait vu faire, il ne dit rien. C'est après qu'ils aient tous deux rangé leurs affaires qu'il parla.

—Je dormirais sur le plancher, vous ...

—Non, le coupa Armand. Je ne l'accepterais pas. Soit vous venez dans ce lit soit je prends le plancher.

Le mousquetaire obéit et se glissa sous les draps, restant le plus au bord possible, bientôt imité par un Armand qui décida de lui tourner le dos.

—Je pense qu'il s'agit de ma première nuit en compagnie d'une femme sans... quelques bons moment avec.

—Habituez-vous. Vous serez mon compagnon de chambrée pour tout ce voyage. 

 

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