18. Noir

Par Hinata
Notes de l’auteur : Désolée pour le retard, je n’ai pas fini d’écrire le chapitre à temps hier soir, alors tant qu’à faire, je me suis dit que je prendrais le temps de le terminer tranquillement ce matin ^^ Si tout va bien, vous aurez donc droit à deux publications aujourd’hui ;) Bonne lecture !

Ma chère cousine,

Tu ne vas pas croire ce que j’ai à te raconter de la soirée de Nouvel An que l’on a passé cette année sur l’île. Je ne me serais jamais douté qu’il pût arriver de tels évènements au cours d’un seul jour sans ton don pour les provoquer.

Tout a commencé en début de soirée, quand la maison s’est soudain retrouvée plongée dans le noir. Je me trouvais dans la cuisine, en train de préparer un savoureux dîner de fêtes pour les parents de Léon et moi-même, quand c’est arrivé. J’ai tâtonné jusqu’à la porte d’entrée avec l’idée d’aller prévenir mes invités de cette fâcheuse panne d’électricité. En sortant sur le porche, j’ai tout de suite entendu des pas hâtifs se rapprocher dans un crissement de graviers. Enveloppés dans leurs manteaux, Manuela et Leslie marchaient déjà lampe en main dans ma direction. Ils m’ont appris que la même chose était arrivée à leur maison. Nous n’avons pas perdu de temps pour aller nous poster sur la butte de la colline. Là il a bien fallu constater que le bourg, illuminé de décorations quelques heures plus tôt, avait tout à fait disparu dans la nuit.

Après quelques hésitations, nous avons entrepris de descendre voir en bas ce qu’il se passait. Je crois bien que c’était la première fois que je circulais ainsi dehors un soir d’hiver. Les branches s’agitaient dans le vent de façon un peu effrayante, et leur mouvement faisait danser une foule d’ombres sur le sentier. De notre trio, c’était bien sûr Leslie le plus détendu. Une main enroulée autour de celle de Manuela, il nous guidait d’un pas confiant sur cette route qu’il lui était la même de jour comme de nuit. Ce fut tout de même un soulagement d’arriver enfin dans la rue dégagée du bourg. Malgré l’absence de lumières autres que la flamme timide de quelques chandelles derrière les carreaux, il régnait dans les maisons une certaine agitation. Aucune ne pouvait toutefois rivaliser avec celle que l’on découvrit bientôt chez Madame Kathryn. Depuis l’autre bout de la place, on entendait un joyeux fracas de conversations en provenance du bistrot. Les occupants y avaient déjà éclairé plusieurs lampes à huile pour compenser l’absence d’électricité, de sorte que la vitrine rayonnait. Les trois petits insectes frigorifiés que nous étions se sont bien évidemment rapprochés jusqu’à franchir le seuil de l’établissement.

La petite foule de personnes rassemblées à l’intérieur m’a fait regretter le calme de ma cuisine. D’un autre côté, la chaleur qui régnait là était si agréable après notre marche dans le froid que je n’ai pu retenir un soupire d’aise.  Pendant que Manuela trouvait à elle et son mari un endroit où s’asseoir, j’ai tendu le cou en quête d’informations sur la situation. Madame Kathryn était trop occupée à discuter avec un groupe de personnes pour remarquer notre arrivée. J’ai aperçu les musiciens du bistrot assis dans un coin, leurs instruments posés sur les genoux. La soirée avait déjà dû commencer avant la panne d’électricité qui avait tout interrompu.

Alors que j’essayais d’attraper un fil dans la pelote des conversations qui bourdonnaient confusément autour de moi, le carillon de la porte a tinté dans mon dos. J’ai tout de suite reconnu Monsieur Henri. Contrairement à nous, il reçut tout de suite un accueil en fanfare. Bientôt tout le monde avait tourné la tête vers lui et attendait qu’il parle. Monsieur Henri a alors annoncé d’une voix rassurante que l’électricien était au travail dans son atelier pour rétablir le courant dès ce soir. Heureusement, les dommages n’étaient pas trop sérieux. Cela dit, les réparations pourraient tout de même prendre un certain temps, sûrement plusieurs heures. Le soulagement qui avait traversé l’assemblée une minute plus tôt s’est teinté d’une certaine déception.

C’est alors qu’une jeune fille s’est mise debout sur une table et s’est écrié qu’il n’y avait pas besoin d’attendre pour faire la fête. Après l’avoir fait descendre, Madame Kathryn a abondé dans le même sens. Elle a demandé à tous ceux qui voudraient rester dans son établissement de s’asseoir au lieu de rester plantés debout. Puis la patronne a interpelé le groupe de musiciens pour qu’ils se remettent à jouer. Quelques minutes plus tard, j’étais attablé entre Manuela et le boulanger, un verre cidre entre les mains, et nous regardions la farandole de danseurs qui sautillaient sur la musique d’un petit orchestre.

Si cela n’avait tenu qu’à moi, je serais remonté tout de suite à la maison pour aller déguster notre dîner à la lueur de quelques chandelles. Mais Leslie avait insisté pour que nous restions un peu plus longtemps. Tu sais comme il adore entendre la gavotte à l’accordéon. Je ne dirais pas que le moment n’était pas agréable, au contraire. La lumière diffuse des lampes donnait à l’ensemble une ambiance plus chaleureuse encore que d’ordinaire. Beaucoup de monde m’a salué très aimablement, mais sans jamais s’attarder. La plus longue conversation que j’ai eu fut lorsque Gilles est venu me proposer de monter à l’étage jouer aux cartes avec lui et son frère. J’ai refusé poliment, ne voulant pas manquer le moment où les parents de Léon décideraient de repartir. Quand la faim a commencé à me tenailler, je me suis rabattu sur la bouteille de cidre posée sur notre table. L’alcool m’a rendu un peu somnolent, atténuant de façon agréable mon environnement sonore. J’ai été sorti de ma torpeur par le retour éblouissant du courant. Leslie et Manuela ont pris cela comme un signal pour remonter à la maison. Je me suis levé aussi et je t’avoue que le plancher m’a donné l’impression de tanguer légèrement sous mes pieds.

Alors que nous allions franchir la porte, des voix se sont soudain élevées dans la salle. Les musiciens se sont arrêtés de jouer et les gens ont arrêté de danser. Nous avons pu voir ce qu’il se passait : une jeune femme appuyée sur une table s’écriait qu’elle était sur le point d’accoucher. Je l’ai rapidement reconnue : c’était Philomène, la factrice que nous connaissons bien, toi et moi, n’est-ce pas ? J’avais appris qu’elle était enceinte mais je ne m’attendais pas à ce que sa grossesse touche déjà à son terme. Sans céder au semblant de panique qui avait saisi la plupart des gens, Madame Kathryn a désigné quelqu’un pour aller prévenir le médecin. Monsieur Henri et son cousin Éric se chargeaient déjà de supporter la jeune femme pour la raccompagner chez elle. J’ai alors entendu que Philomène demandait où était son mari. Or je le savais bien. Car au cas où tu n’aurais pas bien suivi les affaires matrimoniales de l’île depuis ton départ, laisse-moi te rappeler que l’homme que notre factrice a épousé n’est ni plus ni moins que le frère de Gilles.

Je suis monté à l’étage aussi rapidement que me le permettaient mon pied et ma légère ébriété. Un groupe d’amis y jouait aux cartes dans une bonne humeur assourdissante, et parmi eux se trouvait bien le mari de Philomène. Je l’ai mis au courant de la situation et il s’est immédiatement dressé sur ses pieds. Avant cependant de disparaître dans les escaliers, il a posé une main sur mon épaule et m’a demandé avec sérieux si je pouvais m’occuper de son frère pour le reste de la nuit. « Tu es quelqu’un de bien, m’a-t-il dit, j’ai confiance en toi pour prendre soin de lui. » Sans trop comprendre, j’ai hoché la tête et il a couru rejoindre sa femme et leur bébé à naître. Je me suis tourné pour chercher Gilles du regard et la demande de son frère a pris tout son sens : il était avachi sur la table et marmonnait pour lui-même une chanson à boire. Si je ne le connaissais pas, si je ne venais pas de faire une promesse à son frère et si je n’avais pas moi-même été un peu ivre, je l’aurais sûrement laissé là aux soins de ses amis. Au lieu de cela, je suis allé me pencher près de lui pour lui proposer de venir diner à la maison avec les parents de Léon et moi. Son regard s’est éclairé et il s’est redressé pour descendre avec moi.

En même temps de nous dégriser un peu, l’air du soir a rendu Gilles très bavard : il a gaiment raconté à Leslie et Manuela, qui n’avaient rien demandé, l’histoire de cette embuscade amoureuse que vous m’aviez tendue tous les deux dans les vignes il y a plus de dix ans. C’est idiot, mais même après tout ce temps, le souvenir m’est encore un peu douloureux. Il n’empêche que j’ai beaucoup ri, parce que Gilles est doté du talent de rendre n’importe quelle histoire hilarante. Je suis heureux que nous soyons finalement devenus amis.

Nous étions tous un peu fatigués en arrivant à la maison, mais le trajet ne nous avait rien ôté du sentiment d’euphorie volé au bistrot. Notre repas du Nouvel An a été parfait : nous avions tous beaucoup d’appétit, et j’avais heureusement préparé bien assez de nourriture pour une personne supplémentaire. Nous avons passé une excellente soirée, puis les parents de Léon sont rentrés dormir chez eux. Gilles est resté et sa compagnie a été très agréable. Aucun autre évènement incroyable ne s’est produit, hormis peut-être le fait que pour la première fois depuis toi et Oncle Jasmin, quelqu’un s’est endormi sur mon lit. Comme je sais que ton cerveau de moineau ne pourra pas s’empêcher de faire des suppositions, je préfère clarifier tout de suite : non, Hermine, rien ne s’est produit de plus qu’entre deux amis. Gilles et moi en avons discuté à plusieurs reprises ces dernières années, tu sais. Même si je l’apprécie beaucoup, certaines choses ne changeront pas.

Voilà, mon récit touche à sa fin, j’espère qu’il aura un peu comblé la béance de ton absence. Je peux encore ajouter ceci : nous avons appris le lendemain que le bébé de Philomène était né sans problème. Je ne sais pas si les parents ont choisi son prénom en fonction de sa date de naissance, en tout cas la petite s’appelle Prime. Le premier jour de l’année a ainsi été aussi réjouissant que le dernier, quoiqu’un peu plus calme.

Avant de conclure, je te remercie infiniment pour le cadeau de Solstice que tu m’as envoyé. Ce papier à lettres est si beau que j’ai même hésité à le salir de mon écriture. Bien sûr tu es la première personne à le recevoir, j’espère que cela t’émeut. J’ai hâte que tu me raconte vos fêtes de fin d’année. En réalité je suis surpris de n’avoir pas encore reçu de courrier de ta part. Je suppose qu’avec votre départ imminent, tu n’as pas le temps de m’écrire autant que tu voudrais. Tu as de la chance que je sois très doué pour patienter.

Je t’embrasse et te souhaite une belle année pleine de découvertes,

Ton cousin,

Basile

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_HP_
Posté le 19/11/2020
Heyy !

"qu’il pût arriver de tels évènements au cours d’un seul jour sans ton don pour les provoquer" J'adore 🤣🤣
Philomène xDDD Je ne m'attendais pas du tout à la revoir 😅🤣
Ohh, c'est trop cool qu'il ait revu Gilles !!
J'adore cette lettre, en tout cas 😄 J'suis sûre que la prochaine lettre c'est Hermine qui répond à son cousin pour le remercier de son cadeauuuu (en tout cas je veeuuuuux, je veux savoir ce que c'est xD) 😝 Et donc je vais voir ça tout de suite 😜

• "En réalité je suis surpris de n’avoir pas encore reçu de courrier de part" → il manque un petit mot entre "de" et "part" à mon avis :p
Hinata
Posté le 19/11/2020
Coucou ^^

Haha, eh oui c'est quand même le premier Solstice d'hiver qu'ils ne passent pas ensemble sur l'île, Basile avait forcément imaginé quelque chose de calme et sans accroches XD

Ouiii elle est de retour ! Et Gilles aussi !! (et il a même gagné un prénom depuis la première fois, yay haha XD)

Eeeh oui, on va savoir bientôt ^^ Enfin comme je disais, c'est rien de sensationnel pour nous XD

Merci pour la coquille, c'est rectifié ;)
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