15 Le chevalier sans nom

Rose se réveilla en sursaut, les feuilles volant autour d’elle. Son pyjama était en travers, et son duvet complètement repoussé sur le côté. Son regard se porta tout autour d’elle. Avait-elle fait un cauchemar ? Une flamme étincelante au fond de l’œil lui indiquait que oui, mais plus elle essayait de s’en souvenir, plus le rêve lui échappait. Le soleil entrant abondamment dans le hangar indiquait qu’il était proche de huit heures. Sa mèche de cheveux lui chatouillant le front, elle la replaça derrière son oreille, réajustant ensuite son haut qui lui grattait le buste, et observa autour d’elle les documents éparpillés un peu partout ; les livres ouverts, remplis de post-it, de notes ; son ordinateur portable gisant à côté du clic-clac, en veille.

   ‘Me suis endormie.

   Vérifiant l’heure sur son téléphone, elle envoya un message de bonjour à Sophie (accompagné de cœur et dégoulinant d’amour), étira de tout son long sa colonne vertébrale, ses bras s’allongeant vers le plafond, déclenchant un soupir d’extase quand un « clac » caractéristique se fit entendre. Mâchouillant une bouche pâteuse de réveil, elle se leva, et mordue par le froid sur ses cuisses nues, s’enveloppa du duvet pour allait observer l’armure. A la lueur de l’aube révolue, elle semblait comme neuve, lustrée, brillante. Le chevalier ne bougea cependant pas, ni ne pipa mot. Rose l’observa quelques secondes, un sourire curieux aux lèvres. Le métal était si poli qu’elle vit parfaitement son reflet dessus ; sa coiffure révélait sa nuit agitée ; son teint un peu plus pâle également. Baillant à s’en décrocher la mâchoire, et l’armure refusant visiblement de bouger, elle se dirigea nonchalamment vers la douche, le duvet accroché aux hanches comme la traine d’une mariée. Arrivée à la porte du dortoir, elle n’entendit pas, quand un large rayon vint lécher la botte, le chevalier qui murmura :

   « Ma lady »

   Une eau glacée réveilla ses sens, saisissant son corps. L’odeur ocre du sommeil perturbé laissa place aux effluves parfumés des fruits et des fleurs, et avec délicatesse, elle lava consciencieusement la peau brûlée de ses chevilles. Une fois le supplice passé, elle observa son corps qui ne vieillissait pas. Les entraînements avec Edmond redonnaient du peps à ses muscles ; elle était fière de ses bras toniques, ses cuisses puissantes, ses grands fessiers galbés. Pas une once de graisse (bien qu’elle ne détestait pas cela, au contraire). Non, le seul grain de sable dans cette horloge parfaite, c’était bel et bien ces jambes hideuses, noires et craquelées. Elle leur lança un jet d’eau tempéré puissant, espérant sans y croire que cela leur redonnerait leur aspect originel. Sans résultat. Elle arrêta alors la douche, et sortit drapée d’une serviette. Sur le lit, un petit paquet au papier élégant l’attendait ; un cadeau de Sophie dont elle devinait le contenu. Déballé avec tendresse, il contenait un legging noir à motif inca rose et orange, et un t-shirt crème avec des plumes noires imprimées dessus. Rose s’en habilla, et s’admirant dans le miroir, s’époustoufla encore une fois des goûts de sa promise.

   — T’es plutôt craquante toi tu sais ? se lança-t-elle en se regardant dans la glace.

   « Ma lady… »

   Le murmure lui parvint enfin à l’oreille. Comme frappée par la foudre, Rose bondit et se précipita à côté du laboratoire, s’arrêtant devant le chevalier en glissant sur le carrelage. Ce dernier releva la tête, l’observant de ses yeux imperceptibles.

   — Ma lady, je puis désormais répondre à vos demandes, mais je reste proche de la pâmoison.

   Sa voix n’était plus un murmure, mais restait indéfinissable : un écho lointain, à la tonalité et au grain obscurs. Métallique, sans véritable tessiture, et déformée par le casque.

   — Bien chevalier, répondit Rose, sans plus de prétention.

   S’asseyant devant lui afin de mettre ses yeux à la même hauteur, son excitation était perceptible mais calmée par une respiration posée. Elle commença :

   — Quel est ton nom ?

   — Je… je… je me prénomme…

   Le chevalier fit retomber lentement sa tête, la tournant de gauche à droite, déçu lui-même de sa réponse.

   — Je ne m’en souviens pas.

   Rose lui jeta un regard perplexe.

   — Tu ne te souviens pas de ton nom ?

   — Neni ma lady.

   Sa voix, par-delà son timbre mystique, était morne.

   — Ce n’est pas grave répondit Rose en balayant l’air de sa main. Sais-tu pourquoi tu étais sous cette église ?

   — Eglise ?

   — Temple peut-être, se reprit Rose.

   — Je me souviens que… je… combattais, bafouilla-t-il, le… la… bête.

   La voix du chevalier s’affaiblissait. Pourtant, on y sentait tout de même une certaine détermination.

   — Qu’est ce que la bête ? se précipita Rose avant qu’il ne retombe dans sa léthargie. Pourquoi la combattais-tu ?

   — Il est…

   Un rayon de soleil un peu plus puissant traversa la persienne du toit, éclairant l’armure d’un éclat doré, lui redonnant vigueur.

   — Il est une abomination… Une manipulation horrible des dons du ciel… je devais protéger la populace.

   — Peux-tu me la décrire, chevalier ?

   — C’est une… c’est un…

   Chaque mot semblait être cherché profondément dans ses souvenirs, lui imposant un effort considérable.

   —…démon.

   Les poils sur la nuque de Rose se hérissèrent. Ce qu’elle avait lu sous l’église était donc vrai ? Ils avaient à faire à un démon ?

   — Peux-tu être plus précis ? demanda-t-elle avec une certaine angoisse.

   La réponse se fit longue à attendre, le chevalier cherchant dans les méandres de son être.

   — Je ne… non, désolé. Je ne trouve point…

   — Ce n’est pas grave, indiqua Rose avec clémence. Elle ajusta son assise devant lui afin d’être plus confortable, essayant de cerner quelque chose à travers le métal hermétique.

   — J’ai lu, là où je t’ai trouvé, une pancarte qui faisait mention du temple solaire. Cela te dit quelque chose ?

   Le chevalier releva la tête.

   — Oui… oui ! Je suis un chevalier du temple solaire. Je suis… je suis…

   Sa voix diminua brutalement.

   — Je faiblis, ma lady… Pardonnez-moi…

   Et sa tête retomba tout aussi sec, laissant Rose avec d’innombrables nouvelles interrogations. Elle se leva, prit note de ses observations, et en informa ses camarades.

   La journée passa lentement, très lentement, sans que l’armure ne reprenne vie. Laurent arriva dans l’après midi, les bras chargés de livres et de dossiers, qu’il posa sur le bureau à côté de l’ordinateur : Contes et légendes urbaines de Normandie ; Occulte, ce qu’on nous cache ; Les groupuscules obscurs du Pays d’Auge ; Chevalerie et grandeur, etc.

   — Avec un peu de chance déclara Laurent, on trouvera peut-être quelques indices là-dedans.

   Rose prit un des livres sur le haut de la pile, intitulé Armures et traditions, qui décrivait tout les types d’armures répertoriés dans la région, photos à l’appui. Tout en observant et feuilletant les pages, elle répondit :

   — J’espère ; je vais de toute façon aller me renseigner dans les archives de l’université.

   Laurent s’assit lourdement sur la chaise du bureau, et prit le deuxième livre de la pile.

   — On verra.

   Ils tournèrent pages après pages les livres, dans un silence de plomb, sans obtenir d’informations exploitables, perturbés seulement quelques heures plus tard par Edmond qui arrivait pour son entrainement quotidien.

   — Utilise ton pouvoir ! lui martela Rose, alors qu’il se retrouva pour la énième fois par terre, les genoux écorchés par les tatamis. N’ai pas de pitié, ils n’en auront pas pour toi !

   Rose lui tendit une main vigoureuse, et le releva comme d’habitude avec une facilité déconcertante. Le programme d’entraînement avait été intensifié depuis la dernière déroute, et cela se ressentait. Le front transpirant à grosses gouttes, Edmond récupéra son arme par terre, puis se remit en face de Rose, le torse un peu baissé, ancré sur ses appuis. La guerrière fit de même, haussa un sourcil, puis l’attaqua de nouveau avec une vivacité étonnante. Edmond dévia un coup de dague en bois qui se dirigeait vers sa carotide, puis para un autre sous son aisselle. Rose tourna sur elle-même, se baissa et tenta une tenaille sur ses chevilles ; Edmond mit son bâton en opposition, repoussa l’attaque et recula en une pirouette ; suivant le conseil de sa partenaire, il déclencha une onde rapide qui se fracassa sur le poitrail de Rose. Cette dernière, projetée en arrière, encaissa le coup en l’accompagnant d’un flip arrière, et retomba sur ses jambes, utilisant sa main droite sur le sol pour garder l’équilibre. Edmond, en face, était toujours penché sur ses appuis, prêt à dégainer de nouveau. Elle lui envoya un sourire satisfait.

   — Voilà ! Ça c’était parfait ! s’exclama Rose en replaçant sa frange humine tombée sur son front durant son acrobatie.

   Les efforts contractant ses muscles, Edmond jubila de sa passe réussie. Son visage était rougit par l’effort, mais ce n’était rien comparé et ce qui suivit :

   — Jolies petites fesses, dit une voix sucrée derrière lui.

   Ecarlate, Edmond se releva, ouvrant grand les yeux de stupeur.

   Sophie glissa à côté de lui en entrant dans la pièce, embaument l’air humide de transpiration d’un parfum exquis. Elle passa devant lui sans lui jeter un regard, se dirigeant vers sa conjointe. Edmond remarqua alors derrière Rose un miroir. Il poussa un soupir de soulagement.

   — J’ai bien choisi la taille je crois, déclara Sophie.

   — Oui, je trouve aussi, répondit sa compagne, les joues roses.

   Elles s’embrassèrent, puis Rose s’éloigna de Sophie de quelques pas. La jolie rousse portait une sublime robe verte en dentelle, cintrée, d’une qualité exceptionnelle, remontant jusqu’au cou et dissymétrique ; elle était ouverte sur l’épaule gauche et ne possédait pas de manche à ce bras. Cela sublimait sa morphologie fragile, le vert émeraude magnifiant aussi ses cheveux en soie de feu.

   — Ouah chaton tu as… sorti le grand jeu. Tu es tout simplement…

   — Magnifique… ne put s’empêcher de finir Edmond. Sophie se retourna en lui adressant un sourire d’une blancheur de neige, et Edmond devint couleur tomate.

   — Merci répondit-elle toute joyeuse. J’ai une réunion avec de nouveaux investisseurs ce soir alors…

   Elle tourna sur elle-même, la pièce sombre semblant s’illuminer de reflets verts.

   Rose lança une bouteille d’eau à Edmond en guise de fin d’entraînement. Ils burent de grandes gorgées, assis sur différents meubles en bois de la salle, en discutant avec Sophie de sa future réunion et des futurs travaux qu’elle souhaitait faire dans son restaurant. Laurent les interrompit en entrant dans la pièce à son tour.

    — Il est réveillé.

   Rose sauta de son meuble et sortit de l’armurerie avec une certaine excitation, suivit des autres. Le chevalier regarda le groupe arriver, observant plus longuement Laurent et surtout Sophie, qu’il n’avait jamais vus. L’armure était désormais enveloppée d’un maigre halo fantomatique, aux couleurs de l’arc-en-ciel.

   — Messires, mesdemoiselles, dit-il de sa voix sépulcrale, devenue bien plus ferme. Le soleil m’a redonné assez de force, et je suis apte à répondre à vos interrogations.

   — Le soleil vous a redonné des forces ? demanda Edmond, fébrile de curiosité.

   — Oui, le soleil panse mes blessures et me donne tout ce qui m’est nécessaire, par l’intermédiaire de mon armure. Son métal me donne aussi vigueur et célérité.

   Un murmure d’exclamation tourna dans l’équipe.

   — L’armure est… magique ?

   Le chevalier semblait ne savoir que répondre.

   — Magique… Nos forgerons détenaient le secret. La fabrication, les cantiques. Magique… oui peut-être.

   Les yeux de chacun s’ouvrirent grands.

   — C’est grâce à elle que tu as survécu tout ce temps sous terre, comprit Rose.

   — Oui, sans aucun doute. Combien de temps ai-je passé dans les décombres ?

   Il y eut un court silence.

   — Euh… de quelle année te souviens-tu ? demanda Rose.

   Le chevalier baissa la tête, fouillant au plus profond de sa mémoire.

   — Nous étions… en l’an de grâce 1565.

   Il confirmait ainsi ce qui était écrit sous l’église. D’une voix monocorde, Rose lui répondit :

   — Tu as donc passé plus de quatre siècles sous terre.

   — C’est miraculeux… ajouta Sophie bien plus enjouée, ses yeux pétillants.

   — Incroyable… murmura Edmond.

   — Tu te souviens ce qui t’as conduit à finir sous les débris du temple ? continua Rose, indifférente aux remarques réjouies de ses camarades.

   — Oui. Comme je le disais, je combattais… nous combattions la bête.

   — Vous ?

   — Nous étions plusieurs.

   L’excitation leva les poils sur le bras de Rose

   — Il y aurait donc d’autres chevaliers survivants sous les décombres ?

   Le chevalier fit non de la tête.

   — Non, tous mes camarades sont tombés au combat. L’armure protège jusqu’à un certain point. J’ai vu leurs corps estropiés, les casques ôtés sur leurs visages blêmes…

   Le chevalier s’arrêta. Baissant la tête, et il se mit à se parler à lui-même à voix basse.

   — J’ai réussi… Cela ne pourrait-être autrement… Ai-je réussi ?

   Sa tête remonta, ses yeux semblant implorer Rose.

   — Pouvez-vous… tenter d’enlever mon heaume ?

   — Nous avons déjà essayé, c’était impossible. Ton armure semble totalement scellée.

   — Tentez le tout de même, je vous prie.

   Rose, Laurent et Edmond s’exécutèrent, mais ils eurent beau tirer sur le casque, comme les fois précédentes, ce dernier ne bougea pas d’un iota.

   — Alors mon combat n’est pas fini, en conclut le chevalier, baissant de nouveau la tête, les épaules basses.

   — Que… quoi ?

   — Les prêcheurs... ils se sont sacrifiés pour nous octroyer un pouvoir, une force. Mais cela nous lie à la bête. Tant que je ne suis pas sur le point de mourir où que la menace est restante, l’armure est scellée.

   — Mais c’est totalement impossible ! s’écria Edmond.

   Les autres ne dirent rien, l’incapacité de retirer le casque étant assez parlante.

   — Avez-vous vu son corps ? demanda le chevalier sans se soucier de la remarque d’Edmond.

   Rose fit non de la tête.

   — Non, je ne l’ai pas vu, mais d’autres personnes sont passées avant nous. Il est fort probable que ce soit ce qu’ils sont venus chercher.

   — La bête aussi est vivante ? demanda Edmond d’une voix fébrile.

   Le chevalier baissa la tête, et la tourna de gauche à droite.

   — Morte. Je l’ai occis de ma propre main. Mais si je ne puis retirer mon casque, c’est que son élimination n’est pas complète. L’orbe est intact.

   — L’orbe ? demandèrent en même temps tous les membres autour du chevalier.

   — L’orbe, oui. Qui donne son pouvoir au monstre comme l’armure m’octroie le mien. Ecoutez, vous ne comprenez point la menace qui pèse sur vos épaules. Je suis votre seule chance de l’éradiquer.

   Rose croisa les bras.

   — Je croyais que la bête était morte ?

   — Elle l’est. Mais l’orbe permet de créer une autre bête, tant qu’elle n’est pas détruite. C’est un fléau qui doit être éliminé. C’est mon combat. Vous devez me délivrer.

   Laurent et Edmond s’approchaient déjà des chaînes, mais Rose les interrompit.

   — Attendez, attendez. Il nous suffit de détruire l’orbe. C’est quelque chose dont je peux me charger moi toute seule.

   — Non, continua le chevalier d’une voix profonde. Vous ne comprenez pas. Vous ne pouvez pas. D’une part, car vous ne possédez pas mon pouvoir. D’autre part, parce que pour détruire l’orbe, il faut que la bête vive. Les deux sont indissociables. C’est un cycle.

   Chaque membre de l’équipe commença à discuter, à réfléchir dans un coin dans un brouhaha inaudible, pesant la véracité des propos du chevalier. Rose entraina Laurent et Edmond un peu plus loin, laissant la surveillance du chevalier à Sophie, qu’il ne quitta pas des yeux.

   — Tu… tu penses que ce qu’il dit est vrai ? demanda Edmond à Rose, penché comme si cela atténuait le son.

   — Tu as en face de toi une armure vieille de 400 ans qui est revenue à la vie après s’être bronzée au soleil. Je mettrais donc une petite pièce sur le fait que ce qu’il dit est vrai.

   — Alors, demanda Laurent soucieux, qu’est ce qu’on fait ? Tu as déjà combattu un démon ?

   Rose fit non de la tête, impassible.

   — Non, et je ne sais pas ce que ce terme cache exactement.

   — Et si on récupérait juste l’orbe, et qu’on la cachait ?

   — Non, fit Rose en bougeant en même temps sa tête. Là-dessus, je suis pour sa destruction. Elle se rapprocha d’eux, formant un cercle plus intime.   

   — Ecoutez, je pense qu’on va avoir besoin de lui. Mais il faut évaluer le danger. Laissez moi lui parler seule.

   Laurent et Edmond acquiescèrent. Rose se dirigea de nouveau vers la cuirasse, tandis que Sophie faisait le chemin inverse.

   — Il t’a parlé ? lui demanda Edmond quand elle les rejoignit.

   — Oui, il m’a demandé si j’étais votre seigneur.

   Elle posa comme une princesse, et esquissa un sourire communicatif qui se transmit sur les deux autres visages.

   Rose s’approcha du chevalier et s’accroupit devant lui, son regard à la hauteur du sien.

   — Je suis prête à te délivrer, mais il me faut plus de détails. La bête est dangereuse de ce que tu m’as dis, mais dangereuse comment ?

   Le chevalier la regarda, à ce qui lui semblait, droit dans les yeux. Seule une lueur infime, ressemblant à un petit feu, perçait à travers la visière.

   — C’est un être démoniaque. Ses bras sont larges comme des troncs d’arbres. Il mesure plus de huit pieds. Il à la force de dix ours, la rage d’une meute de loups affamés. Sa peau est quasi impénétrable. Comme moi j’utilise le soleil comme source d’énergie, il puise la sienne dans la lune. Nous sommes semblables d’un certain point. Nous ne nous situons juste pas du même côté du manichéisme.

   — Ok, répondit Rose sans plus de sentiments. Tu as dis que tes camarades étaient mort au combat. Vous étiez combien contre ?

   — Cinq chevaliers.

   Rose pencha la tête. C’était donc faisable.

   — Et 20 apprentis.

   Cette fois-ci Rose déglutit. 25 contre 1, ce n’était plus négligeable.

   — Mais, je tiens à ajouter, ma lady, que je l’ai pratiquement terrassé à moi seul.

   — Tu marques un point positif.

   Elle tenta un sourire, sachant pertinemment qu’elle ne saurait jamais s’il lui rendait.

   — J’ai vu assez de choses dans ma vie pour te croire. Je t’accorde donc ma confiance, et je vais te délivrer, mais à une condition. Nous formons une équipe.

  — Je… je ne voudrais pas vous blesser ma lady, mais c’est une tâche dangereuse pour le gentil.

   Rose s’esclaffa. Elle attrapa un couteau qui traînait sur un des meubles, et comme elle l’avait fait pour Edmond, fit la démonstration de son pouvoir en effectuant une profonde entaille dans sa paume. Le chevalier ne parut pas plus étonné que cela.

   — Je vois. C’est d’utilité. Vous êtes la seule ?

   — Non, le jeune homme qui est là-bas possède lui aussi un don.

   Le chevalier jaugea Edmond du regard, avant de rapporter son attention sur Rose.

   — Alors tentons-le ensemble.

   La guerrière acquiesçât. Les autres revinrent et ils détachèrent le chevalier, qui se releva pour la première fois depuis que son armure avait régénéré. Sa stature était imposante ; large, il mesurait près du mètre quatre-vingt cinq avec le panache. Sa grandeur semblait faire de l’ombre autour de lui. Machinalement, il se massa la cuirasse au niveau des poignets, bien qu’il n’en eut le besoin.

   — Je vous remercie, messires et mesdemoiselles, et je vous promets de ne point déroger à vos requêtes.

   Il se courba, main droite sur l’épaule gauche, dans un cliquetis métallique.

   — Bien, répondit Rose, pragmatique. Alors comment nous y prenons nous pour vaincre cette bête ?

   — Peut-être pourriez l’affaiblir ; son enveloppe charnelle. Mais nous devons pénétrer sa peau plus dure que la pierre. J’atteindrais l’orbe qui a prit la place de son cœur, ce que je n’ai point réussi jadis.

   — Et avec quoi vas-tu l’atteindre si sa peau est impénétrable ?

   — Mon épée.

   — Avec ton épée ?

   — Oui, continua le chevalier. Mon épée. De la même matière que mon armure ; c’est ce qu’il y a de plus dur au monde, la seule chose qui puisse entailler son corps.

   — Euh…

   Toute l’équipe se regarda, les yeux dans les yeux, hochant chacun leur tour horizontalement leurs têtes. Aucune épée n’avait été ramassée dans les débris.

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