💍10. Le secret des quais 💍

Arrivant au port en compagnie du Duc de Varsox, nombreux sont les marins se retournant sur le passage de la jeune femme. Tous savaient qui elle était, certains la connaissait même personnellement, mais cela faisait bien longtemps que Joséphine Conquérant n’était plus venue jusqu’ici. D’ailleurs, personne ne s’attendait à ce qu’elle vienne jusqu’ici. Quelques uns avaient envisagés de se rendre aux funérailles de son père afin de lui témoigner leur respect pour l’homme qu’il était, mais il y avait dans l’air comme une hésitation à le faire à présent. Surtout quand on sait en compagnie de qui elle est présentement.

Mais Joséphine n’est pas venue jusqu’ici pour évoquer le passé, tout ce qu’elle souhaitait c’était obtenir des réponses ou au moins des éléments lui permettant de comprendre le comportement de son père. Pourquoi avait-il agit ainsi ? Dans quel intérêt ? Avait-il rencontré des problèmes l’obligeant à mentir sur l’argent gagné ? Quel lien existait entre sa mort et la promesse que détenait le Comte Detina dont elle s’est jusqu’à présent abstenue de faire mention auprès du Duc. De toute façon, cette affaire ne le regardait guère et il n’était là qu’en qualité d’escorte afin de rassurer la conscience de Ninon l’ayant envoyé jusqu’ici.

Interrogeant les marins avec qui son père avait l’habitude de travailler, Joséphine n’obtenue guère satisfaction. Tous saluèrent son don des affaires, son courage en mer et autres qualités qu’il avait, mais personne ne fit mention d’un moindre soupçon concernant les derniers jours.

Au bout de plusieurs heures et épuisée par les récents événements, la jeune femme trouve un banc donnant une vue sur les quais avant de se laisser tomber sur ce dernier, enlevant ses chaussures afin de se masser les pieds. Voilà bien longtemps qu’elle n’avait plus autant marché.

- Vous devriez rentrer à présent, vous semblez fatiguée, signale le Duc en s’asseyant à ses côtés.

- Je le suis, en effet, mais je refuse de quitter cet endroit alors que je n’en ai pas terminé. Il y a forcément quelqu’un qui doit être au courant de quelque chose.

- Je comprends que cela vous tienne à coeur, mais je ne...

- Vraiment ? Vous comprenez ? relève-t-elle à son égard, Pourtant aux dernières nouvelles vous n’étiez pas présent lors de la mort de votre père. Tout a été réglé à distance il me semble, non ?

Sa remarque l’étonne tandis qu’un sourire sarcastique reste suspendu au bout de ses lèvres. Il ne pensait pas qu’elle saurait des choses sur lui, mais il faut croire le contraire. Peut-être a-t-elle finalement prêtée une oreille attentive à ces stupides rumeurs courant ici et là dans les rues et les salons de thé ? Il ne pensait pas que c’était son genre, mais allons bon, à quoi bon vivre si personne n’est en mesure de nous surprendre ?

- Effectivement, dit-il calmement, Je n’étais pas présent. J’avais à faire et je n’aurais jamais eu le temps de revenir au juste moment. Néanmoins, cela ne fait pas de moi un fils indigne. J’aimais mon père et j’avais pour lui la plus grande des admirations. Peut-être que cela vous surprends t-il, très chère.

- Non. Tout à fait entre nous, je ne vous imagine pas un instant dans le rôle du mauvais garçon au passé triste et tragique. Mais je ne suis pas naïve pour autant, Votre Excellence : Tout le monde a son jardin secret.

Un soupire lui échappe tandis que ses yeux se posent sur l’homme assis à côté d’elle. Ses intentions lui échappèrent totalement et elle ne put s’empêcher de se demander pourquoi la vie ne cessait de le mettre en travers de sa route.

- Son Excellence compte-t-elle passer sa journée à mes côtés ? lui demande-t-elle en respirant un bon coup pour tenter de préserver son calme apparent.

- Cela ne dépend que de vous : Comptez-vous passer votre journée ici ? Je doute que l’état de vos talons vous l’autorise.

- Vous seriez surpris. Ne connaissez-vous donc pas le dicton «Il faut souffrir pour être belle» ? Les femmes ont l’habitude d’être dans la souffrance.

- Ce n’est pas une bonne habitude, justement. Vous devriez rentrer avant que vos pieds ne cèdent.

Se relevant brusquement du banc, le jupon volant au gré du vent, Joséphine se retourne tout sourire, soudainement amusée et lui dit alors :

- Vous n’aurez qu’à me porter sur votre dos. Cela serait fort aimable de votre part.

Ne lui laissant guère le temps de répondre ni même d’assimiler, la demoiselle repart en quête de réponses, arborant les quais à sens contraire tandis que le Duc de Varsox, s’en retrouvant cloué sur place par sa remarque que n’importe qui aurait trouvé déplacée, se lève en riant. Cette femme ne cessera donc jamais de l’étonné. Avec elle, même la plus sombre des journées trouve son arc-en-ciel de légèreté.

Continuant sa progression, Joséphine fini par, à force de persuasion, mettre la main sur un marin ayant trouvé des traits bien étranges à feu Monsieur le Baron. Il l’informa qu’en début de semaine, ce dernier paraissait bien agité alors qu’un de ses navires n’étaient pas encore rentré. La particularité du bâtiment manquant ? Il transporterait soit disant de quoi éloigner les soucis récent du Baron. Après avoir attendu toute l’après-midi, le marin précisa qu’il vit le Baron monter dans une voiture qui n’était clairement pas celle de sa maison et ne vit plus ce dernier jusqu’au petit matin suivant où les événements de la veille auraient été brusquement oubliés par feu le marchand.

- Il faut trouver à qui appartenait cette voiture ! ordonne Joséphine en quittant les quais.

- Et comment voulez-vous vous y prendre cette fois-ci ? En questionnant tout le quartier ?

- Pourquoi pas ? Cela me paraît être un début d’idée.

- Joséphine, souffle l’homme l’accompagnant.

Sous le soupir lasse du Duc, la jeune femme marque un arrêt avant de se retourner vers ce dernier.

- Vous n’êtes pas mon obligé, Monsieur le Duc et rien ne vous empêche de rentrer chez vous à présent.

- Rien mise à part ma conscience de laisser une jeune fille dehors alors que l’après-midi se termine et que la nuit s’apprête à tomber. En outre, j’ai promis à votre Dame de compagnie de vous ramener chez vous et j’ai pour habitude de tenir mes promesses, voyez-vous ?

- Ninon sait que je suis en mesure de me débrouiller.

- Et je ne dis pas le contraire, loin de là. Mais comprenez que vous me mettez dans une position bien difficile en refusant de vouloir rentrer. Cela aurait presque l’air d’une tentative de fuite.

- De fuite ? Et que pourrais-je fuir selon vous ? ricane-t-elle sous l’ironie de la remarque

- Les souvenirs. Le manque. L’absence. Je pense que vous essayez désespérément de vous distraire avec une chasse aux fantômes afin de ne pas vous laisser surprendre par ce que vous pourriez éventuellement ressentir actuellement.

- Et qu’est-ce que je ressens ?

- Du chagrin. De la colère peut-être même vue le ton avec lequel vous me parlez depuis notre rencontre vers la ruelle. Je pense qu’il y a beaucoup de choses que vous retenez Joséphine.

- Peut-être bien, mais cela ne regarde que moi à ce que je sache. De plus, vous me voyez navrée de ne pas jouer les filles peinées, mais je n’ai pas le temps.

- Pourquoi ? Comme je l’ai dit, vous fuyez quelque chose Joséphine, mais qu’est-ce donc ?

- Et comme je vous l’ai dit précédemment, Votre Excellence, tout le monde a son jardin secret.

Reprenant sa marche à vive allure, une vive douleur vient soudainement perturbée son rythme tandis qu’elle remarque sans surprise le triste état de ses pieds. Décidément, plus rien ne va. Pas même ses chaussures préférées.

- Fichtre !

Enlevant ces dernières, elle se retrouve à marcher pieds nus, tandis que soudain, son corps quitte le sol et se retrouve suspendu à bout de bras. Ceux du Duc la regardant à la fois lassé, amusé et désespéré.

- Ne prenez-vous donc jamais le temps d’écouter les gens autour de vous ? lui demande-t-il

- Dans mon monde, dépendre de quelqu’un est un signe de faiblesse qui sera réinterprété, amplifié, déformé et recraché autour d’un thé. Je suis plus que lassée d’être le sujet de conversation préféré de ces dames de notre bonne ville alors si je peux éviter de leur donner des raisons...

- Il y a «dépendance» et «dépendance» Joséphine. Tout ce que je cherche c’est à être votre ami.

- Vous m’en direz tant. Pourquoi ?

- Faut-il une raison précise pour vouloir être ami avec quelqu’un ?

- Oui. Aucun homme n’agit sans une certaine motivation. Je veux savoir la vôtre.

- Si je vous la donne et qu’elle vous convainc, accepterez-vous ?

- Tout dépend. Un Duc et une fille de Baron sont rarement amis sans avoir un intérêt commun particulier.

- Vous avez une vision que l’amitié très étriquée je dois dire ! Pas étonnant que jusqu’à présent, vous n’aviez eu aucun ami si à tous vous leur parlez comme ceci.

- Vous remarquerez que j’ai un talent certain pour faire fuir les gens. Habituellement, je m’en sors très bien, mais il faut avouer pour vous faites preuve d’une ténacité effrayante. Vous ne gagnerez rien à être ami avec moi, vous le savez ?

- Ne puis-je pas l’être pour simplement profiter de votre compagnie ?

- Pourquoi le voudriez-vous ? Je ne sais pas faire la conversation, je n’ai jamais voyagé comme vous et j’ai un esprit bien étroit.

- Là, vous vous sous-estimez très chère. Ne parlons-nous pas depuis tout à l’heure ?

- Comme vous l’avez précédemment dit : Il y a «conversation» et «conversation», Votre Excellence.

- Certes, mais les plus naturelles sont les plus plaisantes et vous avez la conversation naturelle, Joséphine, même si vous ne vous en rendez pas compte. Quant à votre esprit, après vous avoir vu aujourd’hui à l’oeuvre, permettez-moi d’avoir un avis contraire au vôtre.

Il y avait un lien naturel qui progressivement et à chaque rencontre, se tissait entre eux. Un lien invisible tel un fil rouge.

Mais chaque lien, quand il est trop tendu, menace de céder.

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Alison CXC
Posté le 04/02/2021
Même si on en apprend un peu plus sur ce qui a pu se passer quelques heures avant le décès du Baron, je dois bien t'avouer que toute mon attention s'est tournée sur l'approfondissement de la relation amicale naissante entre le Duc et Joséphine ^^

Je retiendrai surtout: "Il y avait un lien naturel qui progressivement et à chaque rencontre, se tissait entre eux. Un lien invisible tel un fil rouge." Et tu sauras bientôt pourquoi ;)
ManonSeguin
Posté le 05/02/2021
Comment l'attention est passée de "Oh la mort du Baron" à "LA RELATIOOOON!" :D
Est-ce moi qui vais bientôt savoir ou est-ce toi qui vas avoir des paillettes pleins les yeux ? On se le demande O:) <3
HarleyAWarren
Posté le 28/01/2021
J'aime beaucoup la relation qui s'installe entre tes deux personnages. Ils ont beau se chamailler, on sent bien qu'ils ont des atomes crochus et que ça va évoluer petit à petit, même si la dernière phrase ne laisse présager rien de bon (mais en même temps, est-ce qu'on adore pas ça, le drama ? Personnellement, j'adore)
ManonSeguin
Posté le 05/02/2021
:3 Si tu es là pour le drama, tu as définitivement sonné à la bonne porte ! Que serait une romance sans ses petites choses bien piquantes qu'on aime tant ?
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