« On y est, c’est la grande semaine ! Nom d’un bourgeon rien n’est prêt ! Et le gâteau, sera t-il bon ? Et les lucioles, seront-elles à l’heure ? Et les musiciens alors, sont-ils seulement assez entraînés ? Et…
— Davan ! Davan, respire !
— Non non non, nom d’un petit oisillon rien ne va !
— DAVAN ! »
Le petit être féérique qui voletait dans tous les recoins de la pièce s’immobilisa face au ton autoritaire employé. Il redescendit doucement vers le sol, un air penaud sur le visage. Sa compagne s’approcha près de lui, prenant ses mains entre les siennes. Tendrement, leurs doigts s'entremêlèrent. Elle lui adressa son sourire le plus amoureux, les yeux brillants.
« Tout sera prêt Davan, tu as fais un travail formidable toute cette année. L’éclosion est dans cinq jours, tout est fait dans les temps d’accord ? »
Il hocha la tête doucement. Cette voix, cette douce voix l’apaisait tant et c’est exactement ce qu’il lui fallait en cet instant. Ses ailes s’étaient également calmées, cessant leur ballet frénétique aérien. Le couple échangea un court, mais intense, baisé. Son expression se détendit, pour arborer une certaine fierté.
« Tu as raison. Merci ma chère Lylia. »
Elle gloussa de bonheur, avant de lui déposer un autre baisé; sur le nez cette fois-ci.
« Je dois y aller mon lapin, la troupe des joyeuses lucioles m’attend. On se voit ce soir, comme d’habitude. Je t’aime.
— Je t’aime. » répondit-il en retour, le regard humide de joie.
Ces paroles routinières échangées, ils se quittèrent dans la sérénité. Davan se perdit un instant dans la contemplation de leur chaumière. Cela faisait bon nombre de lunes qu’ils nichaient dans un vrai cocon d’amour : une seule pièce très grande et ronde accueillait l’essentiel. Un lit central, de forme ovale, avec une multitude d’oreilles et de couvertures en plumes; une cuisine avec four et l’eau courante sur les bords arrondis droit, un espace bureau sur les bords arrondis gauche et tout au fond les célèbres portraits de chaque fée. Il s’en approcha d’un pas gracile, observant tour à tour les différentes personnalités qui avaient façonnés leur peuple au fil du temps.
« Une nouvelle éclosion, pour peut-être retrouver notre paix bien-aimée. »
L’être féerique, malgré ses nombreuses années d’existence comme le prouvait sa capillarité d’un blanc coton, retrouvait une certaine forme de jeunesse lors de cette semaine spéciale. Il se mit à genoux, joignit les mains et baissa la tête pour prier les Ancêtres au nom de la nouvelle-née à venir.
Pendant ce temps, Lylia volait au gré du vent avec son sempiternelle sourire chaleureux aux lèvres. Son regard bleu sautait d’une chaumière à une autre, et toute sa petite personne se revigorait de la frénésie qui commençait à éveiller la tribu entière. Le soleil réchauffait doucement les visages, tandis que les premières fées ouvrières se mettaient en route vers leurs postes attitrés. Chacun, chacune avait le loisir d’exercer la mission de leur choix. On exigeait quelques heures de travail, ce qui représentait à peine une demi-journée, afin que les fées puissent ensuite flâner à leur guise. L’oisiveté assurait une tranquillité des esprits, chose essentielle à l’harmonie générale.
Pour sa part, elle avait opté pour l’élevage de lucioles. Cela consistait à les chouchouter à longueur de temps, à leur rendre la vie la plus belle qu’il soit; afin qu’en retour ces petites bêtes puissent leur offrir l’éclat lumineux le plus chatoyant. Cela s’avérait utile en fin de journée, quand le soleil tombait au profit de la nuit; car sans ces bestioles luminescentes on n’y voyait plus grand chose. Et cette semaine, l'événement de la nouvelle éclosion rendait sa mission encore plus majeure. Plus on s’occupait des lucioles, plus elles se montraient motivées pour éclairer le plus longtemps possible au cours de la nuit.
« Solaire ! Comment vas-tu en cette belle matinée ?
— Salut Tulipe, merveilleusement bien et toi ?
— Je suis impatiente d’être à l’éclosion ! Sais-tu que les chercheurs ont fait de fabuleuses découvertes à ce propos ? »
Lylia leva légèrement les yeux au ciel d’un air taquin. Elle descendit par quelques battements d’ailes légers pour s’approcher de son amie, qui continuait d’arroser ses plants de fleurs décorant le tour de son habitation. Une fois sur le sol, un chaud frisson l’enveloppa quand ses pieds rencontrèrent la terre. Le contact avec la nature leur offrait toujours un sentiment de réconfort; même si leur peuple avait grandement évolué depuis ces nombreux siècles. La technologie de plus en plus poussée les rendait moins dépendant des saisons ou des aléas climatiques, améliorant grandement leur quotidien par l’eau courante ou l’électricité par exemple. Heureusement que Mère Nature ne s’offusquait pas de cette distanciation progressive. Au fond chaque fée croyait en cette entité supérieure et l’honorait à la moindre occasion. Pas comme ces ignobles humains. Et à propos de ces derniers, elle paria que son amie allait lui en parler; eux et cette soit disante prophétie miracle.
« Tu sais, on dit que la millième fée serait capable de terrasser les….
— Les humains. Oui je sais, tu ne m'apprends rien. Ça fait plusieurs centaines d’années que cette prophétie existe !
— Et tu n’y crois pas ? Tu ne crois pas que la millième, la millième tout de même, des nôtres aurait des pouvoirs suffisamment grands pour qu’on retrouve paix et prospérité ? »
La jolie fée rousse aux yeux verts s’arrêta dans son arrosage, l’air déterminé et son petit nez retroussé en attendant une réponse. Elle croisait les bras avec un sérieux farouche. Lylia déposa une main douce sur son avant-bras, souriant de toutes ses dents blanches. Une véritable aura chaleureuse rayonnait autour de son visage.
« J’ai davantage foi en notre propre courage, et notre foi ma chère. Jusqu’à ce jour, cela a suffit. Cette fée à naître aura sûrement une belle magie pour notre peuple; mais je pense sincèrement que nous arriverons à faire reculer les humains par nous-mêmes. Nous en sommes capables après tout !
— Toi et ton optimisme, c’est fou hein. »
Lylia eut un petit rire amusé, et envoya un baisé à son amie par un geste de la main avant de reprendre son envol vers l’élevage des lucioles. La journée se passa presque sereinement. Seuls quelques affrontements fées/humains vinrent perturber le calme ambiant. Depuis le début de cette guerre, certaines fées avaient prit la décision de se former au combat aérien pour se défendre. Mais les humains gagnaient souvent, et plusieurs paires d'ailes étaient déjà tombés tristement au combat. Cela fait presque cinquante ans maintenant que les êtres humanoïdes essayaient petit à petit de grignoter leur territoire, enviant sans aucun doute la richesse de leur terre qui produisait des fruits succulents. On disait même qu’une part de magie de la Fée Originelle vibrait encore sous leurs pieds.
Quand le soleil embrassa doucement l’horizon, toutes les fées sans exception étaient en pleine non-activité : baignade, sieste, chant, danse… Chacun et chacune s’en donnait à coeur joie, savourant les derniers rayons de chaleur. La fée éleveuse participait à sa manière, se reposant sur les bords d’un lac. Une silhouette s’approcha alors en quelques frétillement d’ailes, et aussitôt un sourire passionné étira sa bouche en un air affectueux.
« Davan ! Comment s’est passé ta journée ? Pour ma part, Tulipe m’a parlé de cette prophétie farfelue et… Nom d’une chouette ! Ça ne va pas ?
— Non…» Dit-il d’une voix blanche.
Son compagnon s’était mollement laissé tomber au sol, sur les genoux. Le regard vide il fixait la surface de l’eau, comme aspiré de toute énergie vitale. Ses sourcils, ses paupières, son sourire, sa peau : tout était terne. Lylia lui prit une main, désemparée. Elle parla doucement, à la limite du chuchotement, la voix chevrotante.
« Davan, parle moi… Qu’est-ce qu’il se passe ?
— La… La Fleur….
— Oui, parle moi. Je suis là, je suis près de toi mon éclat de soleil. »
Quelques larmes commençaient à glisser sur ses joues rebondies, la peur et l’incompréhension se manifestaient.
« — La Fleur de Vie Originelle, elle se fâne…
— Nom de… Non.... C’est impossible…»
Son visage perdit définitivement toute lueur. La nuit arrivait à grand pas, dévorant le paysage de son obscurité profonde.
Il y a quelques petites choses qui m'ont titillée :
"bords arrondis droit": difficile de comprendre que c'est à droite.
"Fée éleveuse": je ne fais pas tout de suite le lien vers Solaire (c'est ça?)
"à la limite du chuchotement, la voix chevrotante" : je vois bien un chuchotement à ce moment-là, mais pas trop le chevrotant ;)
Pour le combat entre les humains et les fées, aussi, je l'aurais mis ailleurs.
Sinon rien à redire!
Deux remarques, néanmoins. Pourquoi utilisent-ils des lucioles pour s’éclairer puisqu’ils possèdent de l’électricité ? Tes fées ne semblent pas rejeter la technologie, donc ça n’a questionné. Ensuite, je n’ai pas bien saisi le conflit entre humains et fées. Pour être plus précise, j’aurai eu envie de voir ce conflit, au lieu que ce dernier soit seulement mentionner, car cela semble important, et je n’arrive pas à jauger des forces des deux camps.
Sinon, c’est intriguant. On a envie d’en apprendre plus, surtout avec les révélations finales.
→ En effet, les fées ne rejettent pas la technologie. Toutefois ils restent très proches de la nature, alors ont préférés s'allier à la nature quand c'est possible. D'où les lucioles pour l'éclairage ^-^
→ Pour le conflit féesvshumains je comprend totalement, et promis c'est développé au fur et à mesure ! J'essaie de ne pas trop en dire tout de suite huhu
C'est judicieux de révéler la mort (si c'est bien ça ?) de la Fleur Originelle en même temps que ka
Et merci beaucoup !
J’ai déjà quelques questions qui me trottent dans la tête, notamment avec la présence de Davan. Cela signifie que des fées hommes et femmes éclosent par le biais de la fleur ? Ont-elles cependant d’autres moyens de voir le jour ? La suite me le dira je suppose ^^
J’ai relevé un mini passage au présent ici : … années d’existence comme le prouve sa capillarité d’un blanc coton… => est-ce que « prouvait » ne serait pas plus fluide ?
Voilà, à bientôt !
Eheh oui la suite en dira plus sur tout ça 🤗 en effet "prouvait" irait mieux, merci encore et à très vite !
Désolæ j'ai pas grand chose de constructif a dire parce que vraiment je suis juste sous le charme de cette univers. Ca fait très très longtemps que j'avais pas lu une fantasy qui suit les codes du conte et vraiment j'adore ça, ca marche super bien : L'univers est super bien introduit et j'aime beaucoup Lylia (bonjour petite fée solaire 💖) la fébrilité des personnages au début on la ressent énormément et la chute donne envie de savoir ce qu'il se passe et surtout comment les fées vont réagir !!!
Tu développes gentiment l'univers, et on perçoit un chaos proche.
Je vais tout de même ajouter un petit bémol : la phrase "Seuls quelques affrontements fées/humains vinrent perturber le calme ambiant. Heureusement que depuis le début de cette guerre, certaines fées avaient prit la décision de se former au combat aérien pour les défendre."
Je trouve qu'elle désamorce totalement la situation. Dans ma tête, avec ton prologue et ton résumé, j'imagine une guerre affreuse entre les fées et les hommes, qui pourrait les faire disparaître ; et comme il n'y a que 999 fées, j'imagine qu'elles se cachent. Et cette phrase me fait au contraire penser à juste une gueguerre de pécore pour un morceau de champs (après c'est parce que je l'interprète comme ça). On a l'impression que c'est chose commune, que les deux factions se battent à coup de fourche et de pelles, sans jamais blesser où tuer personne, jusqu'au lendemain ou ça recommencera. Donc de là a vouloir exterminer les humains...
Après, seulement cette phrase m'a gêné, le reste est génial et superbement écrit ;)
Oh, c'est juste. Il va falloir que je rectifie ça pour donner un aspect beaucoup plus chaotique à cette guerre qui menace leur paix ! Merci beaucoup encore une fois :)
L'histoire est également prenante ! Déjà le fait d'être placé du côté des fées contre les humains est intéressant !
Reste plus qu'à savoir ce qui va se passer ! Je serai là.