1. Coup de foudre

Dans la nuit, la canicule s'était abattue sur Paris et mon réveil fut brutal comme la foudre. De grosses gouttes de sueur glissaient le long de ma colonne vertébrale me donnant l'impression d'être caressée par des phalanges froides, je dus donc m'agiter vivement contre le drap pour les faire disparaître et je fus aveuglée par les rayons de soleil qui traversaient mes velux. Je m'étirai en lâchant un cri de rage destiné à mon plafond, mais je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même, car cela faisait des jours que le journal télévisé m'avait averti. Je décidai qu'il était inutile d'attendre que la climatisation refroidisse mon corps, et vêtue d'une culotte et d'un débardeur, je sortis de ma chambre. Mon odorat et mon estomac réagirent à l'arôme poulet frit qui embaumaient notre triplex et je descendis les escaliers avec une humeur moins morose.

Sans surprise, ma mère était derrière l'îlot et répondait aux questions du jeu qui passait à la télévision qui m'informa au passage qu'il était midi et demi passé. Elle était de bonne humeur comme toujours et si je ne voulais pas que cela change, je devais l'embrasser avant de me servir un café. Le sourire qu'elle faisait à chaque fois qu'elle me voyait était un vrai bonheur. Je courus vers la machine à café et si fatiguée, je bus une bonne gorgée avant de pouvoir le savourer paisiblement assis sur le tabouret en face d'elle. J'aimais regarder ma mère me faire la cuisine, ses talents dans ce domaine n'excellaient pas, mais elle donnait son maximum et tout son amour que le goût m'importait peu. À chaque fois que je m'amusais à l'admirer, je ne pouvais pas m'empêcher de me demander pourquoi j'avais tenu de mon père. Ma mère est magnifique, une vraie petite poupée. Elle a de belles boucles blondes alors que ma chevelure chocolat vire au blond miel de shampooing en shampooing accentuant la blancheur de ma peau. Tous les océans sont réunis dans ses yeux, il n'était pas rare que je m'y noie et les miens étaient d'un marron ennuyeux. Elle ne fait pas ses trente-cinq ans, les années comme les rides frôlent son visage comme une légère brise d'air alors que moi, on avait arrêté de me demander ma carte d'identité à quinze ans quand j'allais acheter de la vodka.

— Tu vois Skye aujourd'hui, non ? Me demanda-t-elle en voyant que j'étais concentrée sur ses mouvements, ce dont elle avait horreur.

Mon cœur s'emballa. Il le faisait à chaque fois que j'entendais son prénom et ce n'était rien comparé à quand j'étais en sa présence. Après des années de solitude et de souffrances, j'avais enfin une meilleure amie. Une vraie, pas Nathan l'ami imaginaire que j'avais eu de huit à onze ans. Je la considérais ainsi ce qui n'était peut-être pas le cas pour elle. À l'école primaire, ma mère avait essayé de m'acheter des amis avec des friandises ce qui avait attiré tous les regards et nous avions changé d'école pour éviter les histoires. Au collège, elle avait tenu à ce que je sois à la mode, que j'ai les nouveautés avant tous les autres pour qu'ils cherchent à devenir mes amis, mais cela eut l'effet inverse. Ils m'avaient tous détesté et tous les jours, j'avais peur de me faire frapper à la fin des cours alors j'avais encore changé d'école. La première année de lycée avait été comme toutes les autres puis le jour de la rentrée en première L, j'avais rencontré Skye King. Elle était entrée dans ma vie comme un rayon de soleil dans un sas. Elle s'était assise à côté de moi et m'avait parlé comme si nous nous connaissions depuis toujours. Au début, je pensais qu'elle réagirait comme tout le monde, qu'elle me détesterait parce que j'avais osé respirer à côté d'elle, mais elle était restée et chaque jour qui passait, je me demandais la bonne action que j'avais faite pour mériter de l'avoir dans ma vie.

— Oui, dis-je en regardant l'horloge derrière maman.

J'avais rendez-vous avec elle à quatorze heures et la grande aiguille s'approchait dangereusement du un. Skye avait horreur qu'on soit en retard alors j'avais juste le temps de manger et de me préparer.

— Elle s'en va demain, non ?

J'écarquillai des yeux. Mon cerveau avait sûrement occulté cette information pour m'éviter de tomber en dépression avant son départ. Ma meilleure amie quittait Paris pour passer le reste de ses vacances dans les Hamptons avec les amis de son père, c'était le seul moment où elle le voyait plus de trois heures par jour et elle emmenait ma joie de vivre avec elle. J'exécrai les vacances et pire celles de l'été, car elles étaient longues. La chaleur était une torture, l'air pollué, la plupart des commerces fermés et les touristes se figeaient au milieu du trottoir pour prendre des photos, mais si ce n'était que ça. Ma mère était atteinte d'une légère agoraphobie, elle refusait de quitter Paris alors je devais me contenter de la fête foraine des Tuileries et de me convaincre que Paris Plage en est une vraie.

— Ça passera vite, me promit-elle.

— Si tu le dis, murmurai-je sans grande conviction.

Après ma douche, j'enfilai un short en jean et un débardeur blanc à bretelles spaghettis, ma peau ne craignait pas les rayons du soleil malgré sa couleur. J'embrassai tendrement ma mère en lui promettant de revenir et je dévalai les escaliers, trois étages qui me permettait de faire mon sport quotidien. Une fois dehors, je fus saisi par l'ardeur qui s'échappait des pavées et j'hésitai quelques secondes avant de marcher vers la rue des Deux-Ponts en voyant que le soleil m'avait pris pour cible.

Je suis née et j'ai grandi sur l'Île Saint-Louis. C'est un petit village en plein cœur de Paris baignant dans la Seine et accessible par six ponts. Elle a une population de deux mille cinq cents habitants que je croise rarement puisqu'elle est réputée pour les résidences secondaires et les retraités qui sortent pour promener le chien ou acheter la baguette du matin. Selon ma mère, mon père était mort dans un accident de voiture quand j'avais deux ans nous laissant comme héritage une immense fortune et un immeuble de six étages. Si je doutais de cette version, c'était déjà parce que nous n'avions aucune photo de lui, ma mère aurait tout détruit pour mieux accepter son deuil, ensuite il était Russe et millionnaire, et d'après les stéréotypes, cela signifiait qu'il n'avait pas de très bonnes fréquentations et enfin, il y avait l'agoraphobie de ma mère qui était forcément né d'une mauvaise expérience en dehors de l'immeuble. Mon imagination n'avait pas pu résister, mon père était un mafieux qui s'était fait tuer en pleine rue. Elle pouvait tout à fait dire la vérité et moi, je visualisais mon père comme un bandit pour donner un peu de piment à mon existence fade.

Arrivée dans la rue des Deux-Ponts, celle qui sépare l'île en deux, je pris à droite vers le Pont de la Tournelle où nous avions rendez-vous. J'avais dix bonnes minutes d'avance et malgré mon impatience, je comptais lui faire comprendre que je prenais son départ pour New York comme un acte de trahison, mais elle était déjà là. Mon cœur s'emballa encore et encore. Elle était renversante comme toujours. Elle portait un ensemble pantalon Dolce&Gabbana qui coûtait mon budget vêtement de l'année et j'avais compris pourquoi elle avait craqué même si l'argent n'était pas un problème pour elle. D'ailleurs, j'avais aussi flashé sur un pull de quelques centaines d'euros que je cachais à ma mère. Les escarpins rouges à ses pieds accentuaient les courbes de son corps et faisaient ressortir la perfection de sa chevelure brune. Ses cheveux sont doux, brillants et gardent leurs formes même après une nuit de sommeil, et après des dizaines de vérifications, je pouvais affirmer que ce n'était pas une perruque. Je me sentais insignifiante à côté d'elle, j'étais une goutte d'eau et elle, l'Océan Pacifique, mais mon amour pour elle était bien plus fort que mon orgueil. Skye n'avait aucune idée de la joie qu'elle me procurait en étant mon amie. C'était comme si j'avais marché seule pendant des années dans un désert, assoiffée, affamée, au bord du suicide et que je tombais sur elle qui me proposait de faire un bout de chemin avec moi.

— Tu es en avance, me fit-elle remarquer avec un sourire fier.

— La chaleur, expliquai-je avant qu'elle ne me fasse la bise.

— Ouais, ça va être dur aujourd'hui, soupira-t-elle. Comment va Lena ?

Ma réponse fut un regard noir, car je savais très bien qu'elles s'étaient échangées des messages ce matin. Maman avait dû lui prévenir que j'étais déjà triste. La première fois que j'avais invité Skye à la maison, maman lui a sorti le grand jeu comme si elle était la Reine d'Angleterre. Ma mère avait attendu ce jour depuis tellement longtemps que même si ma meilleure amie avait été désagréable ou m'aurait créé des problèmes, elle l'aurait quand même vénéré. Elles s'étaient rapprochés en un clin d'œil, j'imaginais que c'était parce que Skye n'avait pas de mère dans sa vie et elles se parlaient tous les jours ou presque ce qui m'agaçait.

— Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas que je parle avec ta mère, dit-elle en secouant la tête.

— Parce que tu es ma meilleure amie, pas la sienne. Elle a qu'à s'en trouver une.

— Mhmm... Quelqu'un s'est levé du pied gauche ce matin, se moqua-t-elle. Alors, on fait quoi ?

Vu la direction que nous avions prise, tout droit vers le Boulevard Saint-Germain, nous allions faire les boutiques.

— C'est toi qui t'en va alors on fait ce que tu veux, dis-je, sèchement.

— Tu crois que j'ai envie d'aller me faire chier à New York ?

— Euh... Oui ! M'exclamai-je en écarquillant des yeux. Moi, j'irais bien, hein !

— Ouais, mais moi, j'y vais tous les ans et ça me soûle ! Si seulement ta mère n'était pas malade, soupira-t-elle.

Je levai les yeux au ciel à l'idée du nombre de fois où j'avais dit cette phrase. Avant que Skye ne découvre que si ma mère ne quittait pas Paris, moi non plus, nous avions imaginé des voyages ensemble. Une virée shopping à Londres, voir les aurores boréales en Finlande et une randonnée au Mexique. C'était d'ailleurs le seul sujet où je me disputais avec ma mère et violemment, au point où je la menaçais de quitter la maison, mais ce n'était que des paroles en l'air. Skye avait eu une idée pour la faire changer d'avis et j'avais vécu l'enfer. Elle m'avait dit de regarder Julieta de Pedro Almodóvar, l'histoire d'une femme qui raconte sa vie après sa fille disparaît sans lui donner de nouvelles et maman en était tombée malade. Le mois qui avait suivi, elle n'avait pas arrêté de pleurer, de me dire qu'elle avait gâché ma vie et que j'allais partir sans plus jamais lui parler, et j'avais eu un mal fou à lui faire oublier ce film. En plus de la promesse que jamais je ne lui ferais ça, je lui avais aussi dit que mes années d'université se feraient à Paris et que si jamais, je trouvais quelqu'un, nous vivrons dans l'immeuble. Depuis, je ne parlais plus de voyages et j'interdisais aussi à Skye de le faire. Je pensais que d'ici quelques années, j'aurais assez de courage pour lui dire que ses caprices étaient terminés et qu'il était temps que je réalise mes rêves.

— Bon, on va faire du shopping ?

— Je peux me tromper, mais ce n'est pas à New York qu'il y a genre le plus grand centre commercial du monde ? La taquinai-je.

— Oui, mais tu ne seras pas là, répondit-elle en appuyant sur le bout de mon nez. Allez viens.

En entrant dans la boutique préférée de Skye, une friperie dans le sixième arrondissement, la patronne nous fit le plus beau des sourires. Ma meilleure amie y dépensait des centaines d'euros toutes les semaines alors nous étions toujours accueillies comme des reines. Avant que je ne la connaisse, maman et moi faisions les boutiques en ligne et je devais avouer que j'avais pris goût à l'essayage et contrairement à ma mère, Skye n'essayait jamais de changer mon style alors je la laissais choisir sans problème. Je m'assis sur le fauteuil en velours et la regardai fouiller sur les portants en face de moi. Elle allait terriblement me manquer et j'allais devoir combler son absence. J'imaginais que ma mère avait tout un programme, nous allions peut-être redécorer notre cuisine ou faire un tri dans nos vêtements. Ma meilleure amie s'approcha de moi avec un haut jaune pétard pour vérifier si la couleur m'allait au teint et elle fit une grimace qui me rassura. Je l'admirai retourner vers les portants aussi gracieusement qu'on pouvait l'être avec des talons quand elle regarda la porte d'entrée avec une expression de terreur sur le visage. Je tournai la tête pour voir ce qui la terrifiait et j'en eus le souffle coupé. Une femme venait d'entrer dans la boutique et le temps semblait s'adapter à ses mouvements. Elle était d'une beauté renversante. Elle portait une combinaison short en cuir très ouvert au niveau de sa poitrine, les bords frôlaient ses tétons et descendaient jusqu'à son nombril. Elle s'était rasée le crâne, avait teint les repousses en blond et avec sa peau hâlée, ça lui allait divinement bien. Il était impossible de ne pas tomber amoureux de ses courbes. Elle était LA femme que toutes les femmes détestent. Celle qui vous rabaisse sans avoir à ouvrir la bouche et qui vous fait tout abandonner pour se goinfrer de glace au chocolat jusqu'à la crise de foie. Je fermai les yeux et les rouvris plusieurs fois pour être sûre que ce n'était pas une hallucination. Cette femme était d'une telle perfection qu'on pouvait croire qu'on l'avait créé de toutes pièces. Le visage de ma meilleure amie était tendue, je n'arrivais pas à savoir si elle était en colère ou avait peur, ou les deux alors que la femme avait un sourire béat.

— Skye.

— Ankhti.

Elles se regardèrent un long moment. Elles semblaient avoir une conversation mentale, celle qui décide si elles doivent se battre ou pas. Je remarquai que Skye me tournait le dos alors je conclus qu'elle ne voulait pas me la présenter. Je restai donc sagement assise sur le fauteuil.

— Comment va-t-il ? Demanda la femme en anglais.

— Il est très heureux, répondit Skye avec un grand sourire.

Le ton de sa voix impliquait que c'était une petite pique, mais la femme ne le prit pas mal. Le père de Skye était un agent immobilier pour des grandes entreprises, donc ils avaient pas mal voyagé et j'en vins à la conclusion qu'elle était peut-être l'une de ses ex.

— Que viens-tu faire en Europe ? Demanda Skye, sèchement.

Je m'inquiétai en voyant qu'elle se craquait les doigts comme si elle se préparait à un combat.

— Je m'ennuyais. J'ai besoin de...

Elle s'arrêta en me voyant tout comme mon cœur. La femme s'approcha de moi en me lâchant pas du regard et la beauté de ses yeux me stupéfia. Ses iris n'étaient pas une couleur unie comme les miens, mais plutôt un mélange de couleurs beiges, marrons clairs et foncés. Ils ressemblaient à des amas circulaires de pierres précieuses concentré autour de ses pupilles noires.

— Bonjour, murmura-t-elle d'une voix si sensuelle que j'en eus la chair de poule.

Mes yeux furent attirés par ses lèvres colorées d'un mauve foncé puis par la perfection de sa peau. Elle était lisse et nette comme si le vent, la pluie, le soleil et le temps ne l'avaient jamais touché. Je l'avais jalousé à la seconde où son parfum était entré dans mes narines. C'était de la banane, mon fruit préféré. Cette odeur avait le pouvoir de m'apaiser et de me plonger dans une bulle où je me sentais en sécurité.

— Hello, Hola, Buongiorno, Bom Dia, Bunã Ziua, Sabah el kheir...

— Française, je suis française, la coupai-je en voyant qu'elle aurait pu continuer toute la journée.

— Le mien est un peu rouillé, s'excusa-t-elle. Ça fait un peu plus de trois siècles que je ne suis pas venue à Paris.

Skye était derrière elle. La rage sur son visage me montra qu'elle n'appréciait pas du tout que je lui parle, mais je ne pouvais faire que ça puisque la femme avait envahi mon espace vital et elle ne quittait pas des yeux.

— Que sens-tu, ma belle ?

La femme se pencha vers moi, de sorte que son cou soit juste devant mon nez. Skye se déplaça pour être à côté de moi et me tenir la main. Ma meilleure amie était inquiète, la pression de ses doigts contre ma paume en était presque insoutenable.

— Euh... La banane.

Les yeux de la femme s'arrêtèrent sur nos mains enlacées et je décelai de la colère dans son sourire.

— Vous êtes ensemble ? Haussa-t-elle un sourcil.

— Oui, murmurai-je en regardant Skye.

J'étais inquiète. Cette réponse allait-elle changer son attitude envers moi ? Un éclair traversa ses iris quand Skye me colla à elle. Cette femme était-elle aussi dangereuse ?

— Amoureusement ? Me demanda-t-elle en haussant un sourcil.

Mon cœur s'emballa. Ma mère m'avait aussi demandé si ce que je ressentais pour Skye n'était pas un peu plus que de l'amitié et je n'avais pas pu lui répondre. Ma sexualité était d'un énorme point d'interrogation. Aucun garçon ne m'avait attiré jusque-là et à part Skye que j'adorais admirer, il n'y avait aucune femme. Cela faisait d'ailleurs partie de la longue liste des choses dont je haïssais chez moi. Si je savais quel chemin prendre, je serais sûrement plus heureuse.

— Non, c'est ma meilleure amie, souris-je.

— Tu me déçois, Skye, dit-elle, légèrement moqueuse. Je t'ai connu plus intrépide ou alors tu es devenue aveugle avec le temps.

Ses yeux me dévoraient. Je ne m'étais jamais fait draguer, mais je pouvais dans ses iris tout ce dont elle avait envie de me faire et c'était définitivement interdit au moins de dix-huit ans.

— Ne sois pas impolie, présente-moi, murmura-t-elle en tendant sa main.

La main de Skye s'était resserrée contre la mienne et je grimaçai de douleur en essayant de la libérer, mais ma meilleure amie s'en moquait.

— Ava, je te présente Ankhti, c'est une connaissance de...

— Une connaissance ? La coupa-t-elle. C'est assez vexant, Skye.

— Comment veux-tu que je te présente alors ? Il y a pas mal de mots qui me viennent en tête, mais tu ne les aimeras pas, dit Skye, la mâchoire serrée.

Mon cœur se mit à battre très fort dans ma poitrine. Il dégageait d'elle des ondes aussi dangereuses qu'attirantes. Si Skye avait peur d'elle, je ne devais pas me laisser avoir par sa beauté.

— J'imagine, rigola-t-elle. Je suis l'ex de Zacharie.

— Son père ?

Elle sembla surprise et je compris que ce n'était pas de lui qu'elles parlaient.

— Non, c'est son meilleur ami, enfin son patron, se moqua-t-elle.

— Collègue, rectifia ma meilleure amie.

Je fronçai les sourcils en regardant Skye. De qui parlait-elle ? Je me doutais bien que je n'étais pas sa seule amie, je ne lui apportais pas grand-chose avec ma petite vie ennuyeuse. Était-ce pour que ça qu'elle ne m'avait jamais parlé de lui ? C'était assez blessant. Ankhti rapprocha sa main et je tendis la mienne pour que les présentations se terminent enfin. Je sursautai, car ses phalanges étaient froids comme des glaçons et en un mouvement aussi rapide qu'un clin d'œil, elle m'attira vers elle. Skye avait lâché ma main pour me tenir par la taille. Elle semblait avoir peur que la femme ne me kidnappe. Comment pouvait-elle faire ça ?

— Elle ne te le dira pas, mais nous avons passé une nuit torride à Rome toutes les deux, murmura-t-elle dans mon oreille.

Je ne sus pas si c'était ses paroles ou son souffle chaud contre ma peau qui me fit vibrer d'excitation.

— Ce n'est pas de la vantardise, mais je suis inoubliable au lit, m'assura-t-elle.

Ses lèvres froides comme ses phalanges caressèrent le lobe de mon oreille et j'eus l'impression qu'on venait de m'injecter un liquide brûlant dans les veines.

— Ça suffit, annonça Skye en nous séparant.

La femme ne fit pas attention à ma meilleure amie, elle nous tourna le dos et attrapa la première tenue qu'elle vit.

— Tu m'aides ? Me lança-t-elle en se dirigeant vers la cabine d'essayage.

Je regardai Skye pour savoir ce que je devais faire, mais elle était occupée à regarder à l'extérieur de la boutique en marmonnant des choses incompréhensibles.

— Ava, m'appela-t-elle.

Ne voulant pas la froisser, je la rejoignis. Elle était assez intimidante, mais je ne savais pas si c'était à cause de sa beauté ou ce que cachait ce sourire qui me semblait terriblement faux.

— J'ai besoin de quelqu'un pour enlever cette combinaison, c'est d'ailleurs pour ça que je l'ai choisi, rigola-t-elle.

Je fis un sourire au coin puis fis descendre la fermeture. Le fait qu'elle n'avait pas de soutien-gorge ne me surprit pas, mais plutôt sa peau. On aurait dit du sable fin brillant, l'illusion était si réelle que j'ai eu envie d'y poser ma main pour voir si elle s'enfonçait. Mes yeux suivirent sa colonne vertébrale jusqu'à son coccyx, à la naissance de ses fesses et il me fallut quelques secondes avant de comprendre qu'elle était nue devant moi. Cette femme était un régal pour les yeux, entre sa peau et ses courbes, j'eus l'impression d'être au milieu de dunes de sable et de ne pas savoir sur laquelle grimper. Elle se tourna vers moi et je me forçai à la regarder dans les yeux, mais la tentation était trop forte. Je baissai le regard et ne fus pas étonnée de voir que ses seins étaient une vraie merveille. Ils descendaient en chute libre alors que les tétons opposés remontaient en pointe accentuant la courbure et la grosseur.

— Tu peux toucher, murmura-t-elle en se cambrant.

Je m'étouffai avec ma salive ce qui lui fit rire puis mon cœur manqua un battement quand elle attrapa ma main.

— J'adore ça, souffla-t-elle en posant ma main sur son sein droit.

Je sentis mon visage devenir tout rouge et j'enlevai ma main en reculant de deux pas. Que me voulait-elle ? Qu'elle était attirée par Skye, c'était une évidence, mais moi ? L'idée qu'elle ne faisait ça que pour embêter ma meilleure amie me traversa l'esprit et je me mis un terme à son petit jeu en tirant le rideau. Je n'avais aucune idée de ce qu'il s'était passé entre elle, mais une chose était sûre, je ne voulais pas y être mêler.

— Alors c'est ce qu'on ressent comme on vous brise le cœur, murmura-t-elle.

Je ne répondis rien et regardai Skye qui attendait quelqu'un visiblement. Je secouai la main devant son visage et elle sursauta.

— Désolée, ma puce, murmura-t-elle en serrant ma main.

Ankhti tira le rideau et fit un tour sur elle-même, sûrement pour que je donne mon avis. La robe qu'elle avait choisie avait un tissu fin qui pourrait passer pour une belle robe d'été, mais à cause de son corps de rêve, c'était devenue une tenue érotique. Elle était ouverte en dessous des aisselles laissant entrevoir la forme de ses seins et lui arrivait juste en dessous des fesses.

— Vous... Vous êtes magnifique, murmurai-je en regardant ses jambes scintillantes.

Elle fit une moue comme si ce n'était pas suffisant.

— Y a-t-il quelque chose que ne vous va pas ?

Elle me fit un sourire puis se raidit comme si elle venait de recevoir un choc.

— Oh. Je m'excuse, dit-elle en s'approchant de moi. J'ai visiblement rendez-vous avec quelqu'un que je n'ai pas vu depuis des siècles et même si ça me tue de te quitter, je dois le faire.

Son regard était fixé sur mes lèvres comme si elle voulait m'embrasser et je me décalai pour la laisser sortir.

— Tu me l'offres, Skye, lâcha-t-elle avant de sortir de la boutique.

Ma meilleure amie soupira longuement et après vérifier deux fois qu'elle n'était plus là, je lui sautai dessus.

— C'est qui cette femme ? D'où tu la connais ? Tu as vu ce qu'elle a fait ? Elle était nue !

— Calme-toi, rigola-t-elle.

Je n'avais pas envie de rire. Cette femme s'était mise nue devant moi comme si c'était tout à fait normal et elle m'avait forcé à la toucher, en quelque sorte.

— Je cherche mes mots, me dit-elle avant que je n'enchaine avec une autre série de questions. J'hésite entre dérangée, détraquée, déséquilibrée... Mhmm... Une psychopathe, voilà ! C'est une psychopathe !

— T'es sérieuse ?

— J'aimerais blaguer, crois-moi, murmura-t-elle. Je vais payer sa foutue robe de salope et je reviens.

Je la regardai partir vers la caisse et me dis que si Skye la qualifiait de psychopathe, je devais vraiment me méfier de cette femme. Elle revint vers moi avec un sourire et me prit par le bras.

— On rentre, dit-elle comme si c'était un ordre.

— Tu veux déjà partir ? M'affolai-je. Mais, ça ne fait même pas...

— Mais non, chérie, me coupa-t-elle en levant les yeux au ciel. Tu veux que je raconte mon histoire avec elle ou pas ?

— Oui, dis-je en écarquillant des yeux.

— Ben, j'ai besoin d'un verre pour ça, soupira-t-elle avant de me traîner vers l'extérieur.

Dans ma chambre, Skye prit sa place habituelle. Elle posa ses fesses où ma tête avait reposé toute la nuit et glissa mon oreiller dans son dos pour qu'elle soit confortable contre le dossier. Je choisis le bord du lit, en face du climatiseur dont j'avais eu la bonne idée de le laisser allumer. Maman et moi étions des mauvaises écolos, car à part le tri des ordures et les courses dans des épiceries sans emballage, nous prenions des bains et laissions la lumière dans toutes les pièces. Admirative, je regardai ma meilleure amie nous servir deux verres de Sex on the Beach fait par ma mère. Skye avait un don pour le mensonge qui était terrifiant. Maman s'était bien sûr inquiétée que nous rentrions tôt et Skye avait prétextée avoir eu une insolation. Sa fausse histoire avait duré cinq minutes avec des détails si impressionnants que ma mère avait cru que c'était elle qui avait eu un coup de chaud et elle nous avait préparé un pichet de cocktails et des encas. Il m'arrivait souvent de me demander si elle me mentait aussi, mais j'avais préféré ne pas aller sur ce terrain miné refusant d'avoir le cœur brisé.

— Alors, ma puce, qu'est-ce que tu veux savoir ? Me demanda-t-elle après s'être éclaircie la gorge avec une gorgée d'alcool.

Sur le chemin, quand nous essayions de rejoindre mon île à grandes enjambées en regardant si Ankhti ne nous suivait pas, je faisais une liste mentalement de toutes les questions qui fusaient dans mon esprit, mais maintenant que nous étions dans ma chambre, elle avait disparu. Je me sentais toujours en sécurité chez moi ce qui était bizarre puisque nous étions deux femmes qui vivaient seules dans un immeuble de six étages, nous étions des cibles parfaites pour un nombre incroyable de délits, mais j'avais l'impression d'être dans un château imprenable.

— Alors, cette femme s'appelle Ankhti et elle est Égyptienne.

Je hochai la tête en me rappelant la couleur de sa peau qui avait l'illusion d'être du sable et j'essayai d'imaginer à quoi j'aurais ressemblé si ma mère, une petite poupée russe m'avait eu avec un Égyptien. J'aurais sûrement fait tourner des têtes au point de ne pas pouvoir sortir de chez moi.

— Le Zacharie dont elle parle, c'est effectivement mon meilleur ami. Il habite à Londres, c'est pour ça que tu ne l'as jamais rencontré, me dit-elle avant que je ne lui pose la question.

— D'accord, mais pourquoi tu ne m'as jamais parlé de lui ?

— Je ne sais pas, murmura-t-elle en haussant les épaules. Je crois que je ne voulais pas que tu sois jalouse.

— Jalouse ? M'étouffai-je.

— Ben, tu es en colère quand je parle à ta mère alors je me suis que si je te disais que je partageais mon cœur entre lui et toi...

— T'es sérieuse ? M'écriai-je.

À la seconde où Skye était entrée dans ma vie, je m'étais renseignée sur les relations humaines afin qu'elle soit mon amie pour toujours et si elle me voyait comme quelqu'un de possessif, j'avais visiblement loupé quelque chose.

— Je ne suis plus une petite fille, hein ! Je sais bien que tu as une vie en dehors de moi.

Je dus refermer ma bouche rapidement pour éviter de lui dire que je savais que si elle restait avec moi, c'était quelque part par pitié, car elle pourrait facilement se trouver quelqu'un dont la vie n'était pas aussi improductive.

— Euh... Pas vraiment, rigola-t-elle.

Sa réponse m'étonna. Venait-elle de me mentir pour m'épargner d'être blessée ? Au lycée, tout le monde la voulait comme amie et certains n'hésitaient pas à m'adresser la parole pour que ça joue en leur faveur. À chaque fois qu'elle était avec moi, une petite voix me disait qu'elle pourrait être ailleurs à s'amuser comme une fille de son âge et je faisais mon maximum pour la satisfaire. Si je ne voulais pas perdre, il allait falloir que je fasse des changements, peut-être éviter de lui montrer qu'elle était très importante pour moi. Je mis cette pensée dans un coin de ma tête pour en discuter avec ma mère plus tard.

— Donc, cette Ankhti est l'ex de Zacharie ? C'est de lui dont vous parliez en anglais ?

— Oui et non, non, attends... Pas vraiment et oui.

Je fronçai les sourcils et elle secoua sa main pour s'excuser.

— Oui, on parlait de lui et pas vraiment, parce qu'en fait, elle le veut, mais pas lui.

— Oh. Il aime les hommes ?

Skye éclata de rire. Quel homme pouvait refuser les avances d'une telle femme ? J'imaginais facilement Ankhti vouloir gagner un combat perdu d'avance. Je me rappelai qu'elle m'avait dit que je lui avais brisé le cœur en tirant le rideau de la cabine pour cesser de la voir nue. Elle était magnifique, sûrement la plus belle femme que j'avais vu de toute ma vie, mais elle ne pouvait pas lutter contre ce que le cœur décide.

— Non, mais c'est plus compliqué que ça, bégaya-t-elle.

Je compris parfaitement qu'elle ne voulait pas de la vie de Zacharie, je ne le connaissais ni d'Adam ni d'Eve et je me demandai si elle lui parlait de moi. Connaissait-il mon existence contrairement à moi ?

— Je t'ai dit qu'elle était folle, non ?

— Une psychopathe, précisai-je avec un sourire.

— Alors, figure-toi qu'un jour, je suis en vacances à Rome, je suis dans une boutique pour m'acheter des chaussures et je tombe sur elle. Déjà, je suis éblouie, hein ?

Je confirmai avec un hochement de tête.

— Elle se met à me draguer, mais ouvertement, insista-t-elle en écarquillant des yeux. Bien sûr, je craque !

Ankhti ne m'avait pas menti, elles avaient bien couché ensemble. Skye n'hésitait jamais à me parler de ses coups d'un soir avec des hommes alors pourquoi m'avait-elle caché qu'elle l'avait aussi fait avec des femmes ? Je commençai à me dire qu'elle était ma meilleure amie et malheureusement pas l'inverse.

— Donc on baise toute la nuit, et crois-moi, cette femme est inoubliable au lit. Jusqu'à aujourd'hui, je ne crois pas avoir trouvé quelqu'un qui m'a autant fait jouir.

Elle s'arrêta sûrement pour se remémorer ce moment, car elle avait les yeux fermés et un sourire de plaisir sur ses lèvres. Je savais que cette femme n'avait pas menti à ce sujet, c'était l'une des choses dont on se vante rarement si ce n'est pas le cas.

— Le lendemain, tu sais ce qu'elle me sort ? Tu diras à Zacharie ce que ça fait d'être au lit avec moi.

J'écarquillai des yeux, car elle imitait parfaitement la voix d'Ankhti.

— Mais... Mais comment elle a su ?

Le regard qu'elle me lança me laissa perplexe, elle n'avait pas prévu que je lui pose cette question.

— Facebook, répondit-elle avant de boire une gorgée de son verre.

— Ben, je croyais que tu détestais les réseaux sociaux, fronçai-je les sourcils.

— Oui, depuis ce jour-là ! Tu imagines, si cette folle a pu m'avoir à cause de ce site alors n'importe qui !

Je n'étais pas sur les réseaux sociaux, car je n'avais rien d'intéressant à mettre, pas même les photos de mes repas.

— Donc, tu es en train de me dire que cette femme t'a suivi jusqu'à Rome pour coucher avec toi afin d'atteindre Zacharie ?

Je compris pourquoi Skye la qualifiait de psychopathe. Je n'avais aucune idée de la raison qui faisait que Zacharie la repoussait, son état mental peut-être, mais je me demandai si cela ne la rendait pas folle qu'on ne tombe pas dans ses bras. Elle était irrésistible alors c'était le pied pour elle quand quelqu'un lui résistait, mais visiblement elle allait un peu trop loin pour réussir son but.

— Il lui manque vraiment une case, murmurai-je.

— Oh oui, approuva-t-elle en écarquillant les yeux. À chaque fois que Zac' se rapprochait de quelqu'un, elle couchait avec. Homme ou femme. Il a fini par s'isoler totalement et du jour au lendemain, elle a disparu de sa vie.

— Mais, qu'est-ce qu'elle fait ici ? À Paris ? Elle t'aurait suivi, tu crois ?

— Possible, dit-elle en haussant les épaules, décontractée.

— Et ça ne t'inquiète pas plus que ça ? M'affolai-je.

Après ce qu'elle venait de me raconter, ce n'était pas une coïncidence qu'elle décide d'entrer dans cette boutique. Cela voulait dire qu'elle avait suivi Skye et c'était terrifiant.

— T'inquiètes, je vais prévenir Zacharie qui la calmera, me promit-elle.

— Comment ? Fronçai-je les sourcils.

La seule solution pour qu'elle cesse, était de coucher avec elle et s'il ne l'avait pas fait avant, je ne voyais pas ce qui pouvait lui faire changer d'avis.

— Détends-toi, rit-elle.

Comment voulait-elle que je ne m'inquiète pas ? Toutes les après-midi, à la télévision, on voyait des films qui nous donnaient un aperçu de ce dont les hommes et les femmes à qui ils manquaient une case, étaient capables de faire pour atteindre leurs buts. L'idée qu'elle puisse tuer Skye pour que Zacharie vienne à elle me traversa l'esprit et je me demandai si ma meilleure amie avait vraiment idée dans quoi elle s'était mise. J'avais lu des histoires de femmes harcelées qui racontaient que leurs ex n'hésitaient pas à les suivre, détruire leurs voitures et leurs appartements pour qu'elles reviennent vers eux.

— Ava, murmura-t-elle en s'approchant de moi. Tout va bien. Tu n'as rien à craindre.

— Je ne m'inquiète pas pour moi, mais pour toi ! Attends, tu penses qu'elle va m'embêter ? Je ne le connais même pas ce Zacharie ! Criai-je comme si je voulais qu'Ankhti l'entende.

— Exactement et moi, je pars pour New York alors je ne crains rien, sourit-elle.

Elle plongea son regard dans le mien où je voyais qu'elle me demandait de lui faire confiance et je cédai en hochant la tête. Ma meilleure amie connaissait mieux le spécimen que moi alors si elle me disait que je n'avais rien à craindre, c'était le cas. Elle retourna à sa place et je bus doucement mon verre, car il y avait une question que je voulais lui poser et j'avais besoin de courage pour cela.

— Dis-moi, c'est comment ? Demandai-je d'une voix hésitante.

— De quoi, ma puce ?

— Ben, tu sais, murmurai-je, gênée. Faire l'amour avec une femme.

Souriante, elle posa le verre dans sa main et se rapprocha de moi.

— Ferais-je enfin la connaissance d'Ava, l'excitée ?

— Quoi ? Paniquai-je.

Le visage de Skye était drôlement proche du mien et elle posa ses mains sur le lit autour de mes hanches comme si elle m'encerclait.

— Ben, quand je te raconte mes coups d'un soir avec des hommes, ça te passe par-dessus la tête, et là, ça t'intéresse. Petite coquine, souffla-t-elle en fixant mes iris.

Mon cœur se mit à redoubler d'effort. Mon visage s'enflamma et j'eus du mal à me concentrer sur ses yeux chocolat.

— Serais-tu jalouse ?

Surprise, je haussai les sourcils. Cela ne m'avait même pas traversé l'esprit. C'était tout à fait normal que Skye avait cédé au charme d'Ankhti et j'imaginais que c'était aussi vice versa même elle était poussée par une autre pulsion. Je ne compris pas sa question. Étais-je jalouse qu'elle avait couché avec cette femme ou que cette femme avait couché avec Skye ?

— Non, c'est juste de la curiosité. J'ai lu des centaines de livres qui racontent ce que c'est de coucher avec un homme alors, expliquai-je en haussant les épaules.

— Dommage, lâcha-t-elle avant de retourner à sa place.

— Pardon ? M'exclamai-je en écarquillant des yeux.

Nerveuse, je rigolai. Était-elle en train de me taquiner ? Je ne pouvais jamais savoir avec Skye.

— Tu... Tu veux qu'on couche ensemble ?

— Ben, ta mère est dans la cuisine et nous, on fait des bêtises dans ta chambre, c'est genre le scénario de tout film porno lesbien qui se respecte.

Je restai silencieuse et inspectai son visage à la recherche d'un signe qu'elle se moquait de moi. Avais-je loupé quelque chose ? Elle éclata de rire et je la fusillai du regard.

— Je voulais juste vérifier qu'Ankhti n'avait pas éveillé ton désir sexuel. Elle fait tellement d'effets cette femme, qu'elle serait capable de briser les vœux de chasteté des prêtes et des Sœurs, rigola-t-elle, assurée.

— Ben, je ne vais pas nier qu'elle est magnifique, mais son approche n'est pas vraiment top. Se mettre nue comme ça, ça m'a plutôt rebuté qu'autre chose.

Skye ouvrit la bouche pour me dire quelque chose, mais la referma et bondit de mon lit.

— On se fait un karaoké ? Proposa-t-elle en ouvrant la porte de ma chambre.

— Bonne idée, ça fera peut-être disparaître la canicule, ironisai-je en attrapant le pichet.

Le lendemain matin, je bondis de mon lit, résolue. J'avais décidé de ne pas me laisser abattre par l'absence de Skye. J'avais donc prévu d'aller m'acheter une bonne centaine de livres et si cela ne fonctionnait pas, je me prévoyais de me droguer aux glucides. Mon métabolisme avait du mal à les assimiler, une maladie très rare selon mon médecin traitant et c'était la raison pour laquelle ma mère s'occupait de préparer mes repas. Dès que je mangeais du pain, du riz, des pâtes ou des pommes de terre, je m'endormais pour minimum une dizaine d'heures alors je n'en prenais que le week-end. Mais je doutais qu'elle me laisse en prendre pour deux semaines d'affilée, car elle était tellement terrifiée que je ne me réveille pas qu'elle dormait toujours avec moi quand cela arrivait. C'était un parfait entraînement, car depuis qu'elle m'avait apprise que j'étais quelque peu possessive, je voulais à tout prix changer cela. Je préférais qu'on se parle une fois par semaine plutôt que plus jamais. Je devais montrer à Skye qu'elle n'était pas l'élément central de ma vie et pour cela, je devais commencer par ne pas lui harceler de textos ou d'appels pendant son séjour à New York.

Je fis un pas vers ma salle de bains juste en face quand je subis le contrecoup d'hier soir. Ma peau avait l'arôme de la vodka, donc je pris un bain plutôt que la douche rapide prévue. Mes oreilles me rappelèrent l'horrible torture qu'ils avaient enduré, ma mère qui chantait I will always love you de Whitney Houston. C'était sa chanson préférée, car le premier film qu'elle avait vu de sa vie était Bodyguard et avec mon père. Je ne l'avais pas entendu chanter cette chanson depuis des années. Avant, je dormais dans la chambre en face de la cuisine à côté de celle de maman, mais à quatorze ans, je m'étais rebellée. Ma mère n'avait aucune idée de ce que voulait dire intimité, elle débarquait quand ça lui chantait, que je sois en train de faire mes devoirs ou lire, et j'entendais tout ce qu'elle faisait dans la cuisine comme si j'y étais. Après une semaine, elle avait cédé et m'avait proposé de prendre l'appartement au-dessus, un F2 que nous avions réaménagé. La cuisine s'était transformée en dressing, la chambre en bibliothèque et le salon en chambre, et j'avais remplacé la douche par une baignoire. Il n'y avait qu'un escalier en marbre qui nous séparait et je ne l'entendais seulement si je laissais ma porte ouverte ce qui était rare.

Ma mère fut très surprise de me voir debout. Ce n'était pas mon habitude de me lever avant onze heures le week-end et les vacances, et pas avant quatorze ou quinze heures quand j'avais bu la veille. J'eus l'impression qu'elle levait tout juste de se lever. Elle était en pyjama, avait les cheveux en pagaille, le visage bouffi et une tasse de café encore fumante dans les mains. L'avais-je réveillée ? Elle me fit éclater de rire, car elle s'approcha de moi pour vérifier ma température en posant sa main sur mon front puis fronça les sourcils en me regardant de la tête aux pieds.

— Qu'est-ce que tu fais debout ? Marmonna-t-elle.

— Je t'ai réveillé ? Lui demandai-je avec un ton désolé.

Je lui fis un bisou pour me pardonner et j'eus droit à un rictus au coin de sa bouche. Je l'embrassai une nouvelle fois puis allai me chercher une tasse de café.

— Tu es tombée du lit ?

— Non, souris-je. J'ai mis un réveil...

— Tu vas où ? Me sauta-t-elle dessus telle une inquisitrice.

— Je vais m'acheter des livres.

— Tu es sérieuse ? Après avoir passé une soirée à boire, tu mets un réveil pour aller acheter des livres, toi ?

Elle me lança le regard qui disait : « Tu te fous de moi ? » et je soupirai.

— Tu veux que je fasse quoi d'autre, maman ? Je préfère y aller le matin plutôt que l'après-midi, à cause de la chaleur.

— Pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde ? Prends-les sur internet !

J'ouvris la bouche pour lui expliquer pour la énième fois que ce n'était pas la même chose, que j'aimais avoir la sensation du papier dans mes mains, mais je sentis que ça ne ferait que mettre de l'huile sur le feu. Je devinai que sa colère n'était pas seulement dûe au fait que je l'avais réveillée.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Rien, s'exclama-t-elle comme si je venais de l'accuser d'un grand crime. C'est juste que tu devrais penser à la planète.

— C'est toi qui me parles d'écologie alors que je suis obligée de passer derrière toi pour le tri des ordures ? Me moquai-je d'elle.

Elle ouvrit la bouche pour me répondre quelque chose, mais finit par balancer sa main vers moi pour me demander d'oublier. Maman me cachait quelque chose, elle m'avait peut-être prévue une surprise et le fait que je m'étais levée tôt avait tout gâché. Elle avait horreur que tout ne se déroule pas comme elle l'avait planifié. Le départ de Skye était imminent et je voulais être occupée à autre chose qu'à la texter. Je finis mon café rapidement en voyant qu'elle ne me dirait rien d'autre et je me levai du tabouret.

— Tout de suite ? Et ton petit-déjeuner ?

— Je reviens vite, promis-je en allant prendre mon sac à main accroché au porte-manteau à côté de la télévision.

Je fus sur le point de partir, mais je fis demi-tour pour aller lui faire un baiser bruyant, elle les aime. Maman me fit un câlin étouffant et une pensée farfelue traversa ma pensée. Pensait-elle que j'allais partir à New York avec Skye ?

— Je peux avoir du bacon ? Demandai-je pour qu'elle comprenne que j'allais revenir.

— Bien sûr, ma chérie, sourit-elle.

Une fois dehors, je soupirai. La canicule était encore là ainsi que la migraine que je pensais avoir faire disparaître dans mon bain et je fus contrariée en sentant l'odeur des croissants chauds de la pâtisserie à côté. Je regrettai de n'avoir rien mis dans mon estomac. Je marchai tout droit jusqu'au Pont Saint-Louis qui relie l'Île de la Cité et l'Île Saint-Louis en pensant à ma mère. Que m'avait-elle bien préparé ? Je me doutais qu'elle n'allait pas me laisser sombrer dans la dépression après le départ de Skye et mon instinct me disait que nous allions repeindre quelques murs. Depuis des semaines, elle n'avait pas arrêté de se plaindre que l'appartement était sombre. J'aimais traverser l'Île de la Cité, car je m'arrêtais toujours pour admirer la Cathédrale de Notre-Dame de Paris ce qui me rappelait mon dessin animé préféré Le bossu de Notre-Dame. Le souvenir de ma mère qui m'avait fabriqué la tenue d'Esmeralda et qui m'y avait emmené pour que je me sente comme elle, me fit sourire. Elle avait prise des photos que je lui avais interdite de montrer à Skye pour éviter qu'elle se moque de moi.

— C'est à couper le souffle, non ?

Je sursautai, car je reconnus cette voix, c'était celle d'Ankhti. Que faisait-elle ici ? M'avait-elle suivie ? Pourquoi ? Le cœur tremblant, je me tournai vers elle.

— D'en haut, c'est plus beau, sourit-elle.

Maintenant que je savais qu'elle était égyptienne, son accent était plus perceptible. Je fus surprise de voir qu'elle était couverte. Elle portait un caftan doré serti de pierres et d'or qui cachait ses courbes, mais pas son extrême beauté. Elle ressemblait à une princesse arabe. Le discret rouge à lèvres marron qu'elle portait adoucissait les traits de son visage et elle avait l'air d'être douce, gentille et inoffensif. Elle aussi, me regarda de la tête aux pieds puis finit un sourire. Je n'avais pas vraiment réfléchi en m'habillant, j'avais pris la première chose suspendue dans mon placard, une robe short blanche.

— Bonjour, murmurai-je en regardant autour de moi.

Je vérifiai que nous n'étions pas seules et s'il y avait des policiers au cas où son attitude changerait. Je me dis que je n'avais rien à craindre, car je ne connaissais pas Zacharie, je ne savais même pas à quoi il ressemblait, mais avec les fous, on n'était jamais sûr.

— Des croissants ? Proposa-t-elle en secouant un sac blanc taché de beurre sous mes yeux.

— Euh... Merci, mais je ne peux pas en manger, dis-je, désolée.

Ankhti fronça les sourcils tout en serrant violemment le sac. Si j'avais bien compris une chose hier, c'était que cette femme n'aimait pas qu'on la repousse ou soit contre elle alors je me devais d'être polie, gentille et agir normalement.

— Mon corps n'assimile pas très bien les glucides, expliquai-je d'une voix sincère.

— Oh. Comme moi, s'étonna-t-elle.

Je compris que je ne m'étais pas trompée, elle m'avait suivie. D'où avait-elle pu le faire puisque même si j'avais la tête dans les nuages, je l'aurais vu sur mon île. Et surtout, pourquoi l'avait-elle fait ?

— C'est chiant, hein ? Je n'en mange que le soir, enfin pas les vacances.

— Moi, j'ai un régime spécial, sourit-elle.

— Oui, j'imagine, murmurai-je en regardant son corps.

Le souvenir d'elle nue dans la cabine d'essayage était resté gravé dans ma mémoire et je pouvais facilement la voir ainsi sous ce caftan.

— Vous vous promenez ?

Elle allait me mentir et même si je mourrais d'envie de lui demander ce qu'elle me voulait, je ne pouvais pas prendre le risque de la mettre en colère.

— Tu aurais peur si je te disais que je t'avais suivie ?

— Un peu, oui.

— Alors, oui, je me promenais.

J'éclatai de rire et je fus gênée, car elle m'admirait. Ses iris, toujours des amas circulaires de pierres précieuses beiges, marrons clairs et foncés, inspectaient chaque centimètre carré de mon visage comme s'ils enregistraient à jamais. J'imaginai que c'était des lentilles, une nouvelle mode.

— Vous savez, je ne connais pas Zacharie. Avant-hier, je n'avais jamais entendu parler de lui.

Ankhti pencha la tête sur le côté en souriant.

— Je le sais, ma belle. Alors, Skye t'a parlé de moi ?

— Un peu, murmurai-je.

— Ce n'était pas des compliments, n'est-ce pas ?

Embarrassée, je secouai la tête. Je priai pour qu'elle ne me demande de le lui les répéter, car je ne voulais pas qu'elle se défoule sur moi. Que devais-je faire à présent ? Continuer à lui parler ou m'excuser et fuir ?

— Elle prend la défense de son meilleur ami, c'est normal.

Je me demandai comment elle réagirait si elle savait que j'étais au courant qu'elle avait suivie Skye jusqu'à Rome pour coucher avec elle. Mon cœur s'emballa. Avait-elle fait la même chose pour moi ? C'était impossible. Je n'avais pas un dixième de la beauté de ma meilleure amie alors c'était forcément pour autre chose. Peut-être qu'elle m'avait suivie parce qu'elle n'avait aucune idée d'où était Skye.

— Vous cherchez Skye, c'est ça ?

— Non, je sais où elle est, sourit-elle.

J'étais, donc bel et bien sa cible. Je voulus lui demander ce qu'elle attendait de moi, mais j'eus peur de sa réponse.

— D'accord. Bon, ben...

— Tu vas quelque part ?

— Oui, à la librairie. Je vais m'acheter des livres pour ne pas m'ennuyer pendant les vacances.

— Je peux t'accompagner ?

Le rythme de mon cœur changea brutalement. Je voulus refuser, car les paroles de Skye me revenaient sans cesse en tête, mais je ne pouvais pas le faire, car j'avais peur de lui donner encore plus envie d'être avec moi.

— Vous allez vous ennuyer, non ? J'imagine que vous avez d'autres choses à faire qu'aller à la librairie, souris-je.

— Pas du tout, dit-elle en se mettant à côté de moi.

— Ben... D'accord, murmurai-je.

Nous marchâmes devant la Crypte archéologique de l'Île de la Cité, je l'avais visité avec Skye l'année dernière et j'eus envie de dire à Ankhti qu'elle devrait le faire, mais je n'osai pas. Contrairement à hier, où elle avait été très percutante, là, elle semblait être intimidée et comme je l'étais aussi même si son parfum à la banane me détendait un peu, aucune de nous deux ne parlait. La plupart des questions qui me venaient en tête étaient terriblement déplacées et comme j'évitai de la froisser, je me mordais la lèvre inférieure à chaque fois qu'une voulait s'échapper de ma bouche. Sans surprise, Ankhti attirait tous les regards, ceux des hommes comme des femmes, ils se retournaient sur son passage et je ne savais pas si c'était à cause de sa tenue, de sa beauté ou la combinaison des deux. En tout cas, cela me mettait mal à l'aise, je n'avais pas l'habitude d'être le centre d'attention et je voyais dans leurs yeux qu'ils se demandaient ce qu'elle pouvait bien faire avec moi. Je me posais la même question. Voulait-elle de l'argent ? C'était tout ce que je pouvais lui offrir, car Skye était sur le point de prendre son avion pour New York et je n'avais aucune idée de qui était Zacharie. Nous allions arriver sur la Rue de la Cité et ne supportant plus ce silence, je me décidai à le briser. Je réfléchis à une question qui ne risquait pas de la fâcher.

— Je peux vous poser une question ? Demandai-je en osant la regarder.

Elle fut soulagée que je sois la première à ouvrir la bouche.

— Plusieurs même, plaisanta-t-elle.

— Mhmm... Zacharie, il est si beau que ça ? Je veux dire, est-ce ça vaut la peine de faire tout ça ?

Ankhti éclata de rire ce qui me rassura.

— Jusqu'à que je te rencontre, je pensais qu'il était le plus bel être du monde et puis, il m'a fait une promesse.

J'eus un mouvement de recul alors que nous allions prendre à droite pour marcher sur le Quai du marché neuf qui longe la Seine. Ébahie, je lui fis face et elle me regarda, intriguée.

— Qu'est-ce que vous avez dit ?

— Tu as très bien entendu, rit-elle.

— Attendez, dis-je en secouant la tête. C'est pour cela que vous m'avez suivie ? Que vous êtes là ? Parce que vous me trouvez belle ?

— Tu es bien plus que ça, Ava, souffla-t-elle en me regardant dans les yeux. La dernière fois que j'ai ressenti cette sensation, Londres n'avait pas encore brûlé. Et c'est bien la première fois que je désire une personne de cette façon, viscéralement.

Elle serra son poing pour que j'ai une image de ce qu'elle voulait dire et stupéfaite, j'eus du mal à respirer. Sa folie se confirma. Comment pouvait-elle me trouver belle ? Me désirer ? Elle qui était la définition du mot perfection. Comment pouvait-elle passer de Skye à moi ? Je vacillai entre la peur et la curiosité. Devais-je lui dire que je n'étais pas intéressée par elle et risquer à ce qu'elle me harcèle ? Ou chercher à savoir ce qui avait bien pu l'attirer chez moi ?

— Ça a l'air de t'étonner, fronça-t-elle les sourcils.

— Bien sûr ! M'exclamai-je avec un petit rire. Vous êtes la plus belle du monde et moi, c'est à peine si on me voit !

Ankhti me regarda longuement, elle essayait de lire sur mon visage puis se redressa avec un sourire malicieux.

— Je m'étais trompée sur toi, murmura-t-elle.

Je me sentis soulagée. Elle venait enfin de comprendre que je n'étais pas aussi belle qu'elle le pensait et encore moins intéressante.

— Je ne pensais pas que tu avais autant d'égo, je vais devoir revoir mon...

— Quoi ? La coupai-je, choquée. De l'égo ? Moi ?

— Ne sois pas fâchée, ma belle, sourit-elle. Je suis comme toi, j'aime qu'on me dise que je suis belle.

J'éclatai de rire. Je n'arrivais pas à croire ce qu'elle me disait. Je vis à son visage que je commençai à l'agacer et je posai ma main sur son avant-bras pour la calmer.

— Je ne pense pas, une seule seconde, être belle et croyez-moi, le monde entier me l'a fait comprendre.

Je regardai autour de moi, car j'étais forcément la cible d'une caméra cachée, mais je me rappelai que Skye m'avait dit qu'il lui manquait une case. Si elle me trouvait belle, à quoi ressemblait Zacharie ? Elle ne me croyait pas. À cause de ses lentilles, il m'était difficile de comprendre son regard, mais ses mains disaient tout, elle serrait les poings.

— Je vous le jure ! M'exclamai-je en levant ma paume. À part Skye et ma mère, personne ne m'a dit que j'étais belle. Je parie même que les gens évitaient ma mère de peur de devoir lui dire que j'étais le bébé le plus moche du monde.

Je fus prête à lui dire que j'étais vierge, car vu les traits de son visage, elle pensait toujours que je lui mentais.

— Tu es en train de me dire que Skye n'a jamais essayé de coucher avec toi ?

Je m'étranglai avec ma salive. La femme d'hier était de retour.

— Non, soupirai-je. Je vous l'ai dit, elle est ma meilleure amie.

— Mhmm... Elle a visiblement beaucoup de sang-froid. Ce qui est tout à fait normal pour une voleuse.

J'écarquillai des yeux et je voulus lui demander ce que cela signifiait, mais elle m'avait devancé.

— Moi, si je passais une après-midi avec toi, je te ferais l'amour au moins cinq fois.

Je m'étouffai si violemment que je dus frapper ma poitrine plusieurs fois avant de pouvoir respirer normalement. Je sentis au fond de moi que si je ne mettais pas un terme à cette conversation rapidement, les choses tourneraient mal.

— Écoutez, euh...

Ankhti plaqua sa bouche sur la mienne. Mon cœur se mit à battre si vite que le bruit de mes battements auraient pu couvrir la cacophonie de Paris. Je pensais que la peur et la surprise étaient les responsables de ma paralysie, mais quand sa langue rencontra la mienne, je compris que c'était parce que j'aimais ce qu'elle faisait. C'était mon premier baiser et il valait mille fois mieux que quand je l'avais imaginé avec des garçons. Elle recula la tête et je soupirai de plaisir quand son pouce glacial caressa ma pommette droite. J'avais envie qu'elle m'embrasse à nouveau, mais je ne savais pas comment le lui faire comprendre. Tout mon corps tremblait, même mon regard.

— Tu ne mentais pas, sourit-elle.

J'ouvris la bouche, mais aucun son ne sortit.

— Qu'est-ce que j'aime être la première, murmura-t-elle avant de me faire un rapide baiser. Viens chez moi, Ava.

Je perdis le contrôle de mon cœur, il était tombé au fond de mon estomac et mon regard terrifié l'avait fait reculer.

— Tu n'as rien à craindre, ma belle, me rassura-t-elle avec une voix douce. Je vais te donner tellement de plaisir que tu vas en devenir folle.

Son index glissa du bout de mon nez jusqu'à mes lèvres.

— Je vais te montrer à quel point tu es magnifique, Ava, me promit-elle.

Elle entrelaça ses doigts aux miens et m'attira vers elle comme si j'avais déjà accepté. Un nombre incroyable d'excuses traversa mon esprit quand une odeur de cigare attira mon attention. Comme la banane, cette odeur me calma et me plongea dans un état de confiance ce qui était bizarre, car ma mère ne fumait pas et selon ses dires, mon père non plus. Ankhti grimaça et lâcha délicatement ma main.

— Désolée, murmura-t-elle en me caressant la joue. Je dois voir quelqu'un. Ça m'apprendra à ne pas suivre les lois.

Je fronçai les sourcils. Je devais quand même avouer que je ne comprenais pas toujours ce qu'elle me disait. J'essayai de ne pas lui montrer que j'étais heureuse qu'elle s'en aille, car j'avais senti que je l'aurais suivie. Je me rappelais que ma meilleure amie avait aussi cédé à ses avances.

— N'en profite pas pour faire des bêtises avec Skye, dit-elle en appuyant sur mon nez. Elle a laissé sa chance, tu es à moi maintenant.

Elle me fit un rapide baiser et disparut à travers un groupe de touristes sur le quai. J'étais mal à l'aise. J'hésitai à partir à droite ou à gauche. J'eus l'impression que tout le monde me regardait et j'eus même peur que quelqu'un m'agresse pour avoir embrassé une femme en public. Je décidai, donc de rentrer à la maison et aussi rapidement que l'éclair. Je réussis à faire bouger correctement mes jambes tremblantes et j'eus envie d'appeler Skye pour lui dire que j'étais devenue le nouvel objectif d'Ankhti, mais je devais déjà me calmer pour cela. Ma respiration était haletante et mon esprit m'envoyait des images que j'avais du mal à juger. Moi, nue et Ankhti qui faisait ce qu'elle m'avait dit, me donner du plaisir à m'en faire perdre la raison et je ne savais pas si ce que je voulais ou ce que je redoutais. À chaque fois que je regardai derrière moi, j'accélérai mes pas vers mon immeuble. Je savais que si elle me rattrapait et qu'elle me demandait une nouvelle fois de la suivre, je l'aurais fait. Je ne me comprenais pas, car je n'avais jusque-là jamais été attiré par les femmes. Était-ce ce qu'il m'avait manqué pour que je sois heureuse ? Avais-je pendant toutes ses années chercher dans la mauvaise direction ? Ce n'était qu'un baiser après tout et le premier alors il était possible que ce n'était que l'euphorie de la première fois. Je mourrais d'envie d'en parler à Skye tout en sachant qu'il était inutile de lui demander comment elle avait géré cette situation puisqu'elle avait couché avec Ankhti. Devais-je faire la même chose ? Devais-je expérimenter avec Ankhti pour être fixer ?

Une fois devant mon immeuble, je regardai une dernière fois derrière moi, mais elle n'était pas là. J'entrai, refermai la porte et restai quelques secondes sans bouger. Je savais que j'allais subir un interrogatoire de la part de ma mère si elle me voyait revenir sans livres. Je sortis mon miroir de poche de mon sac à main et écarquillai des yeux en voyant que j'étais rouge tomate. Je devais trouver une excuse pour filer tout droit dans ma chambre et avoir le temps de reprendre mes esprits avant de lui faire face. Je pris les escaliers en courant et avant même que je n'arrive à l'étage de la cuisine, ma mère m'appela.

— Ava, chérie, viens ! S'exclama-t-elle avec une voix qui sous-entendait qu'elle avait une surprise pour moi.

— J'ai mal au ventre ! Criai-je en courant vers les marches de mon appartement.

J'entrai, fermai la porte et courus dans ma salle de bains. Cette excuse allait m'offrir quelques minutes. Je mis le bouchon dans le lavabo, ouvris l'eau froide et patientai en me regardant dans le miroir. Ava Cosma venait d'être embrassée par une femme et elle avait aimé ça. Je plongeai mon visage dans l'eau froide jusqu'à que je ne puisse plus retenir ma respiration et maintenant que mon cœur avait repris un rythme normal, je pris mon portable dans mon sac à main. J'hésitai à appeler ma meilleure amie, car j'imaginais qu'elle était dans un taxi pour l'aéroport de Roissy et j'avais peur qu'elle rebrousse chemin si je lui apprenais pour Ankhti. La seule personne qu'il me restait était ma mère et si je le faisais, elle paniquerait et m'enfermerait à jamais dans ma chambre. Je pouvais me tromper, maman serait heureuse comme tout si je trouvais quelqu'un, mais sûrement pas une folle. Désespérée, j'appelai Skye et fronçai les sourcils en entendant sa sonnerie de téléphone dans ma chambre. Intriguée, je sortis de la salle de bains et tombai sur ma meilleure amie assise sur mon lit, ses valises roses pétard à côté de mon bureau.

— Oui ? Sourit-elle.

— Qu'est-ce... Qu'est-ce...

— Surprise ! S'exclama-t-elle en bondissant du lit. Avec ta mère, on prévoit ça depuis des mois...

Je ne la laissai pas finir et lui sautai dessus pour la serrer très fort contre moi.

— Je me doutais que tu allais réagir de cette façon, éclata-t-elle de rire.

Je ne lâchai pas, au contraire, je resserrai mon étreinte. Sa présence allait faire taire toutes les questions qui me tourmentaient et faire disparaître la peur qui me dévorait l'estomac.

— Euh... Ok, qu'est-ce qui se passe ? Me demanda-t-elle en me décrochant d'elle.

Je soupirai longuement en évitant son regard et me laissai tomber comme une masse sur mon lit. Je l'entendis fermer ma porte de chambre et je me retournai pour qu'elle puisse m'entendre correctement.

— Je suis tombée sur Ankthi.

— Comment ça ? Me demanda-t-elle en s'asseyant sur le lit. Tomber dessus par hasard ou ?

— D'après toi, dis-je en me redressant.

J'imaginais que toutes les rencontres d'Ankhti étaient planifiées et m'en voulait de ne pas être partie plus tôt ou simplement refuser qu'elle m'accompagne à la librairie.

— Pourquoi ? S'exclama-t-elle en fronçant les sourcils.

Je voulus lui dire parce qu'il lui manquait quelques cases, mais ma meilleure amie le savait déjà. Je devais lui donner une excuse valable.

— Parce que selon elle, je suis le plus bel être du monde, répondis-je en levant les yeux au ciel. Avant, c'était Zacharie et maintenant, c'est moi.

— Et merde, marmonna Skye.

— Exactement ! Je fais quoi maintenant ? Jusqu'à quand je ne peux plus sortir de chez moi ? Est-ce que je dois prévenir les flics ? Qu'est-ce que je vais dire à maman ?

Skye se mit à rire et je la fusillai du regard, car la situation n'était pas du tout marrante. Elle m'avait embrassé alors que ferait-elle à notre prochaine rencontre ? Ce qu'elle m'avait promis ? J'ouvris la bouche pour lui informer que nous n'avions pas seulement parlé, mais elle prit ma main.

— Tu n'étais pas censée l'apprendre de cette façon, mais dès demain, tu ne seras plus à Paris.

Je fronçai les sourcils. Ce n'était que maintenant que je réalisai qu'elle n'était pas à l'aéroport et me demandai ce qu'elle faisait chez moi.

— Ça fait des mois qu'on prépare cette surprise avec ta mère alors on ne va pas laisser cette psychopathe tout gâcher.

— Comment ça ? Tu ne pars pas à New York ?

— J'en ai l'air ? Se moqua-t-elle de moi.

Skye posa ses mains sur mes épaules pour que je me concentre sur elle.

— Toi et moi, nous allons à... Londres !

— Avec maman ? Demandai-je avec des étoiles dans les yeux.

— Non, toi et moi ! S'exclama-t-elle en me secouant pour que je réagisse.

Je n'eus pas la réaction qu'elle attendait, car ma mère m'avait bien fait entendre que si elle n'y allait pas, moi non plus alors je ne comprenais pas l'attitude de Skye.

— Ava, on part à Londres, insista-t-elle.

— Tu sais très bien que maman ne veut pas que...

— Oui, mais tu te rappelles de ce film ? Celui qui l'a fait déprimé pendant des semaines ?

— Ouais, marmonnai-je en me rappelant de l'enfer que j'avais vécu.

— Ben, ça a fonctionné, sourit-elle.

Maman en avait beaucoup souffert, mais ça avait eu l'effet inverse. J'avais dû lui promettre que je ne la quitterais jamais et je n'avais pas aperçu dans son regard qu'un jour comme celui-là arriverait.

— Impossible, murmurai-je.

Skye abandonna en soupirant. Elle se leva de mon lit et alla ouvrir ma porte de chambre.

— Lena ? Cria-t-elle.

— Oui, ma chérie ?

— C'est vrai qu'Ava et moi, on va à Londres demain ?

— Oui, pourquoi ? Répondit-elle comme si ce n'était pas la meilleure nouvelle du monde.

Je bondis de mon lit, mais j'hésitai à m'exciter. Il était possible que ça soit une horrible blague de la part de maman ou j'avais mal entendu. Je bousculai Skye en sortant de ma chambre et dévalai les escaliers.

— T'es sérieuse ? L'attaquai-je à la seconde ou j'arrivai dans la cuisine.

— Oui, éclata-t-elle de rire.

— Vraiment ? Vraiment ? Insistai-je en m'accrochant à elle.

— Oui, Ava. Je te laisse aller à Londres avec Skye.

Je lui sautai au cou si violemment qu'elle perdit l'équilibre et elle rigola dans mon oreille. Je fus tellement heureuse que j'hésitai entre sautiller sur place ou continuer à la prendre dans mes bras.

— Enfin, soupira Skye.

Je me tournai vers elle et lui sautai dessus en laissant aller ma joie. Je n'arrivais pas à croire que ma meilleure amie avait réussi à lui faire changer d'avis et avec un film. J'étais tellement heureuse que je ne pouvais pas m'arrêter de l'exprimer avec des cris et des câlins. À bout de souffle, je m'appuyai sur le dossier de l'un des tabourets sous leurs rires et me mis à réfléchir à ce que j'allais devoir faire ensuite.

— Il y a mes valises, pensai-je à haute voix. Un programme de visites...

— On verra tout ça plus tard, rigola Skye. Prends ton petit-déjeuner d'abord.

Ma mère posa une assiette d'œufs brouillés et de bacon, et mon estomac me rappela qu'il était vide depuis un moment. Je m'assis et tapotai l'avant-bras de ma meilleure amie.

— Je veux tout savoir ! Ordonnai-je, excitée.

Skye s'assit à côté de moi et accompagnée de ma mère, elles me racontèrent quand cette idée leur était venue, et moi, j'étais déjà à demain.

 

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Enaelyork
Posté le 29/10/2020
Wow ! Moi qui pensait faire de très gros chapitres avec 5k, je suis épatée par la longue !
Tout d'abord, j'ai lu sans trop savoir où cela allait mené. J'apprécie l'homo-romance et l'homo-érotisme de ton histoire. Loin de ce que l'on peut voir habituellement. Du coup c'est un plus.
Ankthi est un personnage central de ton histoire ! Hyper charismatique et très avenante, la façon qu'elle a de parler de tout sans tabou m'épate ! Elle a de quoi être vraiment mal à l'aise !
J'attends de voir pour Skye, mais j'imagine qu'elle aura un rôle important dans la suite !
Cora Lee
Posté le 29/10/2020
Oui, je les ai fait très grand, car c'est un peu la galère pour poster des chapitres ici. L'homo-romance est tout ce qui intéresse les lecteurs, lol.
Ah Ankthi...
Enaelyork
Posté le 29/10/2020
En fait pas du tout. L'histoire m'intrigue totalement et je trouvais cette homo-romance hyper inattendue ! Maintenant, si elle n'est pas la base de ton histoire, ça me convient totalement ! Je suis très impatiente en tout cas de découvrir tous tes personnages.
Cora Lee
Posté le 29/10/2020
Vous êtes deux alors à qui l'histoire en elle-même intéresse lol. En tout cas, merci pour ton commentaire, ça me fait plaisir !
Alice_Lath
Posté le 13/10/2020
ALORS, je dois dire que quand j'ai vu la taille du chapitre (11K) et le début (description catalogue de créatures fringuées avec des vêtements de luxe et toutes magnifiques), j'ai eu un mouvement d'appréhension. Le résumé m'avait attirée, mais je ne suis pas très bit-lit et fantasmes idéalisés.
Pourtant... pourtant j'ai dévoré ces 11K mots sans aucun problème, et je suis prête à passer à la suite. Le personnage de Skye m'est sympathique, mais sans plus, sauf qu'Ankthi a réussi à me fasciner. Egalement, j'adore cette relation homo-érotique que tu installes, et j'espère vraiment que ça va continuer par la suite héhé, j'aime shiper les couples lesbiens
Bref, si j'avais un regret, c'est plus au niveau du goût personnel, mais d'autres personnes te diront peut-être autre chose: la perfection, c'est pas ma tasse de thé. Ava qui est richissime, hyper belle, modeste, entourée de sylphides magnifiques, ça prend moins avec moi haha Je ne sais pas pourquoi, mais ce n'est juste pas mon truc, de même que cette amitié de film US entre Ava et Skye. MAIS, il s'agit là de goûts personnels qui n'engagent que moi, et je suis certaine que d'autres te diraient le contraire
Cora Lee
Posté le 13/10/2020
Bonjour ! Oui, je dois avouer que mes chapitres sont longs. Avant on me disait que mes chapitres étaient trop courts, mais il est possible que j'ai exagéré ^^
Alors, malheureusement, je ne peux pas trop parler du personnage de Skye, car ça sera dans les prochains chapitres.
Pour les relations, tu seras surprise, je ne peux pas en dire plus...
En tout cas, merci pour ton commentaire !
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